CD/G/573

LA CONFERENCE DU DESARMEMENT EST OFFICIELLEMENT SAISIE D'UNE PROPOSITION DE PROGRAMME DE TRAVAIL

23/01/2003
Communiqué de presse
CD/G/573


LA CONFERENCE DU DESARMEMENT EST OFFICIELLEMENT SAISIE

D'UNE PROPOSITION DE PROGRAMME DE TRAVAIL


Le Ministre des affaires étrangères de l'Inde souligne que

la Conférence du désarmement n'est pas une conférence de la non-prolifération


GENÈVE, 23 janvier -- La Conférence du désarmement, qui a commencé cette semaine les travaux de sa vingt-cinquième session, a été officiellement saisie ce matin d'une proposition de programme de travail par un groupe de cinq ambassadeurs dans le but de sortir la Conférence de l'impasse dans laquelle elle se trouve depuis quatre ans.  La Conférence a par ailleurs entendu une déclaration du Ministre des affaires étrangères de l'Inde, M. Kanwal Sibal, ainsi que des déclarations des représentants de la Belgique, de l'Algérie et de l'Espagne.


Le Ministre indien des affaires étrangères a notamment déclaré que cette Conférence se doit de trouver les moyens pratiques de traiter la question du désarmement nucléaire de manière globale et non discriminatoire.  «Pour ce faire, nous devons nous départir de l'exercice futile du siècle dernier qui a cherché à perpétuer l'avantage dissymétrique d'une poignée d'États aux dépens de la sécurité globale collective», a estimé le Ministre indien, qui a ajouté que la Conférence du désarmement «n'est pas une conférence de la non-prolifération».


M. Sibal a par ailleurs rappelé que lors d'un séminaire qui s'est tenu le mois dernier au Palais des Nations de Genève, nombre de délégations ont considéré qu'un traité d'interdiction des matières fissiles serait une mesure susceptible d'empêcher que des armes de destruction massive ne tombent entre les mains de terroristes.  Si cet aspect des choses n'était certes pas pris en compte lorsque fut à l'origine énoncé le concept d'un tel traité, M. Sibal estime que la Conférence possède la flexibilité nécessaire pour s'adapter aux nouvelles réalités.  Afin que les travaux de fond puissent commencer au sein de la Conférence, l'Inde souhaite faire preuve de souplesse et envisager un mandat sur la question de la prévention d'une course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique qui soit moins qu'un mandat de négociation, sans que cela n'écarte définitivement la possibilité de futures négociations.


Intervenant au nom du groupe des Cinq Ambassadeurs, anciens présidents de la Conférence du désarmement - MM. Mohamed Salah Dembri d'Algérie, Jean Lint de Belgique, Juan Enrique Vega du Chili, Camilo Reyes de Colombie et Henrik Salander de Suède - la Belgique a rappelé que la proposition de programme de travail dite des Cinq Ambassadeurs, dont la Conférence a été officiellement saisie ce matin, prévoit l'établissement de quatre comités spéciaux chargés des quatre questions suivantes : assurances négatives de sécurité; désarmement nucléaire; un traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d'armes nucléaires ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires; prévention d'une course aux armements dans l'espace.  Cette proposition prévoit en outre la nomination de trois coordonnateurs spéciaux sur les questions suivantes: nouveaux types et systèmes d'armes de destruction massive; armes radiologiques; programme complet de désarmement; transparence dans les armements.


Cette proposition vient de recevoir, mardi dernier, l'appui du Secrétaire général des Nations Unies et représente une approche réaliste et constructive en vue de l'adoption d'un programme de travail, a souligné la Belgique.  L'Algérie a pour sa part précisé qu'il n'y a pas de hiérarchie dans les mandats envisagés dans cette proposition et a mis l'accent sur le caractère évolutif du texte, appelé à être perfectionné dans le cadre du dialogue multilatéral.


Maintenant que les Cinq Ambassadeurs ont choisi de présenter cette proposition de manière officielle, plus personne ne peut «la considérer de manière distraite», a déclaré l'Espagne.  Cette dernière a indiqué être en mesure d'accepter cette proposition de programme de travail en son état actuel et a souligné que ce texte est «flexible» et évolutif.


La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra mardi matin, 28 janvier, à 10 heures.


Déclarations


M. KANWAL SIBAL, Ministre des affaires étrangères de l'Inde, a souligné qu'aujourd'hui, le terrorisme repose sur le fondamentalisme et prend pour cible la civilisation moderne, la démocratie, le pluralisme et le droit individuel de chaque individu de penser et d'agir en toute indépendance.  Le terrorisme trouve son financement à l'échelle internationale et recrute dans le monde entier.  Certains gouvernements utilisent en outre sciemment le terrorisme comme un instrument de politique d'État.  Les moyens techniques dont disposent les réseaux terroristes et la planification minutieuse à laquelle ils se livrent montrent qu'ils exploitent à leur profit l'interconnexion qui caractérise le monde globalisé.  Dans notre voisinage immédiat, a poursuivi le Ministre indien, nous avons pu constater que ce phénomène ne cesse de se développer depuis de nombreuses années, comme l'illustrent les camps d'entraînement et de formation des moudjahidines et les madrasas.  Nombre de ces groupes terroristes sont désormais interdits aux niveaux national et international, mais le monde occidental n'a pris conscience de l'ampleur de la menace qu'après les attaques du 11 septembre 2001.  De toute évidence, la décision de qualifier de «guerre» l'action de lutte contre le terrorisme au lieu de la considérer comme une action d'imposition de l'application de la loi a modifié la problématique et fait surgir de nouvelles questions, a souligné M. Sibal.  Toutes ces questions ne relèvent pas à strictement parler de l'ordre du jour de la Conférence du désarmement, mais il est temps pour cette instance de prendre connaissance des nouvelles menaces à la sécurité, a déclaré le Ministre indien.


Des États qui utilisent le terrorisme comme un instrument politique possèdent aujourd'hui des armes de destruction massive et des craintes ont été exprimées face au danger de voir leurs armes tomber entre les mains de terroristes.  De tels États collaborent aujourd'hui au transfert de technologie nucléaire et de technologie liées aux missiles, mettant gravement en péril la sécurité des démocraties, a souligné M. Sibal.  Il est regrettable que des défis aussi graves lancés à la communauté internationale ne soient pas traités avec toute la rigueur qu'ils exigent, a-t-il poursuivi.  Aucun terroriste ne peut être considéré comme un combattant de la liberté et il n'existe aucun terrorisme qui soit acceptable, a-t-il affirmé.  Il convient donc de dégager des mesures pratiques et des instruments juridiquement contraignants susceptibles d'empêcher les terroristes de tous bords d'avoir accès à des armes de destruction massive, a indiqué le Ministre indien.  Il a rappelé que lors d'un séminaire qui s'est tenu le mois dernier dans cette même salle du Conseil du Palais des Nations de Genève, nombre de délégations aujourd'hui présentes ont considéré qu'un traité d'interdiction des matières fissiles aux fins de fabrication d'armes nucléaires serait une mesure susceptible d'empêcher que des armes de destruction massive ne tombent entre les mains de terroristes.  Cet aspect des choses n'était pourtant pas pris en compte lorsque fut à l'origine énoncé le concept d'un tel traité.  Il n'en demeure pas moins que la Conférence possède la flexibilité nécessaire pour s'adapter aux nouvelles réalités, a estimé M. Sibal.


L'Inde s'est engagée à participer activement, au sein de cette Conférence, aux négociations concernant le très attendu traité d'interdiction des matières fissiles, comme l'avait annoncé lui-même le Premier Ministre indien peu après les essais nucléaires de l'Inde en 1998, a rappelé le Ministre des affaires étrangères.  L'Inde ne cherche à engager aucune course aux armements avec aucune autre puissance nucléaire, a-t-il assuré.  L'Inde n'a fait qu'exercer son option nucléaire sans violer la moindre de ses obligations internationales, afin de dissuader toute menace nucléaire qui aurait pu compromettre sa sécurité nationale ou son autonomie stratégique, a-t-il ajouté.  Le ministre indien a assuré que la doctrine nucléaire bien définie de son pays affirme que l'Inde n'utilisera pas en premier l'arme nucléaire et n'utilisera jamais cette arme contre un État qui n'en est pas doté.  La doctrine indienne réaffirme également que le pays est disposé à se joindre aux négociations multilatérales visant la réduction et l'élimination des armes nucléaires; un traité d'interdiction des matières fissiles et des contrôles effectifs des exportations.


M. Sibal a par ailleurs indiqué que son pays souhaiterait voir s'engager rapidement les négociations sur la prévention d'une course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique.  L'Inde n'aimerait pas voir l'espace extra-atmosphérique militarisé comme résultat de la révolution en cours dans les affaires militaires, a-t-il déclaré.  Afin que les travaux de fond puissent commencer au sein de la Conférence, l'Inde souhaite envisager, dans un esprit de flexibilité, un mandat sur la question qui soit moins qu'un mandat de négociation, sans que cela n'écarte définitivement la possibilité de futures négociations.


M. Sibal a par ailleurs assuré que l'engagement de l'Inde en faveur du désarmement nucléaire dans le cadre d'un calendrier précis n'a pas faibli du fait de la poursuite d'une dissuasion qui soit un minimum crédible.  Cette Conférence se doit de trouver les moyens pratiques de traiter la question du désarmement nucléaire de manière globale et non-discriminatoire.  Pour ce faire, nous devons nous départir de l'exercice futile du siècle dernier qui a cherché à perpétuer l'avantage dissymétrique d'une poignée d'États aux dépens de la sécurité globale collective, a expliqué le Ministre indien.  L'Inde a toujours estimé qu'un traité discriminatoire ne serait pas efficace, a-t-il insisté.  Souvenons-nous dans ce contexte que la Conférence du désarmement n'est pas une conférence de la non-prolifération, a-t-il déclaré.  L'Inde a toujours plaidé en faveur d'un lancement des travaux de fond au sein de la Conférence, a indiqué le Ministre des affaires étrangères.  C'est pour cela que l'Inde a exprimé son soutien en 2000 à la proposition Amorim, qui nous avait rapproché d'un accord sur un programme de travail, a-t-il rappelé.


M. JEAN LINT (Belgique), intervenant au nom du groupe des Cinq Ambassadeurs, a rappelé que son message à la Conférence le 21 janvier, le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, a apporté un appui attentif à l'initiative des cinq ambassadeurs et un encouragement énorme au moment où ils officialisent leur proposition.  En effet, après de nombreuses consultations, ils présentent aujourd'hui officiellement cette proposition contenue dans le document CD/1692.  «Nous estimons, en effet, que ce texte représente une approche réaliste et constructive en vue de l'adoption d'un programme de travail.»


L'an dernier, étant donné les sensibilités régionales différentes et le fait que la Conférence travaille sur une base de compromis, il est apparu que l'initiative devait aller vers la définition d'un programme de travail qui reprendrait tous les éléments considérés comme fondamentaux par tous les membres de la Conférence et qui s'inscrirait dans la continuité des propositions précédentes.  Le 29 août 2002, suite à de nombreuses consultations et discussions au sein de la Conférence du désarmement, l'Ambassadeur Dembri présentait un document informel qui tenait compte de toutes les améliorations de texte qui avaient été présentées par des membres de la Conférence.  Depuis lors, ce document informel a reçu le soutien de nombreuses délégations, qui ont notamment salué l'approche interrégionale et inter-groupes née d'un groupe de pays soucieux du désarmement, ainsi que le caractère exhaustif de la proposition qui reflète toutes les questions que la Conférence n'a pas su régler au cours des quatre dernières années et le caractère évolutif et progressif de la proposition.


En résumé, la proposition prévoit la création de quatre comités spéciaux portant sur les garanties négatives de sécurité, le désarmement nucléaire, un traité sur les matières fissiles, la prévention d'une course aux armements dans l'espace, et la désignation de trois coordonnateurs spéciaux chargés de mener des consultations sur «les nouveaux types d'armes de destruction massive et les nouveaux systèmes de ces armes», «un programme général de désarmement», «la transparence en matière d'armements»..  La proposition comprend une déclaration présidentielle qui note la positivité des efforts collectifs pour obtenir un programme de travail et recommande aux membres de la Conférence du désarmement de s'inspirer d'un esprit de dialogue pour établir les compromis nécessaires.


Les cinq ambassadeurs estiment qu'avec la volonté politique nécessaire, il sera possible d'évoluer positivement vers un texte acceptable pour tous, et sont convaincus que, grâce à ce document qui reste évolutif et non figé dans la pierre, un accord sur un programme de travail est à la portée de la Conférence.  Ils invitent instamment les parties à s'attacher de toutes leurs forces à aplanir au plus vite leurs divergences - qui ne semblent pas si profondes - pour que la Conférence puisse se remettre au travail.


M. MOHAMMED DEMBRI (Algérie) a rappelé qu'en deux jours, la Conférence du désarmement a reçu deux messages significatifs.  Ainsi, le Secrétaire général, lors de la séance d'ouverture de la session, tout en déplorant l'absence de progrès dans les travaux de la Conférence, relevait des éléments positifs qui pourraient mettre la Conférence sur la voie de réalisations pratiques.  Pour sa part, le Ministre des affaires étrangères de l'Inde, en décrivant la nouvelle conjoncture, les nouvelles postures, les préoccupations et incertitudes, les dangers que font courir les conflits à l'ensemble de la communauté internationale, met aussi la Conférence face à ses responsabilités.


L'ambassadeur algérien a souligné que le message, délivré par l'Ambassadeur de Belgique au nom des cinq anciens présidents de la Conférence, postule deux points importants.  D'une part, les mandats des quatre comités spéciaux et des trois coordonnateurs doivent être placés sur le même niveau de priorité : il n'y a pas de hiérarchie dans les mandats.  Ceci pourrait permettre de faire démarrer, à mesure des accords obtenus, tel ou tel mandant en attendant la réalisation des accords d'ensemble sur tous les mandats.  En effet, les priorités des uns ne rejoignent pas nécessairement les priorités des autres.  D'autre part, M. Dembri a tenu à souligner le caractère évolutif du texte, appelé à être perfectionné dans le cadre du dialogue multilatéral.


M. Dembri a formulé l'espoir que tous les efforts de la Conférence du désarmement iront dans le sens de la créativité, de la collégialité et du sens des responsabilités.


M. CARLOS MIRANDA (Espagne) a exprimé l'espoir qu'au cours de l'actuelle présidence indienne de la Conférence puisse être dégagé un consensus permettant de lancer les travaux de fond de cette instance.  Tout au moins doit-on espérer que l'on pourra avancer de manière significative vers ce consensus si nécessaire non seulement pour le prestige, la survie et l'efficacité de la Conférence mais aussi pour la stabilité et la paix dans le monde, a déclaré M. Miranda.  Il a, à cet égard, rappelé que la Conférence est bloquée depuis plusieurs années et a estimé qu'en cette étape nouvelle des relations internationales, il est sans aucun doute contre-productif, voire dangereux, que soient absentes de la Conférence des questions de fond comme la négociation de questions touchant à la sécurité des pays membres de cette Conférence et des autres pays.


Tous les pays membres de la Conférence n'ont pas la même responsabilité en ce qui concerne ce blocage, a déclaré M. Miranda.  Actuellement, d'importantes crises ouvertes secouent le monde et mettent en péril la paix et la stabilité mondiale, a-t-il poursuivi.  On assiste en outre à une augmentation du risque de voir utiliser des armes de destruction massive, y compris par des agents non gouvernementaux et par des terroristes.  Le moment est donc venu pour tous les membres de la Conférence de déployer l'effort nécessaire pour que la Conférence puisse fonctionner.  M. Miranda a rappelé que le 3 septembre dernier, il avait souligné le caractère équilibré de la proposition de travail présentée par les Cinq Ambassadeurs.  Maintenant que les Cinq Ambassadeurs ont choisi de présenter cette proposition de manière officielle, plus personne ne peut la contempler de manière distraite, a déclaré le représentant espagnol.  Cette proposition, outre qu'elle est équilibrée, est flexible et évolutive, comme l'ont indiqué ses auteurs eux-mêmes.  Cela signifie que le texte présenté ne doit pas forcément rester cristallisé dans son état actuel si quelques modifications devaient s'avérer nécessaires pour être en mesure de parvenir à un consensus.  Pour sa part, l'Espagne est disposée à accepter cette proposition dans son état actuel, a indiqué M. Miranda.  Il a engagé tous les membres de la Conférence à déployer les efforts nécessaires pour accepter cette proposition ou, s'ils souhaitent la modifier, de le faire de manière constructive, afin de rapprocher les positions, et non pas de poser des obstacles insurmontables.


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