LE COMITÉ DES 24 PRIE L’ARGENTINE ET LE ROYAUME-UNI DE REPRENDRE LES NÉGOCIATIONS SUR LA QUESTION DES ÎLES FALKLAND (MALVINAS)
Communiqué de presse AG/COL/221 |
Comité spécial chargé d’étudier la situation
en ce qui concerne l’application de
la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance
aux pays et aux peuples coloniaux
9ème séance – matin
LE COMITÉ DES 24 PRIE L’ARGENTINE ET LE ROYAUME-UNI DE REPRENDRE LES NÉGOCIATIONS SUR LA QUESTION DES ÎLES FALKLAND (MALVINAS)
Soucieux qu’une solution pacifique, juste et durable au conflit de souveraineté touchant la question des îles Falkland (Malvinas), soit trouvée dans les plus brefs délais, le Comité des 24, chargé d’étudier l’application de la Déclaration sur l’octroi d’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, a adopté, ce matin, un projet de résolution sur la question, par lequel il prie les Gouvernements de l’Argentine et du Royaume-Uni de consolider le processus de dialogue et de coopération en cours en reprenant leurs négociations afin de trouver, dans les meilleurs délais, une solution pacifique. Dans ce texte, adopté sans vote, le Comité réaffirme que le règlement pacifique et négocié du conflit de souveraineté est le moyen de mettre fin à la situation coloniale particulière propre aux îles Falkland (Malvinas). Réaffirmant que les parties doivent tenir dûment compte des intérêts de la population locale, il réaffirme son appui résolu au Secrétaire général pour la mission de bons offices qu’il effectue afin d’aider les parties à répondre à la demande formulée par l’Assemblée générale dans ses résolutions relatives à la question des îles Falkland (Malvinas).
Comptant parmi les quatre pétitionnaires que le Comité a entendu sur le sujet, les représentants des îles Falkland (Malvinas), membres du Conseil législatif élu, MM. Edwards et Summers ont expliqué que la population des îles n’avait laissé entrevoir aucun mouvement pour un changement de statut ni aucune concession à l’Argentine en matière de souveraineté, et n’avait même pas exprimé le souhait de développer les liens politiques, économiques et culturels avec elle. Réaffirmant que le peuple des îles Falkland avait une culture propre, était un peuple de droit et n’avait pas le sentiment d’être un « vestige de l’histoire argentine », ils ont souligné que la population insulaire était satisfaite de son statut d’autonomie et de ses relations de partenariat avec le Royaume-Uni. Ils ont ainsi appelé l’Argentine à reconnaître le droit élémentaire des habitants des îles Falkland à l’autodétermination et ont regretté que le projet de résolution appuie la solution du changement de souveraineté, ce qui est contraire aux aspirations de la population des îles Falkland. Ils ont déploré que le Gouvernement argentin cherche à frustrer et à décourager le Gouvernement interne des îles Falkland, en violation des principes défendus par le Comité et ont insisté sur le fait qu’une solution visant à permettre un nouveau colonialisme pour régler un différend territorial n’était pas viable.
Au contraire, M. Betts, membre d’une famille placée sur les îles en 1842, a, sur la base de considérations historiques et juridiques, indiqué qu’aucun droit souverain n’était négociable, que ceux d’un État légitime étaient violés, et qu’il convenait de les reconnaître et de les rétablir. Il a été appuyé dans ce sens par Mme Vernet, muséologue et Directrice du Musée de la Révolution de Mai de Buenos Aires, qui s’est dite convaincue de la légitimité au regard du droit international des titres que revendique son pays et a demandé au Comité de promouvoir un dialogue constructif entre le Royaume-Uni et l’Argentine afin de parvenir dans les meilleurs délais à un règlement de ce différend conforme à la doctrine appliquée aux situations coloniales par les Nations Unies.
Ce faisant l’écho des interventions des deux précédents pétitionnaires, le Ministre des affaires étrangères, du commerce international et du culte de l’Argentine, Rafael Antonio Bielsa, a rappelé que l’origine du différend était un acte impérialiste qui avait porté atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Argentine. Il a affirmé que le principe de l’intégrité territoriale devait prévaloir sur celui de l’autodétermination. Soulignant que les faits de 1833 n’avaient jamais été acceptés par l’Argentine, il a estimé que l’autodétermination érigerait une population illégitime, placée par le pouvoir colonial à la suite de l’expulsion forcée de la population d’origine, en arbitre d’un différend territorial et légitimerait ainsi l’occupation du Royaume-Uni.
Ont participé au débat les représentants des pays suivants: Brésil, au nom du Groupe de Rio, Paraguay, au nom des États du MERCOSUR et de la Bolivie, du Chili et du Pérou, Uruguay, Pérou, Chine, République arabe syrienne, Indonésie, Venezuela, Bolivie, Grenade, Cuba, Congo, Tunisie, Sierra Leone, Fidji, Fédération de Russie et Ethiopie
Le Comité des 24 poursuivra ses travaux lundi 21 juin à partir de 10 heures.
Audition de pétitionnaires
M. Roger A. Edwards, pétitionnaire et représentant élu du peuple des îles Falkland, a fait observer que les habitants du territoire des îles Falkland bénéficiaient d’un degré d’indépendance dont beaucoup serait envieux et a rappelé que les îles étaient un territoire autonome du Royaume-Uni disposant d’un gouvernement de son choix démocratiquement élu. Il a indiqué que les nouvelles possibilités économiques qui existent grâce à l’amélioration des infrastructures de transports et à l’exploitation de la pêche et des ressources maritimes minérales, avaient permis d’améliorer considérablement les conditions de vie locales, conformément à la stratégie de développement élaborée par le Gouvernement. Depuis peu, a-t-il ajouté, les produits carnés des îles accèdent aux marchés européens et le tourisme se développe; en outre, a-t-il indiqué, l’exploration pétrolifère a révélé l’existence de réserves importantes quoique non exploitées à l’heure actuelle.
Les autorités, a-t-il poursuivi, sont ainsi chargées de gérer une économie solide et diversifiée dans laquelle la population dispose d’un niveau de vie élevé, d’un accès à des services de santé et d’éducation. Seuls les questions de politiques étrangères et de défense sont gérées par le Royaume-Uni, en partenariat avec le Gouvernement de l’île. L’autosuffisance économique permet de répartir les richesses équitablement entre la population, de ne pas laisser de place à la pauvreté ou à l’exploitation. La stabilité sociale et économique permet le retour des jeunes sur les îles, contrairement à la tendance des années 80.
Le représentant a souligné toutefois que l’Argentine continuait de revendiquer les îles Falkland et qu’elle avait mené une « offensive de charme » en tentant en vain de séduire la population, par le truchement de son Secrétaire aux affaires extérieures. Les relations avec l’Argentine sont difficiles, a-t-il déploré, en expliquant que le Gouvernement de Buenos Aires avait déclaré qu’il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour entraver le développement économique des îles, en particulier dans le domaine de l’exploitation de la pêche.
Dans ces conditions, a-t-il expliqué, la population des îles n’a pas exprimé le souhait de développer ses liens politiques, économiques et culturels avec l’Argentine. M. Edwards a réaffirmé que le peuple des îles Falkland avait une culture propre, était un peuple de droit et n’avait pas le sentiment d’être un vestige de l’histoire argentine. La population, a-t-il affirmé, est satisfaite de son statut d’autonomie et de ses relations de partenariat avec le Royaume-Uni. Concluant, il a appelé l’Argentine à reconnaître le droit élémentaire des habitants des îles Falkland à l’autodétermination et a regretté que le projet de résolution appuie la solution du changement de souveraineté, qui est contraire aux aspirations de la population des îles Falkland.
M. Michael Summers, pétitionnaire et représentant élu du peuple des îles Falkland, a réaffirmé que son pays n’était pas une colonie et n’avait pas le sentiment d’être une colonie, dans la mesure où le Royaume-Uni ne le traitait pas comme telle. Dans l’esprit du partenariat pour le progrès et la prospérité adopté en 1999, qui est la base des relations entre les îles et le Royaume-Uni, l’évolution de la situation ne laissait entrevoir aucun mouvement pour un changement de statut ni aucune concession à l’Argentine en matière de souveraineté, a-t-il précisé. À chaque élection, les habitants expriment de façon démocratique leurs droits à l’autodétermination, a-t-il fait remarquer, en mettant en garde contre les déclarations faites par le Gouvernement de l’Argentine, qui tendent à frustrer et à décourager le gouvernement interne des îles Falkland, en violation des principes défendus par le Comité. Estimant qu’une solution visant à permettre un nouveau colonialisme pour régler un différend territorial n’était pas viable, il a regretté que le Comité donne son appui à une motion ne faisant pas mention du droit des habitants des îles Falkland à l’autodétermination.
M. Summers a insisté sur le droit inaliénable à l’autodétermination dont disposent les habitants des îles Falkland et a souligné que la solution n’était pas de contrôler les îles contre les vœux de sa population mais d’accepter la réalité telle qu’elle était.
Réagissant à ces deux interventions, le représentant de Cuba a indiqué que la déclaration faite par les pétitionnaires démontrait un manque de connaissance sur les délibérations du Comité et sur les principes qu’il défend d’année en année.
M. Alejandro J. Betts, dont la famille a été installée sur les îles Malvinas en 1842 et qui vit actuellement dans la province de Cordoba en Argentine, a déclaré que la controverse sur les îles Malvinas avait une origine coloniale. Il a indiqué que la possession britannique des îles ne reposait sur aucun titre légitime, contrairement aux dispositions du droit international, et n’avait pas été approuvée par l’Argentine. Rappelant qu’en 1833 les îles avaient été sous souveraineté argentine, il a affirmé que le principe de l’autodétermination ne pouvait pas s’appliquer en raison de l’absence de consécration en droit de la possession et l’exploitation des îles. Il a en outre rappelé qu’à la fin de l’année dernière le Gouvernement argentin avait proposé d’ouvrir des négociations avec le Royaume-Uni pour accroître les échanges aériens avec les îles et faciliter leur développement économique. Il a indiqué qu’aucun droit souverain n’était négociable et qu’en cas de violation, il convenait de reconnaître et de rétablir les droits souverains légitimes de l’Argentine.
Mme MARIA ANGELICA VERNET, muséologue et Directrice du Musée de la Révolution de Mai de Buenos Aires, est revenue sur les éléments clefs de l’histoire des îles Malvinas depuis le début du 19e siècle et s’est dite convaincue de la légitimité légale des titres que revendique son pays. Elle a demandé au Comité de promouvoir un dialogue constructif entre le Royaume-Uni et l’Argentine afin de parvenir dans les meilleurs délais à un règlement de ce différend en vertu de la doctrine appliquée aux situations coloniales par les Nations Unies.
M. RAFAEL ANTONIO BIELSA, Ministre des affaires étrangères, du commerce international et du culte de l’Argentine, a rappelé que le 3 janvier 1833, les autorités britanniques avaient débuté une occupation illégale des îles Malvinas, en expulsant les habitants des îles. Il a rappelé, qu’aux termes des résolutions de l’ONU, la question des îles Malvinas était considérée comme un différend impliquant deux parties seulement et concernant la souveraineté territoriale des îles. Ces textes prévoient, a-t-il ajouté, le règlement de ce différend par le biais de négociations bilatérales prenant en compte les aspirations des habitants des îles. Par la même, elles excluent l’application du principe d’autodétermination. Rappelant que l’origine du différend est un acte impérialiste portant atteinte à la souveraineté et à l’intégrité de l’Argentine, il a affirmé que le principe de l’intégrité territoriale devait prévaloir sur celui de l’autodétermination.
L’autodétermination, a-t-il expliqué, érigerait une population illégitime, placée par le pouvoir colonial, en arbitre d‘un différend territorial et légitimerait ainsi l’occupation par le Royaume-Uni. Il a rappelé que les faits de 1833 n’avaient jamais été acceptés par l’Argentine et que le maintien dans la durée de cette situation ne pouvait être considéré comme un titre de propriété pour la puissance coloniale.
Rappelant que la souveraineté sur les îles était inscrite dans la Constitution argentine de 1994, il a regretté l’obstination du Royaume-Uni à repousser la reprise des négociations. Il a ainsi appelé à la reprise des négociations et a invité les membres du Comité à appuyer les objectifs de ces négociations. M. Bielsa a par ailleurs déclaré que son pays estimait inacceptable les actes unilatéraux entrepris par le Royaume-Uni pour modifier la situation des îles, comme les actes de police en matière de pêche, l’exploration pétrolifère et l’exploitation des ressources minérales et aéromagnétiques.
Il a rappelé que son pays était toujours disposé à conclure des accords provisoires, notamment en matière d’échanges aériens, dans le cadre des négociations de reconnaissance de la souveraineté argentine sur les îles. Il a affirmé que son pays souhaitait respecter le mode de vie des habitants des îles et ne cherchait pas à entraver leur bien-être.
M. HENRIQUE R. VALLE (Brésil), au nom du Groupe de Rio, a affirmé que le règlement de la question des îles Malvinas passait par la décolonisation du territoire non autonome au travers de l’exercice du droit à l’autodétermination de leur peuple. Au nom du Brésil, il a appuyé les droits légitimes de l’Argentine et a émis l’espoir que le climat de coopération existant entre les deux parties permettrait de résoudre le différend par le biais de négociations bilatérales. Il a indiqué que l’Organisation des États d’Amérique avait, dans une déclaration sur la question, invité les deux parties à reprendre les négociations dans les meilleurs délais afin de trouver une solution pacifique au différend. Il a également indiqué qu’a l’occasion de la réunion des Présidents des États d’Amérique du Sud en 2000, un appel à la reprise des négociations entre les pays impliqués dans le but de mettre un terme à cette situation coloniale avait été lancé.
Mme TERUMI NATSUO (Paraguay), au nom des États du MERCOSUR et de la Bolivie, du Chili et du Pérou, a exprimé leur solidarité avec l’Argentine et a réitéré l’appui de ces pays au projet de résolution présenté par la délégation du Chili.
M. FELIPE H. PAOLILLO (Uruguay) a estimé que le Comité était témoin d’un exercice de patience. Affirmant que, même si cela devait durer 400 ans, le peuple argentin recouvrerait sa souveraineté sur les îles Malvinas, il a appelé les deux parties à reprendre les négociations tout en soulignant que l’absence de démarches diplomatiques entre les parties ne pouvait pas occulter l’existence d’un différend.
M. OSWALDO DE RIVERO (Pérou) a réaffirmé que le règlement de la question des îles Malvinas devait passer par le règlement du différend de souveraineté sur ces îles et les espaces maritimes proches. Cette position, a-t-il dit, se justifie par des considérations historiques, géographiques et juridiques, en réitérant son soutien aux aspirations de l’Argentine ainsi que la nécessité pour les deux parties de reprendre les négociations. Il a appelé les deux parties à faire preuve de patience, d’imagination et de bonne foi pour trouver une solution pacifique au litige.
M. XIE YUINLIANG (Chine) a appuyé le projet de résolution présenté par le Chili sur la question.
M. FAYSSAL MEKDAD (République arabe syrienne) a également appuyé le projet de résolution et a affirmé qu’en l’adoptant par consensus le Comité réaffirmait le rôle des Nations Unies dans le règlement de la question. Il a également souligné la nécessité pour les parties de reprendre les négociations afin de trouver une solution acceptable à ce litige.
M. REZLAN ISHAR JENIE (Indonésie) a déclaré que les parties au litige de souveraineté territoriale devait tirer avantage du climat de confiance actuel pour régler ce différend dans les meilleurs délais.
Mme ADRIANA PULIDO SANTANA (Venezuela) a appuyé les aspirations de l’Argentine et a déclaré que tous les efforts devaient être faits pour lever les obstacles au règlement de la question des îles Malvinas et a encouragé les parties à reprendre les négociations afin de trouver une solution mutuellement acceptable.
M. ARANIBAR QUIROGA (Bolivie) a appuyé l’Argentine et a invité les deux parties impliquées à reprendre les négociations en vue de trouver une solution conforme aux résolutions et aux principes des Nations Unies.
M. LAMUEL STANISLAUS (Grenade) a insisté sur la nécessité d’offrir au peuple des îles Malvinas la possibilité de décider de la direction qu’il souhaite donner à ses relations avec l’Argentine et le Royaume-Uni.
M. ORLANDO REQUEIJOGUAL (Cuba) a appelé les deux parties concernées à reprendre les négociations pour trouver une solution définitive à la question.
Le représentant du Congo a déclaré qu’il n’y avait pas d’alternative à la reprise des négociations entre les deux parties impliquées dans le différend.
Le représentant de la Tunisie a également appelé les deux parties concernées par le différend sur les îles Falkland à reprendre les négociations.
M. RUPERT DAVIES (Sierra Leone) a également appelé les deux parties concernées à reprendre les négociations en prenant en compte les aspirations et les droits des insulaires.
M. FILIMONE KAU (Fidji) a souligné que les intérêts des habitants du territoire devaient être pris en compte et a estimé que le Comité serait obligé à un moment ou à un autre reconnaître les voix du peuple des îles Falkland.
M. YURI RUDAKOV (Fédération de Russie) a souhaité que le Comité adopte comme les années précédentes le projet de résolution par consensus et a souligné l’importance de trouver dans les meilleurs délais une solution définitive à ce différend.
M. TERUNEH ZENNA (Ethiopie) a également appelé les deux parties concernées à reprendre les négociations pour trouver une solution définitive à la question.
A la suite de l’adoption du texte, le Ministre des affaires étrangères, du commerce international et du culte de l’Argentine, a déclaré que l’attitude des pays de la région démontrait encore une fois le bien fondé de l’option de l’intégration stratégique.
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