GA/PAL/952

REUNION SUR LE MUR DE SEPARATION ISRAELIEN: LES ORATEURS DEBATTENT DE L'IMPACT DU MUR SUR LES PALESTINIENS ET SUR LA PAIX DANS LA REGION

16/04/2004
Communiqué de presse
GA/PAL/952


REUNION SUR LE MUR DE SEPARATION ISRAELIEN: LES ORATEURS DEBATTENT DE L'IMPACT

DU MUR SUR LES PALESTINIENS ET SUR LA PAIX DANS LA REGION


GENÈVE, 16 avril -- La Réunion internationale sur les répercussions de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est et alentours, est entrée aujourd'hui dans sa seconde journée.


La Réunion a entendu un message adressé par le Président du Comité spécial chargé d'enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l'homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés.  Le Président du Comité spécial déclare que le mur entrave la vie quotidienne de l'ensemble de la population palestinienne tout en pesant sur son avenir.  Il affirme que sa construction viole des dispositions essentielles du droit international humanitaire et met en péril l'ensemble du processus de paix engagé par la Feuille de route et censé déboucher sur la coexistence pacifique de deux États voisins. 


Un député au Conseil législatif palestinien, M. Ghasi Hanina, a indiqué que la construction du mur allait entraîner l'annexion d'une grande partie de la Cisjordanie.  Il a par ailleurs regretté que la Feuille de route ait été remplacée, avec la bénédiction des États-Unis, par le Plan Sharon.


Des experts de droit international ont notamment souligné que la construction de ce mur est illégale, et que la notion de légitime défense ne peut s'appliquer s'agissant de la construction du mur.  Il a été estimé que le mur représente un châtiment collectif qui vise à pousser les Palestiniens à quitter leur territoire, et ce afin de mieux implanter des colonies de peuplement israéliennes.  Un expert a exprimé l'espoir que la justice israélienne va dès à présent rejeter ce projet sans attendre un avis de la Cour internationale de justice.


La Réunion clôt ses travaux cet après-midi, à l'issue d'une séance plénière qui commencera à 15 heures et sera consacrée à l'exposé des conséquences de la construction du mur sur le processus politique israélo-palestinien.


Déclarations


M. OUSMANE CAMARA (Sénégal), membre du Comité spécial chargé d'enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l'homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, a donné lecture du message adressé par le Président du Comité spécial, dans lequel il déclare que le mur entrave la vie quotidienne de l'ensemble de la population palestinienne tout en pesant sur son avenir.  Sa construction viole des dispositions essentielles relatives au droit international humanitaire et met en péril l'ensemble du processus de paix engagé par la Feuille de route et censé déboucher sur la coexistence pacifique de deux États voisins.  Le Président du Comité spécial a souligné que cette réunion est une étape cruciale permettant de prendre la mesure des développements « funestes » apparus depuis que les autorités israéliennes ont posé les premières pierres du mur.


Dans son message, le Président du Comité spécial rappelle que, depuis sa création en 1968, le Comité spécial chargé d'enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l'homme du peuple palestinien n'a jamais été autorisé à visiter les territoires palestiniens occupés.  Néanmoins, il a récemment déployé des efforts assidus pour établir un dialogue positif avec l'État d'Israël.  Le Comité est en effet convaincu qu'en raison de la gravité de la situation, le temps est maintenant venu pour le Comité spécial d'être autorisé à se rendre dans les territoires occupés pour se faire par lui-même une idée de la situation présente des droits de l'homme et entendre les vues du Gouvernement israélien sur cette question.


En outre, le Comité spécial partage les vues du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires occupés, notamment lorsqu'il mentionne dans son dernier rapport à la Commission des droits de l'homme que le mur interfère avec le droit des Palestiniens à l'autodétermination.  Le Comité spécial encourage enfin la communauté internationale à redoubler ses efforts pour l'application effective de la Feuille de route du Quatuor acceptée par les deux parties et la recherche incontournable d'une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, fondée sur les résolutions du Conseil de Sécurité.


M. GHASI HANINA, Député au Conseil législatif palestinien, a souligné que la construction du mur avait pour conséquence de séparer les agriculteurs de leurs terres et d'empêcher certains écoliers de poursuivre leurs études.  Sur le plan de la santé, le mur empêche le transfert de malades dans certains hôpitaux et entraîne une situation sanitaire dramatique.  Les « autorités occupantes » ont empêché la vaccination de centaines d'enfants, a affirmé M. Hanina.  Les parlementaires ne pouvant quitter Ramallah que sur autorisation, certains membres du Conseil législatif se voient ainsi empêcher de participer à leurs activités parlementaires.  Par ailleurs, les députés du Nord de la Cisjordanie ne peuvent pas accéder aux réunions parlementaires non plus.  M. Hanina a souligné que le mur entraînera l'annexion d'une grande partie de la Cisjordanie.  Il a soutenu que la Feuille de route a désormais été remplacée par le Plan Sharon, et ce avec la bénédiction des États-Unis, et que le retrait israélien de la bande de Gaza et de la Cisjordanie a perdu toute signification à présent.  Le fait de vouloir rejeter l'Autorité palestinienne, qui a été pourtant élue par son peuple, ne présage rien de bon pour la suite des négociations, a conclu M. Hanina.


M. NICK HOWEN, Secrétaire général de la Commission internationale des juristes (CIJ), a indiqué que la CIJ reconnaît le droit et le devoir d'Israël de protéger la sécurité de ses citoyens et de défendre son territoire.  En plus d'être une question politique, la construction du mur soulève également des questions juridiques, particulièrement dans la mesure où elle a des incidences en matière de droits de l'homme.  La légitimité politique du mur doit donc aller de pair avec sa conformité au droit.


M. Howen a souligné que malgré ses contestations à cet égard, Israël est tenu de respecter la quatrième Convention de Genève relative à la protection des civils en temps de guerre, même dans les territoires occupés.  Par ailleurs, Israël est également lié par le droit international humanitaire en raison de son caractère coutumier, tel que récemment reconnu d'ailleurs par une décision de la Cour suprême de justice israélienne siégeant en tant que Haute Cour dans les territoires occupés.  M. Howen a indiqué que les traités en matière de droits de l'homme s'appliquent de façon extraterritoriale et que la Convention internationale sur les droits civils et politiques est applicable en cas d'occupation de belligérants.  Par ailleurs, la jurisprudence des organes conventionnels des droits de l'homme reconnaît clairement, contrairement aux arguments du Gouvernement israélien, que les lois en matière de droits de l'homme ne cessent pas de s'appliquer en temps de conflits armé ou d'occupation.  M. Howen a indiqué qu'il s'agissait là d'une question de bon sens et non plus d'une position juridique.  Il ne fait, en effet, aucun sens de considérer que les lois en matière de droits de l'homme ne sont pas applicables et qu'il faut uniquement se référer au droit international humanitaire lorsqu'une occupation se prolonge plus de 37 ans.  M. Howen a ajouté que la lutte contre le terrorisme ne peut en aucun cas remettre en cause les normes internationales en matière de droits de l'homme.


Le Secrétaire général de la Commission internationale des juristes a souligné qu'un large éventail de droits se trouve affecté par la construction du mur, notamment les droits civils et politiques des palestiniens ainsi que leurs droits économiques, sociaux et culturels.  Au centre des préoccupations de la Commission internationale des juristes se trouve la restriction à la liberté de mouvement et au droit de résidence.  Le mur ne permet pas la libre circulation des personnes et des biens et vise à détruire le tissu social des Palestiniens.  M. Howen a souligné que le tracé du mur rogne de larges parties du territoire palestinien, ajoutant que toutes ces violations des droits de l'homme ne devaient pas être étudiées de façon individuelle.


M. MICHAEL SFARD, avocat pour HaMoKed, Centre pour la défense de l'individu (Tel-Aviv), a indiqué que ce mur représente une violation flagrante du droit international humanitaire et empiète sur les territoires occupés.  Par ailleurs, l'occupation par Israël de la bande de Gaza et de la Cisjordanie ne respecte pas le droit international.  Les colonies de peuplement israélien constituent une violation du droit international puisque ce sont des entités étrangères présentes sur les territoires occupés.  La construction de ce mur est illégale et nous sommes face à une situation d'apartheid, a soutenu M. Sfard, qui espère que la justice israélienne va dès à présent rejeter ce projet plutôt que d'attendre un avis de la Cour internationale de justice.


Dans l'exposé écrit présenté aux participants à la Réunion, M. Sfard souligne que le Gouvernement israélien a outrepassé sa compétence et enfreint le droit international coutumier, qui fait partie intégrante du droit interne.  Il rappelle certains principes dont celui qui dispose que la puissance occupante est responsable de l'ordre et de la sécurité.  Un second principe stipule que l'occupation de guerre n'a pas pour conséquence pour la puissance occupante d'être souveraine dans le territoire occupé.  S'agissant de certaines dispositions sur la propriété privée, M. Sfard a indiqué que la confiscation de terres est interdite, sans exceptions, même en cas de nécessité dictée par des considérations de sécurité.  Des Palestiniens qui vivent depuis des générations sur leur terre doivent désormais se rendre dans les bureaux de l'administration civile, remplir un formulaire et demander un permis pour séjourner dans leur foyer.  M. Sfard a souligné les répercussions économiques, culturelles, sociales de la barrière.  La rupture de contact entre les habitants de l'ouest et de l'est de la barrière crée de fait une nouvelle entité politique.


M. IAIN SCOBBIE, professeur de droit international à la London School of Oriental and African Studies, a rappelé qu'en 1977, le Département d'État américain avait émis un avis affirmant le caractère illégal des colonies de peuplement dans les territoires occupés.  Dans les plaidoyers à la Cour internationale de justice, les États se sont concentrés sur les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, mais ils n'ont pas insisté sur le droit à la propriété privée qui est régi par les dispositions de la Haye de 1941.  Tout empiètement sur le droit à la propriété doit être justifiée.  L'État occupant est responsable de la préservation de l'intégrité des biens.  En octobre dernier, Israël avait soutenu devant l'Assemblée générale des Nations Unies que la construction du mur relevait de la notion de légitime défense.  Or, cette notion ne peut pas s'appliquer dans cette affaire, a souligné M. Scobbie.


M. BEN SAUL, coordonnateur des avocats d'intérêt public d'Oxford (Université d'Oxford), a indiqué qu'il était inadmissible de restreindre la liberté de mouvement des Palestiniens.  Dans la mesure où la barrière de sécurité dépasse la ligne verte, l'édification du mur vise à assurer un objectif de sécurité illégal en protégeant les colonies de peuplement.  Si le mur a été construit pour empêcher les attentats-suicides, il n'a pas empêché les attaques, a indiqué M. Saul, qui a rappelé également que les auteurs de ces attentats ont pu passer dans certaines brèches du mur.  Il a ajouté qu'en imposant des mesures restrictives aux populations palestiniennes, le mur représente un châtiment collectif, tel que décrit à l'article 15 de la quatrième Convention de Genève.  Le mur enfreint la liberté de mouvement des civils et vise à pousser les Palestiniens à quitter leur territoire pour mieux implanter des colonies de peuplement israéliennes.  Ce mur constitue une discrimination, a-t-il soutenu, soulignant que le Gouvernement israélien ne prend aucune mesure pour protéger également les civils palestiniens.  M. Saul a rappelé que dans le cadre des traités internationaux, la sécurité des territoires qui sont sous le contrôle d'un autre État doit être assurée.  Il a conclu en regrettant que les Palestiniens ne puissent s'adresser à la Haute Cour israélienne pour demander réparation.


M. JOHN B. QUIGLEY, professeur de droit international à la Faculté de droit Moritz à l'Université de l'Ohio, a rappelé que, dans sa communication écrite adressée à la Cour internationale de justice, Israël a demandé à la Cour de juger non pas au regard des règles régissant l'occupation militaire ou en appliquant les lois en matière de droits de l'homme, mais en prenant en considération le péril qui menace le pays.  Or, la construction du mur constitue une violation des obligations incombant à Israël en tant que puissance occupante au regard du droit international humanitaire, a affirmé M. Quigley.  Elle enfreint plusieurs normes de droit humanitaire, dont l'essentiel est l'obligation, prévue à l'article 43 de la quatrième Convention de La Haye de 1907, de préserver les conditions de vie de la population.


M. Quigley a souligné la constatation faite par le Comité des droits de l'enfant selon laquelle l'occupation israélienne a contribué à faire naître des vocations pour les attentats-suicides.  Il a conclu en indiquant qu'Israël ne saurait davantage invoquer la légitime défense car les attentats-suicide ne constituent pas une «agression armée» au sens de la Charte des Nations Unies.  Dans ces conditions, la construction du mur viole les règles de l'occupation militaire et cette violation ne peut se justifier par la nécessité.


Plusieurs représentants des organisations non gouvernementales ont interrogé les participants à la réunion sur la légalisation d'actes illégaux en matière de droit international, sur la nécessité de changer le droit international, sur la compétence de la Cour internationale de justice concernant la construction du mur ainsi que sur les mesures envisageables en droit international pour obliger Israël à respecter ses obligations internationales.


Dans sa réponse, M. Sfard a d'emblée indiqué que le droit international peut être modifié par la pratique des États, et il est important à cet égard que la communauté internationale résiste à la construction de ce mur.  Selon lui, il serait difficile de légaliser ce qui est illégal.  Le droit international humanitaire s'applique aux combattants et aux civils, et Israël a réussi à créer une troisième catégorie de bénéficiaires, à savoir les combattants illégaux.  En conclusion, il a indiqué qu'il ne pense pas qu'un tribunal international puisse avoir compétence pour statuer sur cette affaire, et la seule façon d'assurer l'application des normes internationales passe par le Conseil de sécurité de l'ONU.


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