AG/COL/208

LE COMITE DES 24 EXAMINE LES QUESTIONS DE GIBRALTAR ET DES ILES CAIMANES

04/06/2003
Communiqué de presse
AG/COL/208


Comité spécial chargé d’étudier la situation

en ce qui concerne l’application de la Déclaration

sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples

coloniaux

4e séance – matin


LE COMITE DES 24 EXAMINE LES QUESTIONS DE GIBRALTAR ET DES ILES CAIMANES


Les questions du Sahara occidental et de Porto Rico seront examinées le 9 juin


Réuni ce matin sous la présidence de Earl Stephen Huntley (Sainte-Lucie), le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux –ou Comité des 24- a examiné les questions de Gibraltar et des îles Caïmanes.  Il a également pris note des demandes d’audition relatives à la question de Porto Rico* en annonçant que le Comité examinera cette question et entendra les pétitionnaires de Porto Rico les 9 et 10 juin 2003.  A cette occasion, le Comité a donné une suite favorable aux 16 demandes d’audition émanant d’organisations. 


S’agissant de l’examen de la question de Gibraltar, le Comité spécial -saisi du document de travail établi par le Secrétariat intitulé Gibraltar** présentant la situation économique, politique et sociale de Gibraltar, l’état des discussions entre le Royaume-Uni et le Gouvernement territorial de Gibraltar, mais aussi la position du Gouvernement espagnol et l’état des négociations anglo-espagnoles- a décidé, au terme d’un long débat, de reporter l’examen de cette question à sa prochaine session pour tenir compte des résolutions ou décisions que l’Assemblée générale aura prises à ce sujet à sa 58ème session.  Lors de ce débat, le représentant espagnol a souligné sa volonté d’offrir à Gibraltar un niveau maximum d’autonomie pour lui permettre de répondre à ses aspirations et de bénéficier pleinement de la construction européenne.  Néanmoins, il a regretté la tenue en novembre 2002 d’une consultation populaire à Gibraltar, qu’il a définie comme une tentative d’ingérence dans le cours normal des négociations. 


De son côté, le représentant du Gouvernement local de Gibraltar a expliqué que le respect de l’intégrité territoriale d’une puissance administrante ne pouvait être invoqué dans une situation de décolonisation.  Il a regretté que l’Espagne s’oppose toujours à une visite du Comité spécial à Gibraltar.  Il s’est opposé à tout partage de souveraineté entre le Royaume-Uni et l’Espagne sur Gibraltar en expliquant que le référendum local organisé le 7 novembre dernier avait réuni près de 99% des suffrages contre ce projet de co-souveraineté.  Il a insisté que l’avenir du peuple de Gibraltar ne peut être que le fruit et le résultat de son droit inaliénable à l’autodétermination.  Sont également intervenus au cours de ce débat les représentants de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, de Cuba, de la République-Unie de Tanzanie, de la Grenade et de la Bolivie ainsi que le représentant de l’opposition à Gibraltar. 


En ce qui concerne l’examen de la situation des îles Caïmanes et notamment du rapport sur la visite organisée par le Comité dans les îles Caïmanes le 9 avril 2003, le représentant de ce territoire a formé le vœu que le Royaume-Uni amende la Constitution des îles Caïmanes pour permettre une plus grande autonomie.  Nous ne souhaitons pas l’indépendance, mais une réelle autonomie; nous ne demandons rien qui ne soit conforme à la Charte des Nations Unies, a tenu à préciser le représentant de Gibraltar.  Invoquant l’Article 73 du Chapitre 11 de la Charte des Nations Unies, qui fait référence à la responsabilité des puissances administrantes an matière de développement des territoires qu’elles administrent, il a souhaité qu’au lieu de les freiner, le Royaume-Uni favorise les avancées institutionnelles demandées. 


Le représentant du Royaume-Uni, quant à lui, à fait savoir que son pays procédait actuellement à un examen des constitutions de ses territoires d’Outre Mer et qu’une entrevue est prévue à ce sujet avec les représentants des îles Caïmans le 11 juin prochain.  Sont également intervenus au cours de ce débat les représentants de Cuba, de la Papouasie Nouvelle Guinée, de la Bolivie, et de la République-Unie de Tanzanie. 


Le Comité spécial reprendra ses travaux, lundi 9 juin à 10 heures, pour examiner la question du Sahara occidental avant d’entendre les pétitionnaires concernant la question de Porto Rico.


* Aide mémoire 11/03

**A/AC.109/2003/3


M. ROMAN OYARZUN (Espagne) s’est félicité de la tâche du Comité spécial qui consiste à mettre fin aux vestiges du colonialisme dans le monde.  S’agissant de Gibraltar, il a expliqué qu’il s’agit d’un cas de différend territorial entre deux puissances, le Royaume-Uni et l’Espagne.  Le fait qu’il existe un différend lié à la souveraineté exige que cela fasse l’objet d’un traitement spécifique de la part des Nations Unies.  Le représentant a regretté que l'Assemblée générale adopte chaque année une résolution qui se contente de rappeler les décisions antérieures.  Il a précisé que les Ministres des affaires étrangères du Royaume-Uni et de l’Espagne ont eu de nombreuses rencontres dans le but de trouver un accord global pour offrir un avenir et une structure moderne à Gibraltar, un niveau maximum d’autonomie lui permettant de répondre aux aspirations de son territoire et bénéficier pleinement de la construction européenne.  Par ailleurs, il a défini la consultation populaire qui a eu lieu l’année dernière à Gibraltar comme une atteinte à la Souveraineté de l’Espagne et contraire aux récentes résolutions des Nations Unies.  Il convient, a-t-il ajouté, d’étudier la question de Gibraltar en tenant compte du contenu du Traité d’Utrecht.  Il a précisé que les Gouvernements espagnol et britannique ont invité le Premier Ministre de Gibraltar à participer aux rencontres ministérielles dans le cadre du processus de Bruxelles selon la formule « deux drapeaux, trois voix », regrettant que ce dernier n’ait jamais accepté leurs invitations. 


M. KEITH AZOPARDI, Vice-Premier Ministre du Gouvernement autonome de Gibraltar, a jugé inacceptable que le Comité spécial des 24 ne puisse se rendre à Gibraltar à cause du refus de l’Espagne qui ne souhaite pas que les membres du Comité constatent eux-mêmes la réalité sur le terrain.  Les arguments de l’Espagne seraient dissipés par les propos de la population de Gibraltar, a-t-il poursuivi, s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles le Comité n’outrepasse pas l’interdit espagnol.  Dressant un parallèle avec l’autorisation britannique d’organiser le Séminaire du Comité spécial des 24 à Anguilla, il a déclaré que si les Nations Unies n’étaient pas capables de couvrir les frais occasionnés par la mission du Comité à Gibraltar, le Gouvernement du territoire les prendrait en charge.  Regrettant que la voix du peuple de Gibraltar soit moins entendue aux Nations Unies que celles de l’Espagne et du Royaume-Uni, M. Azopardi a dit attendre beaucoup de l’avis de la Cour internationale de Justice sur le statut de Gibraltar.  Il a estimé ensuite que l’Espagne ne peut invoquer l’intégrité territoriale pour contrarier les aspirations du peuple de Gibraltar à l’autodétermination et il a exhorté le Comité spécial des 24 à appliquer strictement la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.  Ce qui n’est pas de la compétence de notre Gouvernement autonome relève de l’administration du Royaume-Uni, a-t-il fait valoir ensuite, contestant toute souveraineté espagnole sur Gibraltar et s’opposant catégoriquement à la notion de souveraineté partagée entre l’Espagne et le Royaume-Uni.  Le Vice-Premier Ministre a ensuite déclaré que sur 88% des électeurs qui se sont prononcés lors du référendum, 98,97% des habitants de Gibraltar se sont opposés à la souveraineté partagée sur leur territoire, regrettant que le Royaume-Uni et l’Espagne n’aient pas tenu compte de ces résultats et persistent à défendre le principe de la co-souveraineté.  Il a réaffirmé la volonté du peuple de Gibraltar d’être rayé de la liste des 16 territoires non autonomes et pour cela, M. Azopardi a recommandé la tenue d’un référendum.


Le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, soulignant que le Gouvernement espagnol avait invité le Gouvernement autonome à participer au processus de Bruxelles, s’est interrogé sur les raisons pour lesquels Gibraltar a refusé de participer aux négociations de Bruxelles.


Le Vice-Premier Ministre de Gibraltar a fait valoir que l’invitation ne répondait pas à une démarche tripartite mais à des négociations bilatérales entre le Royaume-Uni et l’Espagne, le Gouvernement autonome de Gibraltar n’étant qu’un observateur.  C’est pourquoi, nous avons décliné l’invitation, a précisé M. Azopardi. 


Pour sa part, le représentant de Cuba a estimé que le Groupe de travail qui a rédigé le communiqué final du Séminaire d’Anguilla a travaillé librement et n’a subi aucune pression contrairement à ce qu’a dit M. Azopardi.


La représentante de la République-Unie de Tanzanie a exhorté le Gouvernement de Gibraltar à prendre connaissance et à diffuser largement auprès de sa population les trois options qui s’offrent à eux dans la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. 


Le Vice-Premier ministre de Gibraltar a assuré que le peuple du territoire était très conscient des options de décolonisation disponibles et que le projet de constitution tenait compte de ces variantes. 


M. JOSEPH J. BOSSANO, Chef de l’opposition de Gibraltar, a estimé que la question de la décolonisation de Gibraltar ne concerne pas l’Espagne et ne doit être discutée qu’avec la puissance administrante, le Royaume-Uni, surtout si l’on prend en compte le processus de négociation de Bruxelles.  Nous ne souhaitons pas lever le boycott de notre participation aux discussions du processus de Bruxelles, a dit M. Bossano, avant de saluer le référendum organisé l’an dernier à Gibraltar.  Les conclusions du Séminaire d’Anguilla sont applicables au territoire de Gibraltar, a-t-il poursuivi, expliquant que le référendum de l’an dernier et le projet de constitution étaient des étapes vers l’autodétermination.  M. Bossano a invité le Comité spécial des 24 à clarifier la position de l’Espagne qui n’est pas fondée à imposer à Gibraltar sa souveraineté territoriale, tout comme le Maroc ne peut prétendre dominer les enclaves de Ceuta et Melilla.  Nous avons toujours été en faveur d’une quatrième option, a dit M. Bossano, jugeant que la position espagnole revient à dire au peuple de Gibraltar : « devenez Espagnols ou restez une colonie ».  Pourquoi le peuple de Gibraltar serait exclu des dispositions prévues dans la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux au nom de la souveraineté territoriale précédant la colonisation britannique, a demandé le pétitionnaire, faisant observer au Comité que cette règle, si elle avait été appliquée en 1960, aurait privé la moitié des États Membres de leur indépendance. 


Le représentant de l’Espagne a exprimé son désaccord avec les propos tenus par le représentant de Gibraltar.


Pour sa part, le représentant de Grenade a proposé que le Comité spécial essaye de réunir le Royaume-Uni, l’Espagne et Gibraltar autour d’une même table en vue de résoudre ce différend persistant, et a souhaité des précisions sur la « quatrième voie » invoquée par le représentant de Gibraltar.


Répondant au représentant de Grenade, le représentant de Gibraltar a expliqué que la « quatrième voie » peut être tout statut différent des trois voies définies, que sont l’indépendance, la libre association ou l’intégration, et qui serait acceptée par la population du territoire non-autonome. 


Le représentant de Papouasie-Nouvelle-Guinée a proposé que le Comité spécial tienne un séminaire à Gibraltar.


Le représentant de la Bolivie a regretté quant à lui le peu de temps dont dispose les Nations Unies pour faire avancer les travaux visant à l’autodétermination des 16 territoires inscrits sur la liste du Comité spécial.  Il a souhaité des précisions sur la situation de la population de Gibraltar.


Répondant aux questions du représentant de la Bolivie, le représentant de Gibraltar a expliqué que le statut du peuple de Gibraltar est celui d’un territoire d’outre-mer autonome, et que les habitants de Gibraltar sont des citoyens britanniques.  Il a expliqué que Gibraltar a, par l’adhésion du Royaume-Uni à l’Union européenne en 1973, été lié à cette adhésion.  Nous sommes pleinement autonomes, a-t-il ajouté, sauf en matière de défense et de politique étrangère.  Gibraltar est doté de son propre parlement, et de ce fait exerce un pouvoir législatif.  Il a également sa propre Constitution depuis plusieurs années. 


Le président du Comité a proposé aux termes de ces débats que le Comité reporte l’examen de la question de Gibraltar à sa prochaine session en tenant compte des résolutions ou décisions que l’Assemblée générale voudra bien prendre à sa 58ème session.


Le représentant des îles Caïmanes a estimé que le Royaume-Uni n’assure pas un traitement équitable aux îles Caïmanes.  Nous ne souhaitons pas l’indépendance mais un réel statut d’autonomie pour nos 45 000 habitants, dont la moitié sont des autochtones.  Nous disposons du droit de protéger les intérêts de la population des îles Caïmanes : c’est pourquoi, nous souhaitons que le Royaume-Uni amende notre Constitution pour nous permettre une plus grande autonomie.  Nous ne demandons rien qui ne soit conforme à la Charte des Nations Unies.


Invoquant l’Article 73 du chapitre 11 de la Charte des Nations Unies qui fait référence à la responsabilité des puissances administrantes en matière de développement des territoires qu’elles administrent, il a formé le vœu qu’au lieu de les freiner, le Royaume-Uni favorise les avancées institutionnelles demandées.  Il a souhaité que l’on progresse rapidement dans la mise en place d’institutions modernes pour les îles Caïmanes et que soit protégée la souveraineté économique et financière des ces îles. 


Le représentant de Cuba a encouragé les autorités élues des îles Caïmanes à poursuivre leurs négociations avec le Royaume-Uni.


Le représentant du Royaume-Uni a fait savoir que son pays procédait actuellement à un examen des constitutions de ses territoires d’outre-mer et qu’une entrevue est prévue à ce sujet avec les représentants des îles Caïmanes, le 11 juin prochain.


Le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée s’est félicité que malgré les divergences, il semblait  qu’un règlement amiable puisse être trouvé en réponse aux aspirations légitimes d’autodétermination de la population des îles Caïmanes.


Intervenant à son tour, le représentant de la Bolivie s’est dit heureux que soit reconnu le fait que les îles Caïmanes aient plusieurs options.  A cet égard, il a souligné la nécessité de mener une véritable campagne d’information auprès du peuple des îles Caïmanes, sur leurs opportunités et droits en matière d’autodétermination.


Répondant à cette intervention, le représentant des îles Caïmanes a expliqué qu’un processus d’éducation et d’information était nécessaire pour sensibiliser le peuple de ce territoire à l’autodétermination. 


La représentante de la République-Unie de Tanzanie a suggéré pour sa part la tenue d’un séminaire du Comité spécial dans les îles Caïmanes, proposition à laquelle s’est associé le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.  


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