DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ, KOFI ANNAN APPELLE A PASSER AUX ACTES POUR LE DARFOUR AU BORD D’UNE NOUVELLE CALAMITÉ
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DEVANT LE CONSEIL DE S É CURIT É , KOFI ANNAN APPELLE A PASSER AUX ACTES POUR LE DARFOUR AU BORD D’UNE NOUVELLE CALAMIT É
Vous trouverez ci-après la déclaration faite aujourd’hui par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, devant le Conseil de sécurité sur la situation au Darfour:
La tragédie que connaît le Darfour est arrivée à un point critique. Elle mérite l’attention la plus grande et une action urgente du Conseil.
Il est essentiel que nous parlions tous franchement des événements survenus et de ce qu’il faudra faire pour mettre fin à la souffrance de tant de millions de personnes.
Je suis très heureux de constater que l’Union africaine, la Ligue des États arabes et l’Organisation de la Conférence islamique sont représentées ici aujourd’hui. Il est également important que le Gouvernement soudanais participe à cette séance.
Nous avons tous entendu les récentes informations profondément consternantes faisant état de la reprise de combats entre les diverses factions, en particulier dans le Nord-Darfour. Des milliers de soldats des Forces armées soudanaises ont été déployés dans la région en violation manifeste de l’Accord de paix pour le Darfour. Pire encore, la région a été soumise à de nouveaux bombardements aériens. Je condamne fermement cette escalade. Le Gouvernement doit cesser immédiatement son offensive et s’abstenir de toute nouvelle action de cette nature.
Les récents affrontements ont encore intensifié les malheurs d’une population qui a déjà bien trop souffert.
Encore une fois, des personnes ont été déplacées. Le nombre total de personnes déplacées atteint aujourd’hui le chiffre de 1,9 million. Près de 3 millions de personnes au Darfour ne peuvent compter que sur l’aide internationale pour se nourrir, se loger et se faire soigner.
En raison des combats, il est devenu beaucoup plus difficile pour les travailleurs humanitaires d’avoir accès à ces personnes. En juillet, l’insécurité a empêché le Programme alimentaire mondial (PAM) de distribuer des vivres à 470 000 personnes qui en avaient désespérément besoin. En août, le PAM est venu en aide à la population du Sud-Darfour; cependant, dans le Nord-Darfour, quelque 355 000 personnes n’ont pas accès à l’aide alimentaire, dans la plupart des cas pour le troisième mois consécutif. Depuis juillet 2004, date à laquelle j’ai signé un communiqué commun avec le Ministre des affaires étrangères du Soudan, l’accès n’a jamais été aussi fortement limité.
Les travailleurs humanitaires continuent d’être victimes d’actes de violence brutale, de harcèlements physiques et de calomnies. Un grand nombre de leurs véhicules ont été volés. Douze travailleurs humanitaires ont perdu la vie au cours des deux derniers mois seulement, soit plus que durant les deux années précédentes. Nous rendons hommage à leur sacrifice, mais nous ne pouvons et ne devons pas accepter les actes qui en sont la cause. Le personnel humanitaire doit pouvoir travailler sans entrave et en toute sécurité.
À mesure que l’accès devient plus difficile, les acquis humanitaires des deux dernières années sont battus en brèche. À moins que la sécurité ne s’améliore, nous sommes confrontés à l’éventualité de devoir réduire de façon radicale une opération humanitaire impérieusement nécessaire. En notre âme et conscience, pouvons-nous abandonner la population du Darfour à un tel sort? La communauté internationale, qui n’a pas aidé suffisamment le peuple rwandais lorsqu’il en avait besoin, peut-elle se contenter d’observer la tragédie, alors qu’elle s’amplifie? Alors que nous avons finalement reconnu, il y a exactement un an, notre responsabilité de protéger, pouvons-nous envisager un nouvel échec? Que des enseignements aient ou non été tirés, que des principes aient été respectés ou méprisés, ce n’est pas le moment de faire des compromis ou de débattre davantage.
Ces récents combats témoignent d’un mépris total pour l’Accord de paix pour le Darfour.
Cet Accord a suscité des espoirs qui se brisent. Les événements actuels bafouent plusieurs résolutions du Conseil et constituent une violation des engagements pris, notamment le non-déploiement de forces armées soudanaises supplémentaires. Du point de vue juridique et moral, une telle action est inacceptable.
À l’évidence, ceux qui ont ordonné cette action persistent à croire qu’une solution militaire peut régler la crise du Darfour. Toutes les parties auraient certainement dû déjà comprendre, après tant de morts et de ravages, que seul un accord politique impliquant l’ensemble des parties prenantes pourra instaurer une paix véritable dans la région.
Comme le Conseil l’a clairement indiqué dans la résolution 1706 (2006), l’Accord de paix sur le Darfour nous donne une chance de réaliser la paix. Au cours des prochains jours, au Secrétariat de l’ONU, nous allons nous réunir avec de hauts responsables de l’Union africaine en vue de parachever les mesures d’appui à la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS). Le Département des opérations de maintien de la paix va également se réunir avec les potentiels fournisseurs de contingents et de forces de police afin d’examiner l’élargissement de la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS) au Darfour.
L’Union africaine a indiqué très clairement qu’il fallait passer des opérations de la MUAS à une opération de maintien de la paix des Nations Unies, laquelle décision a été prise par le Conseil. L’Union africaine a aussi indiqué clairement qu’il fallait que la MUAS poursuive ses opérations jusqu’à ce moment-là et qu’il fallait résister à toute tentative visant à saper les décisions allant dans le sens de ces objectifs cruciaux. La Ligue des États arabes a également proposé un appui vital en faveur de la transition et a exprimé sa conviction que la MUAS devrait être maintenue jusqu’à la fin de l’année.
À vrai dire, la MUAS est indispensable. Les contingents de l’Union africaine se sont acquittés de leur tâche avec courage, dans des conditions très difficiles. Ils ont un rôle essentiel à jouer jusqu’à ce qu’une opération des Nations Unies puisse être mise en place, mais ils ne disposent toujours pas des ressources nécessaires. Encore une fois, je demande aux partenaires de la MUAS de veiller à ce que cette dernière puisse continuer à opérer pendant cette période cruciale de transition.
Mais soyons clairs. Nous savons tous que le Gouvernement soudanais continue de refuser la transition, et le Conseil sait bien que sans le consentement du Gouvernement, cette transition ne sera pas possible.
C’est pourquoi je demande à nouveau au Gouvernement soudanais d’adopter l’esprit de la résolution 1706 (2006), de consentir à la transition et de poursuivre le processus politique avec une énergie et un engagement renouvelés. C’est surtout et avant tout la population du Darfour qui subira les conséquences de l’attitude actuellement adoptée par le Gouvernement – de nouveaux morts et de nouvelles souffrances sur une échelle peut-être catastrophique. Mais le Gouvernement lui-même en pâtira s’il n’assume pas sa responsabilité sacrée de protéger son propre peuple. Il sera en butte à l’opprobre et à la honte de toute l’Afrique et de l’ensemble de la communauté internationale. Par ailleurs, ceux qui décident de cette politique et ceux qui l’exécutent doivent bien comprendre qu’ils en seront tenus pour responsables.
Mais ma voix ne va pas à elle seule convaincre le Gouvernement. J’ai tenté à maintes reprises d’expliquer au Gouvernement en quoi consistait la transition et de dissiper toute idée fausse ou tout mythe. En public comme en privé, j’ai insisté sur la situation humanitaire et lancé un appel au pragmatisme du Gouvernement. Le moment est désormais venu que d’autres voix se fassent entendre. Il faut que les gouvernements et les dirigeants, en Afrique et ailleurs, qui sont en mesure d’influencer le Gouvernement soudanais fassent pression sans plus attendre. Il faut également que le Conseil envoie un message clair, énergique et uniforme. La population du Darfour vit une période périlleuse, mais c’est également un moment décisif pour le Conseil qui, depuis plus de deux ans, s’efforce d’endiguer les combats et d’améliorer la situation au Darfour. Et pourtant, une fois de plus, nous nous trouvons au bord d’une nouvelle calamité.
La situation actuelle ne peut plus durer. Le moment est venu de passer aux actes. Cela me semble être, non seulement au Darfour, mais partout dans le monde – une mise à l’épreuve cruciale de l’autorité et de l’efficacité du Conseil, de sa solidarité à l’égard des personnes dans le besoin et de sa volonté de rechercher la paix. J’engage le Conseil, dans les termes les plus vifs, à être à la hauteur de la situation.
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