CONSEIL DE SÉCURITÉ: L’UNION EUROPÉENNE ET L’OTAN SONT PRÊTES À JOUER UN NOUVEAU RÔLE AU KOSOVO DÈS QUE LE CONSEIL SE PRONONCERA SUR LE PLAN AHTISAARI
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Conseil de sécurité
5673e séance – matin
CONSEIL DE SÉCURITÉ: L’UNION EUROPÉENNE ET L’OTAN SONT PRÊTES À JOUER UN NOUVEAU RÔLE AU KOSOVO DÈS QUE LE CONSEIL SE PRONONCERA SUR LE PLAN AHTISAARI
Johan C. Verbeke, le Chef de la mission que le Conseil de sécurité a menée du 25 au 28 avril dernier, a signalé, ce matin, que le statu quo politique au Kosovo n’était pas viable. Présentant le rapport final* de la mission qui a mené les représentants des 15 pays membres du Conseil à Bruxelles, Belgrade, Pristina et Vienne, le Représentant de la Belgique a précisé que l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord (OTAN) et l’Union européenne étaient désormais disposées à assumer leurs responsabilités au Kosovo et attendent du Conseil qu’il leur fournisse le mandat qui s’impose.
Le rapport de la mission, qui avait déjà été présenté le 2 mai dernier, fait état de divergences profondes entre les parties serbes et albanaises du Kosovo au sujet des propositions de règlement avancées par Martti Ahtisaari, l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, qui préconise un « Kosovo indépendant, viable, durable et stable ». Les autorités de Belgrade et tous les interlocuteurs serbes du Kosovo se sont, en effet, déclarés fermement opposés à ces propositions et ont rejeté toute solution qui entraînerait une forme quelconque d’indépendance. Les représentants albanais du Kosovo et des autres communautés non serbes ont, pour leur part, manifesté leur appui clair aux propositions de l’Envoyé spécial.
Si le caractère « irréconciliable » des positions des parties a été unanimement reconnu aujourd’hui, la manière de sortir de cette situation a continué de diviser les membres du Conseil. Pour le Représentant permanent de la Fédération de Russie, les négociations ont été interrompues trop tôt. Il a demandé que davantage de temps soit accordé aux parties pour parvenir à une situation acceptable. Le Plan de Martti Ahtisaari ne peut servir de base pour résoudre la question du Kosovo et risque de créer un précédent négatif au plan international. Il ne faut pas encourager le séparatisme, a-t-il prévenu. « La patience, la souplesse et la prudence » ont été préconisées par le Représentant de la Chine qui a appelé, à son tour, la Serbie et le Kosovo à poursuivre leur dialogue.
Il faut accorder rapidement un nouveau statut au Kosovo, a argué au contraire le Représentant de la France. Le maintien du statu quo serait une source de déstabilisation et il appartient au Conseil de prendre ses responsabilités pour assurer le succès d’un processus qu’il a initié, a insisté le représentant français. Une analyse à laquelle s’est rallié son homologue du Royaume-Uni qui a confirmé le soutien de son pays aux propositions de Martti Ahtisaari. L’ensemble de ces propositions représente un compromis, a estimé la représentante britannique, en précisant qu’il serait impossible de demander à l’Union européenne de mettre en œuvre des mesures qui ne sont pas viables.
Une proposition intermédiaire est venue du représentant du Panama. Il a invité le Conseil à envisager la possibilité d’adopter dès maintenant les propositions de l’Envoyé spécial mais de reporter leur mise en œuvre de six mois. Il s’agira alors de tenter de parvenir à un accord entre les parties. La question doit être réglée par un accord négocié et non par une solution imposée. Il serait regrettable que l’action du Conseil se heurte au veto d’un de ses membres, s’est expliqué le représentant.
* Rapport publié sous la cote S-2007-256
MISSION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ SUR LA QUESTION DU KOSOVO
Déclarations
M. JOHAN VERBEKE (Belgique), Chef de la mission du Conseil, a souligné l’importance du volet sécurité au Kosovo où la situation dans ce domaine est souvent décrite comme « calme mais tendue ». Bien qu’elle soit calme en effet, le conflit et la violence qui ont secoué le Kosovo, de 1998 à 1999, ont laissé de profondes marques. Ainsi, les communautés serbes et albanaises vivent, dans une large mesure, séparées. Une réconciliation réelle pour établir une société multiethnique exigera un engagement réel de la part des parties concernées.
Au cours de la mission du Conseil, a-t-il ajouté, les dirigeants, y compris le Premier Ministre et le Président du Kosovo, Agim Ceku et Fatmir Sejdiu, ont souligné leur détermination à travailler en vue de parvenir à cet objectif, ce qui dépendra également de la mise en œuvre continue des normes pour le Kosovo. Au cours des années, les institutions provisoires sont parvenues à des progrès tangibles. Il reste toutefois beaucoup à faire, en particulier pour ce qui est des conditions de vie des communautés non albanaises du Kosovo et du retour des personnes déplacées, une question cruciale et une disposition importante de la résolution 1244. Au cours de la visite de la mission, a précisé le représentant, le manque d’opportunités économiques et des questions sécuritaires a été invoqué pour expliquer la lenteur dans les retours des réfugiés. Les membres de la mission ont entendu des vues divergentes sur la question de savoir si une solution au statut du Kosovo serait de nature à faciliter où à faire obstacle au processus de retour.
La question du statut du Kosovo a constitué un élément central et les positions des parties divergent profondément. Les autorités de Belgrade rejettent toute forme d’indépendance, en particulier les propositions de Martti Ahtisaari. Belgrade a demandé davantage de négociations sur un statut d’autonomie substantielle. De manière générale, la communauté serbe du Kosovo appréhende l’avenir. La communauté albanaise quant à elle nourrit d’importantes attentes et souhaite que le Conseil se prononce rapidement et favorablement sur les propositions de l’Envoyé spécial du Secrétaire général. Mais malgré cette forte divergence entre elles, les parties sont d’accord pour dire que le statu quo n’est pas viable. C’est également le point de vue de l’OTAN et de l’Union européenne qui sont disposées à assumer leurs responsabilités et qui attendent du Conseil qu’il leur confère le mandat qui s’impose.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) s’est dit convaincu que les conclusions du rapport dressent un portrait équilibré de la situation au Kosovo, en notant des progrès dans le domaine institutionnel. Cependant, le rétablissement d’une communauté multiethnique ne peut nullement être qualifiée de satisfaisant, a-t-il fait remarquer, en soulevant la question du retour des personnes déplacées non albanaises. Moins de 5% des Serbes sont retournés chez eux, a-t-il indiqué, et les efforts de la présence internationale ne donnent pas les résultats escomptés.
Les mécanismes existent, mais les personnes ne rentrent pas pour autant. Les Serbes du Kosovo ne veulent pas rentrer, a-t-il insisté, en expliquant qu’ils sont préoccupés par la sécurité, l’absence de perspective et le mauvais fonctionnement des mécanismes chargés du retour des personnes déplacées. Les Serbes du Kosovo vivent dans un réel isolement, surtout dans les villages.
Le représentant a cependant noté que leur situation est très différente à Mitrovica nord où ils vivent avec des Albanais dans le calme. Le pogrom antiserbe de mars 2004 reste encore dans les esprits de nombreux Serbes qui ne sont pas rassurés sur leur avenir. Le maintien d’une telle situation, qui vise la création d’un Kosovo monoethnique, serait un échec de la communauté internationale, a-t-il dit.
Pristina a fait de nombreuses promesses quant à l’application des normes, mais celles-ci doivent être suivies par une mise en œuvre concrète. Ce qui a été réalisé n’est visiblement pas suffisant, a tranché le représentant, en réclamant des mesures financières pour assurer l’inclusion des Serbes dans le tissu multiethnique du Kosovo. La violence ne saurait influer le processus politique.
Le statut futur doit donc avoir l’appui des principales minorités du Kosovo, a-t-il poursuivi. Malheureusement, les négociations ont été interrompues trop tôt, a-t-il estimé. Il faut laisser aux parties beaucoup plus de temps pour parvenir à une situation acceptable. Le Plan de M. Ahtissari ne peut servir de base pour résoudre la question du Kosovo car il risque de créer un précédent négatif pour la pratique internationale. Il ne faut pas encourager le séparatisme. Il faut au contraire mettre en œuvre la résolution 1244. La partie serbe est ouverte à la poursuite du dialogue, a affirmé le représentant, en espérant que la partie albanaise trouvera la force de répondre à ce geste.
M. JORGE VOTO BERNALES (Pérou) a déclaré que la teneur équilibrée du rapport témoigne de l’excellent travail accompli au Kosovo. Le Pérou a étudié les propositions de l’Envoyé spécial sous un jour favorable, a-t-il affirmé, avant de se féliciter que la mission du Conseil ait permis d’apporter des éclaircissements sur certains points. Ainsi, les blessures de la guerre sont encore visibles et la réconciliation exigera un suivi constant de la part de la communauté internationale. La situation actuelle est le fruit d’une évolution politique mais aussi des évènements qui se sont produits avant 1999 en ex-Yougoslavie et en Serbie, en particulier. La décision sur le statut du Kosovo, a poursuivi le représentant, devra donc s’inscrire dans une perspective historique large qui prenne pour point de départ le processus de désintégration de l’ex-Yougoslavie. Le retour du Kosovo dans le giron serbe n’est pas une solution réaliste, a-t-il estimé, en déclarant avoir perçu la volonté de l’Union européenne d’accompagner le Kosovo sur la voie de l’indépendance. Dans ce contexte, les propositions de l’Envoyé spécial du Secrétaire général sont de nature à établir un ensemble de garanties pour les communautés minoritaires. Elles constituent une garantie de stabilité en raison de l’engagement des pays de l’Union européenne. Nous serons donc en mesure de voter en faveur d’un projet de résolution qui entérine les propositions de Martti Ahtisaari, a annoncé le représentant.
M. JEAN-MARC DE LA SABLIÈRE (France) a estimé que la mission du Conseil a atteint les objectifs fixés. Nous constatons malheureusement que les thèses des parties sont irréconciliables et que le temps ne pourra changer ce qui est un fait incontournable. Le représentant a tout de même noté certains progrès, y compris dans le domaine sécuritaire, la mise en place des institutions et la protection des minorités. Ceux-ci doivent être suivis pour assurer la création d’un Kosovo véritablement multiethnique. Il a également préconisé un effort accru pour assurer le retour des réfugiés. La seule manière d’y parvenir est de sortir le Kosovo de la période de transition et de lui accorder un nouveau statut. Le maintien du statu quo serait une source de déstabilisation, a-t-il estimé, en ajoutant qu’il appartient au Conseil de prendre ses responsabilités pour assurer le succès d’un processus qu’il a lui-même initié.
M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER (Qatar) a estimé que la question du Kosovo est l’une des questions les plus importantes dont est saisi le Conseil. La mission du Conseil a permis de montrer qu’il existe un fossé important entre les positions des deux parties et que les efforts importants de la communauté internationale n’ont pas pu rapprocher. Il est clair qu’à l’avenir, il faudra tenir compte des sources de la crise et de la nécessité de trouver des solutions aux problèmes sécuritaires et politiques au Kosovo.
M. HASAN KLEIB (Indonésie) a estimé qu’il sera difficile de trouver une solution satisfaisante pour les deux parties. La question des personnes déplacées n’a pas été réglée et il faut créer un environnement propice à leur retour. Le Conseil de sécurité a pour obligation morale de panser les plaies des communautés. Ce sera un voyage long et difficile mais il vaut la peine d’être entamé, au risque de voir la violence revenir, a prévenu le représentant, avant de dire la disposition de son pays à participer au voyage.
M. LESLIE KOJO CHRISTIAN (Ghana) s’est félicité de ce que le Secrétaire général de l’OTAN se soit engagé à relever les défis sécuritaires au Kosovo. L’Envoyé spécial de l’Union européenne a aussi appuyé les propositions de règlement de l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, a-t-il rappelé. La mission du Conseil a donc reçu les assurances que ces deux organisations étaient prêtes à jouer leur rôle au Kosovo. Évoquant les divergences d’opinions entre les parties, le représentant a rappelé que les minorités turques et roms avaient aussi appuyé les propositions de règlement de Martti Ahtisaari. Il a, par ailleurs, évoqué la lenteur dans le retour des réfugiés serbes, en précisant que cette question est un élément clef de la résolution 1244. Nous reconnaissons la nécessité de parvenir à un accord sur le statut futur du Kosovo dès que cela sera faisable et nous espérons que le Conseil travaillera d’arrache-pied à réaliser cet objectif, a-t-il conclu.
M. LIU ZHENMIN (Chine) a noté les progrès remarquables effectués au Kosovo dans la mise en œuvre des mesures et accords convenus. Il a toutefois remarqué que des améliorations demeurent possibles, notamment dans les domaines du respect des droits des minorités ethniques et du retour des personnes déplacées. Les divergences politiques, a-t-il poursuivi, ne doivent pas entraver ce processus. Il a émis l’espoir que les autorités kosovares prendront toutes les mesures nécessaires. Il importe, a-t-il encore dit, de prendre en compte les préoccupations des parties prenantes qui sont très éloignées les unes des autres. Il faut également encourager la Serbie et le Kosovo à poursuivre le dialogue pour rapprocher leurs positions. Reconnaissant que la question du Kosovo est pratiquement inextricable, le représentant a prévenu que pour autant le statu quo n’est pas viable. La patience, la souplesse et la prudence sont nécessaires et souhaitables, et la Chine continuera d’appuyer les efforts du Conseil dans ce domaine, a-t-il promis.
M. RICARDO ALBERTO ARIAS (Panama) a déclaré que la décision que le Conseil devra prendre est particulièrement importante dans la mesure où il s’agit de décider de l’identité politique d’un peuple et d’un territoire. Aujourd’hui, nous sommes face à une situation complexe et difficile et nous convenons tous que la situation actuelle n’est pas viable. Certains estiment que le Conseil doit immédiatement agir et prendre position tandis que d’autres souhaitent davantage de négociations. Mais nous savons tous, a poursuivi le représentant, qu’un accord entre les parties serait préférable à toute autre solution. Face à cette réalité, il a demandé que l’on envisage la possibilité que le Conseil adopte dès maintenant les propositions de l’Envoyé spécial mais que leur mise en œuvre soit reportée de six mois. Au cours de cette période transitoire, il s’agira alors de tenter de parvenir à un accord entre les parties. Pour les Serbes comme pour les Albanais du Kosovo, il est préférable de régler cette question à travers un accord négocié et non pas une solution qui leur soit imposée. Il serait regrettable que le Conseil ne soit pas en mesure de prendre une décision en raison du veto d’un de ses membres permanents, a relevé le représentant. Je demande que l’on envisage toutes les possibilités raisonnables pour que les Serbes et les Albanais du Kosovo parviennent à un accord, a-t-il conclu.
M. MARCELLO SPATAFORA (Italie) a rappelé que la situation du Kosovo demeure complexe, surtout dans la mise en œuvre des normes. La situation sécuritaire demeure calme mais tendue, a-t-il aussi constaté, avant d’appeler à une dynamique qui assure l’aboutissement du processus sur le statut futur du Kosovo. L’Union européenne y participera, a-t-il dit, en expliquant que les Balkans ont une position géostratégique très importante pour l’Europe et pour l’Italie, en particulier. Nous devons orienter notre travail vers la recherche d’une situation gérable à long terme, a-t-il conclu.
M. PETER BURIAN (Slovaquie) s’est rallié aux observations et recommandations du rapport de la mission du Conseil qui a renforcé sa conviction selon laquelle la situation au Kosovo exige une décision rapide du Conseil de sécurité. Il a réaffirmé la position de son Gouvernement, en disant qu’il est nécessaire de progresser rapidement vers l’élaboration d’un projet de résolution. Pour accélérer le retour des réfugiés serbes, il sera vital d’améliorer les conditions de vie de ces communautés et la Slovaquie est disposée à étudier toute proposition en ce sens. L’action de la communauté européenne, a-t-il ajouté, doit s’inscrire dans le cadre d’une action plus large de l’Union européenne dans les Balkans.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a indiqué que ce n’est pas seulement l’avenir du Kosovo qui est en question mais aussi celui de la Serbie. Le statu quo actuel n’est pas acceptable, a-t-elle dit, en appelant les deux parties à assumer leur responsabilité. Il faut appuyer la seule vision réaliste pour le Kosovo, a-t-elle encouragé, en rappelant que son pays appuie les conclusions du rapport Ahtissari. Celui-ci a proposé le meilleur gouvernement fonctionnel dont pourrait disposer le Kosovo et la plus grande protection des minorités qui existe en Europe, a-t-elle estimé, tout en reconnaissant qu’il faut également donner à la Serbie l’assurance que son rôle dans la région ne sera pas amoindri. L’ensemble des propositions du Rapport Ahtisaari représente un compromis, a-t-elle une nouvelle fois insisté, en prévenant qu’on ne peut demander à l’Union européenne de mettre en œuvre des mesures qui ne sont pas viables.
M. ZALMAY KHALILZAD (États-Unis) a indiqué que la question du Kosovo avait un rang de priorité élevé pour son gouvernement. Revenant sur le déroulement de la mission, il s’est dit impressionné par l’engagement important de l’Union européenne qui estime non viable le statu quo actuel. En effet, ce statu quo constitue une menace à la paix et à la stabilité dans la région tout entière. Le représentant a regretté que les propositions des Serbes n’aient pas pris en compte l’histoire de la région et la polarisation des communautés résultant de la politique de nettoyage ethnique mise en place par Slobodan Milosevic. Nous avons vu au Kosovo les séquelles de la violence mais avons aussi constaté le potentiel de réconciliation ethnique, a-t-il affirmé. Tout retard dans la détermination du statut futur du Kosovo est de nature à déstabiliser l’ensemble des Balkans. Le représentant a appuyé les propositions de l’Envoyé spécial pour le Kosovo, un territoire qui faisait partie d’un pays qui n’existe plus. Cette solution est unique et les États-Unis se sont positionnés comme un partenaire au Kosovo afin de conclure le dernier chapitre de la désintégration de l’ex-Yougoslavie.
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