TAD/1972

L’ETUDE DE LA CNUCED SUR LES PERSPECTIVES DE DELOPPEMENT DE L’AFRIQUE PRECONISE D’ALLEGER LE FARDEAU DE LA DEPENDANCE A L’EGARD DES PRODUITS DE BASE

27/02/2004
Communiqué de presse
TAD/1972


L’ETUDE DE LA CNUCED SUR LES PERSPECTIVES DE DELOPPEMENT DE L’AFRIQUE PRECONISE D’ALLEGER LE FARDEAU DE LA DEPENDANCE A L’EGARD DES PRODUITS DE BASE


GENEVE, le 26 février (CNUCED) -- Selon un nouveau rapport de la CNUCED intitulé «Le développement économique en Afrique: résultats commerciaux et dépendance à l’égard des produits de base»1, publié ce jour, la majorité des pays africains pâtissent d’une structure commerciale qui les expose à une dégradation continue des termes de l’échange et une grande instabilité des recettes en devises. Une telle situation, qui fait obstacle à une gestion macroéconomique efficace et freine la formation de capital, entrave les efforts de diversification vers des activités plus productives et aggrave le surendettement. Résultat: en dépit des programmes d’ajustement structurel appliqués depuis des années, une grande partie de l’Afrique subsaharienne reste tributaire des produits de base. En outre, comme la Conférence de Cancún l’a mis en évidence dans le cas du coton, les énormes subventions accordées par le Nord ont contribué «dans une mesure non négligeable à saper les efforts déployés par certains pays africains pour faire reculer la pauvreté». Ce rapport préconise d’agir sur trois fronts pour alléger, à court terme, le fardeau de cette dépendance et faciliter, à plus long terme, des transformations structurelles, en associant: le renforcement des capacités institutionnelles nationales à des accords commerciaux plus équilibrés et à des régimes de financement plus généreux et plus novateurs au niveau international.


«Pris au piège des produits de base»


Paradoxalement, bien que l’Afrique soit restée tributaire des exportations de produits primaires hors combustibles, elle a perdu du terrain dans les exportations mondiales de ces produits, où sa part est passée de 6% en 1980 à 4% environ en 2000. Le taux de croissance annuelle moyen de ces exportations a été de 0,6 % pour l’Afrique contre 3,3% en moyenne pour l’ensemble des pays en développement et 5 % pour l’Asie. Quant à la part du continent africain dans les exportations totales de marchandises, elle a reculé de 6,3% à 2,5%.


L’Afrique subsaharienne n’a donc guère pris part à l’essor du commerce des produits dynamiques. Un seul des principaux produits exportés par l’Afrique (hors combustibles) figure parmi les 20 produits les plus dynamiques du monde, ce qui, d’après le rapport, tient dans une large mesure tant à l’incapacité de se réorienter vers les articles manufacturés qu’à l’atonie de la demande mondiale de ses exportations de produits de base autres que les combustibles, situation aggravée par la forte instabilité des prix et la baisse constante des prix réels. L’analyse que fait la CNUCED des prix réels de 14 produits de base présentant un intérêt à l’exportation pour l’Afrique entre 1960 et 2000 fait apparaître une forte instabilité des prix pour 12 d’entre eux et une tendance à l’érosion des prix réels dans le cas de 9 produits. Malgré certains signes d’amélioration au


début des années 90, l’indice combiné des prix de tous les produits de base de la CNUCED a chuté de plus de 50 % entre 1997 et 2001: ce sont les produits tropicaux pour la préparation de boissons et les graines oléagineuses et huiles végétales, qui constituent un cinquième des exportations de produits de base hors combustibles de l’Afrique subsaharienne, qui ont accusé la baisse la plus forte en prix réels. Si les prix des produits de base étaient restés aux niveaux de 1980, le revenu par habitant serait aujourd’hui supérieur de 50 %. De nombreux pays africains sont ainsi pris dans un cercle vicieux qui est en fait devenu un «piège de la pauvreté».


Selon le rapport, l’évolution défavorable des termes de l’échange et la perte de parts de marché, principales causes du fort endettement du continent, ont gravement nui au développement économique de l’Afrique subsaharienne, d’où la faiblesse de l’épargne et de l’investissement. Pour les mêmes raisons, plusieurs pays africains bénéficiant actuellement d’un allégement de la dette dans le cadre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) risquent de retomber, selon les projections des institutions financières multilatérales, à un niveau d’endettement intolérable. En moyenne, les PPTE dont les indicateurs de la dette se détériorent sont davantage tributaires des exportations de produits de base et leurs exportations accusent une instabilité beaucoup plus forte que celle des exportations d’autres PPTE.


L’effet de ruissellement inverse


Les causes d’un tel état de choses sont certes complexes. Le rapport souligne l’importance cruciale de l’accès aux marchés, d’autant que la plupart des crêtes tarifaires postérieures au Cycle d’Uruguay concernent l’agriculture et que la progressivité des droits se fait plus lourdement sentir dans le cas des produits transformés. Tout en appréciant des initiatives récentes telle la loi sur la croissance et les potentialités de l'Afrique adoptée par les Etats-Unis (AGOA), ou l'Initiative "Tout sauf les armes" de l'Union Européenne, le rapport note que les bénéfices auraient été supérieurs sans les prescriptions en matière de règles d’origine. Sans compter les énormes pertes de revenu subies par les agriculteurs pauvres d’Afrique subsaharienne du fait des subventions agricoles et du soutien interne accordés aux producteurs moins compétitifs (mais souvent les plus riches) des pays de l’OCDE, qui contribuent à l’offre structurellement excédentaire et à l’érosion constante des prix réels de produits comme le coton, les arachides et le sucre. En 2002, ces aides ont entraîné un manque à gagner estimé à 300 millions de dollars pour l’industrie cotonnière africaine, soit plus que l’allégement total de la dette (230 millions de dollars), de neuf PPTE exportateurs de coton d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale approuvé la même année par la Banque mondiale et le FMI.


Ceux qui profitent le plus de cette situation sont les grandes sociétés transnationales dont les activités sont concentrées aux maillons supérieurs de la chaîne de valeur et qui peuvent contrôler les achats et la commercialisation par des contrats de production, des rapprochements d’entreprises et d’autres mécanismes et faire obstacle à l’entrée de nouveaux arrivants sur les marchés grâce à des avantages exhorbitants, qu’il s’agisse de financement, d’information ou de technologie. Les bas prix des intrants ont permis à ces sociétés et aux négociants d’engranger de très gros bénéfices au détriment des producteurs pauvres: compte tenu du démantèlement des entreprises d’État (offices de commercialisationet caisses de stabilisation), ces agriculteurs ont peu de marge de manœuvre pour faire contrepoids. Selon l’Organisation internationale du café (OIC), les pays producteurs de café ne perçoivent actuellement (exportations FAB) que 5,5 milliards de dollars sur les 70 milliards que représentent les ventes au détail, alors qu’au début des années 90, leurs recettes étaient comprises entre 10 et 12 milliards de dollars sur des ventes au détail estimées à 30 milliards. Mais le rapport relève une évolution analogue pour de  nouveaux produits, plus dynamiques et à plus forte valeur ajoutée comme le poisson, les fleurs coupées ou les légumes.


Des choix difficiles à faire… «Mais rien ne justifie l’indifférence actuelle» (M. Chirac, Président de la République française)


Vu les conclusions du rapport et d’autres travaux de recherche de la CNUCED, il est incontestable que la conjoncture mondiale et les chocs imputables à des facteurs externes pèsent considérablement sur les perspectives de croissance et de développement de l’Afrique. Cependant, le fait que bon nombre de sociétés et de consommateurs des pays avancés ont bénéficié de la faiblesse des prix des produits de base est également à prendre en compte. En outre, comme le souligne le rapport, alors même que ces pays protégeaient généreusement leurs propres agriculteurs des effets néfastes de l’instabilité et, de la baisse générale des prix réels des produits de base, ils s’opposaient à l’emploi d’instruments analogues pour protéger les communautés rurales des pays en développement, beaucoup plus durement touchées. Il appartient donc à la communauté internationale d’assumer sa part de responsabilité à la lumière des objectifs de développement du Millénaire, en soutenant une politique cohérente qui ne neutralise pas les efforts de restructuration et de diversification économiques de l’Afrique.


L’étude de la CNUCED préconise, en ce qui concerne les produits de base, de nouvelles initiatives internationales qui répondent aux besoins de développement des pays africains. Il faut renforcer les capacités institutionnelles locales pour combler le vide qui règne à cet égard dans des domaines tels que la recherche ou la formation, les infrastructures de transport, la gestion de l’information, le contrôle de la qualité et l’administration de mécanismes de rationalisation. Cela exigera de l’État qu’il joue un rôle plus actif qu’il ne le fait actuellement pour lutter contre la dépendance de l’Afrique à l’égard des produits de base tout en tenant compte des erreurs commises dans ce domaine par le passé et des problèmes financiers. En l’occurrence, il reste essentiel d’accroître l’aide publique au développement (APD) et de prévoir des mesures plus poussées, plus globales et plus expéditives d’allégement de la dette aux fins d’une stratégie efficace propre à revitaliser le secteur primaire et à diversifier le tissu économique.


Il faut évaluer l’ensemble des mécanismes de financement compensatoire visant à pallier les chocs des prix à court terme et l’insuffisance des recettes des producteurs africains de produits de base. Cet examen devra porter sur le fonctionnement procyclique des mécanismes antérieurs et le poids de conditions excessives. Il convient également d’étudier l’opportunité d’un «fonds pour la diversification» pour contribuer à diversifier les exportations, ce qui rendrait du même coup les pays africains mieux à même de rationaliser leur offre d’exportations traditionnelles.


Le rapport prône une accélération des négociations en cours au sein de l’Organisation mondiale du commerce sur la réduction et l’élimination ultérieure des subventions à l’agriculture, ainsi que le renforcement de l’assistance technique aux pays pauvres dans des domaines tels que le contrôle de la qualité et les prescriptions en matière de santé et de sécurité. Il recommande l’adoption de mesures transitoires pour dédommager les producteurs africains des pertes de revenu imputables aux subventions et à d’autres formes de soutien interne à l’agriculture des pays du Nord.


Enfin, il convient d’explorer de nouveaux marchés, y compris en renforçant le commerce Sud-Sud − notamment des produits de base non traditionnels (fruits, légumes, poisson et fruits de mer) qui ont une haute élasticité-revenu et des taux de protection moindres − et en augmentant les exportations à destination des marchés émergents. Le rapport met aussi l’accent sur l’expansion du commerce intra-africain, qui est l’un des principaux objectifs du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).


* Contacts: Service de presse: +41 22 917 5828, press@unctad.org , www.unctad.org/press ; ou K. Kousari,+41 22 917 5800, kamran.kousari@unctad.org .


1 L'étude «Le Développement économique en Afrique: Résultats commerciaux et dépendance à l'égard des produits de base» (UNCTAD/GDS/AFRICA/2003/1. Sales No. E.03.II.D.34, ISBN 92-1-112605-3) peut être obtenu au prix de 15 dollars des États-Unis auprès du Service des publications de l’Organisation des Nations Unies, Two UN Plaza, Bureau DC2-853, Dépt. PRES, New York, NY 10017, États-Unis d’Amérique, téléphone: +1 800 253 9646 ou +1 212 963 8302, télécopieur: +1 212 963 3489, courrier électronique: publications@un.org, ou auprès de la Section des ventes et commercialisation, Bureau E-4, Palais des Nations, CH-1211 Genève 10, Suisse, téléphone: +41 22 917 2614, télécopieur: +41 22 917 0027, courrier électronique: unpubli@unog.ch, Internet: http://www.un.org/publications.


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