LE COMITÉ SPÉCIAL SUR LA DÉCOLONISATION INVITE TOUTES LES PARTIES À ŒUVRER POUR FACILITER UN ACTE D’AUTODÉTERMINATION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE QUI N’EXCLUT AUCUNE OPTION
Communiqué de presse AG/COL/3123 |
Comité spécial chargé d’étudier la situation
en ce qui concerne l’application de la
Déclaration sur l’octroi de l’indépendance
aux pays et aux peuples coloniaux
9e séance – matin
LE COMITÉ SPÉCIAL SUR LA DÉCOLONISATION INVITE TOUTES LES PARTIES À ŒUVRER POUR FACILITER UN ACTE D’AUTODÉTERMINATION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE QUI N’EXCLUT AUCUNE OPTION
Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a, ce matin, adopté sans vote un projet de résolution, présenté par Fidji tel qu’amendé oralement. Par ce texte, il a invité les parties concernées à continuer de promouvoir un environnement propice à l’évolution pacifique du territoire vers un acte d’autodétermination qui n’exclurait aucune option et qui garantirait les droits de tous les Néo-Calédoniens, en particulier ceux du peuple autochtone kanak. Il s’est également félicité de l’attitude coopérative des autres États et territoires de la région au sujet de la Nouvelle-Calédonie, de ses aspirations économiques et politiques et de son intention d’accueillir en 2005 la réunion au niveau ministériel du Forum des îles du Pacifique.
Le Comité spécial a également engagé toutes les parties concernées à poursuivre leur dialogue dans l’intérêt de tous les Néo‑Calédoniens. Ce dialogue doit se faire dans le cadre de l’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 par les représentants de la Nouvelle-Calédonie et du Gouvernement français. L’accord vise notamment à mieux prendre en compte l’identité kanake dans l’organisation politique et sociale de la Nouvelle-Calédonie. Il prévoit aussi que la Nouvelle-Calédonie devienne membre ou membre associé de certaines organisations internationales dans la région du Pacifique, mais aussi l’Organisation des Nations Unies, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture et l’Organisation internationale du travail.
En début de séance, le représentant du Ministère des affaires étrangères des Samoa américaines s’est dit déçu par le niveau de mise en œuvre de la résolution omnibus qui reprend la question des Samoa américaines. Il existe un fossé entre les dispositions de la résolution et leur réelle mise en œuvre. Pour réussir à faire évoluer les 16 territoires restant vers l’autonomie, les Nations Unies devront assurer la pleine application de leurs propres résolutions. La représentante du Gouvernement des Bermudes, Mme Dianna Kempe, a exposé les vues divergentes de la population des Bermudes à la suite desquelles une Commission chargée de la question de l’indépendance a été créée en 2004. Cette Commission transmettra au Comité spécial son premier rapport à la fin du mois.
Pour Shelley Moorhead, pétitionnaire et représentante de l’Alliance africaine-caribbéenne pour les réparations et la réinstallation, le colonialisme doit disparaître non seulement dans les faits mais également des mentalités, y compris de celles des populations noires.
Les représentants des pays suivants ont posé des questions: Cuba, République du Congo et Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Le Comité spécial reprendra ses travaux, lundi 20 juin à 10 heures. Il se penchera sur les activités économiques et autres affectant les intérêts des territoires non autonomes.
QUESTIONS RELATIVES AUX SAMOA AMÉRICAINES, ANGUILLA, BERMUDES, ÎLES VIERGES BRITANNIQUES, ÎLES CAÏMANES, GUAM, MONTSERRAT, PITCAIRN, SAINT-HÉLÈNE, TOKÉLAOU, ÎLES TURQUES ET CAÏQUES, ET LES ÎLES VIERGES AMÉRICAINES.
Déclarations
M. CARLYLE CORBIN, représentant du Ministère des affaires étrangères des Samoa américaines, s’est félicité de l’adoption de la résolution sur les Samoa par les États Membres qui consacre le droit des populations de ce territoire sur leurs ressources naturelles et l’envoi de missions de visite. Toutefois, l’ensemble des mesures demandées dans ce texte depuis 25 ans avaient été mises en œuvre, les territoires auraient progressé plus vite. Nous sommes toutefois déçus par le peu de progrès réalisés dans la mise en œuvre de la résolution. Nous estimons également que les informations fournies par les États Membres conformément à l’Article 73 de la Charte des Nations Unies sont insuffisantes. Il reste encore 16 territoires non autonomes alors qu’ils étaient au nombre de 18 en 1973. Chaque année, l’Assemblée générale a adopté une résolution sur la diffusion d’informations sur la décolonisation. Malheureusement, les habitants de ces territoires n’en bénéficient pas et ne sont pas informés. Cette incohérence doit être rectifiée.
La mission spéciale des Nations Unies aux Bermudes constitue cependant une approche inédite et novatrice. Nous nous réjouissons par ailleurs que la résolution sur les îles Vierges américaines aborde des questions importantes mais certains aspects laissent encore à désirer. Pourquoi est-ce que la référence à l’UNESCO a–t-elle été supprimée du texte de 2004? Est-ce que la rétrocession des ressources naturelles, telle que spécifiée dans ce texte, a vraiment eu lieu? Il existe un fossé entre les dispositions de la résolution et leur réelle mise en œuvre. Il faut cibler davantage leur mise en œuvre. Pour réussir à faire évoluer les 16 territoires restant vers l’autonomie, les Nations Unies devront assurer l’application de leurs propres résolutions.
M. SHELLEY MOORHEAD, Président de l’Alliance africaine-caribéenne pour les réparations et la réinstallation, a affirmé qu’aujourd’hui, après 175 ans d’occupation danoise, les îles Vierges étaient prêtes à l’autodétermination. Notre supplice n’est pas spécifique aux îles Vierges, a-t-il déclaré, car de nombreux autres territoires non autonomes subissent le même sort. Il a souhaité se pencher sur la situation économique des îles Vierges et présenter des solutions applicables dans les autres territoires non autonomes en se basant sur des passages de la Bible. Que l’on soit dominé par une puissance étrangère ou que l’on maintienne une domination sur d’autres, a estimé M. Moorhead, il faut aujourd’hui présenter un programme de réparation en vue d’aider les générations à venir. Il a réclamé des réparations en matière économique, foncière et d’éducation.
Mais il a surtout insisté sur le fait que l’essentiel de la réparation réside dans une réparation historique aux populations noires, par les populations noires, et pour les populations noires. Il faut avant tout, selon lui, une réhabilitation des esprits, car on ne peut espérer changer le monde sans d’abord changer les mentalités. Il a conclu en affirmant que ce n’est pas en espérant que l’Europe s’effondre que les îles Vierges pourront espérer se relever. Un peuple qui a obtenu réparation est le garant de la réconciliation et des réparations en faveur des descendants des Africains en occident. Il a conclu en espérant que la collaboration entre l’Alliance africaine caribéenne pour les réparations et les îles Vierges soit un modèle et ouvre la voie vers une éradication totale de toute idée de colonialisme, car cette idée est encore aujourd’hui très présente dans les esprits un peu partout dans le monde.
Mme DIANNA KEMPE, représentante du Gouvernement des Bermudes, a présenté quatre étudiantes des Bermudes se trouvant dans la salle avant de revenir sur l’évolution constitutionnelle du territoire. Elle a précisé que les Bermudes bénéficient d’une forme de gouvernement parlementaire depuis 400 ans. La Constitution des Bermudes date de 1968. Les Bermudes jouissent d’un certain degré d’autonomie qui n’a pas subit d’interférences, à quelques exceptions rares. Les discussions sur l’autodétermination de l’île ont été sporadiques au cours des 37 dernières années. En 1966, le Gouvernement avait proposé la tenue d’un référendum sur cette question mais à cette époque, le parti d’opposition avait refusé d’y participer en vue de faire vaincre le « non ».
Ce parti qui est arrivé au pouvoir en 1998 a formé en décembre 2004 la Commission pour l’indépendance des Bermudes qui a commencé à fonctionner au mois de janvier de cette année. La Commission a pour mandat, entre autres, de collecter des informations sur cette question, de promouvoir et d’organiser le dialogue national, d’identifier et de fournir des services juridiques sur des questions constitutionnelles et consulaires. Au cours des six derniers mois, la Commission a tenu une dizaine de réunions. Les membres de la Commission ont également eu la possibilité de rencontrer des membres de la fonction publique et des diplomates du Royaume-Uni, des États-Unis, du Canada et de l’Union européenne ainsi qu’en provenance d’autres pays des Caraïbes afin de tirer des leçons de leur expérience.
Abordant la question de la nationalité, la représentante a expliqué qu’en cas d’accession à l’indépendance, la nationalité britannique serait retirée aux Bermudiens, ce qui est un sujet de profonde préoccupation. Elle a également expliqué qu’il était apparu clairement au cours des débats avec les membres de la puissance administrante que le Royaume-Uni n’entendait pas accorder un statut de libre association et que la seule option était soit le statu quo, soit l’indépendance. Certaines personnes pensent également que nous aurons besoin de l’aide d’un pays pour venir à bout de nos problèmes sociaux tandis que d’autres estiment que ces problèmes devraient être réglés avant l’accession à l’indépendance. Contrairement à d’autres juridictions coloniales, il n’existe pas d’impératifs économiques justifiant un changement quelconque. Pour d’autres, l’indépendance est la dernière étape scellant le chapitre de l’esclavage, du colonialisme et de la ségrégation.
M. ORLANDO REQUEIJO GUAL (Cuba) a souhaité connaître l’état d’esprit du peuple des Bermudes en matière d’autodétermination. Il s’est dit dubitatif quant aux propos de la représentante des Bermudes qui a laissé entendre que l’économie des Bermudes restait fragilisée car des habitants des Bermudes souhaiteraient quitter leurs îles si l’indépendance du territoire était proclamée.
En réponse à ces remarques, Mme KEMPE a expliqué que l’économie des Bermudes était basée à 70% sur des capitaux étrangers. Elle a reconnu que les Bermudes faisaient souvent les gros titres quant au commerce international et au secteur des assurances. À cet égard, elle a indiqué que des poursuites judiciaires ont été lancées récemment dans le secteur des assurances. Les Bermudes connaissent une situation précaire, car elles dépendent beaucoup de fonds internationaux. Elle a conclu en affirmant que le commerce international avait fonctionné et avait permis aux Bermudiens de comprendre que c’était essentiel pour l’économie. Certains, a-t-elle même fait remarquer, considèrent qu’une éventuelle indépendance constituerait un obstacle à l’économie.
La première étudiante des Bermudes, AKILAH BECKLES, a évoqué son parcours familial qui a forgé sa détermination à soutenir l’indépendance et la participation des Bermudes à une économie globale. Les questions sociales ne sont en effet pas traitées de manière appropriée.
La deuxième étudiante des Bermudes, CAITLIN COLLIS, a déclaré que la question de l’indépendance était urgente. L’indépendance permettrait aux Bermudes de participer à un monde interdépendant. Mais en même temps, compte tenu de l’économie florissante du territoire, pourquoi chercher l’indépendance. Je ne suis pas sûre que cette dernière option soit la bonne.
La troisième étudiante des Bermudes, GENEIEVE GORDON, a exprimé son opposition à l’accession à l’indépendance en raison des conséquences importantes que cela entraînerait comme par exemple la nationalité britannique.
La quatrième étudiante des Bermudes, DIEDRA-LEE BEAN, a estimé pour sa part que le territoire était prêt à l’indépendance tout en précisant que les Bermudes devaient se forger une identité propre qui aille au-delà de leur passé colonial.
M. JIMMY URE OVIA (Papouasie Nouvelle-Guinée) a évoqué sa participation à la mission de visite des Nations Unies aux Bermudes. Il a affirmé qu’avant de s’y rendre, il pensait que l’économie bermudienne était forte et que les Bermudes étaient indépendantes. Mais après y être allé, il a estimé qu’un processus d’éducation et des débats sur l’autodétermination étaient nécessaires. Lorsque les Bermudiens décideront d’exercer leur droit à l’autodétermination, cela signifiera que les Nations Unies auront joué leur rôle. Il a conclu en soutenant un processus d’autodétermination des Bermudes.
M. OKIO (République du Congo) a demandé aux étudiantes comment s’articulait le débat sur l’indépendance dans les établissements scolaires et universités des Bermudes. Répondant à cette question, Mme Kempe a expliqué que le niveau de connaissances des étudiants sur cette question était assez fragmentaire bien avant que le débat national ne soit lancé et qu’une majorité d’entre eux ne s’opposent à l’indépendance. Il a également été précisé, en réponse à la question du représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, que le débat en cours concernait tous les établissements scolaires mais que l’école ayant réussi le concours, et dont les représentants se trouvent dans la salle aujourd’hui, est une école de filles.
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