LA COMMISSION EXAMINE LA POSSIBILITE D’ACCORDER UNE SUBVENTION AU TRIBUNAL SPECIAL POUR LA SIERRA LEONE POUR PALLIER L’INSUFFISANCE DES CONTRIBUTIONS VOLONTAIRES
Communiqué de presse AG/AB/803 |
Cinquième Commission
37ème séance – matin
LA COMMISSION EXAMINE LA POSSIBILITE D’ACCORDER UNE SUBVENTION AU TRIBUNAL SPECIAL POUR LA SIERRA LEONE POUR PALLIER L’INSUFFISANCE DES CONTRIBUTIONS VOLONTAIRES
La Cinquième Commission (administrative et budgétaire) a entamé ce matin l’examen de la demande de subvention pour le Tribunal spécial pour la Sierra Leone formulée par le Secrétaire général. Le Tribunal spécial est chargé de juger ceux qui portent la responsabilité la plus lourde des crimes contre l’humanité, crimes de guerre et autres violations graves du droit humanitaire commis sur le territoire de la Sierra Leone. Comme l’a rappelé M. Warren Sach, Directeur de la planification des programmes et du budget, il avait été décidé lors de la création du Tribunal que ce dernier serait financé au moyen de contributions volontaires. Or, il se trouve que les contributions versées jusqu’à présent ne permettront de financer les activités du Tribunal que jusqu’à la fin de sa deuxième année de fonctionnement, soit jusqu’au 30 juin 2004. En outre, les efforts pour mobiliser des ressources supplémentaires n’ont pas encore donné de résultats suffisants.
C’est pourquoi, le Secrétaire général demande à l’Assemblée générale d’approuver une subvention d’un montant maximum de 40 millions de dollars, dont 16,7 millions pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2004 et un solde de 23,3 millions pour 2005 afin que le Tribunal puisse achever son mandat. Le Comité consultatif pour les questions budgétaires et administratives (CCQAB) a fait savoir par le biais de son Président, M. Vladimir Kuznetov, qu’à ce stage il recommandait à l'Assemblée générale de dégager une subvention de 16,7 millions pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2004.
Soulignant l’importance du Tribunal spécial pour la Sierra Leone pour la paix et la sécurité dans la région, certaines délégations ont estimé que le seul moyen de lui permettre de mener à bien son mandat était d’approuver la proposition du Secrétaire général. Seul organe judiciaire à composition internationale qui a son siège dans le pays où ont été commis les crimes, le Tribunal a été salué par le représentant des Etats-Unis pour son fonctionnement efficace, efficient et pour son indépendance. S’il a également donné son appui à la proposition du Secrétaire général, il a néanmoins souhaité, tout comme la représentante de la Nouvelle-Zélande, au nom du Groupe CANZ, que la subvention dégagée soit accompagnée de la définition d’une stratégie d’achèvement. Tout retard dans la prise de décision concernant le financement du Tribunal aurait des incidences fâcheuses sur son fonctionnement, a prévenu de son côté le représentant de la Sierra Leone qui lui aussi a appelé la Commission à appuyer la proposition du Secrétaire général.
D’autres voix se sont cependant élevées contre l’attribution d’une telle subvention. Les représentants du Japon et du Mexique ont en particulier estimé que seul le système de contributions volontaires pouvait garantir l’indépendance du Tribunal et que le Conseil de sécurité devait jouer son rôle en matière de mobilisation de contributions supplémentaires. Le représentant de la Fédération de Russie a craint pour sa part que l’approbation d’une telle subvention n’interrompe tout nouvel effort pour trouver des contributions supplémentaires. Estimant excessifs les effectifs du Tribunal, le représentant de la République de Corée a quant à lui demandé une description des postes.
Les représentants des pays suivants sont également intervenus au cours du débat: Irlande (au nom de l’Union européenne), Costa Rica, Brésil, Gabon, Guatemala et Afrique du sud (au nom du Groupe africain).
La Commission poursuivra ses travaux jeudi 25 mars à partir de 10 heures pour reprendre l’examen de la question relative à la gestion des ressources humaines.
Demande de subvention pour le Tribunal spécial pour la Sierra Leone
Il est rappelé dans le rapport A/58/733 que dans une lettre qu’il a adressée au Président du Conseil de sécurité (S/2004/182), le Secrétaire général a appelé l’attention du Conseil sur les difficultés rencontrées par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone concernant le financement du budget relatif à sa troisième année de fonctionnement et a proposé que la question soit portée à l’attention de l’Assemblée générale en vue d’obtenir l’affectation de ressources au Tribunal.
Il est demandé à l’Assemblée générale d’approuver une subvention d’un montant maximum de 40 millions de dollars, dont 16,7 millions pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2004 et un solde de 23,3 millions pour 2005. Etant donné que cette demande a pour objet de compléter les contributions volontaires, y compris celles qui ont été annoncées mais n’ont pas encore été versées, le Secrétaire général se propose de faire rapport à l’Assemblée générale, à la partie principale de sa 59ème session ordinaire, sur l’état des contributions, et de lui demander d’approuver le financement du solde des ressources demandées dans le présent rapport. Si le montant des contributions volontaires reçues dépassait les prévisions actuelles, le montant mis en recouvrement serait réduit en conséquence.
Le rapport A/58/7/Add.30 du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur la question rappelle que l’Assemblée générale, gardant à l’esprit que le Tribunal a été créé sur la base du financement volontaire, devra décider si le principe du versement d’une subvention prélevée sur le budget ordinaire de l’Organisation pour financer le Tribunal devrait être retenu. Il faudrait par ailleurs garder présente à l’esprit l’incidence qu’une contribution apportée par l’ensemble des membres pourrait avoir sur les efforts visant à recueillir de nouvelles contributions volontaires. Si l’Assemblée générale décide d’apporter une contribution pour couvrir les dépenses du Tribunal, le Comité consultatif recommande qu’à ce stade elle autorise un engagement de dépenses d’un montant maximum de 16,7 millions de dollars.
Déclarations
Intervenant au nom de l’Union européenne, des pays associés et des pays candidats, Mme MARGARET STANLEY (Irlande), a souligné l’importance du Tribunal spécial pour la Sierra Leone pour traduire devant la justice ceux qui avaient commis des atrocités. Elle s’est dite favorable au versement d’une subvention de 16,7 millions de dollars pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2004. Elle a rappelé que ce Tribunal était le seul organe judiciaire à composition internationale qui avait son siège dans le pays où ont été commis les crimes. Il est par conséquent essentiel pour la paix et la sécurité au Sierra Leone et dans la région que ce Tribunal ne voit pas ses travaux suspendus pour des raisons d’insuffisance de financement. C’est pourquoi, elle a fait sienne la proposition du Secrétaire général d’accorder une subvention ponctuelle conséquente couvrant les besoins de ce Tribunal pour la période 2004 et le cas échéant 2005. L’expérience nous montre qu’il est bien difficile de prévoir les besoins des tribunaux spéciaux.
Mme KAREN LOCK (Afrique du Sud), au nom du Groupe des Etats d’Afrique, a rappelé qu’avant la création du Tribunal spécial, le Secrétaire général avait souhaité que ce dernier soit financé par le biais des quotes-parts des Etats Membres afin de lui garantir un financement permanent. Ce sentiment était partagé par plusieurs Etats Membres mais c’est finalement le mécanisme de financement basé sur des contributions volontaires qui a été retenu. Le Groupe africain a pris note du statut actuel des contributions volontaires et est préoccupé par le fait que les fonds dont dispose le Tribunal ne permettent de le financer que jusqu’à la fin du mois de mai 2004 alors que c’est le moment où les procès doivent commencer. Cette situation risque d’avoir des répercussions négatives sur le processus de paix en Sierra Leone et de compromettre la diffusion d’une culture de l’impunité. C’est pourquoi, a expliqué la représentante, le Groupe africain appuie la demande du Secrétaire général visant à compléter les ressources financières du Tribunal par la mobilisation d’une subvention d’un montant maximum de 40 millions de dollars.
M. TOSHIRO OZAWA (Japon) a rappelé que son Gouvernement a offert une forte assistance à la Sierra Leone: il a dégagé en 1998, 960 000 dollars en faveur du Fonds d’affection spécial des Nations Unies pour la Sierra Leone pour couvrir des dépenses de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR); 3,09 millions de dollars en mai 2001 pour le Fonds de sécurité en vue de la réinsertion des anciens combattants et 300 millions de yen en décembre 2002 dans le cadre de la coopération entre le Japon et le Royaume-Uni pour la prévention des conflits. 500 000 dollars ont en outre été affectés pour la création du Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Le Japon estime que le système de subvention par des contributions volontaires peut s’avérer très efficace et regrette vivement qu’elles soient insuffisantes. Le représentant s’est dit préoccupé par l’idée d’accorder une subvention car cette démarche pourrait avoir des répercussions négatives sur les futures tentatives de réduction des coûts. Nous tenons à souligner cette position car le Tribunal spécial n’a pas encore de stratégie d’achèvement de ses travaux clairement définie. Pour des raisons de principes, le Japon ne peut pas appuyer l’idée d’une subvention au Tribunal imputée sur le budget ordinaire. Le Conseil de sécurité devrait jouer un rôle pour ce qui est de mobiliser des subventions volontaires. Les pays qui, de par leur position, sont en mesure de prendre certaines décisions, doivent assumer les responsabilités qui en découlent.
Le représentant a exhorté les Etats Membres qui appuient la demande de subvention à envisager d’établir les conditions suivantes: faire en sorte que ce mode de financement soit considéré comme une mesure isolée et exceptionnelle et déployer tous les efforts nécessaires pour qu’à partir de 2005, les dépenses soient couvertes par des contributions volontaires; s’assurer que la décision éventuelle d’approuver une subvention ne soit pas considérée comme un précédent. Enfin, le représentant a lancé un appel pour la définition d’une stratégie d’achèvement.
M. ERNESTO HERRERA (Mexique) s’est dit préoccupé par le contenu du rapport du Secrétaire général qui propose d’accorder une subvention de l’Assemblée générale pour couvrir les besoins du Tribunal spécial pour la Sierra Leone dès le 1er juillet 2004. Nous regrettons que les appels du Secrétaire général n’aient pas permis d’augmenter les contributions volontaires nécessaires. Tout en reconnaissant le caractère vital de ce Tribunal pour traduire devant la justice ceux qui ont commis des crimes, nous sommes d’avis que la totalité des ressources doivent parvenir de contributions volontaires. Le représentant a invité le Secrétaire général à poursuivre ses appels afin d’obtenir les contributions volontaires nécessaires.
M. VLADIMIR A. IOSIFOV (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par la situation financière du Tribunal spécial pour la Sierra Leone. S’agissant de la proposition du Secrétaire général d’accorder au Tribunal une subvention imputable au budget ordinaire, il a rappelé que le financement de cet organisme devait se faire sur la base de contributions volontaires uniquement. Le représentant a craint que l’approbation d’une telle subvention ne mette fin à tout nouvel effort pour trouver des contributions supplémentaires. Cela pourrait devenir un précédent nuisible pour les Etats Membres des Nations Unies et de telles demandes de subvention pourraient devenir une habitude. Il s’est dit disposé à examiner plus avant et de façon constructive cette question à condition de recevoir des réponses complètes et satisfaisantes sur le fonctionnement et le financement du Tribunal.
Mme FELICITY BUCHANAN (Nouvelle-Zélande), au nom du Groupe CANZ, a indiqué qu’à la lumière des travaux importants du Tribunal, le Groupe CANZ était prêt à appuyer la demande du Secrétaire général de dégager une subvention pour compléter le financement du Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Cependant, elle a souligné la nécessité de définir une stratégie d’achèvement car il s’agit d’un outil important pour permettre aux délégations de revenir sur cette question à la session prochaine.
Mme ELIZABETH A. NAKIAN (Etats-Unis) a rappelé que son pays avait beaucoup contribué au financement du Tribunal pour la Sierra Leone. Aujourd’hui, les travaux importants du Tribunal risquent d’être minés si les financements nécessaires à son bon fonctionnement ne sont pas dégagés. Les Etats-Unis avaient fermement appuyé l’idée d’un financement sur la base de contributions volontaires en formulant l’espoir qu’elles seraient suffisantes. Les Etats-Unis sont d’ailleurs le pays ayant apporté les contributions les plus élevées. Cependant, le Tribunal connaît aujourd’hui un très grand déficit. Sans une solution, il ne pourra plus fonctionner. Or, cela serait trahir le peuple de Sierra Leone. Le Tribunal travaille rapidement. Il présente un bon modèle d’efficacité et d’indépendance. Dans ce contexte, les Etats-Unis acceptent la demande du Secrétaire général. Cependant, la subvention qui sera dégagée ne devra pas miner l’indépendance du Tribunal.
M. PARK YOON-JUNE (République de Corée), tout en saluant le rôle important du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, a déclaré que la Cinquième Commission n’avait pas disposé du temps et des informations nécessaires pour se prononcer sur la proposition du Secrétaire général d’accorder une subvention à cet organisme. Il a regretté l’insuffisance de données sur le financement de ce tribunal depuis sa création. Il a expliqué que son pays ne pouvait se prononcer sur cette demande de subvention. Il a trouvé excessif les effectifs de ce Tribunal - 98 administrateurs et 243 agents de services généraux selon lui - alors que seuls neuf nouveaux jugements étaient attendus. Il a demandé une description des postes du Tribunal. Notant que les procès et recours devaient être achevés d’ici décembre 2005, il a demandé un plan de financement du Secrétariat au cas où les activités du Tribunal seraient prolongées. Il a estimé que le principe de contributions volontaires devait être maintenu et que tout devait être fait en ce sens.
M. JEAN CHRISTIAN OBAME (Gabon) a appelé tous les partenaires de la communauté internationale à répondre aux besoins du Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Il est évident que les finances actuellement disponibles ne lui permettront de travailler que jusqu’à juin 2004. C’est pourquoi, a dit le représentant, ma délégation partage l’avis du Secrétaire général sur la nécessité pour l’Assemblée générale, d’accorder à ce Tribunal une subvention. Il faut tout mettre en œuvre pour permettre à ce Tribunal de poursuivre ses activités et de juger les auteurs des pires crimes, notamment commis à l’égard d’enfants.
M. SYLVESTER EKUNDAYO ROWE (Sierra Leone) a estimé que tout retard dans la prise d’une décision concernant le financement du Tribunal aurait des incidences fâcheuses sur son fonctionnement. Cela jetterait une ombre sur l’engagement de la communauté internationale de faire face à une situation où il faut mettre fin à l’impunité. La crédibilité du Tribunal serait remise en question et nous ne pouvons pas permettre à cette institution exceptionnelle d’échouer, surtout à mi-parcours. Enfin, il a formulé l’espoir que la Commission pourra réagir de façon adéquate.
Mme GILDA MOTTA SANTOS-NEVES (Brésil) a estimé que l’on ne peut saper les travaux du Tribunal en ne lui fournissant pas les financements adéquats. La recommandation du CCQAB semble raisonnable au Brésil.
M. ANTONIO ALARCON (Costa Rica) a rappelé qu’il faut assurer la justice dans la région et qu’il faut mettre un terme aux violations du droit humanitaire international dans le monde entier. Le représentant a aussi exprimé le désir que l’on continue de collecter des fonds par le biais de contributions volontaires et a demandé qu’au cours de la prochaine session, on présente une stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal.
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