LE MANQUE DE COORDINATION, L’ABSENCE DE PERSONNEL ET LA FAIBLESSE DES INSTITUTIONS, RESPONSABLES DES RETARDS DANS LA MISE EN ŒUVRE DU CADRE DE LA CONSOLIDATION DE LA PAIX EN SIERRA LEONE
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Commission de consolidation de la paix
Deuxième session
Formation Sierra Leone
2e & 3e séances – matin & après-midi
LE MANQUE DE COORDINATION, L’ABSENCE DE PERSONNEL ET LA FAIBLESSE DES INSTITUTIONS, RESPONSABLES DES RETARDS DANS LA MISE EN ŒUVRE DU CADRE DE LA CONSOLIDATION DE LA PAIX EN SIERRA LEONE
Le manque de coordination entre les donateurs et de personnel qualifié ainsi que la faiblesse des institutions ont été identifiés aujourd’hui comme les principales causes de la lenteur des progrès dans la mise en œuvre du Cadre de coopération pour la consolidation de la paix*, adopté pour ce pays, en décembre 2007.
Les Ministres sierra-léonais des affaires étrangères, des finances et de l’agriculture ont en effet accepté l’invitation du Président des réunions spécifiques sur la Sierra Leone de la Commission de consolidation de la paix de tenir des consultations de haut niveau pour « mobiliser l’appui à la mise en œuvre du Cadre de coopération, explorer la possibilité de nouer de nouveaux partenariats, appuyer les initiatives existantes de consolidation de la paix et élargir la base des donateurs ».
« Trop d’acteurs, trop d’idées », a résumé le Ministre sierra-léonais des finances, qui a expliqué toute la difficulté à amener des bailleurs de fonds, qui érigent pourtant en principe le concept d’appropriation nationale, à adapter leur financement et leurs projets aux priorités du pays.
Le Ministre a dénoncé un manque de transparence dans les informations financières, les termes de l’assistance technique et les modalités de passation des marchés. Il a estimé, avec tous les participants aux consultations, que la clef du succès réside dans une plus grande conformité entre le Cadre de coopération et le Document stratégique pour la réduction de la pauvreté (DSRP). Le Ministre a d’ailleurs annoncé que la « deuxième génération » de DSRP sera disponible à la fin du mois de juin.
Pour renforcer la coordination, les partenaires au développement ont suggéré aux autorités sierra-léonaises l’adoption d’une « vision claire » et d’une approche sectorielle pour éviter les chevauchements. Le manque de personnel qualifié et la faiblesse des institutions, attribués, entre autres, au grave problème de la fuite des cerveaux, privent aussi le pays d’une bonne capacité d’absorption.
Les consultations, qui se sont ouvertes par une déclaration du Secrétaire général de l’ONU, se sont poursuivies dans le cadre de discussions sur l’emploi et l’autonomisation des jeunes, la bonne gouvernance et le renforcement des capacités, la réforme du secteur de la justice et celui de la sécurité, et le développement du secteur de l’énergie. Ces grands chapitres du Cadre de coopération ont permis aux participants de prendre toute la mesure des défis.
Ils ont souligné la nécessité de renforcer les programmes d’éducation et de formation face à une situation « explosive » où sur une population de 5 millions d’habitants, la plupart des 2 millions de jeunes sont au chômage ou sous-employés. Le Ministre sierra-léonais de l’agriculture s’est dit convaincu de la capacité d’un secteur agricole renforcé et réformé d’absorber une bonne partie de cette main-d’oeuvre. Là encore, la nécessité d’une approche sectorielle et de la désignation d’un point focal au sein du Gouvernement a été rappelée aux autorités sierra-léonaises.
Si les participants ont tous reconnu qu’en matière de gouvernance et de démocratie, la Sierra Leone est sur la bonne voie, ils ont appelé à intensifier les efforts, en particulier à la veille des élections locales, prévues en juillet 2008. Dans une Assemblée nationale où 80% des parlementaires effectuent leur premier mandat, les appels au renforcement des capacités ont été répétés. En l’occurrence, de nombreux participants ont appuyé la proposition du Secrétaire général de remplacer le Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone (BINUSIL) par un bureau pour la consolidation de la paix.
*PBC/2/SLE/1
FORMATION SIERRA LEONE
Déclarations liminaires
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a souligné que l’adoption du Cadre de coopération pour la consolidation de la paix en Sierra Leone représente un jalon dans le partenariat entre ce pays et la Commission de consolidation de la paix. Le Cadre, a-t-il commenté, indique à juste titre que la responsabilité première de la consolidation de la paix incombe aux autorités sierra-léonaises tout en soulignant la nécessité pour les Nations Unies et la communauté internationale de rester engagées en faveur du pays. Le Secrétaire général a donc espéré que les consultations de haut niveau permettront de mobiliser un engagement clair et ferme. Le soutien de l’ONU, a-t-il prévenu, sera crucial pour que la Sierra Leone puisse consolider ses « progrès impressionnants » sur le chemin de la paix. L’ONU, a promis le Secrétaire général, continuera à jouer un rôle important.
À son tour, Mme ZAINAB HAWA BAGURA, Ministre des affaires étrangères de la Sierra Leone, a indiqué que le premier défi dans la mise en œuvre du Cadre de coopération demeure le manque de ressources pour financer les cinq domaines prioritaires. La Sierra Leone, a-t-elle rappelé, a accompli de véritables progrès depuis la fin du conflit en 2005. La Ministre a cité les progrès dans la démocratisation du pays, la stabilité politique, l’émancipation économique des jeunes, les réformes judiciaires et, en matière de sécurité ainsi que le travail de la Commission de la lutte contre la corruption. Mais, a-t-elle tempéré, les problèmes bien réels sont aujourd’hui exacerbés par la crise alimentaire qui devient une véritable menace à la paix et à la sécurité. Demandant une aide urgente de la Commission, elle a assuré que son gouvernement est conscient de sa responsabilité dans la réalisation de l’autosuffisance alimentaire. « Donnez-nous votre appui financier, logistique et technique pour placer notre pays sur la rampe de lancement du développement », a insisté la Ministre, en ajoutant « faire des promesses c’est bien, mais les tenir, c’est encore mieux ».
Le Cadre de coopération doit demeurer la référence, a commenté, au nom de son Ministre des affaires étrangères, le Président des réunions spécifiques sur la Sierra Leone et Représentant permanent des Pays-Bas, M. FRANK MAJOOR. La Commission, a-t-il reconnu, est parvenue à un point de non-retour. Nous ne pouvons plus tourner le dos à la Sierra Leone, a-t-il tranché, en appelant les partenaires de développement à donner ce qu’ils peuvent, qu’il s’agisse d’une expertise technique, du partage des meilleures pratiques, d’un appui financier, d’investissements privés ou de plaidoyer. Les Pays-Bas, a-t-il rappelé, ont débloqué une somme d’environ 22 millions de dollars pour le financement du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
Son pays est sur le point, a-t-il ajouté, de faire une promesse de contributions pour plusieurs années. À ce jour, l’annulation de la dette sierra-léonaise à laquelle les Pays-Bas ont consenti s’élève à environ 43 millions de dollars. Son pays a en outre fourni des équipements de transport pour les Forces armées. Mais, a souligné le Président, c’est par le canal multilatéral que les Pays-Bas fournissent l’essentiel de l’aide. Il a cité des projets visant à faciliter le retour des réfugiés et de la diaspora pour contribuer au développement du pays. Le Président a aussi fait part des contributions financières aux fonds et programmes des Nations Unies.
M. DAVID CAREW, Ministre des finances et du développement de la Sierra Leone, a expliqué que son pays travaille avec des institutions multilatérales dont le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement (BAD) sur la base d’arrangements particuliers. Pour assurer l’harmonisation des courants d’aide, a-t-il aussi expliqué, le Gouvernement a établi un Bureau de coordination. Il a rappelé qu’en 2005, dans le cadre du Document stratégique pour la réduction de la pauvreté (DSRP), la Sierra Leone a reçu une somme totale de 630 millions de dollars dont 48% de la part des institutions multilatérales et 22% des fonds et programmes des Nations Unies. Mais, a-t-il déploré, ces courants d’aide ont été bien en-dessous des attentes. Le problème a été qu’une bonne partie de l’aide a été utilisée par les donateurs pour financer leurs propres programmes en cours, au lieu de passer par les ministères qui avaient identifié des priorités dans le DSRP.
Le Ministre a ajouté qu’il a fallu de toute urgence coordonner ces flux financiers pour éviter les gaspillages et les doubles emplois et réajuster l’aide sur les priorités de développement. C’est un exercice très difficile, a-t-il avoué, car la coordination est souvent perçue par les donateurs comme un abandon de leurs prérogatives. Les accusant d’être « jaloux des informations financières », le Ministre a dénoncé le manque de transparence, notamment dans l’octroi de l’assistance technique et les procédures d’achats. Il est important, a-t-il jugé, que les donateurs s’engagent résolument en faveur de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, en a-t-il conclu, en regrettant les maux que sont le trop grand nombre d’acteurs et d’idées, conjugués à une absence de capacités et d’un cadre de travail efficace.
Le Ministre a d’ailleurs annoncé la parution à la fin du mois de juin d’un nouveau DSRP et l’intention de son gouvernement de convoquer, à la fin de cette année, une conférence consultative avec les donateurs. Il faut à tout prix un lien entre les domaines prioritaires du Cadre de coopération et le DSRP, a-t-il ajouté, en regrettant que la mobilisation des donateurs soit compliquée par leur manque de représentation dans le pays.
Commentant ces propos, M. MANUEL LOPEZ BLANCO, Directeur chargé de la région d’Afrique de l’Ouest de la Commission européenne, a d’emblée souligné la nécessité absolue pour l’appui budgétaire que compte offrir l’Union européenne, d’un mécanisme de coordination pour donner des indications aux bailleurs de fonds et élargir l’assiette des donateurs. La condition sine qua non d’un appui budgétaire est l’existence d’un DSRP, a-t-il dit, en se félicitant de l’annonce faite par le Ministre sierra-léonais des finances. Il a aussi préconisé aux autorités du pays d’adopter une approche sectorielle pour faciliter et accélérer la réhabilitation des secteurs économiques prioritaires. Les États fragiles, a-t-il reconnu, ont de grands besoins financiers alors qu’ils doivent s’attaquer aux réformes macroéconomiques dans des pays. La Sierra Leone est en effet caractérisée par la mauvaise gouvernance, la lenteur des progrès dans la réduction de la pauvreté ou la faiblesse, voire le manque de capacités.
Le Directeur a indiqué que la Commission européenne a lancé un Programme pluriannuel « ambitieux » de 50 millions d’euros par an pour la période 2008-2012 portant principalement sur l’assainissement des finances publiques afin de parvenir à la stabilisation macroéconomique. Le Programme, a promis le Directeur, tiendra dûment compte des demandes de transparence dans l’assistance technique, de coordination améliorée et de renforcement des ressources humaines. Il a conclu en appelant la Commission à collaborer plus étroitement avec le FMI et à se mettre d’accord sur les principaux éléments de l’aide budgétaire.
À son tour, M. JAN KNUTSSON, Directeur général de la coopération au développement international du Ministère des affaires étrangères de la Suède, a promis de doubler l’aide suédoise à la Sierra Leone en 2009. Il a appuyé la proposition visant à remplacer le Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone (BINUSIL) par un bureau d’appui à la consolidation de la paix. Il a aussi appelé la Commission à impliquer davantage le FMI et la Banque mondiale à ses travaux, avant de souligner qu’il était essentiel de répondre aux problèmes de l’emploi et de l’émancipation des jeunes. Le Directeur général a également recommandé la création d’un mécanisme de financement pour canaliser les ressources, lequel, a-t-il suggéré, pourrait être lié aux secteurs prioritaires du Cadre de coopération. Un tel mécanisme serait particulièrement important pour des pays comme la Suède qui n’ont pas de représentation en Sierra Leone, a insisté le Directeur général, avant d’appeler à l’accélération de la mise en œuvre des programmes financés par le Fonds de consolidation de la paix. On ne peut plus attendre, a-t-il estimé.
Discussions sur l’emploi et l’autonomisation des jeunes
M. JOSEPH SAM SESAY, Ministre de l’agriculture, des pêches et de la sécurité alimentaire de la Sierra Leone, a indiqué qu’en la matière, l’objectif ultime est de créer une classe moyenne devenue inexistante dans le pays. Il a vu dans le secteur agricole, qui emploie la majorité de la population du pays, une occasion unique de lutter contre le chômage des jeunes tout en assurant la sécurité alimentaire. Parmi les efforts faits en ce moment, il a cité le mécanisme « emploi pour les jeunes », le programme « travail contre nourriture » et les efforts visant à renforcer leur pouvoir d’achat. Un total de 17 000 emplois a été créé dans le secteur agricole mais la faible productivité, la mauvaise qualité des intrants, le manque d’accès aux crédits, la faible mécanisation et le mauvais réseau routier font que le secteur est peu attrayant aux yeux des jeunes. Le Président a fait du développement agricole une priorité, voyant dans la crise alimentaire, une occasion d’intensifier la production rizicole. Les 14 zones représentant 140 000 hectares identifiés permettront d’augmenter cette production de 20% dans un avenir proche, a assuré le Ministre.
M. GEERT CAPPELAERE, Coordonnateur résident des Nations Unies et Représentant de l’UNICEF en Sierra Leone, a souligné que les jeunes sont un atout dont le potentiel exigera une attention à long terme et des investissements massifs. Les jeunes sont prêts, engagés et travailleurs mais nous n’avons toujours pas les outils pour canaliser ces qualités, a-t-il déploré, en reconnaissant que les 23 projets mis en route n’ont eu qu’un impact très limité. Il faut, a-t-il préconisé, une vision consolidée fondée sur des plans stratégiques et un mécanisme de coordination unique où se retrouvent tous les ministères intéressés, les donateurs, le secteur privé et les jeunes, Il faut augmenter les investissements programmatiques et engager pleinement les jeunes comme agents véritables du changement, ce qui passe par leur éducation et leur formation professionnelle. Il a par exemple félicité le Gouvernement pour avoir mis sur pied un programme d’éducation primaire de trois ans au lieu de sept.
M. OLUNIYI ROBBIN-COKER, Directeur exécutif du Forum du secteur privé de la Sierra Leone, a attiré l’attention sur une croissance sierra-léonaise qui n’a pas encore réussi à générer des emplois. Tout en plaidant pour un meilleur accès aux marchés, il a relevé le manque de capacités du secteur privé national et la nécessité d’une assistance technique sur des questions telles que les droits de propriété et les règlementations. Il a aussi relevé les questions de l’accès à la justice et aux crédits ainsi que celle du manque d’infrastructures. Au moment où se reconstruit le pays, a-t-il conclu, il est impératif que la formation des jeunes corresponde aux besoins du secteur privé.
Entamant la discussion, la représentante de la Slovénie, au nom de l’Union européenne, a estimé que tout cadre politique d’emploi des jeunes doit tenir compte des besoins particuliers des femmes et des enfants qui forment les groupes les plus vulnérables. Comme l’emploi des jeunes revient à leur offrir des chances et à les équiper des talents et des connaissances nécessaires, tout passe par de bons programmes éducatifs accessibles au plus grand nombre, a analysé à son tour la représentante, avant d’ajouter que la participation des jeunes sera très importante aux prochaines élections. La représentante du Bangladesh a exprimé la disposition de son pays à partager son expérience dans le domaine du microcrédit, avant que son homologue de l’Irlande n’indique que « Irish Aid » a versé une somme de 2,5 millions d’euros au Fonds créé pour les jeunes.
Pour faciliter la coordination, le représentant a demandé au Gouvernement de désigner un « point focal ». Il a estimé que le forum national consultatif que doit organiser le Gouvernement devrait être suivi par la mise en place d’une commission pour les jeunes. Comment le Gouvernement compte-t-il s’y prendre en l’absence d’une approche sectorielle? s’est inquiété le représentant, en appelant à une implication plus forte du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans ce domaine.
Sans les exercices de plaidoyer de la Commission, la Sierra Leone ne sera peut-être plus à l’ordre du jour de la Commission, a reconnu le représentant du Japon qui a annoncé un accroissement « modeste » de l’assistance de son pays. En vertu du concept de la sécurité humaine, le représentant a insisté sur l’assistance dans les domaines de l’eau potable, de l’éducation, de l’emploi et d’autres services de base. L’aide consiste à répondre aux besoins réels des populations et à les émanciper pour leur permettre de prendre en main le développement durable de leur société, a insisté le représentant.
Discussions sur la bonne gouvernance et le renforcement des capacités
Reprenant la parole, la Ministre des affaires étrangères de la Sierra Leone a reconnu que l’amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption est une condition sine qua non du développement. Elle a annoncé le lancement, ce matin même, d’une initiative dont l’objectif est d’améliorer les services sociaux et de renforcer la lutte contre la corruption sans mettre en péril la paix et la sécurité. La Commission de la lutte contre la corruption est désormais dotée d’un plan sur deux ans et la proposition de loi sur son fonctionnement est examinée par le Parlement. De son côté, a encore indiqué la Ministre, le Président de la Sierra Leone a présenté un programme de changement qui comprend des indicateurs de performance. Un code de conduite a été imposé à tous les membres du Gouvernement, a-t-elle aussi indiqué, en soulignant que là aussi, le défi demeure la mobilisation des ressources
M. GEBREHMEDHIN HAGOSS, Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone (BINUSIL), a souligné la nécessité d’un dialogue politique pour assurer le caractère démocratique des prochaines élections dont la première partie s’est déroulée au mois de mai dernier. Il a estimé que les préparatifs des élections locales sont sur la bonne voie grâce à une forte implication du Gouvernement et des bailleurs de fonds. Venant à la réforme du secteur public, il a attribué la faiblesse de la fonction publique au manque d’experts. L’absence de personnel qualifié, d’expertise technique et d’initiatives conjuguée à la fuite des cerveaux, complique la donne, a-t-il souligné. C’est la raison pour laquelle le PNUD a appuyé des projets visant le renforcement de la cohérence des politiques, l’inversion de la tendance à la fuite des cerveaux et le renforcement des capacités. Compte tenu des défis « énormes », a-t-il estimé, il est essentiel d’appuyer le Gouvernement dans la réalisation du DSRP, l’organisation des élections, le renforcement de l’appareil étatique et de la responsabilité horizontale et verticale. Il faut aussi aider le Gouvernement à résoudre les tensions et à renforcer sa capacité d’absorption.
M. SULIMAN BALDO, Directeur du Programme régional pour l’Afrique, a lui aussi imputé la lenteur des progrès à l’absence de stratégie sectorielle et la faible capacité d’absorption. Les conséquences de l’incapacité du Gouvernement à fournir une vision cohérente sont aggravées, a-t-il estimé, par un manque de coordination parmi les donateurs. L’absence d’un représentant spécial du Secrétaire général n’arrange pas non plus les choses, a-t-il fait observer.
Commentant ces propos, le représentant de l’Inde a souligné le fait que la gestion axée sur les résultats imposée à la Sierra Leone n’est pas une tâche facile à exécuter. Le Secrétariat de l’ONU n’a toujours pas réussi a adopté une telle gestion, a-t-il ironisé, en disant craindre que bientôt la Sierra Leone ait des leçons à donner au Secrétariat lui-même. Plus sérieusement, le représentant a indiqué que son pays était disposé à former des candidats sierra-léonais dans des domaines aussi divers que l’économie, le travail législatif ou d’autres aspects de la gouvernance. L’Organisation de la Conférence islamique (OCI) est également prête à renforcer son assistance, a affirmé le représentant du Pakistan, avant que son homologue du Chili n’annonce que son pays vient de dépêcher une mission en Sierra Leone pour évaluer les besoins en matière d’éducation. Le représentant de la Commission européenne a rappelé le déboursement d’une somme de 37 millions d’euros pour financer des projets liés au processus démocratique, à la décentralisation et au renforcement des capacités.
En octobre dernier, et en collaboration avec le BINUSIL et le PNUD, a ajouté la représentante de l’Union interparlementaire (UIP), nous avons évalué le travail du Parlement avant d’élaborer une proposition visant à renforcer ses capacités, en attendant la mise sur pied d’un programme d’assistance technique. Les bailleurs de fonds, a-t-elle dénoncé, négligent trop souvent cette branche au profit de la branche exécutive.
Discussions sur la réforme du secteur de la justice et du secteur de la sécurité
M. MARK WHITE, Conseiller pour la réforme du secteur de la sécurité du Département du développement international du Royaume-Uni, a estimé essentiel que le financement des activités en la matière, s’inscrive strictement dans les cadres définis par le Gouvernement. Pour que le secteur de la sécurité appuie les efforts de développement du Gouvernement, certains domaines prioritaires ont été identifiés, a indiqué le Conseiller, en invoquant les conclusions d’une étude menée en collaboration avec les autorités de la Sierra Leone. Il a cité le renforcement des services de renseignements qui pourraient, par exemple, appuyer le travail de la Commission de la lutte contre la corruption. Il a aussi cité les Forces armées qui pourraient appuyer le Ministère des ressources maritimes dans la prévention du pillage des côtes du pays. Le secteur de la sécurité peut jouer un rôle très important dans la gestion des frontières, a-t-il ajouté, en prévenant que toutes ces activités exigent la création d’un département spécifique au sein du Gouvernement. À plus long terme, il sera tout aussi important d’avoir un secteur d’une certaine taille car il ne serait pas sage que le Gouvernement réduise la taille de son Armée si l’économie ne peut absorber les soldats démobilisés.
Parlant du système judiciaire qui n’a pas reçu la même attention que les autres secteurs, Mme KATHLEEN CRAVERO, Directrice du Bureau de la prévention des crises et de la reconstruction du PNUD, a regretté l’approche consistant à parer au plus pressé. Depuis 2002, les efforts ont porté sur l’identification de mesures à long terme. Les dernières réformes ont porté sur le renforcement des cours et tribunaux. Il a aussi été question de désigner du personnel judiciaire pour travailler en dehors de Freetown. Du matériel de bureau et logistique a également été fournis. En outre, les efforts ont aussi été portés sur l’aide judiciaire. Mais les défis sont bien présents, a-t-elle dit. Le système judiciaire a toujours des difficultés à recruter du personnel qualifié en raison du niveau peu élevé des salaires et des conditions de travail difficile. L’accès à la justice continue d’être difficile pour le commun des mortels qui recourt plus volontiers aux instances coutumières. La capacité des forces de sécurité n’est toujours pas satisfaisante, faisant naître des doutes sur leur faculté à sécuriser la population qui garde un certain degré de méfiance à son égard.
Au nom de l’Union européenne, Mme ANITA PIPLAN, Directrice générale de la planification des politiques et des relations multilatérales de la Slovénie, a souligné l’importance du système judiciaire pour la réconciliation nationale. Elle a encouragé le Tribunal spécial pour la Sierra Leone à remplir pleinement son rôle en mettant l’accent sur ses activités de sensibilisation du public. Venant au secteur de la sécurité, elle a appuyé l’idée de faire en sorte que la réforme de ce secteur fasse intégralement partie du mandat du bureau intégré que le Secrétaire général a proposé pour remplacer le BINUSIL.
La médiation et l’arbitrage sont des techniques utiles qui peuvent faire office d’« auxiliaires » au système judiciaire, a estimé le représentant des États-Unis, en citant le cas du Cambodge. Quel rôle ces arrangements pourraient-ils jouer dans la réforme du secteur judiciaire en Sierra Leone? Ils peuvent jouer un très grand rôle, a admis la représentante du PNUD car, a-t-elle dit, il faudra du temps pour que le système formel devienne efficace et accessible au plus grand nombre. En effet, a expliqué la Ministre des affaires étrangères, la Sierra Leone a deux systèmes de justice parallèle; le système moderne et le système coutumier auquel la population, à 90% analphabète, recourt plus volontiers. Depuis plusieurs années, le Ministère de la justice essaye de combler ce fossé, ce qui exige un énorme investissement. Une partie de cet investissement devrait peut-être être affectée au renforcement des tribunaux du commerce pour normaliser le climat des affaires, a suggéré le représentant du Forum du secteur privé de la Sierra Leone.
Le Gouvernement de la Sierra Leone a d’ailleurs un plan d’investissement pour la période allant jusqu’à 2010, a rappelé le Président des réunions spécifiques sur la Sierra Leone, en attirant l’attention des donateurs sur ce document « excellent et réaliste ».
Discussions sur le développement du secteur de l’énergie
Reprenant à son tour la parole, le Ministre des finances et du développement de la Sierra Leone a d’abord présenté le tableau des mesures prises par son pays pour élargir la couverture électrique dans le pays. Il a jugé essentiel de mobiliser l’appui international à la deuxième phase du Projet Bumbuna. Nous devons aller de l’avant et assurer l’électricité nécessaire au développement de notre économie, a-t-il ajouté.
À son tour, M. ENGLIBERT GUDMUNDSSON, Représentant de la Banque mondiale en Sierra Leone, a estimé que la question énergétique est différente des autres questions dont traite la Commission de consolidation de la paix. La question est arrivée sur la table de la Commission, a-t-il rappelé, parce qu’une étude a montré que le manque d’électricité est la première cause invoquée par les employeurs potentiels pour expliquer le chômage. Les progrès enregistrés aujourd’hui ne se sont pas faits sans difficulté, a-t-il souligné, en se félicitant que la Chine ait contribué à remettre en condition une petite usine électrique qui couvre deux petites villes. Il a aussi salué le rôle d’acteurs comme l’Italie, le Royaume-Uni ou encore la Banque africaine pour le développement. Il se passe des choses mais il reste beaucoup à faire, a-t-il prévenu, en encourageant l’élaboration d’une stratégie complète pour le secteur. En la matière, il faut de toute urgence atteindre les campagnes et faciliter à long terme la création d’un système régional de production d’électricité.
Enfin, M. MANUEL LOPEZ BLANCO, Directeur pour la région de l’Afrique de l’Ouest de la Commission européenne, a quant à lui prôné l’élaboration de stratégies à moyen et à long termes dans le domaine de l’énergie. L’orientation que va donner le Gouvernement aux donateurs est aussi la clef du succès au même titre que la bonne gouvernance. La fourniture de l’énergie ne pourra être durable que si elle obéit à des règles de passation des marchés strictes et tient compte de la baisse du coût de l’énergie. La Commission européenne compte débourser une somme de 16,2 millions d’euros pour la couverture électrique et le renforcement des capacités dans ce secteur. Il a conclu en annonçant la création d’un Forum de partenariat dans le domaine de l’énergie à Freetown.
Ouvrant le débat, le représentant de l’Égypte a demandé à la Sierra Leone une liste des besoins techniques en matière d’énergie. En la matière, il ne faut pas oublier les communautés rurales car elles sont d’une importance capitale pour l’avenir, a commenté le représentant de l’Italie. L’assistance technique est en effet au cœur du problème, a reconnu le représentant de la Commission européenne, qui a estimé nécessaire que le DSRP traite de manière prioritaire de la question des capacités qui touche tous les segments de la société dont le secteur privé et la société civile. Répondant au représentant de l’Égypte, le Ministre sierra-léonais des finances, a répondu qu’une telle liste existe déjà, avant de se tourner vers l’Italie pour préciser que les dates butoirs sont toujours les mêmes. Le Projet Bumbuna, a-t-il ajouté, ne sera pas achevé tant que l’électricité ne parviendra pas à tous les consommateurs.
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