SG/SM/8378

SI LES ETATS DECIDENT DE FAIRE USAGE DE LA FORCE..., RIEN NE SAURAIT REMPLACER LA LEGITIMITE QUE SEULE L’ONU PEUT CONFERER, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

12/09/02
Communiqué de presse
SG/SM/8378


SI LES ETATS DECIDENT DE FAIRE USAGE DE LA FORCE..., RIEN NE SAURAIT REMPLACER LA LEGITIMITE QUE SEULE L’ONU PEUT CONFERER, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL


Vous trouverez ci-après le texte de l’allocution prononcée par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, à l’ouverture de la cinquante-septième session de l’Assemblée générale : 


Comment ne pas revenir aujourd’hui sur les événements que nous avons commémorés hier et réfléchir à l’acte criminel par lequel on s’en est pris si sauvagement, le 11 septembre 2001, à l’ordre mondial?


Les attentats terroristes perpétrés ce jour-là n’étaient pas un événement isolé. Ils étaient une manifestation extrême d’un fléau planétaire devant lequel le monde entier doit réagir sans fléchir, sur tous les fronts.


Le monde entier, car on ne viendra à bout du terrorisme que si toutes les nations unissent leurs forces pour le vaincre.


Sans fléchir, car la lutte contre le terrorisme n’aboutira pas du jour au lendemain. Il faudra de la patience et de la persévérance.


Et sur tous les fronts, car le terrorisme est un phénomène tentaculaire, complexe et aux multiples racines, qu’aggrave de nombreux facteurs.


À mon avis, Monsieur le Président, notre démarche ne peut aboutir que si nous utilisons au mieux les institutions multilatérales.


C’est le multilatéraliste que je suis par tradition, par principe, par devoir et en vertu de la Charte qui s’adresse à vous aujourd’hui.


Je suis convaincu que tout gouvernement soucieux de faire régner l’état de droit dans son pays doit aussi avoir à cœur de le faire régner dans les autres pays. Tous les États ont manifestement intérêt à soutenir le droit international et à maintenir l’ordre international, et ce n’est pas seulement leur intérêt mais aussi, incontestablement, leur responsabilité.


Nos pères fondateurs, les dirigeants de 1945, avaient tiré cet enseignement de la dure expérience de deux guerres mondiales et d’une grande crise économique.


Ils avaient compris que la sécurité internationale n’est pas un jeu à somme nulle. La paix et la sécurité, la liberté et la prospérité ne sont pas des biens comptés, comme la terre, le pétrole ou l’or, qu’un État peut s’approprier aux dépens d’un autre. Au contraire, plus grande est la paix, la sécurité, la liberté dont jouit un Etat, meilleures sont les chances de ses voisins d’en jouir aussi.


Nos pères fondateurs avaient aussi compris qu’en acceptant un exercice conjoint de la souveraineté, les États pourraient avoir une meilleure prise sur les problèmes qu’aucun d’entre eux ne pourrait résoudre seul.


Si ces vérités apparaissaient déjà clairement en 1945, ne devraient-elles pas être encore plus évidentes aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation?


En effet, parmi les problèmes que nous voulons régler, très rares sont ceux auxquels quiconque prétende que les nations soient en mesure de faire face seules. Même les pays les plus puissants savent qu’il leur faut collaborer avec d’autres, dans le cadre d’institutions multilatérales, s’ils veulent parvenir à leurs fins.


L’action multilatérale est le seul moyen de garantir que l’ouverture des marchés soit porteuse de bénéfices et de perspectives nouvelles pour tous.


L’action multilatérale est notre seul espoir de donner aux populations des pays les moins avancés la possibilité d’échapper aux horreurs de la pauvreté, de l’ignorance et de la maladie.


L’action multilatérale est le seul moyen dont nous disposions pour nous protéger des pluies acides ou du réchauffement de la planète, de la propagation du VIH/sida, du trafic de drogues ou de l’ignoble trafic d’êtres humains.


Et c’est encore plus vrai dans le cas de la prévention du terrorisme. Un État peut réagir en frappant le groupe terroriste qui l’a attaqué ou le pays qui abrite celui-ci. Mais le seul espoir réel de barrer le chemin aux terroristes passe par une concertation, une vigilance et une coopération auxquelles participent tous les États, l’information circulant entre eux en permanence et de manière systématique.


Dans tous ces domaines, aucun État, si grand ou si petit soit-il, ne peut choisir ou rejeter la voie du multilatéralisme en fonction de ce qui lui convient sur le plan politique. Les répercussions de ce choix dépassent largement le contexte immédiat.


Les pays qui collaborent au sein d’une institution multilatérale – en développant le droit international, en le respectant et, au besoin, en le faisant respecter – apprennent à se faire confiance et, de ce fait, à coopérer plus efficacement au règlement d’autres problèmes.


Plus un pays a recours aux institutions multilatérales – c’est-à-dire plus il respecte les valeurs communes, et accepte les obligations et les contraintes qui en découlent – plus il gagne la confiance et le respect des autres, et plus il a de chances de jouer réellement un rôle de chef de file.


Et parmi les institutions multilatérales, notre organisation universelle occupe une place toute particulière.


Tout État qui a été attaqué dispose, en vertu de l’Article 51 de la Charte, d’un droit naturel de légitime défense. Mais au-delà de ce droit, si les Etats décident de faire usage de la force face à des menaces plus générales pesant sur la paix et la sécurité internationales, rien ne saurait remplacer la légitimité que seule l’ONU peut conférer.


Les États Membres attachent une importance fondamentale à cette légitimité, ainsi qu’à la primauté du droit dans les relations internationales. Ils ont montré – particulièrement à l’occasion de l’action menée pour libérer le Koweït il y a 12 ans – qu’ils étaient disposés à prendre sous l’autorité du Conseil de sécurité des mesures qu’ils n’auraient pas voulu prendre autrement.


L’existence d’un système de sécurité internationale efficace repose sur l’autorité du Conseil et, partant, suppose que le Conseil ait la volonté politique d’agir même dans les cas les plus difficiles, lorsqu’un accord paraît, au départ, être hors de portée. La première question qu’il doit se poser pour décider de se saisir ou non d’un différend n’est pas de savoir si les parties sont prêtes à l’écouter, mais si la paix mondiale est gravement menacée.


Permettez-moi d’aborder maintenant quatre menaces qui pèsent sur la paix mondiale et face auxquelles le besoin se fait terriblement sentir d’une véritable autorité et d’une action efficace.


Premièrement, le conflit israélo-palestinien. Nombre d’entre nous s’efforcent à grand-peine, ces derniers temps, de concilier les préoccupations légitimes d’Israël concernant sa sécurité et les besoins des Palestiniens sur le plan humanitaire.


Mais ces objectifs limités ne peuvent pas être atteints indépendamment de leur contexte politique général. Il faut nous atteler de nouveau à la recherche d’un règlement global, qui seul peut apporter la paix et la sécurité aux deux peuples, pour ne pas dire à la région tout entière.


On sait bien quelle forme prendra, en fin de compte, un règlement de paix au Moyen-Orient. Les principes en ont été définis depuis longtemps par le Conseil de sécurité dans ses résolutions 242 et 338, puis encore plus précisément, en ce qui concerne Israël et la Palestine, dans sa résolution 1397 : c’est le principe de « la terre contre la paix »; c’est la fin de l’occupation et la fin de la terreur; ce sont deux États vivant côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues.


Les deux parties acceptent cette vision. Mais nous ne pourrons la concrétiser que si nous agissons rapidement et sur tous les fronts à la fois. Car la méthode par étapes a échoué.


Comme le Quatuor en est convenu à sa réunion de mai dernier à Washington, il faut qu’une conférence de paix internationale ait lieu sans délai, afin d’élaborer un plan prévoyant des mesures à exécuter de front : mesures visant à renforcer la sécurité d’Israël, mesures visant à renforcer les institutions économiques et politiques palestiniennes, et mesures visant à régler tous les points de détail de l’accord de paix définitif. En même temps, il faut intensifier l’action humanitaire afin d’alléger les souffrances des Palestiniens. Et cela est urgent.


Deuxièmement, les dirigeants de l’Iraq continuent à faire fi des résolutions impératives adoptées par le Conseil de sécurité en vertu des dispositions du Chapitre VII de la Charte.


J’ai engagé des discussions approfondies avec l’Iraq sur divers problèmes, dont la nécessité d’accepter le retour des inspecteurs en désarmement, conformément aux résolutions du Conseil sur la question.


Il faut continuer à s’efforcer d’obtenir que l’Iraq se conforme aux résolutions du Conseil. Je demande à tous ceux qui ont l’oreille des dirigeants iraquiens de faire comprendre à ceux-ci qu’il faut absolument qu’ils acceptent la reprise des inspections. C’est en effet le premier pas indispensable à franchir si l’on veut que le monde soit assuré que toutes les armes de destruction massive de l’Iraq ont bien été éliminées, et – j’insiste sur ce point – si l’on veut que les sanctions, si éprouvantes pour le peuple iraquien, soient suspendues et, à terme, levées.


J’engage l’Iraq à s’acquitter de ses obligations – pour le bien de son peuple et dans l’intérêt de l’ordre mondial. S’il continue de braver le Conseil de sécurité, celui-ci devra faire face à ses responsabilités.


Troisièmement, je tiens à vous exhorter tous, vous les dirigeants de la communauté internationale, à ne pas fléchir dans votre attachement à la cause de l’Afghanistan.


Je sais que vous vous joignez tous à moi pour accueillir le Président Karzaï à cette Assemblée et pour le féliciter d’avoir échappé à l’attentat odieux de la semaine dernière – qui nous rappelle de manière saisissante combien il est difficile de venir complètement à bout du terrorisme dans un pays où celui-ci a pris racine. C’est parce que la communauté internationale a honteusement négligé l’Afghanistan pendant les années 90 que le pays a sombré dans l’anarchie, offrant des conditions favorables au développement d’Al-Qaida.


Aujourd’hui, l’Afghanistan a besoin qu’on l’aide, d’urgence, sur deux plans. Il faut aider le Gouvernement à établir son autorité sur tout le territoire, sans quoi tout le reste risque d’échouer. Et il faut aussi que les donateurs s’acquittent de leurs engagements en contribuant aux efforts de redressement, de reconstruction et de développement – faute de quoi le peuple afghan perdra l’espoir, et nous savons que le désespoir engendre la violence.


Et enfin, quatrièmement, en Asie du Sud, il y a bien des années que le monde n’était pas passé aussi près d’un conflit direct entre deux pays dotés d’une capacité nucléaire. La situation a beau s’être un peu calmée, elle reste dangereuse. Il faut s’attaquer à ses causes profondes. Si une nouvelle crise éclatait, la communauté internationale pourrait avoir un rôle à jouer; mais j’ai plaisir à saluer, et même à applaudir vigoureusement, l’action menée par certains États Membres bien placés pour aider les deux dirigeants à trouver une solution.


7      Permettez-moi de conclure en vous rappelant l’engagement que vous avez pris il y a deux ans, au Sommet du Millénaire, de « faire de l’Organisation des Nations Unies un instrument plus efficace » au service des peuples du monde entier.


Aujourd’hui, je vous demande à tous d’honorer cet engagement.


Soyons dorénavant tous conscients, dans les capitales de tous nos pays, petits et grands, que l’intérêt de la planète n’est autre que l’intérêt de chacun de nos pays.


Je vous remercie.


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