En cours au Siège de l'ONU

ENV/DEV/762

« LA CRISE MONDIALE DE L’EAU N’EST PAS UNE VERITABLE CRISE… »: LA COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE RECENSE LES OBSTACLES A L’ACCES A L’EAU, A L’ASSAINISSEMENT ET A UN LOGEMENT CONVENABLE

13/04/2004
Communiqué de presse
ENV/DEV/762


Commission du développement durable

Communiqué de base


« LA CRISE MONDIALE DE L’EAU N’EST PAS UNE VERITABLE CRISE… »: LA COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE RECENSE LES OBSTACLES A L’ACCES A L’EAU, A L’ASSAINISSEMENT ET A UN LOGEMENT CONVENABLE


« La crise mondiale de l’eau n’est pas une véritable crise mais essentiellement un problème institutionnel qui tient au manque de capacités, de ressources financières et de volonté politique ».  Ce constat, établi par les dernières analyses, servira de base aux travaux de la Commission du développement durable qui se réunit, du 19 au 30 avril prochain, au Siège de l’ONU à New York. 


Les trois premiers jours de cette douzième session seront consacrés aux travaux préparatoires de la Réunion internationale sur les petits États insulaires en développement qui se tiendra à Maurice, en août prochain, pour examiner la mise en œuvre du Programme d’action de la Barbade, adopté en 1994.  La Commission achèvera ses travaux par un débat de haut niveau du 28 au 30 avril, auquel participeront le Secrétaire général, Kofi Annan, et de nombreux ministres.


Près de deux ans après le Sommet mondial de Johannesburg et un an avant le lancement de la Décennie internationale d’action, « L’eau, source de vie », les 53 membres de la Commission du développement durable ont placé les questions de l’eau, de l’assainissement et des établissements humains au centre de leur douzième session*.  La relation entre ces trois questions est évidente.  Plus de 920 millions de personnes vivent aujourd’hui dans les taudis où l’accès à l’eau et aux services d’assainissement est aléatoire, voire inexistant.


Les statistiques indiquent que, durant les 30 prochaines années, la population mondiale devrait augmenter de deux milliards, presque exclusivement dans les villes des pays en développement.  Selon le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), la moitié environ du surcroît de population sera concentrée dans les taudis urbains des pays en développement qui verront ainsi leur population augmenter d’environ deux milliards de personnes. 


Aussi remarquable qu’il soit, l’objectif consistant à améliorer sensiblement, d’ici à 2020, la vie d’au moins 100 millions d’habitants des taudis, paraît inadéquat.  La situation en zones urbaines et en zones rurales a conduit la communauté internationale à fixer d’autres objectifs, ceux visant à élargir, d’ici à 2015, l’accès à l’eau potable à quelque 1,6 milliard de personnes et aux services d’assainissement à près de deux milliards de personnes.


Chargée d’accélérer l’application de ces objectifs, énumérés dans le Plan de mise en œuvre de Johannesburg, qui est venu renforcer le Programme relatif à la poursuite de la mise en œuvre d’Action 21 de 1997 et Action 21 lui-même, la Commission procédera, sous la houlette du Ministre norvégien de l’environnement, Borge Brende, au recensement des contraintes et des obstacles rencontrés dans la réalisation des objectifs fixés. 


Action 21** est perçu comme le document fondateur du développement durable dont les piliers sont la croissance économique, le développement humain et la protection de l’environnement.  Action 21 part de l’urgence qu’il y a à mettre au service du développement humain, une croissance économique, soucieuse de l’environnement.  L’idée participe d’une des priorités des Nations Unies qui est d’éliminer la pauvreté, en assurant la pérennité du succès par une gestion saine des ressources naturelles.  


Or, l’accroissement de la demande en eau, la contamination des approvisionnements et la dégradation des écosystèmes font craindre une crise qui, selon les experts, est tout sauf inéluctable, même si les difficultés sont réelles.  Un montant annuel de 26 milliards en moyenne sera nécessaire pour étendre la couverture des systèmes d’approvisionnement en eau potable au cours des 11 prochaines années, y compris les coûts annuels d’exploitation et d’entretien qui devraient représenter 15% des dépenses d’investissement. 


Depuis 2002, la participation du secteur privé dans le partage des coûts pose la question éthique de la commercialisation d’un bien dont l’accès est perçu comme un droit fondamental, une condition préalable à la réalisation des droits de l’homme.  Comme il n’est pas possible d’assurer un approvisionnement en eau potable si une attention suffisante n’est pas accordée à l’assainissement, il faut ajouter à la somme requise celle de 60 milliards de dollars par an pour les installations et le traitement des eaux usées.    


REFLECHIR A DES ACTIONS CONCRETES


Identifier les meilleurs moyens de relever ces défis, c’est la tâche à laquelle va s’atteler la Commission du développement dans le cadre d’un débat ministériel, d’un échange de données d’expériences régionales, de dialogues avec des experts ou encore de la mise en commun des pratiques optimales et des enseignements tirés.  Cette année, conformément à son cycle d’application de deux ans, la Commission tient une « session d’examen » consistant à évaluer les progrès et à identifier les contraintes et les obstacles.  L’année prochaine, elle tiendra, sur le même « module thématique », une session directive destinée à prendre des décisions sur les options susceptibles d’accélérer la réalisation des objectifs fixés.  La Commission a reçu du Conseil économique et social dont elle est l’organe subsidiaire, un programme pluriannuel pour la période 2004-2017 qui prévoit des modules thématiques biennaux.


En marge des travaux de cette session, des évènements parallèles verront la participation des représentants des neuf Grands groupes*** et des fonds et programmes des Nations Unies.  Une « Foire aux partenariats » sera également organisée pour présenter essentiellement les « Partenariats de type II ».  Contrairement aux Partenariats de type I, qui relèvent d’engagements intergouvernementaux, les Partenariats dits de type II sont des initiatives multilatérales et volontaires prises par les gouvernements et diverses parties prenantes dont les Grands groupes et les fonds et programmes des Nations Unies.


LES FAITS****


L’eau


L’utilisation de l’eau a traditionnellement été classée en trois catégories: l’utilisation agricole, l’utilisation industrielle et l’utilisation urbaine, y compris l’eau pour la boisson des ménages.  Ces dernières années, une attention accrue a été portée à une quatrième catégorie liée aux besoins en eau des écosystèmes naturels.  La gestion intégrée des ressources en eau exige, en conséquence, de répartir l’eau entre ses usages concurrents et entre ses usagers dans chaque secteur, en en encourageant une utilisation productive et rationnelle.


Entre 1990 et 2000, le pourcentage de la population mondiale ayant accès à l’eau de boisson de meilleure qualité est passé de 78% à 82%, soit une augmentation de 535 millions de personnes dans les zones urbaines et de 365 dans les zones rurales.  Le Programme commun OMS/UNICEF de surveillance de l’eau et de l’assainissement définit « l’eau de meilleure qualité », celle qui est recueillie par des canalisations domestiques raccordées au réseau urbain, à une borne-fontaine, dans un puits artésien, dans un puits de surface couvert, à une source abritée ou de l’eau de pluie.  L’optimisme né de ces chiffres doit être tempéré par le fait que la qualité de l’eau à la source détermine aussi sa nature potable.  Les tests de qualité indiquent, en effet, que l’eau de boisson ne serait pas conforme aux normes nationales dans environ 36% des cas en Afrique, 22% en Asie et 18% en Amérique latine et dans les Caraïbes. 


Il faut dire aussi que la définition de l’accès ne rend pas réellement compte de la qualité du service.  Plus d’un tiers des réseaux urbains de distribution fonctionnent par intermittence en Afrique ainsi qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes et plus de la moitié dans les pays d’Asie.  A cette situation, il faut ajouter le fait que les pertes en eau et les fuites des réseaux de distribution urbains restent élevées.  Le verdict est clair.  Les progrès effectués en matière d’accès à l’eau demeurent insuffisants pour atteindre les objectifs des textes dont est saisie la Commission.  Selon un sondage informel, 13 pays seulement sur 108 ont enregistré les progrès nécessaires à la réalisation, en 2015, des objectifs fixés en 2015*****. 


Le fonctionnement déficient des réseaux de distribution est imputable à la mauvaise exploitation et au report des opérations de maintenance des réseaux, aux contraintes budgétaires, à l’absence de mécanismes de recouvrement des coûts, à la mauvaise gouvernance et à l’inadéquation des cadres institutionnels.  Dans les années 90, les pays en développement subventionnaient l’eau de boisson et d’irrigation à hauteur de 45 milliards de dollars par an.  Il semble aujourd’hui que la tendance est de fixer des redevances permettant de recouvrer davantage les frais d’exploitation et de maintenance. 


Actuellement les dépenses consacrées aux nouvelles infrastructures liées à l’eau dans les pays en développement s’élèvent à environ 75 milliards de dollars par an, y compris les investissements concernant l’approvisionnement en eau de boisson qui représentent à peu près 13 milliards de dollars.  Compte tenu de ces chiffres, le rôle du secteur privé et des partenariats et entre les secteurs privé et public dans la gestion et la mise en place de systèmes d’alimentation en eau de boisson a revêtu ces dernières années, une importance critique.  Les inquiétudes que suscite l’octroi à une société privée du monopole de l’approvisionnement local en eau, et en particulier les craintes liées aux effets sociaux de la hausse des redevances en eau dans de nombreux pays en développement, ont poussé les gouvernements et les usagers à restreindre les investissements des sociétés multinationales dans la prestation de services relatifs à l’eau.   


L’assainissement


L’insalubrité a des conséquences néfastes qui peuvent dépasser de beaucoup le cadre de la santé.  Les risques sanitaires et les épidémies dues aux maladies d’origine hydrique peuvent engendrer une forte baisse du tourisme et des exportations agricoles dont les coûts économiques sont infiniment plus élevés que l’investissement dans l’approvisionnement en eau et l’assainissement qui permet de faire face à ces problèmes. 


Selon une estimation, près de 70% des dépenses en eau et d’assainissement sont financés sur le budget de l’Etat, 20% grâce à l’aide publique au développement (APD) et les 10% restants par des investissements du secteur privé international ou à des ménages ou des collectivités.  Les sommes nécessaires aujourd’hui représenteraient environ le double des trois milliards de dollars par an, investis dans les installations d’assainissement dans les années 90 et trois fois et demie les 14 milliards investis dans le traitement des eaux usées au niveau des communes.


Les établissements humains


      Les questions relatives aux établissements humains sont surtout l’amélioration des taudis et de l’accès au logement et aux services publics, les systèmes municipaux de gestion des déchets, l’amélioration de l’hygiène du milieu, la mise en place de systèmes de transport viables, et l’amélioration des perspectives économiques, notamment des citadins pauvres.  Ces dernières années, les politiques concernant l’habitat spontané et les taudis ont, de plus en plus, porté sur l’assainissement des taudis et l’appui à la régularisation des titres de propriété foncière et l’amélioration de la sécurité d’occupation.


Selon ONU-Habitat, 32% de la population mondiale vit dans les taudis.  Si cette population ne représente que 6% de la population des villes dans les régions développées, elle constitue 43% de la population urbaine dans les régions en développement et 78% dans les pays les moins avancés (PMA).  Peu de pays africains, par exemple, ont réussi à mettre pleinement en œuvre leur stratégie nationale du logement en raison des faibles ressources et capacités, notamment au niveau local, et de l’absence de coordination entre les diverses institutions concernées.  La hausse des coûts de la construction a encore compliqué les choses, les prix des logements publics étant un sujet de préoccupation majeur, même pour la classe moyenne.


Pour les gouvernements, le problème est double: promouvoir une expansion suffisamment rapide du patrimoine immobilier à coût modéré et ralentir puis enrayé l’expansion des taudis tout en facilitant l’amélioration des taudis existants.  Selon une estimation de la Banque mondiale, l’investissement total exigé des sources publiques et privées pour l’infrastructure urbaine est d’environ 150 milliards de dollars par an.  Il faudra un surcroît d’aide publique au développement (APD) pour développer les établissements humains si l’on veut résoudre le double problème.  Outre, les ressources financières, le renforcement des capacités est un élément essentiel dont dépend la réussite des politiques de logement.


Pour des informations plus détaillées, veuillez consulter le site de la Commission www.un.org/esa/sustdev.


* Ordre du jour et Liste des membres de la Commission E/CN.17/2004/1

** Programme d’action adopté, en 1992, à l’issue du Sommet de la Terre de Rio

*** Parties prenantes du développement durable identifiées dans Action 21: monde du commerce et de l’industrie, syndicats, communauté scientifique, agriculteurs, collectivités locales, populations autochtones, ONG, femmes et jeunes

****Informations tirées des rapports du Secrétaire général sur la gestion de l’eau douce et l’assainissementE/CN.17/2004/4, E/CN.17/2004/5 et E/CN.17/2004/6

***** Rapport du Partenariat mondial pour l’eau concernant la gestion intégrée des ressources en eau


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