LE PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE GENERALE NOTE QUE LA TRAGEDIE RWANDAISE MONTRE COMBIEN IL IMPORTE D’OPTER POUR D’AUTRES VOIES QUE LA VIOLENCE
Communiqué de presse AFR/894 GA/10234 GA/SM/341 |
AFR/894
GA/10234
GA/SM/341
14 avril 2004
le President de l’Assemblee generale note que la tragedie rwandaise montre
combien il importe d’opter pour d’autres voies que la violence
On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée le 7 avril par le Président de l’Assemblée générale, Julian R. Hunte (Sainte-Lucie), lors de la séance tenue ce jour à l’occasion de la Journée internationale de réflexion sur le génocide rwandais de 1994 :
S’il nous était donné de remonter le temps, nous sauterions certainement cette fatidique journée de 1994 où, au Rwanda, les antagonismes ethniques et autres déclenchèrent la violence et le génocide, provoquant une tragédie qui secoua non seulement la région tout entière mais également le reste du monde. Si nous avions su alors ce que nous savons aujourd’hui, nous n’aurions pu laisser l’équivoque et la méprise nous aveugler sur la complexité des circonstances qui ont conduit au génocide et aurions été mieux à même de prendre les mesures préventives qui s’imposaient conformément aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.
Mais, bien que l’on puisse regarder en arrière, il faut également savoir aller de l’avant. Les dirigeants des pays les plus touchés par la catastrophe rwandaise et des entités les représentant au niveau du continent nous ont montré la voie à suivre. Souscrivant à la proposition du Conseil exécutif de l’Union africaine, l’Assemblée générale a décidé, pour commémorer le génocide rwandais de 1994, de proclamer une journée internationale de réflexion et d’engagement à lutter contre le génocide. Aujourd’hui, 7 avril 2004, est l’occasion de célébrer cette journée.
La signification, pour nous, de cette journée est très précise. Nous honorons d’abord, comme il se doit, la mémoire des victimes du génocide rwandais auxquelles la Charte des Nations Unies accordait droits de l’homme et libertés fondamentales et pour lesquelles elle prévoyait tolérance et justice sociale, des 800 000 hommes, femmes et enfants qui sont morts entre les mains de ceux avec qui ils auraient dû s’employer à l’édification de la nation.
Quel dommage que les différences ethniques n’aient pu s’effacer devant l’identité nationale, que le double assassinat, délibéré, du Président rwandais et du Président burundais n’ait pas incité le peuple tout entier à porter le deuil mais ait débouché sur 100 jours de terreur et de violence, auxquels devaient assister les Nations Unies et le monde entier. Quel dommage que tant de nos semblables aient été pris pour cible par des assassins, sur fond de complicité multiforme, et que les médias aient contribué à attiser le conflit.
Que cette occasion solennelle soit l’occasion de nous souvenir de ceux qui ont perdu la vie; d’adresser nos sincères condoléances à leur famille et à leurs amis; et de nous associer aux espoirs du Gouvernement et du peuple rwandais résolus à panser et reconstruire une nation éprise de démocratie et soucieuse avant tout de faire en sorte que tous bénéficient du progrès économique et social.
La communauté internationale voit dans les événements qui se sont produits au Rwanda un génocide au sens qu’en donne la Convention de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide. Que cette journée de réflexion nous permette de nous rappeler que nous nous devons d’agir conformément à cette convention, au Rwanda et partout où se commettent des atrocités et des actes de violence, génocide compris.
Bon nombre de ceux qui ont commis des actes de violence au Rwanda –membres du Gouvernement, militaires, civils– ne se fondaient pas dans une foule sans visage. Ils ont pu être identifiés et traduits en justice. Il a été possible de leur faire comprendre qu’il était peu judicieux de tenter de refaire un monde aussi complexe que le nôtre à leur idée. Pareille entreprise ne pouvait en effet qu’entraîner une effroyable tragédie.
En créant dès novembre 1994 le Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui a son siège à Arusha, en République-Unie de Tanzanie, le Conseil de sécurité a fait clairement savoir que ni les actes de génocide ni les autres violations graves du droit international humanitaire ne pouvaient se commettre avec impunité. La tâche confiée au Tribunal est, certes, colossale mais c’est grâce à ses travaux que pourra être donnée aux survivants et aux familles des victimes du génocide rwandais, ainsi qu’à tous ceux qui commettraient des actes semblables dans le monde, la garantie que justice peut être faite et le sera.
La Charte investit l’Organisation des Nations Unies, et en particulier le Conseil de sécurité, d’une charge, celle de maintenir la paix et la sécurité internationales; c’est une charge dont il doit s’acquitter, quelle que soit l’ampleur des difficultés auxquelles il lui faut faire face. Nous ne pouvons guère nous permettre de garder le silence, ou de nous montrer sélectifs ou tendancieux, lorsqu’un pays ou une région menace de sombrer dans la violence.
La communauté internationale n’a pas agi à temps pour mettre un terme à la violence au Rwanda – nous savons maintenant que des crimes abominables se perpétraient en dépit de la présence des forces de maintien de la paix de l’ONU et que des Casques bleus ont été tués du fait de cette violence. Les 10 ans qui se sont écoulés depuis lors nous ont donné le temps de réfléchir et je sais que nous convenons tous aujourd’hui qu’il nous aurait fallu agir autrement. C’est désormais à nous tous qu’il appartient de redonner au multilatéralisme, en toutes circonstances, la place qui devrait être la sienne d’après la Charte des Nations Unies et le droit international.
Je crois pourtant que ce drame a ouvert des perspectives au Rwanda, à l’ONU et à la communauté internationale, qu’il a montré à quel point il importait que le Gouvernement et le peuple rwandais trouvent des solutions autres que le conflit armé et la violence et qu’ils fassent une place privilégiée au dialogue, aux droits fondamentaux, à la dignité humaine et à l’unité nationale dans les affaires du pays.
Quant à l’ONU, la catastrophe l’a poussée à engager le débat entre États Membres sur toutes sortes de questions relatives à son rôle dans les crises et les conflits civils, et l’a convaincue surtout qu’il lui fallait s’attaquer directement aux problèmes qui pourraient provoquer des tragédies semblables à celle qui a frappé le Rwanda.
Les moments que nous consacrons à la question du génocide aujourd’hui nous offrent l’occasion de réfléchir à la mise en oeuvre des recommandations du rapport Carlsson. Nous devons, pour avancer, définir ce que nous aurions pu faire au Rwanda, ce que nous avons fait depuis lors et ce que nous devons encore faire pour prévenir d’autres génocides dans les années à venir. Il faut que tous ceux que des circonstances tragiques amènent à lancer des appels de détresse à l’Organisation soient assurés que celle-ci défendra les droits de l’homme, la liberté et la justice et qu’elle saura prendra les mesures qui s’imposent.
Mes vœux les plus sincères vont au Gouvernement et au peuple rwandais dans l’action qu’ils mènent pour instaurer une paix durable.
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