LES ACTEURS NON ÉTATIQUES ONT UN RÔLE DÉTERMINANT À JOUER DANS LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME, SELON PLUSIEURS RAPPORTEURS ET REPRÉSENTANTS SPÉCIAUX
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Troisième Commission
26e & 27e séances – matin et après-midi
LES ACTEURS NON ÉTATIQUES ONT UN RÔLE DÉTERMINANT À JOUER DANS LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME, SELON PLUSIEURS RAPPORTEURS ET REPRÉSENTANTS SPÉCIAUX
La Troisième Commission examine les questions relatives aux droits des personnes déplacées, au développement, à la santé, à l’alimentation et aux effets de la dette
Plusieurs titulaires de mandats spéciaux entendus ce lundi par la Troisième Commission (affaires sociales, humanitaires et culturelles) ont mis en exergue les responsabilités qui incombent à divers acteurs non étatiques en matière de promotion et de protection des droits de l’homme.
Tout en reconfirmant la responsabilité première des États dans la garantie de ces droits, les titulaires de mandats sur le droit au développement, à l’alimentation, à la santé, aux effets de la dette et aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, ont déclaré que les entreprises et les organisations internationales financières et entre autres, avaient également un rôle déterminant à jouer à cet égard.
Le déni quotidien et massif du droit à l’alimentation émane non pas de la quantité insuffisante de nourriture produite mais d’un système de production dont les limites sont désormais claires, a constaté le nouveau Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, M. Olivier de Schutter, qui a souligné le rôle de la spéculation dans la hausse brutale des prix mondiaux des produits alimentaires depuis 2007. De ce fait, les ménages, en particulier les plus pauvres, ont dû changer leur régime alimentaire en consommant des aliments moins nutritifs et des problèmes tels que la malnutrition chez les enfants et les femmes enceintes se sont aggravés. M. de Schutter a invité à aider les cultivateurs en renforçant notamment leur capacité de production et en les protégeant des conséquences de la volatilité des prix internationaux et des risques d’une concurrence inéquitable de la part des producteurs agricoles des pays industrialisés et des grandes sociétés alimentaires. Les pauvres des zones urbaines devraient, quant à eux, être protégés par des filets de sécurité et par des programmes « espèces contre travail » ou « nourriture contre travail », a-t-il encore préconisé.
Pour sa part, le Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, M. Anand Grover, a estimé que les pratiques des compagnies pharmaceutiques, par des prix très élevés et des recherches menées de façon inégale sur telle ou telle maladie, entravent les possibilités d’un meilleur accès aux médicaments. Ces pratiques doivent être combattues d’urgence, en conformité avec l’Objectif du Millénaire pour le développement nº8, qui prône un partenariat global pour le développement, a encore indiqué le Rapporteur spécial. Les compagnies pharmaceutiques sont tenues d’être plus sensibles aux besoins des plus pauvres et d’agir dans la transparence, et de ne pas faire campagne en faveur du renforcement de la propriété intellectuelle au-delà de ce qui existe déjà, a préconisé M. Grover.
M. John Ruggie, Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, s’est réjoui qu’en juin 2008, le Conseil des droits de l’homme ait approuvé le cadre stratégique de « protection, de respect et de redressement » proposé dans son dernier rapport en vue d’une transition des entreprises vers un agenda respectueux des droits de l’homme. Selon lui, les entreprises peuvent aussi faire leur part pour répondre aux attentes sociales. Il a annoncé que pour mieux réfléchir à cette question, il a créé un Groupe consultatif de personnalités éminentes dans lequel figurent notamment Mary Robinson et Kofi Annan. Ces personnalités lui dispenseront des conseils sur des sujets liés à la responsabilité des entreprises en matière des droits de l’homme et aux recherches nécessaires pour aligner le droit des entreprises avec les instruments relatifs aux droits de l’homme.
Dans le même ordre d’idées, M. Arjun Sengupta, Président du Groupe de travail sur le droit au développement, a remarqué que l’on s’accorde de plus en plus à penser que des acteurs autres que les États, notamment les organismes internationaux de développement, de commerce et de financement et les sociétés privées, sont également parties prenantes dans la responsabilité partagée de la réalisation effective des droits de l’homme pour tous. M. Sengupta a indiqué que les thèmes de l’élimination de la dette et du transfert de technologie font partie de la troisième phase (2009-2010) de la feuille de route de l’Équipe spéciale de haut niveau sur la mise en œuvre du droit au développement. De l’avis du Président du Groupe de travail, cela pourra se faire en encourageant le dialogue entre les institutions responsables de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), de l’Initiative d'allégement de la dette multilatérale (MDRI), ainsi que d’autres initiatives.
Les besoins des populations et la manière d’y répondre de façon plus systématique, en tenant compte de la dimension des droits de l’homme, ont été au centre des préoccupations de l’Expert indépendant sur les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels, M. Cephas Lumina. Celui-ci a en effetdéploré que l’accent soit encore mis de façon disproportionnée sur les besoins des créanciers, au détriment de ceux des populations des pays endettés. M.
Lumina a invité les créanciers et les débiteurs à résoudre, ensemble, les problèmes posés par la dette, seul moyen selon lui d’éviter une crise majeure.
Abordant l’un des défis posés au développement par les situations d’urgence dues aux conflits ou aux catastrophes naturelles, M. Walter Kälin, Représentant du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leurs propre pays,a lancé pour sa part un appel aux gouvernements confrontés à ce problème en vue de l’adoption d’une législation spécifique ou de l’amendement de leur législation, de sorte à protéger ou à assister les personnes déplacées en vertu des normes établies par les Principes directeurs de 1998, désormais traduits en 40 langues, et qui mettent l’accent sur l’importance et l’indissociabilité de toutes les catégories des droits de l’homme, y compris les droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels.
La Troisième Commission reprendra ses travaux demain mardi 28 octobre à 10 heures du matin.
QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME
Exposés et dialogues
Droit au développement/Droit à l’alimentation
M. ARJUN SENGPUTA, Président du Groupe de travail sur le droit au développement, a déclaré qu’en 2007, le Groupe de travail était parvenu à dégager de ses travaux, un consensus autour d’un plan en trois phases. Il s’agit d’approfondir progressivement la définition des critères entrant en ligne de compte dans le droit au développement, de les appliquer dans le cadre de partenariats internationaux élargis, et enfin de s’assurer qu’ils couvrent l’ensemble des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Notre consensus porte également sur la possibilité d’aboutir à un document international contraignant au terme d’un processus de coopération, a ajouté le Président du Groupe de travail. En 2008, grâce à notre ténacité, les membres du Groupe de travail sont parvenus à un nouveau consensus dont nous pouvons êtres fiers, a poursuivi le Président du Groupe de travail. Le Conseil des droits de l’homme s’est mis d’accord sur une résolution le mois dernier dans laquelle le droit au développement est élevé au niveau de tous les droits de l’homme et libertés fondamentales.
Le Conseil des droits de l’homme a également exprimé son soutien aux conclusions de notre neuvième session, et notamment du paragraphe 43 portant sur un plan fondamental qu’il s’agira de mettre en œuvre dans les deux prochaines années. Le Groupe de travail formule également divers conseils à l’Équipe spéciale de haut niveau sur la réalisation du droit au développement. Il lui recommande notamment de tester en priorité les critères à la lumière des leçons du passé, et de prendre en compte les textes internationaux existants. Mais l’Équipe spéciale devra aussi analyser rigoureusement les critères retenus et fournir des outils empiriques aux partenaires concernés. La priorité devrait être donnée aux questions sanitaires et à l’accès aux médicaments, a indiqué le Président du Groupe de travail. Plus tard, dans une nouvelle phase, l’Équipe spéciale pourra s’atteler à la problématique du transfert de technologie et à l’allégement de la dette. Partant de ces recommandations, le Conseil des droits de l’homme a d’ailleurs apporté son soutien au Groupe de travail dont le mandat pourra être étendu, de même que celui de l’Équipe spéciale, jusqu’à la onzième session du Groupe de travail en 2010, a encore indiqué le Président. La tâche que nous accomplissons nécessite du temps, des engagements politiques déterminés de la part des États, des experts et des institutions partenaires, a conclu le Président du Groupe de travail.
Suite à la déclaration liminaire du Président du groupe de travail, plusieurs délégations dont celles de Cuba, du Soudan et du Brésil ont exprimé un certain nombre de remarques, notamment sur les liens entre droit au développement et application des droits de l’homme, des liens jugés cruciaux notamment dans les pays du Sud. La délégation des États-Unis a constaté que le Groupe de travail se penchait actuellement sur les moyens qui permettraient de réaliser un droit au développement, moyens non imposés mais fondés sur la coopération. La contribution des États-Unis à la coopération pour le développement est déjà énorme, a dit le représentant de ce pays, qui a rejeté l’idée d’un instrument contraignant en la matière.
En réponse aux interventions des délégations, le Président du Groupe de travail a souhaité que tous les droits fondamentaux de l’homme puissent être reconnus dans des instruments contraignants. Pour lui, cela ne peut se faire qu’au terme d’un long processus, après que l’on ait jugé notamment de l’efficacité des critères retenus. Notre travail est innovant et très complexe, a dit le Président du Groupe de travail. Le travail en cours depuis longtemps nous permet d’avoir une idée précise de la définition du droit au développement et nous en sommes à l’élaboration de critères dont il faudra vérifier l’application. Une troisième étape consistera ensuite à mettre ces critères à l’épreuve, notamment en déclarant que le droit au développement ne peut se faire que grâce au partenariat international. Dans les deux prochaines années, nous allons travailler sur ces partenariats, notamment avec le Mercosur, a précisé le Président du Groupe de travail. Quand nos critères seront finalisés, a—t-il poursuivi, j’ai l’espoir que la communauté internationale reconnaîtra le droit au développement. Le moment viendra pour un débat qui aboutira au consensus international, a prédit le Président du Groupe de travail, tout en estimant qu’il ne fallait pas « mettre la charrue avant les bœufs ».
Plusieurs conférences internationales devront avoir lieu, les universitaires s’intéressent déjà de plus en plus aux critères en vue d’élaborer un traité juridique, a estimé le Président. Le droit au développement nécessitera le concours de tous les États du monde chargés d’établir un système de coopération efficace en vue du droit au développement. Pour le Président, la question de la pertinence d’un traité contraignant ne s’est pas encore réellement posé. La contribution des États-Unis aux pays en développement est énorme, a déclaré le Président du groupe de travail, selon lequel l’objectif de sa mission est d’ajouter une valeur supplémentaire aux processus déjà existants. Il a souhaité que l’administration des États-Unis évolue progressivement dans son appréciation de la situation, jusqu’à reconnaître qu’il faut passer à un instrument chargé de veiller à la mise en œuvre de la coopération internationale.
M. OLIVIER DE SCHUTTER, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, a d’emblée déclaré que la faim a atteint des niveaux alarmants dans le monde. Les prix des denrées alimentaires ont baissé depuis l’envolée de juin 2008, lorsque les prix étaient de 64% supérieurs à ceux de 2002. Cependant, les prix battent encore des records sur les marchés nationaux et dans de nombreux pays, en particulier dans les pays en développement importateurs de denrées alimentaires. L’augmentation brutale des prix en 2007 et au cours de la première moitié de 2008 a laissé des traces sérieuses dans les ménages pauvres qui ont réduit la quantité de nourriture qu’ils consomment. Les familles pauvres ont modifié leur régime alimentaire et se nourrissent d’aliments qui ne contiennent pas les éléments nutritifs indispensables au développement des enfants. Suite à cette crise, 100 millions de personnes de plus ont basculé dans l’extrême pauvreté. Au moins 925 millions ont faim dans le monde actuellement, par rapport à 848 millions dans la période 2003-2005. M. de Schutter a indiqué qu’en conséquence, les progrès accomplis dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement sont menacés dans toutes les régions du monde.
Pourtant, si on effectue les bons choix, ce choc pourrait s’avérer salutaire car il offre aux gouvernements et aux agences internationales l’occasion de tirer des enseignements de cette situation. Cette crise a démontré qu’il ne faut pas confondre la lutte contre la faim et celle visant à augmenter le volume de la production.
M. de Schutter a rappelé qu’il a pris ses fonctions le 1er mai 2008 et a lancé un certain nombre d’initiatives tendant à trouver des réponses sur le droit à l’alimentation, qui est, a-t-il souligné, un droit de l’homme fondamental. Dans cette optique, les gouvernements se doivent de prendre en considération les besoins des personnes les plus vulnérables. Il est possible de trouver des solutions appuyant les petits paysans dans les zones rurales et les pauvres dans le milieu urbain. Il faudrait aider les paysans par un renforcement de leur capacité de production tout en les protégeant des conséquences de la volatilité des prix internationaux et des risques d’une concurrence inéquitable de la part des producteurs agricoles des pays industrialisés; par un renforcement de leur capacité de négocier les prix avec les grandes sociétés agro-alimentaires; en favorisant des formes de production agricoles plus rationnellement écologiques; et par l’utilisation d’outils moins dépendants des prix du pétrole ou des attentes de sociétés détenant un droit de propriété intellectuelle sur les semences.
Les pauvres des zones urbaines devraient être protégés par des filets de sécurité et par des programmes « espèces contre travail » ou « nourriture contre travail », a préconisé le rapporteur spécial. Il a précisé que le déni quotidien et massif du droit à l’alimentation émane non pas d’une quantité insuffisante de nourriture produite mais d’un système de production dont les limites sont désormais claires. Les implications institutionnelles de la reconnaissance du droit à l’alimentation en tant que droit de l’homme, inscrit dans le droit international, peuvent offrir une contribution déterminante pour la lutte contre la faim, en favorisant l’établissement de mécanismes de recours contre les gouvernements qui négligent/ignorent leurs obligations. Cela pourrait se faire par un renforcement des droits des utilisateurs des terres ou du droit des femmes à l’accès aux ressources de production sur un pied d’égalité, ou par une affirmation des responsabilités des sociétés à respecter le droit à l’alimentation, a précisé M. de Schutter
Le droit à l’alimentation exige une coordination des initiatives à tous les niveaux, a insisté le Rapporteur, en soulignant le caractère interdépendant de telles initiatives et la nécessité de réformes. Dans ce contexte, il a proposé la révision de la Convention de 1967 relative à l’aide alimentaire (FAC), renouvelée en 1999, qui offre selon lui une occasion unique de redéfinition des paramètres de la manière dont l’assistance alimentaire doit être conçue afin de contribuer à la réalisation du droit au développement autrement que par des gestes humanitaires. Il a présenté en détail les révisions susceptibles d’être apportées à cet instrument en vue de mieux coordonner l’action de tous les intervenants. L’objectif final serait de mieux prévoir cette assistance et d’éviter les risques susceptibles de faire que l’aide perturbe la production locale ou régionale. Il a annoncé qu’il présentera, en mars prochain, au Conseil des droits de l’homme un rapport de sa mission à l’Organisation mondiale du commerce. Ce rapport sera axé sur les mesures adoptées au niveau international (notamment sur les futurs accords conclus dans le cadre de l’OMC) et au niveau national et sur la manière dont le commerce agricole peut contribuer à la jouissance du droit à l’alimentation. Il a fait la distinction entre une telle approche et celle qui consiste à garantir une plus forte production alimentaire.
Il a mis l’accent sur la propriété intellectuelle en matière agricole et a fait part de sa préoccupation devant le fait que des pays en développement aient fait l’objet de pressions en vue de l’adoption d’une législation en vertu de la version de 1991 de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, en particulier dans le cadre des accords commerciaux qu’ils concluent ou à travers des pressions pour la fourniture d’une assistance technique. Il a mis en garde contre la tendance à la concentration du droit sur les variétés des plantes dans des sociétés qui font payer aux agriculteurs des prix élevés pour avoir accès à de telles plantes. M. de Schutter a appelé à un débat ouvert dans toutes les régions sur le secteur de l’agrobusiness.
Plusieurs délégations, dont celle de la Malaisie, se sont intéressées aux moyens de contrer l’impact de la volatilité des prix des produits alimentaires sur le droit à l’alimentation. S’associant pour sa part à cette question, le délégué de la France, au nom de l’Union européenne, a mis l’accent sur la nature complexe de la crise alimentaire qui rappelle l’interdépendance des droits de l’homme, y compris celui à l’alimentation. Dans ce contexte, l’Union européenne apprécie l’approche holistique reflétée dans le rapport de M. de Schutter. Dans une deuxième question, le délégué français a demandé quelles démarches les institutions internationales peuvent entreprendre pour renforcer le droit des femmes à une alimentation adéquate. Il a encore prié le Rapporteur spécial de lui fournir des exemples de meilleures pratiques adaptées aux exigences de la sécurité alimentaire que le Rapporteur pourrait proposer à ce stade. De son côté, le représentant de Cuba a souhaité plus d’informations sur le lien entre la protection de la propriété intellectuelle et l’impact sur la réalisation des droits des hommes, femmes et enfants à l’alimentation. Il a aussi voulu obtenir des précisions sur les projets du Rapporteur dans ses recherches à l’OMC. La déléguée de la Chine a mis l’accent sur la nécessité de créer un environnement favorable pour faire face à la crise alimentaire actuelle et a évoqué les difficultés des pays en développement qui pratiquent une monoculture et dont les cultivateurs sont profondément affectés par la crise. Elle a demandé au Rapporteur de préciser comment augmenter la productivité dans ces conditions.
Dans une intervention axée sur la description des initiatives récentes de son pays pour garantir une vie exempte de faim pour tous les habitants, le délégué du Venezuela a fait état de l’adoption de cinq nouveaux instruments visant au renforcement de la protection du droit à l’alimentation. Il a fait allusion aux divers accords régionaux en Amérique latine visant à une responsabilisation accrue des États en matière de droit inaliénable à l’alimentation. La délégation des États-Unis, tout en manifestant son accord avec le Rapporteur spécial sur la nécessité d’une amélioration des conditions de vie des millions d’être humains, s’est opposée à certaines idées et propositions du Rapporteur, qu’elle a estimées pas très saines, notamment celles envisagées touchant le libre-échange des produits agricoles. Selon elle, certaines risquent de dénaturer le marché et de ralentir la productivité.
Dans la première partie de ses réponses, le Rapporteur spécial a estimé que la solution la plus simple sur les plans technique et politique à la volatilité des prix serait que les États constituent des réserves alimentaires et de mettre les produits sur le marché en cas de crise qui pourrait fortement affecter la population. Il a fait mention de l’existence de telles pratiques qui ont été démantelées dans les années 1980-1990. Les pays importateurs et exportateurs de produits alimentaires doivent être mieux coordonnés et surtout avoir une éthique au nom de laquelle ils s’abstiendraient de la spéculation en particulier.
Les femmes trop souvent subissent encore des discriminations notamment en Asie du Sud, ce qui les empêche de participer à la prise de décisions dans le domaine de l’agriculture où pourtant elles jouent un rôle majeur, a dit le Rapporteur spécial. Par exemple lorsque l’époux décède, une femme n’a pas le droit d’hériter de la parcelle de terre qu’elle cultive pourtant. Sur le sujet de la gouvernance responsable au plan national, il a déclaré qu’il existe de bonnes pratiques et des directives de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), adoptées en novembre 2004 qui ne sont certes pas juridiquement contraignantes mais qui vont dans le bon sens et sont fondées sur l’expérience de certains États. Des pays comme le Brésil, la Bolivie et le Guatemala ont fait un bon travail dans ce sens et la liste n’est pas exhaustive, a précisé M. de Schutter. En réponse à Cuba, il a appuyé les négociations commerciales et la nécessité d’un respect plus accru par les organisations commerciales du droit à l’alimentation. L’augmentation des prix empêche une partie de la population des pays en développement d’acheter les produits alimentaires. Donc, il faut penser à des solutions et des accords qui reposent sur le respect du droit à l’alimentation, a suggéré le Rapporteur spécial, qui a informé qu’il a eu des échanges avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Nous voulons tous trouver des solutions viables et dans les consultations, la Banque mondiale et le FMI sont impliqués et continueront à l’être, a-t-il assuré. Il a affirmé que la pratique de l’assistance alimentaire pour se débarrasser des surplus est une pratique du passé et ne se justifie que par elle-même.
Dans une deuxième série de questions, la Suisse a abordé la question du droit à la terre qui est insuffisamment protégé. Il a prié le Rapporteur d’être plus concret sur ce qu’il comptait faire dans ce domaine et quels sont ses objectifs dans ce cadre. La représentante du Brésil a souhaité entre autres que le Rapporteur spécial accorde plus d’importance à la question des subventions agricoles et à ceux qui en bénéficient. Elle a relevé que M. de Schutter n’a pas parlé suffisamment des subventions appliquées à l’agriculture et a souhaité, d’autre part, avoir plus d’informations sur l’utilisation des biocarburants.
Le représentant du Royaume-Uni a appuyé l’idée d’une approche à long terme pour résoudre les problèmes qui débouchent sur la faim. Étant donné la croissance des pénuries alimentaires au Zimbabwe, elle a demandé au Rapporteur ce qu’il a fait ou compte faire pour aider ce pays. La déléguée de l’Irlande a dit que son pays est déterminé à s’attaquer aux causes de la crise alimentaire et de la faim, surtout à la lumière de l’histoire nationale. L’Observateur de la Palestine a fait référence au siège conduit par Israël à Gaza où 1,5 million de personnes sont dans une prison à ciel ouvert et 40% des enfants et 20% des femmes enceintes souffrent d’anémie ou de malnutrition. Il a décrit comment les Palestiniens, n’ayant pas accès à leurs terres arables occupées par Israël, sont forcés d’acheter des produits alimentaires de l’occupant à des prix exorbitants. Il a demandé au Rapporteur s’il comptait se rendre à nouveau dans le Territoire palestinien occupé et quelles mesures peuvent être prises pour contraindre Israël à veiller au bien-être de la population civile. La Belgique, quant à elle, s’est enquise de la façon dont on pourrait calibrer l’impact du facteur de la dette publique sur la crise alimentaire et sur la réalisation du droit à l’alimentation.
Dans la deuxième partie de ses réponses, M. de Schutter a déclaré qu’il travaillera avec les rapporteurs spéciaux sur le droit au logement et sur les droits des populations autochtones en ce qui concerne les droits fonciers. La sécurité foncière doit être renforcée pour ceux qui cultivent la terre et qui n’ont pas de titres légaux. Il a recommandé de faire progresser la réforme agraire pour améliorer l’accès des pauvres aux ressources. Il a souligné qu’ils utiliseront en cela les directives du Conseil des droits de l’homme sur l’autonomisation des pauvres. À la Suisse, il a répondu qu’il présentera un document de base sur la réaction des États à la crise alimentaire et présentera un rapport au Conseil des droits de l’homme en 2009. La question des subventions agricoles ne tient pas uniquement à leur existence. Le problème est que de telles subventions ne bénéficient pas à tous les agriculteurs du monde. Nous devons faire en sorte que cette pratique soit bénéfique pour tous car il s’agit davantage d’un problème de concurrence que de mauvaise pratique.
Les biocarburants peuvent avoir un impact négatif sur l’environnement, a poursuivi le Rapporteur spécial. Dans de nombreux cas, leur utilisation a eu des conséquences dévastatrices sur les terres et a mené, notamment, à une déforestation massive. Il a déclaré qu’il réfléchira à ce qui pourrait être proposé au Zimbabwe et a précisé qu’il lui sera difficile de s’y rendre en raison de la situation actuelle. Le Rapporteur spécial a assuré l’Observateur de la Palestine qu’il connaissait la situation de siège dans le Territoire palestinien occupé où il s’est rendu avec plusieurs autres rapporteurs, que cette question était très préoccupante et qu’elle demandait réflexion et action. Par ailleurs, il a estimé troublant de voir qu’alors que l’agriculture est l’un des secteurs qui aurait le plus besoin d’un appui public, les investissements dans le secteur agricole sont en déclin depuis les années 80. C’est donc un défi très important à relever, a souligné M. de Schutter, en concluant que les dollars investis dans l’agriculture sont les dollars les plus productifs, selon des conclusions de la Banque mondiale.
M. CEPHAS LUMINA, Expert indépendant sur les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels, qui a entamé son mandat en juin, a défini les grandes lignes de sa mission. Il a fait part de son intention de consulter et de coopérer autant que possible avec un grand nombre d’États parties au Pacte relatif à ces droits et de partenaires actifs. Il s’est dit conscient également que l’impératif de traiter les effets de la dette extérieure et d’autres obligations financières connexes, relève de la coopération internationale, et a signalé qu’il ne fallait pas perdre de vue cependant que d’autres acteurs tels que les institutions du développement, du commerce ou de la finance, ont également des devoirs en matière de dette.
De son point de vue, son travail consiste également à sensibiliser toujours davantage l’opinion au fait que le problème de la dette est lié à la question des droits de l’homme. Il a proposé dans ce cadre, qu’une étude sur les liens entre dette extérieure et des droits de l’homme soit menée en vue de clarifier certains problèmes conceptuels. À son avis, les conclusions de cette étude pourraient permettre de rallier le soutien des États réticents jusqu’ici à appuyer son mandant.
Évoquant ensuite les disparités observées dans les schémas de vote sur le mandat, entre pays développés et pays en développement, il s’est félicité que tous les membres du Conseil des droits de l’homme aient entrepris de défendre les normes les plus élevées en matière de droits de l’homme. Il s’est dit impatient de travailler avec tous les États et les a incités à traiter les droits de l’homme de façon exhaustive, y compris donc sous l’angle de la dette.
Il a regretté que les détournements de ressources publiques déjà rares dans certains pays les placent dans une position difficile, les conduisant à dépenser chaque année davantage pour les services de dette extérieure plutôt que pour assurer une meilleure santé à leurs concitoyens. Compte tenu de l’impact du remboursement de la dette sur la distribution des ressources dans le budget, il semble approprié que le Conseil des droits de l’homme continue de se préoccuper de ces questions, a jugé l’expert indépendant. Il s’agit là, selon lui, d’un élément essentiel pour la réalisation de tous les droits de l’homme.
Un ordre international caractérisé par la dette extrême des pays en développement constitue une inaptitude à relever les défis des droits de l’homme et va à l’encontre des idéaux de la Charte et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, a encore ajouté l’expert indépendant. Il a souhaité que les États manifestent leur soutien à son mandat en apportant les ressources extrabudgétaires indispensables à la rédaction d’une étude thématique évoquée plus haut et à la tenue de consultations régionales sur le projet des principes directeurs généraux qu’il doit élaborer, principes auxquels les États et les établissements financiers devraient se conformer lors de la mise en place des programmes de remboursement.
Les délégations ont ensuite posé des questions et adressé leurs remarques à M. Cephas Lumina, concentrant essentiellement leurs interventions sur les effets de la crise financière actuelle sur la dette extérieure, et donc sur la pleine application des droits de l’homme, à l’instar de Cuba. Les délégations de la Chine et du Koweït ont voulu savoir comment la coopération entre les créditeurs et les créanciers devait être abordée du point de vue de l’expert indépendant. Pour la délégation des États-Unis, ces questions relatives à la dette devraient être retirées de l’ordre du jour des organes des droits de l’homme, pour être confiées par exemple à la Deuxième Commission de l’Assemblée générale.
En réponse aux délégations, l’expert indépendant a évoqué les directives adressées par son prédécesseur au Conseil des droits de l’homme, s’agissant notamment de la bonne gouvernance et de la durabilité de la dette. Sur ce dernier point, il a considéré que l’accent était mis de façon disproportionnée sur les besoins des créanciers, en dépit des besoins des êtres humains. Il a souhaité que l’impact sur les droits des populations d’une dette qui perdure soit pris en compte. Selon lui, ce problème peut être exclusivement traité de manière économique. De son point de vue, il importe d’amener les créanciers et les débiteurs à travailler ensemble pour éviter une situation de crise due à la dette. Pour ce faire, tous les États Membres devraient appuyer ce mandat et échanger leurs idées sur la version définitive des principes directeurs qu’il doit mettre à jour. Il a, pour finir, confirmé la publication imminente de ce projet rédigé par son prédécesseur et a souhaité qu’après examen, les États Membres y apportent leurs remarques.
Droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays
M. WALTER KÄLIN, Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, a déclaré que 60 ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme, beaucoup trop de personnes aujourd’hui ne jouissent pas pleinement de leurs droits fondamentaux. Parmi les plus vulnérables figurent les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Jusqu’au début des années 1990, leur sort était largement méconnu, elles n’avaient ni voix ni défenseurs et leur statut n’était pas clairement défini. Il a rappelé que son prédécesseur, M. Francis Deng, avait présenté en 1998 à l’ancienne Commission des droits de l’homme les Principes directeurs sur les personnes déplacées à l’intérieur. À l’instar de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les Principes directeurs abordent les droits de l’homme de manière exhaustive en mettant l’accent sur l’importance et l’indissociabilité de toutes les catégories des droits de l’homme, y compris les droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels.
Il a indiqué qu’il y a 10 jours, la communauté internationale a fait le point sur les progrès accomplis ces dernières décennies à l’occasion d’une conférence internationale de haut niveau accueillie par le Gouvernement norvégien à Oslo. Énumérant les progrès constatés, il a cité l’autonomisation des personnes déplacées dans leur propre pays de par le monde, grâce entre autres à la traduction des Principes directeurs en 40 langues et à leur incessante promotion par de nombreux acteurs, y compris parmi les ONG et la société civile. En guise d’anecdote, il a décrit une situation survenue lors d’une de ses visites dans un camp de déplacés dans le nord de l’Ouganda; lorsqu’un leader des déplacés s’est mis debout et a parlé en faveur des droits de sa communauté en tenant une copie des Principes directeurs dans sa main. En deuxième lieu, les Principes directeurs ont sensibilisé les gouvernements à leurs responsabilités vis-à-vis des déplacés et les a aidés à mettre en œuvre ces Principes. Il s’est réjoui que de nombreux gouvernements considèrent les Principes directeurs comme un outil utile dans l’élaboration de lois ou de politiques nationales relatives aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays.
Quinze pays ont d’ores et déjà adopté des politiques ou des législations traitant de façon spécifique du déplacement à l’intérieur et M. Kälin a apporté son aide technique à certains d’entre eux. Il a néanmoins jugé le nombre de ces pays insuffisant car à l’heure actuelle plus de 50 pays vivent des situations de déplacement à cause de conflit, et beaucoup d’autres connaissent des déplacements à l’issue de catastrophes naturelles. Il a en conséquence lancé un appel aux gouvernements confrontés au déplacement intérieur en vue de l’adoption d’une législation spécifique ou de l’amendement de leur législation, de sorte à protéger ou à assister les personnes déplacées en vertu des normes établies par les Principes directeurs. En troisième lieu, les Principes directeurs sensibilisent davantage les organisations régionales à leurs responsabilités quant aux problèmes auxquels sont confrontés les pays dans leur région. Il a souligné que les organisations régionales jouent un rôle déterminant dans l’adoption d’instruments régionaux sur le déplacement à l’intérieur. Quatrièmement, les Principes directeurs soutiennent le travail des organismes humanitaires internationaux tant pendant les situations d’urgence que durant la période de rétablissement et de reconstruction. En cinquième lieu, ces Principes se sont avérés utiles pour répondre aux besoins de protection des personnes déplacées dans leur propre pays par des catastrophes naturelles. En termes quantitatifs, ce type de catastrophes est la principale cause de déplacements de nos jours et en raison des effets des changements climatiques, l’ampleur de ce problème ira probablement en s’aggravant, a prévenu le Représentant spécial.
En dernier lieu, les Principes directeurs offrent une base utile aux processus de paix et à l’édification des capacités. Parlant des situations de pays, il a décrit la sombre réalité des déplacés internes au Sri Lanka et s’est déclaré satisfait du dialogue qu’il a eu avec le Gouvernement. Il a espéré que des solutions durables seront trouvées pour les personnes déplacées dans le Vanni et s’est déclaré profondément inquiet devant l’impact des hostilités en cours, en particulier sur environ 200 000 personnes déplacées en raison de la difficulté de l’accès aux zones de conflit. Lors de sa visite dans la partie orientale de la République démocratique du Congo en février, la Conférence pour la paix, la sécurité et le développement au Nord et Sud-Kivu tenue en janvier 2008 à Goma, offrait une réelle occasion pour une stabilité mais il est consternant d’observer que la situation au Nord-Kivu s’est détériorée, a-t-il dit.
La Suisse a demandé au Représentant du Secrétaire général quels sont les principaux défis rencontrés dans l’accomplissement de son mandat. L’accès humanitaire à la population civile et notamment aux déplacés internes est un problème, quels sont les moyens pour garantir l’accès des agences humanitaires à ces populations. Le Canada, après avoir fait part de plusieurs préoccupations face à divers problèmes posés aux personnes déplacées à l’intérieur, a assuré du soutien de son pays en leur faveur. Sa représentante a souhaité des informations sur le retour et la liberté de choix des personnes déplacées à l’intérieur. La France, au nom de l’Union européenne, a relevé la collaboration étroite du Représentant spécial avec la Commission de consolidation de la paix (CCP) et a demandé en quoi elle consiste et comment la renforcer. Que suggère-t-il pour renforcer le document des Principes directeurs? Quelles mesures pour garantir un choix libre et éclairé des personnes déplacées?
Le Burundi, évoquant le débat au sein de la Commission de la consolidation de la paix, a cherché à connaître les impressions de M. Kälin sur le rythme de décaissement des fonds alloués aux personnes déplacées et en corollaire, a voulu savoir quelles mesures il pense prendre pour éviter cette dichotomie qui entrave les efforts visant à aider cette population vulnérable. L’Azerbaïdjan a considéré que les visites de pays du Représentant du Secrétaire général sont utiles, ainsi que son dialogue avec les acteurs pertinents, y compris les Nations Unies et les agences régionales. Il a souhaité qu’elles se poursuivent et qu’elles incluent l’Organisation international pour les migrations. Sur le rapport concernant son pays, il s’est félicité des débats avec M. Kälin lors de sa visite et a assuré que son gouvernement prend ses responsabilités au sérieux pour relever les défis et atténuer les souffrances des déplacés. Les camps ont été fermés et leurs occupants réinstallés dans des logements plus dignes. Le programme de retour a démarré et celui d’installations de centres urbains pour les déplacés est en cours de mise en œuvre. Il a indiqué que le plan national prévoit des solutions pour améliorer les conditions de vie des citoyens qui, à cause d’une occupation étrangère, sont devenus des déplacés dans leur propre pays. Le Kenya, qui vit depuis des décennies le phénomène des personnes déplacées, avec des coûts exorbitants pour le Gouvernement, a indiqué que cette situation a été aggravée par la situation de violence massive survenue au lendemain des élections, ce qui a donné lieu à des déplacements à l’intérieur. Dans ce contexte, il a enfin parlé du processus de réconciliation politique et juridique en cours dans son pays. Le Sri Lanka a évoqué les nouveaux déplacements à l’intérieur suite aux hostilités en cours et a affirmé que le Gouvernement continue à agir en faveur des déplacés internes avec l’aide des agences des Nations Unies et d’autres partenaires humanitaires. Ceci se fait malgré les agissements du groupe terroriste dans le nord, a-t-il précisé.
Répondant à ces commentaires et questions, M. KÄLIN a affirmé qu’étant donné que les Principes sont un document non contraignant –il faut les incorporer dans les lois et politiques nationales. Il a trouvé très encourageants les récents événements en Afrique avec le Protocole de protection dans la région des Grands Lacs notamment. Ceci n’est pas suffisant car il faut une volonté politique pour mettre réellement en œuvre les Principes directeurs, a-t-il indiqué. Le deuxième élément est la capacité de mettre tous ces principes en œuvre, avec l’appui des bailleurs de fonds. Concernant l’accès des agences humanitaires, il a recommandé de se pencher sur les raisons réelles. Parfois, c’est un problème de logistique ou de manque de moyens ou de sécurité. Il faut négocier avec toutes les parties au conflit pour obtenir cet accès et parfois les gouvernements sont réticents à un tel dialogue. Enfin, il y a les cas les plus difficiles où il n’y a pas moyen d’avoir accès et ce, en raison d’absence de volonté politique. La communauté internationale doit alors être ferme pour obtenir la protection et l’accès aux victimes du conflit ou autre. Il a souhaité visiter ou revisiter certains pays qui sont sur la liste de la Commission de consolidation de la paix. Sur la question du contexte de retour des personnes déplacées, il a répondu au Canada qu’il œuvre à l’incorporation des dispositions, non seulement sur le retour mais aussi sur le droit de choisir car il s’agit de garantir le caractère volontaire du retour. Trop souvent, des familles ou des communautés ont été déplacées il y a 10 ou 20 ans et restent dans une situation marginalisée, même si elles sont retournées chez elles. Il faudrait réviser les mécanismes de financement, a-t-il estimé, appelant les donateurs à continuer à verser des fonds, même après la fin de la situation d’urgence.
Opération de protection et d’assistance en faveur de personnes déplacées (A/63/286)
Ce rapport a été établi par le Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, M. Walter Kälin.
Plus de 25 millions de personnes sont déplacées de par le monde du fait des conflits, et ce mouvement se poursuit, rapporte le Représentant spécial qui a articulé son mandat autour de la nécessité d’un cadre normatif solide pour la protection des personnes déplacées dans leur propre pays qui devra ensuite être mis en œuvre grâce à une volonté politique claire. Il faut également permettre le renforcement des capacités des États qui ont la responsabilité première d’assister et de protéger les déplacés, affirme le Représentant spécial qui insiste également sur la capacité commune de la communauté internationale à répondre à de nouveaux défis dans le domaine du développement.
Le Représentant spécial revient également dans son rapport sur différentes visites effectuées au cours de la période de référence, notamment au Sri Lanka, en République démocratique du Congo et en Afghanistan. Le rapport comporte également plusieurs comptes rendus de visites effectuées en Norvège, au Canada, au Kenya et en Bosnie-Herzégovine, pays duquel il est revenu consterné après avoir constaté que 13 ans après la guerre, un grand nombre de personnes continuent de vivre en déplacement ou dans des sites de retour dans des conditions misérables.
Le travail du Représentant spécial a également consisté à visiter des pays frappés par des catastrophes naturelles, tels que les Etats-Unis, le Honduras, le Panama, le Mozambique, Madagascar et l’Afrique du Sud. Par ailleurs, au cours de la période considérée, le Représentant spécial précise avoir poursuivi le dialogue avec les organisations régionales, les titulaires de mandats spéciaux, ainsi que les différentes organisations du système des Nations Unies.
En conclusion de son rapport, il se réjouit des progrès observés car ils ont permis de prendre conscience de la réalité du phénomène de déplacement et de leurs origines; à savoir les conflits armés, les catastrophes naturelles et autres causes comparables. Il se montre préoccupé en revanche des déplacements persistants, souvent prolongés, dans de nombreux pays, du nombre important de personnes en déplacement et des violations de droits dont elles sont victimes. Il déplore également les difficultés fréquentes pour trouver des solutions durables pour les personnes déplacées, laissant celles qui pourraient retourner chez elles ou qui ont été réinstallées en lieu sûr, dans des situations de misère contraires à leurs droits économiques, sociaux et culturels mais aussi civils et politiques.
Le Représentant spécial est également soucieux devant le manque de volonté politique ou de capacité pour répondre de manière efficace aux situations de déplacement et apporter aux personnes déplacées la protection et l’assistance nécessaires; et devant les difficultés croissantes auxquelles doivent faire face les acteurs humanitaires pour avoir accès aux victimes de déplacement interne en raison du manque de sécurité. Il exprime également son inquiétude face à l’impunité quasi généralisée dans certains contextes, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis à l’encontre de personnes.
Le Représentant spécial recommande aux gouvernements et aux organisations régionales d’élaborer conformément aux Principes directeurs, des politiques et des législations nationales, ou de revisiter les normes existantes afin d’assurer que les besoins des personnes déplacées reçoivent une réponse adéquate et que les responsabilités institutionnelles dans ce domaine soient précisées à tous les niveaux. Enfin, il appelle tous les acteurs concernés à assurer que les retours ou toute autre solution soient le résultat d’une décision individuelle prise librement et sur la base d’une information adéquate et à assurer la sécurité des personnes durant et après le retour ou la réinstallation de même que la restitution des biens
Droits qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible
M. ANAND GROVER, Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a présenté le rapport de son prédécesseur traitant de la responsabilité des entreprises pharmaceutiques en matière de droit à la santé. Jugeant qu’il était encore trop tôt pour présenter un plan détaillé de son action dans les trois prochaines années, alors qu’il venait d’être nommé au printemps, le Rapporteur spécial a tout de même indiqué qu’il allait structurer ses travaux autour de consultations régionales avec tous les acteurs pertinents. Les communautés les plus vulnérables comme les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les porteurs du virus VIH/sida et les peuples autochtones, seront invitées à y participer, a annoncé le Rapporteur spécial
Revenant plus particulièrement sur le rapport rédigé par son prédécesseur, M. Paul Hunt, le nouveau Rapporteur spécial a notamment souligné, comme lui, qu’il appartient au secteur public comme au secteur privé de garantir la réalisation progressive du droit à la santé et l’accès aux médicaments. Il a regretté que dans de nombreux pays, les systèmes de santé soient faibles et même s’effondrent. Il existe des obstacles systémiques extrêmement sérieux à l’amélioration de l’accès aux médicaments, a dit le Rapporteur spécial, citant notamment les cliniques sans personnel de santé. Le Rapporteur spécial a insisté sur l’importance fondamentale de la responsabilisation par rapport au droit au meilleur état de santé possible. Les directives publiées en septembre 2007 énoncent les responsabilités qui incombent aux compagnies pharmaceutiques, a dit l’intervenant. Plusieurs commentaires émanant des États, des acteurs institutionnels, mais aussi des compagnies pharmaceutiques ont été formulés et transmis au Rapporteur spécial suite à ces directives et le rapport dont l’Assemblée générale est saisie, en a tenu compte, s’agissant notamment des brevets, des prix des médicaments et de transparence des méthodes.
Pour le Rapporteur spécial, il est crucial d’aborder à l’avenir la question de la responsabilité des acteurs non étatiques. Les États ne sont pas les seuls à assurer la réalisation du droit à la santé. Les pratiques des compagnies pharmaceutiques, par des prix très élevés et des recherches menées de façon inégale, entravent les possibilités d’un meilleur accès aux médicaments, a indiqué le Rapporteur spécial. Ces obstacles doivent être combattus de manière urgente, en conformité avec l’Objectif du Millénaire pour le développement n08 qui prône un partenariat global pour le développement, auquel les compagnies pharmaceutiques sont tenues de participer, a considéré le Rapporteur spécial. Les normes des droits de l’homme doivent être appliquées en matière de médicaments et les sociétés doivent accorder une attention particulière aux plus pauvres, en travaillant notamment dans la transparence, et sans favoriser la corruption. Les compagnies pharmaceutiques ne devraient pas davantage faire campagne en faveur du renforcement de la propriété intellectuelle au-delà de ce qui existe déjà. Une des nombreuses questions posées sur ce point est encore de savoir comment peut s’opérer le contrôle des compagnies pharmaceutiques. Au cours des 60 dernières années, l’évolution de la Déclaration universelle des droits de l’homme a permis une formidable avancée des droits socioéconomiques et culturels. Les acteurs non étatiques devraient progressivement prendre conscience de l’importance du rôle qu’ils peuvent jouer dans ce domaine, a encore ajouté le Rapporteur spécial.
Lors de l’échange qui a suivi la déclaration liminaire, plusieurs délégations dont la France, au nom de l’Union européenne, et la Nouvelle-Zélande, ont cherché à connaître les priorités du Rapporteur spécial dans les prochaines années, notamment s’agissant de la santé maternelle. Plusieurs pays dont les États-Unis ont aussi insisté sur les prolongements qu’il y aurait lieu de donner aux conclusions du Rapporteur précédent, M. Paul Hunt, après six années à la tête de ce mandat. La délégation du Brésil a insisté sur l’importance qu’il y a, de son point de vue, à privilégier la santé, sur le commerce.
Le Rapporteur spécial dans ses réponses a souligné que les directives établies par son prédécesseur lui paraissaient tout à fait adéquates, et qu’il fallait voir comment les prolonger sur des bases solides. S’agissant de la mortalité maternelle, cette question importante sera à nouveau évoquée devant le Conseil des droits de l’homme, tout comme celle des communautés marginalisées et de leur habilitation au droit à la santé, a précisé M. Grover. Je tiendrai compte tout au long de mon mandat, de vos remarques, mais aussi de celles de la société civile, des ONG, des hauts fonctionnaires du système, a encore déclaré le Rapporteur spécial.
Les rapports entre le droit à la santé et accords commerciaux sont encore à l’étude, a poursuivi le Rapporteur spécial en réponse aux remarques de la délégation brésilienne. La communauté juridique internationale a reconnu la primauté de la santé en droit coutumier; les directives du rapport privilégient cette approche valable qui ne rencontre pas l’adhésion de tout un chacun, a-t-il encore dit. Il ne fait aucun doute aujourd’hui quant au fait que le droit à la santé est fondamental et que le droit commercial doit être soumis à ce dernier, a considéré le Rapporteur spécial selon lequel un dialogue approfondi est indispensable en vue d’un consensus avec les compagnies pharmaceutiques pour aider les pauvres dans les pays en développement comme dans les pays développés. Le Rapporteur spécial a encore approuvé les méthodes de son prédécesseur qui ont consisté à rassembler des preuves, plutôt que de privilégier les réponses doctrinales.
Rapport (A/63/263)
Il s’agit du rapport du Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, M. Paul Hunt, dont le mandat est arrivé à terme. Y sont examinées les politiques et les pratiques de l’industrie pharmaceutique eu égard au droit au meilleur état de santé possible, y compris l’accès aux médicaments. Le Rapporteur spécial indique que dans ce domaine les contrôles sont souvent insuffisants, d’autant plus qu’il revient parfois à un seul et même organe d’assurer les prestations, de les règlementer et de rendre des comptes. Il est crucial que le principe de responsabilisation soit appliqué à la fois dans le secteur public et le secteur privé, indique le Rapporteur spécial qui s’est surtout intéressé au rôle des États dans l’accès aux médicaments. Ceux-ci se sont souvent plaints de se heurter à de nombreux obstacles, dont les politiques et les pratiques des donateurs et les comportements des compagnies.
Estimant que la mauvaise volonté relative des laboratoires pharmaceutiques était peut-être due à une méconnaissance de leurs devoirs et responsabilités, le Rapporteur spécial a élaboré une série de principes directeurs à l’intention du secteur pharmaceutique. La présidente de l’Initiative pour la mondialisation de l’éthique, et ancienne Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Mary Robinson, lui a apporté son concours alors que la plupart des entreprises pharmaceutiques lui ont opposé une fin de non-recevoir. La version définitive de ces principes directeurs est annexée au rapport. Elle stipule que le droit au meilleur état de santé possible repose sur l’existence d’un système de santé efficace et intégré, recouvrant à la fois les soins médicaux et les facteurs déterminants pour la santé, qui corresponde aux priorités nationales et qui soit universellement accessible. Par ailleurs, la responsabilité d’assurer le droit au meilleur état de santé possible, et aussi d’améliorer l’accès aux médicaments, si elle incombe en premier lieu aux États doivent être partagées par d’autres acteurs, nationaux et internationaux. Le Rapporteur spécial reconnaît que les entreprises sont avant tout soucieuses d’accroître leur valeur actionnariale mais que cela ne doit pas leur faire perdre de vue la responsabilité qui leur incombe vis-à-vis de la société et du point de vue du développement des droits de l’homme.
Il est indispensable qu’un plus grand nombre de professionnels de la santé, s’intéressent aux aspects de leur travail qui ont un lien avec les droits de l’homme, préconise le Rapporteur spécial, qui recommande que les rapports de ses successeurs soient examinés non seulement par l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme mais aussi par l’Assemblée mondiale et le Conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le Rapporteur spécial demande instamment à toutes les parties de prendre en compte systématiquement la question des droits de l’homme dans l’élaboration de leurs politiques nationales et internationales, relatives à la santé.
Droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises
M. JOHN RUGGIE, Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a indiqué qu’en juin 2008, le Conseil des droits de l’homme a été unanime à saluer le cadre stratégique de « protection, de respect et de redressement » qu’il a proposé dans son dernier rapport au titre de son mandat de 2005 en vue d’une transition des entreprises vers un agenda respectueux des droits de l’homme. Le cadre stratégique a également été adopté par les grandes associations internationales du monde des affaires et par les grandes organisations internationales des droits de l’homme, par d’autres acteurs étatiques et autres. Beaucoup a été accompli depuis 2005 puisque le Représentant spécial a eu 14 consultations avec des parties prenantes sur les cinq continents et qu’il a personnellement rencontré des groupes autochtones et d’autres communautés affectées par les problèmes liés à son mandat.
Il a également analysé environ 400 allégations publiques contre des sociétés, a suivi des dizaines d’affaires devant les tribunaux et compilé un ensemble exhaustif de normes et pratiques internationales qui régissent actuellement le monde des affaires et les droits de l’homme, y compris les codes pénaux et les initiatives volontaires prises par les entreprises. Il a informé que cette documentation volumineuse est affichée sur son site internet (http://www.business-humanrights.org/Gettingstarted/UNSpecialRepresentative)
Une fois que le cadre stratégique a été fixé, le mandat s’emploie désormais à fournir des directives plus concrètes aux États et aux sociétés sur chacun des principes. Le premier principe est que l’État a un devoir de protection. Mais à l’heure actuelle, la plupart des gouvernements adoptent une conception plutôt étroite pour ce qui a trait au rapport entre les affaires et les droits de l’homme. Le deuxième principe est que les entreprises respectent les droits de l’homme ou en d’autres termes, ne les violent pas. Il faut aussi qu’elles répondent aux attentes sociales. Comment les sociétés savent-elles qu’elles respectent les droits de l’homme, la plupart n’étant pas dotées d’un mécanisme d’évaluation de leur impact dans ce domaine. Le troisième principe est de faciliter l’accès aux recours. Chacune de ces trois composantes du cadre stratégique constituera un point de travail pour le mandat renforcé. L’intervenant a dit qu’il envisage d’utiliser les instruments de droit des entreprises pour promouvoir le respect des droits de l’homme, en particulier dans les zones de conflit. La résolution 7/4 du Conseil des droits de l’homme qui a révisé et étendu son mandat inclut des directives spécifiques pour une approche sans exclusive et plus large que le mandat des dernières années.
Il n’y a pas de solution magique unique pour régler ce problème et combler les lacunes des entreprises dans le respect des droits de l’homme. Ces lacunes peuvent être comblées tout en faisant de la mondialisation une force positive. À cette fin, tous les acteurs sociaux doivent être invités à y participer et à apprendre à faire les choses différemment.
Rapport (A/63/270)
Les États doivent libérer le traitement de la question des entreprises et des droits de l’homme, qui est extrêmement complexe et représente de nombreux enjeux, du carcan institutionnel dont il est actuellement prisonnier, préconise le Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, M. John Ruggie,
M. Ruggie, dont le mandat a été prorogé de trois années en juin 2008 par le Conseil des droits de l’homme, estime par ailleurs que les gouvernements doivent veiller à ce que le respect des droits de l’homme entre dans la définition de toute culture d’entreprise éthique. Il ajoute qu’ils doivent également tenir compte de l’impact sur les droits de l’homme des traités commerciaux ou d’investissement qu’ils signent, surtout lorsqu’il s’agit d’offrir des crédits à l’exportation ou de garantir des investissements au titre de projets exécutés dans des pays étrangers présentant un risque notoirement élevé d’atteintes aux droits de l’homme.
Abordant le rôle et la responsabilité des entreprises, le Représentant spécial considère que si elles sont tenues de respecter les lois, les entreprises se doivent également de répondre aux attentes sociales du moment pour obtenir ce qu’on appelle parfois un « permis social d’exploitation ». Aussi, signale-t-il, une entreprise ayant commis des violations des droits de l’homme en un lieu ne peut se racheter en accomplissant de bonnes actions dans un autre lieu.
La Norvège a appelé au renforcement de la capacité des États à souligner la nécessité qu’ont les entreprises de respecter les droits de l’homme et le délégué de la Norvège veut savoir des précisions quant aux moyens qui permettraient de le faire dans des zones difficiles, par exemple après sa visite en République démocratique du Congo (RDC). Faisant observer que des pays pouvaient ne pas se sentir obligés d’inclure la dimension de protection des droits de l’homme dans leur politique économique, la représentante des États-Unis a demandé à M. Ruggie d’indiquer l’impact que cela pouvait avoir sur le développement. Faisant référence à la manière dont le Représentant spécial entend s’acquitter de son nouveau mandat, la France, s’exprimant au nom de l’Union européenne, a souhaité savoir dans quel cadre il envisage de mener ses consultations et établir sa coopération avec l’Organisation internationale du Travail (OIT). Le Canada s’est félicité de l’approche transparente utilisée dans le cadre du nouveau mandat du Représentant spécial ainsi que du cadre stratégique décrit dans le rapport. Il a souhaité connaître les mesures que la communauté internationale pourrait prendre pour renforcer la capacité des pays en difficulté.
Répondant à ces questions et commentaires, le Représentant spécial a parlé des zones de conflit et de la RDC en particulier, tout en précisant qu’il ne s’était pas rendu en RDC. Il a cependant rappelé que des efforts ont été déployés pour renforcer les capacités nationales dans ce pays. Des consultations ont eu lieu dans ce pays, a-t-il ajouté, précisant cependant que ce qui a été proposé ne pouvait fonctionner dans des pays connaissant des situations de conflit ou d’instabilité. La RDC a souhaité qu’une étude de sa situation spécifique soit menée. M. Ruggie a estimé que le respect des droits économiques et sociaux dans le cadre stratégique est un indicateur du succès du développement dans un pays donné. Il n’existe pas de contradiction entre les droits économiques et sociaux et les droits de l’homme. À la question posée par la France, au nom de l’Union européenne, il a répondu que le Groupe consultatif attaché à son mandat ne relève pas des Nations Unies et vise uniquement à fournir des conseils au plus haut niveau possible par des personnes ayant occupé des postes importants dans des entreprises. Il a indiqué que le rôle du Groupe consultatif l’aidera à ne pas faire d’erreur ou, le cas échéant, à sortir d’une impasse. Tous les membres de ce Groupe avaient immédiatement accepté d’y siéger. M. Ruggie a indiqué qu’il tiendra également des consultations avec des juristes internationaux spécialisés dans le droit du travail. Concernant l’OIT, il a surtout précisé qu’il ne lui revient pas de réécrire les lois du travail. Il reste en contact avec l’OIT sur ce type de questions. Répondant à la délégation du Canada, il a recommandé que les juristes dans les entreprises fassent en sorte que les Conseils d’administration des entreprises prennent les droits de l’homme au sérieux. Il a observé que dans des réunions, les juristes d’entreprises ne comprenaient pas comment on pouvait parler des droits de l’homme tout en travaillant pour des entreprises économiques. Il faut donc des clarifications de normes et de fonctionnement, une diffusion et la promotion de meilleures pratiques, ce qui s’inscrit dans la dimension verticale du renforcement des capacités.
Documentation
Note du Secrétaire général sur le droit au développement. (A/63/318)
Dans sa note, le Secrétaire général rend compte des travaux que le Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme a accomplis à sa première session en ce qui concerne ce droit. Au cours de cette session, qui s’est tenue du 4 au 15 août 2008, le Comité consultatif a examiné les demandes formulées par le Conseil des droits de l’homme dans diverses résolutions.
Le droit au développement n’y était pas mentionné parmi les grands thèmes que le Comité devait aborder et, partant, aucune décision particulière n’a été prise sur la question.
Toutefois, le Comité a examiné la question de la « promotion d’un ordre international démocratique et équitable », en application de la résolution 8/5 du Conseil, qui affirmait qu’un ordre international démocratique et équitable exigeait la réalisation du droit de chaque être humain et de tous les peuples au développement, droit universel et inaliénable qui fait partie intégrante des droits fondamentaux de la personne.
À la demande du Comité consultatif et dans le cadre de l’examen des suites qui pourraient être données à la résolution du Conseil susmentionnée, le Secrétariat a fait un exposé sur les travaux menés par des mécanismes compétents des Nations Unies dans le domaine du droit au développement.
Composé de 18 experts siégeant à titre individuel, le Comité consultatif a pour fonction de fournir des services d’experts au Conseil des droits de l’homme en se concentrant essentiellement sur des études et des avis étayés par des recherches, conformément aux demandes formulées par le Conseil et selon ses orientations.
Rapport du Secrétaire général sur le droit au développement (A/63/340)
Ce rapport contient des informations sur la neuvième session du Groupe de travail sur le droit au développement, notamment ses conclusions et recommandations, en particulier sur les travaux de l’Équipe spéciale de haut niveau sur le droit au développement qui a tenu sa quatrième session en janvier 2008.
Ce rapport complète le rapport du Secrétaire général sur le même sujet (A/HRC/8/9 du 18 avril 2008), présenté au Conseil des droits de l’homme à sa huitième session.
Rapport sur le Droit à l’alimentation (A/63/278)
Sachant que l’on estime à 900 millions le nombre de personnes souffrant de la faim, garantir ce droit doit être une priorité absolue pour tous les États et pour la communauté internationale dans son ensemble, estime le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter.
M. de Schutter, qui a été nommé à son poste le 26 mars 2008 par le Conseil des droits de l’homme pour succéder à M. Jean Ziegler, qui l’avait occupé pendant plus de six ans, a pris ses fonctions le 1er mai.
Il souligne qu’un premier pas essentiel vers la réalisation du droit à une alimentation adéquate est la réalisation de l’Objectif 1 du Millénaire pour le développement qui consiste à réduire l’extrême pauvreté et la faim.
Il identifie donc certains des obstacles à la réalisation du droit à une alimentation suffisante. Il propose non pas une politique mais plusieurs, solidaires, face aux besoins des divers groupes qui souffrent de la faim tels que petits exploitants agricoles, pasteurs, pêcheurs et citadins pauvres.
Il signale qu’au premier trimestre 2008, les prix nominaux internationaux de toutes les principales denrées alimentaires ont atteint les niveaux les plus élevés enregistrés en près de 50 ans, tandis que les prix en valeur réelle ont atteint leur plus haut niveau en près de 30 ans; ce qui a provoqué des troubles sociaux dans plus de 40 pays. Nommé dans ce contexte, le Rapporteur spécial a d’emblée travaillé sur les facteurs de la crise et a demandé au Conseil des droits de l’homme de tenir une session extraordinaire sur la crise alimentaire mondiale, qui a effectivement eu lieu le 22 mai dernier.
M. de Schutter rappelle que le droit à une alimentation adéquate est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec d’autres, a physiquement et économiquement accès à tout moment à une nourriture suffisante et aux moyens de se la procurer. Il ne s’agit pas de se faire nourrir, précise M. de Schutter, mais de se voir garantir le droit de se nourrir soi-même. Cela exige non seulement que des aliments soient disponibles –c’est-à-dire que la production agricole soit suffisante par rapport à la population– mais aussi qu’ils soient accessibles, autrement dit, que chaque ménage ait les moyens soit de produire soit d’acheter sa nourriture.
Selon lui, ce droit n’est pas un droit que les États peuvent appliquer isolément car, en vertu du droit international, ils ont tous la responsabilité collective de veiller à ce que l’environnement international dans lequel ils évoluent leur permette de respecter, de défendre et d’appliquer ce droit pour le bien de leurs populations.
Rapport sur les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels (A/63/289)
L’expert indépendant, M. Lumina, forme le vœu qu’avec le soutien et la coopération de toutes les parties prenantes, il parviendra à concrétiser sa vision du mandat et à réaliser les objectifs qu’il s’est fixés pour la période.
Les objectifs généraux de son mandat, pour lesquels M. Lumina propose un plan de réalisation, consistent notamment à sensibiliser l’opinion à la nécessité de considérer la dette extérieure également comme un problème des droits de l’homme, ainsi qu’à élargir l’appui au mandat moyennant une concertation régulière avec toutes les parties prenantes (y compris les États qui, traditionnellement, ne soutiennent pas le mandat).
L’expert indépendant recommande aussi de fournir des éclaircissements sur certaines questions conceptuelles, dont la relation entre la dette extérieure et les droits de l’homme, de même que de réexaminer et d’approfondir le projet de principes directeurs généraux, qui visent à ce que le respect des engagements souscrits au titre de la dette extérieure ne compromette pas la capacité des États de s’acquitter des obligations qu’ils assument au regard des droits de l’homme, particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels.
En dépit du fait que c’est aux États qu’incombe au premier chef la responsabilité de veiller au respect des obligations internationales en matière des droits de l’homme, il n’en demeure pas moins, estime l’expert indépendant, que l’on s’accorde de plus en plus à penser que d’autres acteurs, notamment les organismes internationaux de développement, de commerce et de financement et les sociétés privées, y sont aussi tenus. Selon les cas, ces acteurs doivent également s’assurer que de tierces parties, telles que des sous-traitants, ne violent pas les droits de l’homme et élaborer, adopter, financer et mettre en œuvre des politiques et programmes qui éliminent les entraves à la réalisation des droits de l’homme.
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