QUATRIÈME COMMISSION: AVEC UN BUDGET DE PRÈS DE 3 MILLIARDS DE DOLLARS ET UNE DEMANDE CROISSANTE, LE MAINTIEN DE LA PAIX POUSSE L’ONU À SES LIMITES FINANCIÈRES
Communiqué de presse CPSD/297 |
Quatrième Commission
15e séance – matin
QUATRIÈME COMMISSION: AVEC UN BUDGET DE PRÈS DE 3 MILLIARDS DE DOLLARS ET UNE DEMANDE CROISSANTE, LE MAINTIEN DE LA PAIX POUSSE L’ONU À SES LIMITES FINANCIÈRES
La Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation (Quatrième Commission) a entamé, ce matin, l’étude d’ensemble de toute la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects. Les délégations ont entendu une déclaration du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Marie Guéhenno. Celui-ci a notamment expliqué que des capacités significatives avaient été développées dans ce domaine, mais que les demandes accrues faites au Siège des Nations Unies comme sur le terrain poussaient le système à bout du point de vue financier. Par ailleurs, il a insisté sur la nécessité d’établir un lien entre toutes les composantes de chaque opération. Selon lui, il faut intégrer ces composantes dans des stratégies cohérentes qui contribuent efficacement à l’effort de consolidation de la paix dans les sociétés postconflit.
En fin de réunion, le Président a annoncé que M. Kais Kabtani, Rapporteur de la Commission, serait le facilitateur d’un groupe informel de travail chargé de consultations sur le Programme 23 du Plan biennal 2006-2007 qui concerne l’information. Le Comité avait terminé vendredi son examen des questions relatives à l’information par l’adoption de deux projets de résolution.
La Commission entamera son débat général sur l’étude d’ensemble de toute la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects, demain, 26 octobre, à 10 heures.
Déclaration
M. JEAN-MARIE GUÉHENNO, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a déclaré que le maintien de la paix se situait de nouveau à un tournant. Il a rappelé que de nombreux efforts avaient été déployés pour prendre en considération les recommandations du rapport Brahimi. Il a fait le point des avancées au cours des cinq dernières années notamment en matière de ressources humaines, de déploiement rapide, de coopération avec les organisations régionales, de parité hommes/femmes. En août 2005, le rapport Brahimi aura cinq ans; aussi, devons-nous commencer à nous interroger sur les évolutions du monde du maintien de la paix, a-t-il déclaré, avant d’encourager les États Membres à en discuter entre eux. Le prochain rapport du Groupe de haut niveau sur les menaces, défis et changements devrait contribuer à cette discussion.
M. Guéhenno a ensuite fait part de ses réflexions sur le sujet. Il a souligné que les besoins en matière de maintien de la paix excédaient les capacités des Nations Unies comme de toute organisation régionale. En conséquence, nous nous félicitons vivement de l’engagement croissant d’organisations et d’acteurs internationaux en faveur du travail post-conflit. Il a rappelé que le Département des opérations de maintien de la paix avait 17 opérations en cours et que d’autres sont en puissance, ce qui prouve le rôle indispensable de l’ONU pour le maintien de la paix. Il a alors expliqué que l’ONU risquait de souffrir d’un fort déficit de ressources dans les prochaines années. M. Guéhenno a ensuite relevé que s’il était évident qu’il y aurait toujours besoin d’opérations de maintien de la paix, tout le reste était imprévisible. Il faut donc disposer d’une réponse flexible et rapide, et se souvenir que chaque situation est toujours unique. Le Secrétaire général adjoint a ensuite rappelé que les opérations devaient avancer en même temps sur de nombreuses voies dont la sécurité, la politique, l’humanitaire, les droits de l’homme... le tout dans un environnement à haut risque. Le renforcement de la paix est devenu aussi important que le maintien de la paix et les opérations de paix intégrées doivent donc être liées à des approches de développement à long terme.
M. Guéhenno a alors souligné les dilemmes qu’il fallait affronter. Le maintien de la paix a été renforcé mais dans le même temps, les demandes augmentent en échelle et en complexité, alors que les ressources sont limitées. Il s’est demandé si les opérations de l’ONU devaient répondre à ces demandes ou si elles devaient se concentrer sur des niches plus restreintes. Il alors cité le cas de l’Afghanistan, où l’ONU s’est trouvée confrontée à un défi qui allait au-delà de ses moyens en matière de sécurité. L’Organisation a donc proposé de réduire la portée de son mandat, conformément aux recommandations du rapport Brahimi. Elle joue un rôle d’assistance aux civils tandis que d’autres, mieux équipés, assument les responsabilités dans le domaine de la sécurité. M. Guéhenno a également évoqué la mission en République démocratique du Congo, où une telle option n’était pas disponible et où davantage de forces sont indispensables pour pouvoir assurer la sécurité nécessaire à un processus de paix. M. Guéhenno a, en outre, indiqué que le budget des opérations de maintien de la paix approchait à présent les 3 milliards de dollars par an, et que la demande allait continuer d’augmenter si des personnels supplémentaires de l’ONU sont déployés en Iraq et au Soudan.
Concernant le Service de la constitution des forces, M. Guéhenno a expliqué qu’il existait des manques dans les domaines maritimes, des communications et des Forces spéciales. Ce qui explique pourquoi le nombre important de troupes ne reflète pas les difficultés rencontrées pour parvenir à obtenir les capacités qui, sur le terrain, peuvent faire la différence entre le succès ou l’échec de l’ensemble d’une structure.
M. Guéhenno a demandé que de nouvelles options soient trouvées, qui permettent le déploiement rapide et cohérent des troupes. Ce déploiement rapide est utile pour assister les nouvelles missions et les missions déjà en place qui connaissent des difficultés particulières, a-t-il dit. Dans ce cadre, il faudrait pouvoir bénéficier d’unités de réservistes déjà entraînées et équipées, prêtes à intervenir rapidement.
M. Guéhenno a ensuite évoqué la question des policiers civils dont le nombre, dans les missions francophones, s’élèvent à 9 704. Il manque encore 960 de ces policiers francophones, a-t-il poursuivi. Il a estimé qu’il était nécessaire d’aider les institutions policières locales à se développer, ce qui implique l’intervention d’un nombre plus important d’experts en matière de planification, d’opérations de police, d’administration, de processus de budgétisation, de gestion du personnel et de logistique, de renseignement et d’investigation. M. Guéhenno a souhaité que les discussions menées dans le cadre du débat général de la Quatrième Commission portent notamment sur la définition et la mise en place de ce corps de policiers civils professionnels.
Rappelant que les personnels civils, qui garantissent le soutien de toutes les composantes des missions et aident à faire avancer le processus de paix sur le terrain, constituent le pilier des opérations de maintien de la paix, M. Guéhenno a souhaité que des améliorations soient apportées dans l’identification, la sélection et le recrutement de ces personnels. Il a proposé de recourir à des contrats à durée déterminée pour les personnels engagés à court terme, cependant qu’une série de contrats réguliers de la série 100 devraient être proposés aux personnels embauchés pour une durée de six mois ou plus.
Au sujet de l’appui aux missions, M. Guéhenno a indiqué que, suite au rapport Brahimi, les capacités de déploiement rapide avaient été améliorées mais que les mécanismes existants devaient être repensés du fait de l’augmentation de la demande. Dans ces conditions, il a fait remarquer que le niveau de ressources devait être réévalué puisque les moyens s’épuisent vite dans le cas des missions les plus importantes. À cet égard, la mise en place des « stocks stratégiques pour déploiement rapide » à Brindisi a permis, pour la première fois aux Nations Unies, de fournir une logistique adaptée à l’établissement de la mission au Libéria.
Dans le domaine de l’intégration, M. Guéhenno a affirmé que, depuis la première Mission intégrée des équipes spéciales, chargée des politiques spéciales et des équipes opérationnelles, des progrès significatifs avaient été accomplis dans les domaines de la planification, du soutien et de la gestion des opérations. Il a expliqué que le Département des opérations de maintien de la paix oeuvrait à cet effort d’intégration en coopération avec des experts des Nations Unies et des intervenants extérieurs. Dans ces conditions, a-t-il demandé, le Département devra être réorganisé pour jouer son rôle le plus efficacement possible, cela en associant des spécialistes capables d’opérer à l’échelle des activités conduites dans le cadre du DOMP.
Poursuivant, M. Guéhenno a expliqué que le défi le plus grand pour assurer la transition entre les opérations de maintien de la paix d’hier et celles, plus complexes, d’aujourd’hui, était l’écart de financements entre les différentes activités du Département. Ainsi, les opérations de sécurité sont traditionnellement couvertes par des contributions au budget ordinaire tandis que les activités liées à la reconstruction et au développement reposent sur des fonds volontaires. Le succès du processus de paix dépend de la coordination de ces deux sources de financement. Or, les contributions volontaires affectées aux programmes de développement peuvent tarder à être versées et il arrive que ces contributions ne soient accessibles que partiellement. Ces retards peuvent être à
la source de mouvements de colère des populations et, par là, entraîner des menaces à la bonne conduite des opérations ainsi qu’à l’égard des personnels des Nations Unies sur le terrain.
En conclusion, M. Guéhenno a expliqué que des capacités significatives avaient été développées mais que les demandes accrues faites au Siège comme sur le terrain poussent le système à ses limites. Il faut être imaginatif pour que l’instrument de maintien de la paix des Nations Unies puisse remplir toutes les promesses de ses mandats, a-t-il déclaré. Nous devons nous déployer avec des capacités crédibles, avec les ressources humaines nécessaires et de façon rapide. Nous devons établir un lien dans chaque opération entre tous les éléments qu’il faut intégrer dans des stratégies cohérentes afin de maintenir une stratégie qui aide à consolider la paix dans les sociétés postconflit. On demande à l’ONU d’agir à une échelle qu’elle est la seule à même d’assumer, a-t-il constaté. Le soutien total des États Membres est indispensable pour que l’Organisation dispose des moyens nécessaires et qu’elle puisse les déployer rapidement et les gérer efficacement, a-t-il conclu.
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