LA STABILITE DANS LA REGION DU FLEUVE MANO EST LIEE A LA SITUATION AU LIBERIA, CONCLUT UN ATELIER DU CONSEIL DE SECURITE
Conseil de sécurité CS/2339
4577éme séance – matin et après-midi 18 juillet 2002
LA STABILITE DANS LA REGION DU FLEUVE MANO EST LIEE A LA SITUATION AU LIBERIA,
CONCLUT UN ATELIER DU CONSEIL DE SECURITE
Le Conseil devra envisager un renforcement de la coopération
entre les Nations Unies et les institutions sous-régionales
Sous la présidence de Lady Amos, Secrétaire d'Etat au Foreign Office et au Commonwealth du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité a tenu aujourd'hui un atelier de réflexion sur la situation en Afrique, en particulier les enseignements tirés de la situation post-conflit en Sierra Leone et l'instabilité dans la région du fleuve Mano (Guinée, Sierra Leone et Libéria). Le Conseil a passé entre autres, en revue les mesures susceptibles de divertir la situation de crise potentielle qui plane sur la région du Fleuve Mano où le Libéria doit faire face à une rébellion armée qui ne cesse d’avancer vers la capitale Monrovia.
Le Conseil envisagerait, entre autres, pour désamorcer la crise le renforcement de la coopération entre le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest qui ouvrira bientôt à Dakar et les institutions sous régionales, en particulier la CEDEAO. Il a entendu le Secrétaire général, M. Kofi Annan, qui a rappelé l'importance d'une opération de maintien de la paix dans une région où l'escalade du conflit au Libéria menace de déstabiliser les Etats voisins. "La Mision des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) nous a appris que les opérations de paix devaient être basées sur des mandats réalistes et efficaces et disposer de ressources adéquates" a déclaré M. Annan.
Intervenant dans la première phase du débat qui était centrée sur la Sierra Leone, les Ministres des affaires étrangères de ce pays, M. Momodu Koroma, et de la Guinée, M. François Lonsény Fall, ont estimé que bien qu'une certaine stabilité se soit instaurée en Sierra Leone grâce à la présence de troupes onusiennes renforcées par des forces du Royaume-Uni qui ont permis la tenue d'élections démocratiques sans manifestations violentes, le pays avait encore besoin d'une présence internationale. Cette présence, a dit M. Koroma, pourrait être assurée à travers une prorogation du mandat de la MINUSIL, qui jouerait un rôle de police civile et de soutien au fonctionnement des institutions. Appuyant ce point de vue, M. Jean-Marie Guéhenno, Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, a estimé que l'avenir du processus de paix en Sierra Leone dépendrait de la volonté et de l'engagement de la communauté internationale à soutenir cet objectif, tandis que Mme Carolyn McAskie, Coordinatrice adjointe des secours d'urgence mettait le Conseil de sécurité en garde pour que les affrontements qui ont lieu au Libéria ne s'étendent pas sur le territoire sierra léonais.
(à suivre)
Dans ses remarques finales au débat sur la voie à suivre pour l'Union du fleuve Mano, Lady Amos a relevé qu'il était impératif de créer les conditions d'un dialogue national fructueux et d'un retour à la paix au Libéria, pays pour lequel le Conseil doit mettre au point une stratégie globale de sortie de crise en collaboration avec la CEDEAO et les autres partenaires, tels le Maroc et les Etats de la région du fleuve Mano. Une présence physique de l'ONU est indispensable au Libéria, a-t-elle noté en relevant que le Secrétaire général devait y nommer un représentant, malgré les réticences du Président Charles Taylor. Quant à la question des réfugiés, elle doit être examinée sous l'angle de la sécurité, a dit Lady Amos en résumant l'opinion des intervenants.
Les délégations suivantes sont intervenues aujourd'hui: Mexique, Etats-Unis, Cameroun, Japon, Colombie, Bulgarie, République arabe syrienne, Maurice, Singapour, Maroc, France, Chine, Fédération de Russie, Danemark (au nom de l’Union européenne), Irlande et Norvège. Le Président du Conseil économique et social des Nations Unies, et les représentants de l'Union africaine, du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de la Communuaté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), de la Banque mondiale sont intervenus, ainsi que le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques.
LA SITUATION EN AFRIQUE
En guise d’avant-propos, la Baronne VALERIE AMOS (Royaume-Uni), a jugé très important que la communauté internationale reconnaisse que l’on a rétabli la paix en Sierra Leone. Aujourd’hui le pays a retrouvé la stabilité, la paix et la démocratie. Ce qu’il faut, s’est consolider ces résultats afin que la paix encore fragile devienne une paix durable. Il faut passer du rétablissement de la paix à la consolidation de la paix. L’Organisation des Nations Unies a, quant à elle, un grand nombre de leçons à tirer, car il s’agissait d’un conflit complexe sans solution facile et si le succès a été au bout du chemin, il ne faut pas oublier non plus que des erreurs ont aussi été commises. Concernant les pays de l’Union du Fleuve Mano, il faut envisager la manière dont les Nations Unies pourraient être plus présentes et mettre un terme au processus de guerre, notamment au Libéria.
Ouvrant les travaux de cet « atelier de réflexion », M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a estimé que cette réunion est bienvenue, au moment où la mission en Sierra Leone se prépare à adopter une nouvelle phase et où l’escalade du conflit au Libéria menace de déstabiliser toute la région. La Sierra Leone offre d’importants enseignements non seulement en raison de son succès, mais surtout en raison des balbutiements connus à son lancement. Le manque de préparation, un mandat trop ambitieux pour des ressources inadéquates ont entraîné une crise coûteuse en mai 2000. Heureusement le Conseil de sécurité, le Secrétariat, les partenaires régionaux, les pays contributeurs de troupe et les Etats Membres ont tous réagi rapidement et efficacement, ce qui a permis de redresser la situation. L’atelier d’aujourd’hui permettra donc de reposer clairement la question de savoir quelle doit être la meilleure voie à suivre pour les missions de maintien de paix.
Partie I: Enseignements tirés en Sierra Leone
M. MOMODU KOROMA; Ministre des affaires étrangères de la Sierra Leone, a déclaré que son pays remerciait le Royaume-Uni de l’organisation de cet atelier. La Sierra Leone traverse une phase historique dans la recherche de la paix et de la sécurité, et il en est de même de toute la région du fleuve Mano. La tenue d’élections sans violence démontre l’importance du rôle de l ‘ONU en Sierra Leone. Nous sommes heureux que la deuxième partie de cet atelier ait trait à la situation générale dans la région du fleuve Mano. La conduite des opérations de la MINUSIL nous a appris que lorsqu’elle décide de déployer une opération, l’ONU doit tenir compte de la capacité des organisations régionales et sous-régionales à maintenir la paix ou à la soutenir dans ses opérations, et nous pensons ici au rôle joué par l’ECOMOG. Au fil des ans notre pays a mis à l’épreuve la capacité des Nations Unies à mettre en place un cadre de paix, de reconstruction et de justice. La Commission de paix et de réconciliation, le système de justice visant à mettre fin à l’impunité qui ont été mise en place sont des aspects de la MINUSIL dont nous nous félicitons.
La MINUSIL a été dans tous ses aspects à la hauteur de son mandat, bien que ce succès ne soit pas venu sans difficulté. Le succès de la MINUSIL est dû au fait qu’elle agit avec ses partenaires. Cependant les gains acquis en Sierra Leone seront sans lendemain si la paix, la sécurité et la stabilité ne s’étendaient pas à toute la sous-région, et nous sommes à cet égard inquiets de la situation qui prévaut au Libéria. Il y avait un conflit en Guinée et il faudrait que le reste des forces qui s’y affrontaient soit démobilisé. Les Pactes et les Protocoles conclu entre les pays de la région du Fleuve Mano, pour accroître la capacité de l’Union du Fleuve Mano à promouvoir l’intégration politique, sociale et économique sont devenus inopérants durant la longue période de conflits. Il faudrait les réactiver et remettre les institutions qui sont destinées à les faire fonctionner en marche. La détérioration de la situation sécuritaire a conduit les trois chefs d’Etat de Guinée, Sierra Leone et Libéria à se rencontrer à Rabat au Maroc au mois de février 2002 sous l’égide du Roi Mohamed VI. Mais les engagements pris lors de cette rencontre ne sont pas encore mis en œuvre.
Mme VALERIE AMOS a demandé de savoir quelles étaient les erreurs faites par la communauté internationale lors des interventions en Sierra Leone, et quels étaient les problèmes liés à la question des réfugiés.
Lui répondant, le Ministre a dit que peu d’erreurs graves avaient été faites. Mais il semble que la capacité de nuisance des combattants du RUF ait été sous-estimée par l’ONU au début de sa mission. La question des diamants, qui a été ensuite examinée par l ONU et celle des armes légères sont de bonnes initiatives. Nous aimerions que cet examen soit poursuivi et renforcé. La porosité des frontières fait que nous aimerions que des mesures spéciales soient prises pour aider les pays de la région. Concernant la question des réfugiés, la Sierra Leone aimerait que la présence humanitaire de l’ONU continue. En dehors de l’aspect humanitaire, la question des réfugiés crée des problèmes de sécurité auxquels il faudrait trouver des réponses.
M. FRANCOIS L. FALL, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Guinée, a estimé que l’opération de restauration de la paix en Sierra Leone est considérée à juste titre comme un succès incontestable des Nations Unies. Ce succès n’a été possible que grâce à la détermination de la communauté internationale et à l’ampleur des moyens mis en place à cet effet, ainsi que grâce à la clarté du mandat de la MINUSIL. Ce qui a été fait à cet égard en Sierra Leone pourrait être aussi fait dans d’autres régions et pour d’autres conflits, comme par exemple en République démocratique du Congo.
Toutefois, a prévenu le Ministre, la situation en Sierra Leone demeure fragile, en raison notamment du retard enregistré dans le paiement des indemnités dues aux ex-combattants, le manque de ressources pour financer les programmes de démobilisation et de réinsertion et de la persistance des combats au Libéria. En somme, la stabilité et les perspectives de développement en Sierra Leone restent tributaires de la résolution de ces nombreux problèmes. L’ONU doit donc poursuivre ses efforts visant la consolidation de la paix en Sierra Leone. Le Ministre a suggéré une série de mesures qui pourraient être prises parmi lesquelles, la mise en place d’un programme d’information civique et politique de l’armée, y compris pour les éléments du RUF, la conception d’un programme de restructuration de l’armée et de la police en assurant une composition multiethnique, le retrait progressif de la MINUSIL, l’élargissement de l’autorité de l’Etat par une décentralisation, assurant notamment un rôle important aux femmes, la promotion de la bonne gouvernance promouvant tout particulièrement les droits de l’homme, l’organisation d’une conférence internationale des donateurs ou encore la mise en œuvre d’un programme de lutte contre la pauvreté.
Malheureusement, la situation au Libéria voisin est loin d’être rassurante, a poursuivi le Ministre. Contrairement à la Sierra Leone, la fin de la guerre au Libéria n’a pas été sanctionnée par une véritable stratégie de sortie. L’absence d’une politique de réconciliation nationale, d’un programme de désarmement, démobilisation et réinsertion des factions armées, ainsi que d’un programme de relèvement économique ont à la vérité eu raison des immenses sacrifices consentis par la CEDEAO. Conjointement avec l’Union africaine, la CEDEAO a d’ailleurs appelé le Gouvernement libérien à entreprendre un dialogue constructif avec l’opposition. La prochaine réunion de Dakar a cet égard est attendue avec beaucoup d’intérêt. En tout état de cause pour conforter le retour à une paix durable au Libéria, il faudrait assurer l’obtention d’un cessez-le-feu sur tout le territoire libérien, le suivi du processus de dialogue inter-libérien ou encore l’extension de l’autorité du gouvernement sur tout le territoire. La communauté internationale doit bien évidemment demeurer très vigilante pour suivre la normalisation de la vie politique et la réconciliation. Dans cet esprit, M. Fall a jugé le maintien des sanctions absolument justifié tant que le Gouvernement libérien n’aura pas satisfait toutes les obligations contenues dans les résolutions du Conseil.
Evoquant, en conclusion, le processus de Rabat entre la Sierra Leone, le Libéria et la Guinée, le Ministre a indiqué que les dernières rencontres ont permis de cerner plusieurs recommandations parmi lesquelles le déploiement rapide d’unités conjointes de sécurité frontalières, le contrôle de la prolifération des armes légères, la création d’un environnement favorable au retour des réfugiés et surtout la réouverture des frontières et la libre circulation des biens et des personnes. Autant d’initiatives que la communauté internationale se doit de soutenir, a insisté le Ministre. Dans ce contexte, M. Fall a déploré le retard enregistré dans l’ouverture du bureau des Nations Unies qui était prévu à Dakar. Il a considéré en effet que cet événement donnerait un élan nouveau et bienvenu dans les efforts de paix des pays de l’Union du Fleuve Mano.
En réaction à cette présentation, LADY AMOS a demandé au Ministre de citer des exemples supplémentaires des problèmes intervenus en Sierra Leone ayant eu une influence directe sur la Guinée. Elle lui a aussi demandé si la Guinée aurait pu avoir un rôle plus actif dans la résolution de la crise et dans la mobilisation de l’aide internationale.
En tant que voisin direct de la Sierra Leone, la Guinée est certainement le pays qui a subi le plus les effets du conflit en Sierra Leone, a répondu le Ministre. Trois anciens Présidents sierra-léonais ont soudain trouvé refuge dans la capitale guinéenne et surtout des centaines de milliers de réfugiés ont afflué dans le pays, faisant peser un fardeau énorme sur les dépenses publiques ou sur l’environnement, avec désormais un fort problème de déboisement. En outre, les réfugiés se trouvant essentiellement le long de la frontière, les rebelles sierra-léonais n’ont pas manqué de faire des incursions de plus en plus nombreuses et finalement d’attaquer la Guinée. Concernant le rôle que son Gouvernement peut jouer, il a indiqué que l’ambition immédiate était de continuer d’appeler la communauté internationale à se mobiliser en faveur de la consolidation de la paix en Sierra Leone et au rétablissement de la paix au Libéria.
M. JEAN-MARIE GUEHENNO, Secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix, a déclaré que concernant son mandat, la MINUSIL a appris à la communauté internationale que les opérations de maintien de la paix devraient toujours se préparer en envisageant le scénario du pire. La planification et les
ressources doivent toujours être prévues en prenant en compte toutes les potentialités et hypothèses. Le renforcement de la MINUSIL à travers un nouveau mandat a été rendu possible grâce à l’unité du Conseil et à la volonté de la communauté internationale. L’unité entre les acteurs est donc une condition sine qua non de la réussite de toute opération de maintien de la paix.
Les lacunes initiales de la MINUSIL méritent d’être examinées de près. La Mission manquait de capacités opérationnelles. Par exemple, elle a reçu 4 bataillons qui n’avaient que 4 jeeps pour 800 hommes. Les capacités opérationnelles et logistiques ont plus tard été renforcées grâce à des ressources de l’ONU, et des programmes de formation ont permis de rendre la force plus efficace. La crise que la Mission a connue en mai 2000 a montré qu’elle devait être réévaluée, ce qui a été fait dans le cadre d’une mission qui a transmis ses observations au Secrétaire général. La révision des effectifs de la Force a notamment conduit à une refonte de sa structure de commandement. La MINUSIL a été redéployée de manière plus vigoureuse, ce qui permis d’envoyer un message aux parties rebelles. Sans forcément vouloir s’engager dans une lutte armée contre le RUF, la MINUSIL a eu un effet dissuasif. Le rôle joué par le Royaume-Uni a été pour sa part crucial en ce qu’il a renforcé la crédibilité de la MINUSIL et sa vigueur. La leçon que nous en tirons est qu’il est important qu’un pays leader prenne les devants dans chaque mission de maintien de la paix.
Concernant l’ECOMOG et le rôle des organisations régionales, nous pensons qu’elles ont eu une influence critique en amenant le RUF à comprendre qu’il devait se plier aux exigences de la MINUSIL, avec laquelle l’ECOMOG a travaillé en étroite collaboration. Le conflit au Libéria demeure, quant à lui, une source d’inquiétudes pour la Sierra Leone et le reste de la région. La MINUSIL a pu mener des actions de démobilisation, de désarmement et de réintégration. Les programmes qui ont pris fin en janvier ont permis de démobiliser 47067 combattants et d’en engager 22000 dans les programmes de réinsertion dans la vie civile. Ceci laisse 25000 anciens combattants dont il faut s’occuper.
Devrions-nous mettre au point un seul modèle de maintien de la paix ou faut-il créer un modèle pour chaque intervention ? a demandé Lady AMOS. Collectivement, a-t-elle poursuivi, que peut faire le Conseil pour que la crédibilité de l’ONU ne soit plus jamais remise en question comme cela a failli se produire en Sierra Leone?
Il existe divers degrés d’intégration d’une mission de maintien de la paix qui permettraient de lui assurer le succès, a répondu M. Guéhenno. Maintien et consolidation de la paix vont main dans la main, et la communauté internationale doit toujours faire front, de manière unie, à chaque situation. L’Afghanistan est l’exemple de ce qui doit être fait. Dans le cas de l’Angola, qui a connu une très longue guerre, des besoins énormes en reconstruction existent et doivent être satisfaits. En Sierra Leone, il y a eu un effort d’intégration opérationnelle. Mais on ne peut désarmer les combattants si on ne dispose pas d’une stratégie de reconstruction et de relance de l’économie. Comme le dit le Rapport Brahimi, le Secrétariat doit dire au Conseil ce qui se passe et ce qui est indispensable, et non pas forcément ce que ses membres veulent entendre.
Mme CAROLYN MCASKIE, Coordonnatrice ajointe des secours d’urgence, a consacré ses remarques à la protection des civils, car la guerre en Sierra Leone a clairement montré que les civils ne sont plus des victimes occasionnelles mais des cibles délibérées. Les violations générales et systématiques des droits de l’homme et du droit humanitaire, qui y ont eu lieu, soulignent la nécessité absolue de traduire en justice les auteurs de ces atrocités. Parmi les déplacés, les femmes et les enfants ont représenté 80%, lors du conflit en Sierra Leone. Les Casques Bleus doivent donc être habilités à prendre les mesures nécessaires pour protéger les civils. Il est essentiel que l’ONU puisse faire face aux défis de la protection des civils et adopte une approche intégrée, ce qui suscite de nombreuses craintes, qui sont toutefois le plus souvent sans fondement. L’une des questions à examiner est de tirer les enseignements sur la manière dont l’indépendance des travailleurs humanitaires a pu être préservée dans ces circonstances.
En ce qui concerne l’aide-mémoire que le Conseil a adopté sur la protection des civils, le présent atelier constitue précisément la possibilité d’utiliser ce document comme il devait l’être, à savoir pour faciliter l’examen des questions spécifiques concernant les civils. Le mandat de la MINUSIL dans ce domaine s’est avéré excellent, intégrant les 13 aspects primordiaux soulignés dans l’aide mémoire. Ainsi, par exemple, en matière de presse et d’information, il est apparu clairement qu’il est fondamental d’assurer une bonne information. Pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion, l’opération en Sierra Leone a aussi permis de tirer des enseignements importants en ce que pour la première fois les besoins spécifiques des enfants en matière de DDR ont été reconnus. La coopération instaurée entre les Casques Bleus et les travailleurs humanitaires s’est aussi avérée très fructueuse. Une autre leçon à tirer de l’opération en Sierra Leone concerne les violations particulières dont les femmes et les petites filles ont été victimes. A cet égard, Mme McAskie a estimé que le mandat de la Mission aurait dû aller davantage au-delà de ce qui a été fait. On parle souvent des enfants-soldats recrutés de force en ne pensant qu’aux petits garçons, mais il ne faut pas oublier que les fillettes comptent aussi parmi ces recrues et surtout sont forcées à devenir les « compagnes » des combattants et à être mère à un âge très prématuré. On parle beaucoup des personnes victimes d’amputation, mais pour chaque individu amputé, il y a eu une centaine de jeunes filles enlevées et exploitées sexuellement. La Coordonnatrice adjointe a évoqué les principes directeurs contre toute exploitation sexuelle par les travailleurs humanitaires qui ont été mis en place. L’inclusion de spécialistes des droits de l’homme dans la Mission a été une nouveauté très importante qui doit continuer d’être renforcée. Une attention spécifique doit être accordée à la perspective hommes/femmes passant notamment par l’allocation de fonds pour des programmes de protection des témoins.
Aujourd’hui, il est clair que l’instabilité au Libéria constitue la menace principale pour la région, mais aussi directement pour la Sierra Leone qui, depuis le début de l’année, a déjà reçu plusieurs dizaines de milliers de réfugiés, ce qui fait peser un poids supplémentaire sur ce pays qui entame des efforts de redressement. Seul le tiers des fonds pour l’Appel consolidé pour la paix dans la région du Fleuve Mano ont été recueilli et cela constitue un défi véritable pour assurer le succès de l’entreprise de paix. Sans ressources adéquates, les institutions humanitaires devront se limiter aux cas les plus urgents.
Lady AMOS lui demandant si elle estimait que la réponse des donateurs avait été satisfaisante, Mme McAskie a expliqué que la Sierra Leone n’a pas été un cas à part en la matière. La vérité est qu’il y a pénurie mondiale de fonds. On aurait pu faire plus, mieux et plus rapidement si tous les fonds nécessaires avaient été présents. La plus grande leçon à tirer est que concernant la crise en Sierra Leone, la réponse a été lente à tous les niveaux.
M. ADOLFO AGUILAR (Mexique), Président du Comité des sanctions contre la Sierra Leone, a déclaré que la condition de la paix dans la région du fleuve Mano repose sur le déploiement de stratégies régionales, aucun pays ne pourra en effet établir la paix de façon isolée Le processus de Rabat est également un élément clé de création d’un climat de confiance entre les pays de la région de même que l’institutionnalisation des processus politiques par le biais du renforcement des institutions démocratiques. La situation en Sierra Leone démontre qu’une opération de maintien de la paix est efficace si elle s’appuie sur une définition claire des objectifs, en premier lieu le rétablissement d’un nouvel ordre politique constitutionnel. Elle doit également s’appuyer sur des actions intégrées dans les domaines de la sécurité, de l’assistance humanitaire et du développement économique et social.
L’expérience en Sierra Leone a montré qu’il est indispensable d’établir un meilleur contact entre les membres du Conseil de sécurité et le personnel des organes des Nations Unies qui travaille sur le terrain. La population doit en particulier percevoir les sanctions comme des mécanismes qui permettent de contribuer à la paix et à la sécurité, et non pas comme des actes de représailles. Dans le cas concret du Liberia, la population estime que les sanctions sont injustes et ne constituent pas un moyen de changer le comportement des dirigeants. Il faut donc que les Nations Unies entreprennent un travail d’explication. Enfin, le représentant a estimé que la révision des listes d’individus soumis à des restrictions de voyage doit un être un élément permettant de favoriser les processus politiques des pays de la région du fleuve Mano. Dans le cas de la Sierra Leone, les anciens combattants des groupes rebelles qui ont déposé les armes se sont regroupés dans des organisations politiques et ont participé aux récentes élections en acceptant leurs résultats. Leur participation à la vie politique et leur engagement à ne pas reprendre les armes sont par conséquent des éléments qui doivent être pris en compte par les membres du Conseil de sécurité.
M. IVAN SIMONOVIC, Président du Conseil économique et social, a fait remarquer que ces derniers temps, et notamment depuis le début de la présidence du Royaume-Uni du Conseil de sécurité, le niveau de coordination entre l’ECOSOC et le Conseil de sécurité est sans précédent. L’ECOSOC, qui tient en ce moment sa session de fond, vient d’établir un groupe de travail spécial sur les pays africains qui sortent d’un conflit. Il est évident que ce groupe travaillera étroitement avec le Conseil car la coopération entre les deux organes est essentielle, ainsi que le montre l’exemple de la Sierra Leone. Il apparaît de cette crise que même les problèmes les plus complexes et les plus difficiles peuvent être surmonter si la communauté internationale en a réellement la volonté. La deuxième conclusion à tirer est que la prévention de la paix coûte moins cher que les conflits. C’est pourquoi les mesures de consolidation de la paix sont si importantes après un conflit afin que le pays concerné ne retombe pas dans les hostilités. Pour cela, il est essentiel de mettre en place le plus rapidement des programmes de reconstruction, de démobilisation et de réinsertion des anciens combattants et d’éducation de la population et notamment des enfants. Pour tous ces aspects, la Sierra Leone peut apporter des enseignements riches. L’on peut par exemple désormais clairement comprendre comment le renforcement des institutions et de l’Etat de droit joue un rôle fondamental pour le relèvement définitif du pays, la confiance internationale et pour que la communauté internationale demeure engagée dans le processus.
M. RICHARD W. WILLIAMSON (Etats-Unis) a fait observer que toute situation de conflit a ses caractéristiques propres, ses propres causes et que son règlement est en définitive fonction de ses variables. C’est pourquoi en matière de maintien ou de rétablissement de la paix, le Conseil de sécurité doit être uni mais réaliste. C’est à cette condition qu’il peut aider les parties à ouvrir la porte d’une paix durable. Il faut être clair, a insisté le représentant, le Conseil et les Nations Unies ont rarement la possibilité d’imposer seuls un processus de paix ou une paix durable. L’ONU ne peut pas rétablir la paix avec des promesses qu’elle n’est pas en mesure de tenir. On ne peut pas étendre indéfiniment la capacité de l’Organisation à intervenir sur le terrain. Ce qu’il faut, c’est se tenir prêt et intervenir quand il le faut pour encourager les parties sur le terrain à prendre le chemin de la paix. L’exemple de la Sierra Leone en constitue le parfait modèle ; la détermination d’un Etat Membre et la bonne volonté et la coopération du peuple sierra-léonais ayant permis de parvenir aux résultats dont aujourd’hui tout le monde se félicite. Toutefois, il ne faut pas commettre l’erreur de considérer la Sierra Leone comme la réponse modèle à appliquer à tous les cas, de manière indiscriminée. Cependant, il est clair qu’il est possible d’en tirer d’importants enseignements.
Les Etats-Unis tirent, par exemple, plusieurs leçons du conflit en Sierra Leone. D’abord il faut bien évaluer les risques que comporte une opération, il faut ensuite tenir des consultations régulières avec les fournisseurs de troupe, puis établir un mécanisme de coordination des donateurs afin notamment d’assurer le financement des programmes de DDR qu sont si importants. Il faut également assurer la bonne coordination de l’aide humanitaire entre les missions et les travailleurs humanitaires, et surtout il faut un Représentant spécial du Secrétaire général fort pour assurer le succès de l’entreprise.
M. MARTIN CHUNGONG AYAFOR (Cameroun) a déclaré que les progrès accomplis en Sierra Leone l’ont été à un coût élevé. Des raisons et des liens historiques et culturels lient les trois Etats du fleuve Mano et ne peuvent être ignorés. Il s’agit donc d’envisager les solutions à apporter aux problèmes que rencontrent ces pays sous un angle sous-régional. La situation y reste instable, du fait de la situation qui règne au Libéria : Comment peut-on faire pression sur le gouvernement de ce pays pour qu’il respecte les décisions du Conseil tout en faisant de lui un partenaire dans la promotion de la paix. Les questions que nous posons ont aussi trait au sort des soldats qui ont quitté le territoire libérien pour se réfugier en Sierra Leone. Vont-ils y rejoindre des groupes rebelles ? Quel sort sera-t-il fait aux décisions de Rabat ? Comment peut-on amener le gouvernement libérien et son opposition à trouver eux-mêmes un terrain d’entente ? L’Union africaine a une certaine vision de la question libérienne. Le Conseil et l’ONU doivent-ils partager la même vision ? Comment empêcher un groupe de prendre le pouvoir par les armes ? Et comment stabiliser toute la région du fleuve Mano ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles le Cameroun souhaiterait avoir des réponses.
M. YOSHIYUKI MOTOMURA (Japon) a déclaré que la stabilité de la région de l’Afrique de l’Ouest repose sur la création d’un climat de confiance entre les pays concernés. Une transition en douceur d’une situation de sortie de conflit à la mise en place de stratégies de développement est également nécessaire à stabilité de la région et requiert l’appui de la communauté internationale. C’est pourquoi le Japon a décidé de consacrer la somme de 3 090 000 de dollars au projet de réintégration des ex-combattants de Sierra Leone. L’importance de la mise en place d’un système judiciaire a également été soulignée par le représentant qui a exprimé son appui aux activités du Tribunal ad hoc pour la Sierra Leone. La nouvelle stratégie du Japon en faveur de l’Afrique, intitulée “Solidarité entre le Japon et l’Afrique – actions concrètes”, permettra la mise à disposition de plus de 250 milliards de yen par an destinés à soutenir les projets éducatifs des pays à faible revenus. Cette stratégie permettra également de renforcer les efforts de prévention des conflits et de construction de la paix déployés par les pays africains eux-mêmes.
M. ANDRES FRANCO (Colombie) a pour sa part insisté que sans une démarche régionale lorsqu’il s’agit d’un conflit a une dimension régionale, on ne peut trouver une solution définitive. Pour qu’une opération de rétablissement de la paix soit efficace, il faut aussi disposer d’un pays chef de file au Conseil de sécurité, à partir du moment où il décide d’intervenir. Il s’agirait par exemple d’un pays ayant une influence et une importance particulière dans la région concernée. Cela aurait aussi pour avantage de mobiliser plus facilement les ressources et de mieux sensibiliser la communauté internationale au problème. Le représentant a souligné l’importance des organisations sous-régionales, qui ont beaucoup de possibilités mais aussi de limitations. Il faut notamment déterminer ce que l’on fait quand il y a divergence entre le point de vue du Conseil de sécurité et celui de ces organisations. De l’avis de la délégation colombienne, le quatrième enseignement à tirer est de ne jamais sous-estimer l’importance du rôle des groupes armés. A cet égard, il ne faut pas être naïf, et ne pas hésiter à prévoir des sanctions ou à n’accorder aucune amnistie dans le cas de crimes atroces. La situation des réfugiés est l’une des plus complexes auxquelles il faut faire face. C’est pourquoi, avec son mandat spécifique le Haut Commissariat aux réfugiés devrait se voir accorder un rôle particulier en la matière. Le représentant a engagé les participants à se demander ce qu’il faut faire quand on impose des mesures, telles que des sanctions, justifiées politiquement mais qui risquent de limiter les ressources disponibles pour l’aide humanitaire. Ceci l’a aussi amené à insister sur la nécessité d’examiner en détail le problème récurrent du manque de ressources pour l’aide internationale.
M. SYLVAIN E. M. NGUNG, Observateur permanent adjoint de l’Union africaine, a jugé que l’expérience de la Sierra Leone constitue un exemple encourageant dans le cadre des efforts qui doivent être déployés pour aider les pays de la région. La situation de guerre que le Liberia et la Sierra Leone ont connue depuis une dizaine d’années a toujours été un objet de graves préoccupations pour l’OUA qui a, en son temps, dépêché son Envoyé spécial dans la région pour des consultations avec les autorités des pays de la sous région du Fleuve Mano. Il a souligné les nouveaux développements survenus en Sierra Leone, notamment l’achèvement de l’opération de désarmement des anciens combattants qui a facilité le déploiement des éléments de la Mission des Nations Unies. Des dispositions ont été prises pour la tenue des premières élections présidentielles et législatives en Sierra Leone depuis la fin de la guerre civile et l’OUA a travaillé en étroite collaboration avec les organisations internationales, en particulier la CEDEAO, en envoyant des observateurs pour suivre les élections.
Ces élections ont eu lieu le 14 mai 2002, a rappelé M. Ngung, et les différents groupes d’observateurs ont déclaré qu’elles s’étaient déroulées dans le calme et pratiquement sans incident. L’Observateur a mentionné la création d’un tribunal spécial et d’une Commission vérité et réconciliation en Sierra Leone dont les audiences débuteront le 1er septembre 2002. Il a souligné le manque de ressources de cette Commission et a lancé un appel à la communauté internationale afin qu’elle fournisse les fonds promis. M. Ngung, évoquant la situation humanitaire catastrophique en Sierra Leone, a jugé que le défi que ce pays doit relever aujourd’hui est celui de la réhabilitation et de la réinsertion d’un grand nombre d’anciens combattants dans la société. Il a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle apporte un appui plus conséquent à la réinsertion des anciens combattants et à la réhabilitation des rapatriés.
M. STEFAN TAFROV.(Bulgarie) a déclaré que l’approche régionale de résolution des crises s’impose de plus en plus en Afrique et dans les autres régions où sévissent des guerres. La Bulgarie se rallie à l’intervention que fera cet après-midi le Danemark au nom de l’Union européenne. Le succès de la MINUSIL tient en grande partie au rôle que le Royaume-Uni a joué dans le dénouement de la crise en Sierra Leone. L’unité du Conseil a quant à elle, permis d’assurer un suivi persistant du déroulement et du réajustement de la MINUSIL. Si on ne peut ériger en principe rigide la notion de mission intégrée dans toutes les parties du monde, la Bulgarie pense que cette notion doit être plus souvent considérée. En Sierra Leone, le réajustement du mandat de la MINUSIL a permis de le rendre plus opérationnel et mieux adapté aux besoins de la situation. La région des Grands lacs devrait bénéficier du même type d’attention. Quant aux sanctions et à leur rôle, la Bulgarie partage les analyses de l’Ambassadeur Zinser du Mexique, Président du Comité des sanctions pour la Sierra Leone.
M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a estimé que les élections le 14 mai dernier en Sierra Leone représente des jalons les plus importants dans la voie vers la paix. Les Nations Unies ont incontestablement joué un rôle important dans la résolution heureuse de ce conflit terrible. Leur action peut apparaître comme modèle car elle a prouvé qu’avec détermination, les ressources nécessaires et les actions rapides du Conseil de sécurité, une solution aux problèmes les plus complexes pouvait être trouvée. Aujourd’hui les derniers défis à relever sont ceux du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion et du retour des réfugiés. Une fois cela achevé, le processus de redressement et de reconstruction économique pourra commencer. Il ne faut pas non plus négliger les tensions qui continuent d’agiter la région du Fleuve Mano, et notamment le Libéria. Trouver des solutions aux problèmes du Libéria apportera la dernière pierre à la consolidation de la paix et au plein succès de l’opération en Sierra Leone. L’exemple de la MINUSIL doit inspirer l’action du Conseil pour les autres régions du globe où des conflits menacent et le premier endroit où il faudrait appliquer cet enseignement c’est en fait au Libéria. Qu’attend le Conseil pour envoyer, comme il l’a fait en Sierra Leone, une vaste mission au Libéria pour couper court aux problèmes actuels, s’est interrogé le représentant.
Formulant des remarques de conclusion, M. MOMODU KOROMA, Ministre des affaires étrangères de la Sierra Leone, a estimé que le Conseil devait tirer d'importantes leçons de la MINUSIL, dont l'accomplissement des tâches n'a été rendu possible avec succès que grâce au renforcement du mandat de la Mission. Bien que la situation en Sierra Leone semble se stabiliser, la réintégration des ex-combattants et l'idée de créer un mandat civil pour éviter que le chaos ne se réinstalle dans le pays sont des objectifs à considérer. La MINUSIL ayant l'avantage d'être déjà sur place, la prorogation de son mandat pour mettre en oeuvre ces objectifs serait la solution la plus économique, a dit M. Koroma.
M. FRANÇOIS FALL, Ministre des affaires étrangères de la Guinée a estimé que seule la redéfinition du mandat de la MINUSIL avait permis le bon déroulement de sa mission. Le Royaume-Uni, a-t-il ajouté, a joué un rôle crucial, et nous espérons que le Conseil de sécurité s'inspirera du succès des formules adoptées en Sierra Leone pour trouver des solutions aux autres crises africaines.
Pour M. JEAN-MARIE GUEHENNO, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, l'avenir du processus de paix en Sierra Leone dépend de la volonté de la communauté internationale et de son engagement à y appuyer le processus. "Nous devons garder un oeil sur les voisins de la Sierra Leone", a pour sa part estimé Mme CAROLYN MCASKIE, Coordinatrice adjointe des secours d'urgence, en avertissant que ce qui se passe au Libéria ne doit pas faire tâche d’huile et affecter les pays voisins.
Lady AMOS a en conclusion énuméré les thèmes clefs mis en lumière au cours de l’échange de vues: nécessité d’une action internationale rapide; élaboration d’une stratégie régionale dès le début; coordination entre les Nations Unies et les protagonistes régionaux; établissement d’un mandat approprié et vigoureux pour la mission; niveau de ressources approprié; importance d’obtenir l’unité du Conseil; rôle critique des actions humanitaires et économiques; importance d’appuyer la réforme du secteur de la sécurité et de la justice, valeur d’avoir un pays pour prendre la tête de l’action internationale et importance de la souplesse pour répondre à chaque situation. Il est en fait très important de ne pas se bloquer dans une stratégie qui ne marche pas, a-t-elle également fait observer.
Partie II : Quelle voie suivre pour l’Union du Fleuve Mano
Sir KIERAN PRENDERGAST, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a déclaré que le Libéria est replongé dans un conflit civil depuis quelques mois. Les combats ont provoqué des milliers de réfugiés et plusieurs centaines de milliers de personnes sont déplacées. Les forces rebelles se sont rapprochées de Monrovia et des pillages ont lieu contre des populations civiles. Le processus de réconciliation au Libéria risque de connaître des ratés. L’ONU estime que les politiques adoptées à l’heure actuelle sur la question du Libéria sont insuffisantes. Des pressions supplémentaires doivent être faites sur le Président Taylor et nous espérons que la Sierra Leone et la Guinée joueront un rôle dans les efforts de paix au Libéria. Nous tenons à féliciter le Maroc pour les efforts qu’il a déployés, et espérons que le nouveau sommet prévu à Rabat pourra bientôt avoir lieu. Il est temps, d’autre part, que le groupe de bons offices destiné à faciliter le retour à la stabilité dans l’Union du fleuve Mano naisse et agisse. L’influence personnelle des dirigeants de la sous-région sera indispensable. Le Secrétaire général a pour sa part décidé de créer un Bureau régional de l’ONU basé à Dakar qui sera dirigé par M. Amadou Ould Abdallah.
Sachant que des élections présidentielles doivent bientôt avoir lieu au Libéria, que peut faire la communauté internationale pour y assurer un dialogue démocratique? a demandé la Baronne AMOS.
Pour que la communauté internationale puisse agir, il faut qu’elle en ait les moyens, a dit M Prendergast. Nous souhaitons encourager les voisins du Libéria et nous voulons insister sur la réconciliation nationale, dans laquelle l’église pourrait jouer un rôle important. Ayant une société civile dynamique, le Libéria doit en tirer parti, et le pays doit aussi améliorer ses relations avec ses voisins.
M. ABDOULAYE MAR DIEYE, Directeur du Bureau pour l’Afrique de l’Ouest au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a indiqué que la région sous examen aujourd’hui a, après environ 10 ans de conflit perdu près de 25% de son produit intérieur brut et est au plus bas dans l’échelle de développement humain. Toutefois avec le retour de la paix en Sierra Leone, la situation n’est pas sans promesse de développement. Il y a donc une occasion réelle à saisir en faveur du développement et de la réalisation des Objectifs de Développement du Millénaire. Le système des Nations Unies et les institutions de Bretton Woods sont très actifs sur le terrain, mais ils doivent faire face à plusieurs contraintes, telles que l’insuffisance des ressources financières, tant au niveau national que plus large, la faiblesse des capacités institutionnelles, les dysfonctionnements dans les activités productives ou encore l’absence de mécanisme de coordination des politiques au niveau régional. C’est pourquoi, le PNUD a mis au point un certain nombre de projets visant notamment la tenue d’un forum des donateurs sur la Stratégie de développement de la Sierra Leone, qui sera bientôt rendue publique, la réactivation du projet de consultation spécial sur la Guinée afin principalement de considérer les effets des conflits, et la mise en œuvre d’un programme « d’engagement constructif » au Libéria qui permettrait de s’attaquer au sens large à la crise humanitaire, de promouvoir des activités de développement et la création d’emploi. On envisage également de mandater le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest à Dakar pour préparer, avec le secrétariat de l’Union du Fleuve Mano et celui de la CEDEAO, la coordination et l’intégration des efforts entrepris dans le contexte du plan-cadre d’aide et de développement pour la région. L’un des premiers objectifs fixés au Bureau de Dakar est de faciliter la mise en œuvre du moratoire de la CEDEAO sur les armes légères, a précisé M. Dieye
Lady AMOS qui demandait si le PNUD dispose des mécanismes nécessaires pour l’intégration des activités institutionnelles au niveau sous-régional, le Directeur a répondu que le PNUD est un véritable précurseur car il a déjà un programme-cadre pour mettre en oeuvre toutes ses activités. Ce qui manque, c’est en fait le cadre politique pour permettre d’aller de l’avant de manière coordonnée. Maintenant qu’il y a un Bureau à Dakar il devrait être possible d’en faire davantage.
Notant qu’en matière d’indice de développement humain, la région est à la dernière place du classement mondial, Lady AMOS lui a demandé en outre de savoir quelles devraient être les priorités à suivre en la matière. M. Diye a expliqué que l’un des obstacles majeurs tient à l’absence de paix durable dans la région. Traditionnellement, les investisseurs engagent leur argent là où la paix règne, c’est pourquoi œuvrer à la paix est véritablement la première chose à faire.
Général Chekh Diarra, Directeur exécutif de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, a déclaré que la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest a développé un partenariat fructueux avec l’ONU, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et d’autres pays pour arriver à l’accord de paix qui a permis le retour à la paix civile en Sierra Leone. C’est grâce aux efforts conjugués de toutes les parties que l’on a pu parvenir à des résultats positifs. Une paix durable dans la sous-région est la condition sine qua non du développement. De nombreuses décisions ont été prises au niveau des différents organes directeurs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest pour amener la paix dans l’Union du fleuve Mano. La paix en Sierra Leone, la paix dans l’Union du fleuve Mano, et la paix dans la région de l’Afrique de l’Ouest sont les trois axes de la politique de sécurité régionale de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. La paix dans l’Union du fleuve Mano passe par la paix dans chacun des Etats qui la compose.
Concernant le Libéria, les Présidents Wade du Sénégal et Obasanjo du Nigéria ont été mandatés pour faciliter une rencontre entre les dirigeants du Libéria, de la Guinée et de la Sierra Leone, ce qui a abouti à la rencontre de Rabat. Nous sommes conscients qu’il ne peut y avoir de paix en Sierra Leone sans paix au Libéria. C’est dans ce cadre qu’il faut mettre fin au trafic des diamants qui alimentent les conflits. Le Conseil de sécurité devrait soutenir et renforcer les efforts de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest en vue de ramener la paix et la stabilité dans la région. Le rôle que vous voulez voir la CEDEAO jouer suppose un certain nombre de ressources. Pensez vous les avoir, a demandé Lady Amos.
Le développement ne peut avoir lieu que dans la paix. La CEDEAO a des programmes sociaux et économiques qui s’inscrivent dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) et nous pensons qu’avec la volonté nécessaire, nous pouvons parvenir aux objectifs que nous nous assignons. Le rôle du Conseil devrait aller vers l’appui à nos décisions. Ces décisions ont trait au refus de l’accès au pouvoir par la force et elles ont aussi notamment trait à la création d’un dialogue au Libéria pour la tenue de scrutins démocratiques.
M. JAGDISH KOONJUL (Maurice), s’exprimant en sa qualité de Président du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur la résolution des conflits en Afrique, a souhaité que toute solution aux problèmes de la région du fleuve Mano demeure conforme aux initiatives de l’Union africaine (UA), des pays de l’Union du fleuve Mano et de la CEDEAO. Toute inconsistance entre les politiques du Conseil de sécurité, de l’UA et des organisations sous-régionales ne serait pas dans l’intérêt de la région, a insisté le représentant. Le succès de tout plan d’action pour la région, a-t-il poursuivi, dépendra du degré de confiance entre ses membres. Il a donc appelé la communauté internationale à encourager des réunions au plus haut niveau entre les pays de la région. Pour lui, le contrôle conjoint des frontières semble être un domaine important de coopération. Le représentant a aussi encouragé les dirigeants de la région à prendre l’engagement de ne soutenir aucune activité rebelle dans les pays voisins. A cet égard, il a souhaité que soit concrétisée au plus vite l’idée du Bureau de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest faire le décompte des groupes armés dans la région.
Le Bureau pourrait, évaluer les besoins des pays dans les domaines sécuritaire, économique, social et de développement. Le PNUD et les institutions de Bretton Woods, a souhaité le représentant, devraient adapter leurs instruments financiers pour établir l’équilibre entre les exigences de la stabilité macroéconomique et les priorités liées à la consolidation de la paix. Le représentant a soulevé la question de l’exploitation illégale des ressources naturelles en demandant à la communauté internationale d’aider le Libéria à mettre en place, à son tour, un régime de certification des diamants. En concluant, il a proposé la création d’un groupe de contact des pays de l’Union du fleuve Mano pour offrir aux parties l’occasion de discuter des moyens d’assurer une paix durable. Il a souligné, à cet égard, les rôles importants de la société civile et du secteur privé.
M.KISHORE MAHBUBANI (Singapour), prenant aussi la parole en qualité de Président du Comité des sanctions contre le Libéria, a marqué l’appui de sa délégation à la formule d’atelier de discussion et de réflexion adoptée aujourd’hui au sein du Conseil. Le rôle du Royaume-Uni a été crucial dans la résolution de la crise sierra-léonaise. La question des ressources est cruciale en matière d’opérations de maintien de la paix. Comment passer du maintien de la paix à sa consolidation ? Voilà une question à laquelle le Conseil doit répondre. M. Guéhenno nous a parlé ce matin de la difficulté qu’il a à réunir 13,5 millions de dollars pour assurer la réintégration dans la vie civile des ex-combattants de Sierra Leone. Pourrait-on trouver une solution qui élimine les incertitudes auxquelles nous faisons face dans le processus de transition entre les différentes phases des opérations de paix. Tous les succès enregistrés dans la région du fleuve Mano risquent d’être perdus si on résout pas la question des ressources n’étant pas résolue. Concernant le Libéria, ne faudrait-il pas interpeller ce pays de façon plus constructive ? Pour le moment il semble que l’on emploie le bâton sans la carotte à l’horizon. Quant à la question des réfugiés, ne faut-il pas l’examiner comme un indicateur de menace planante de conflits ?
M. MOHAMED BENNOUNA (Maroc) a rappelé que les Chefs d’Etat des trois pays du fleuve Mano, conscients de la dimension régionale du maintien de la paix et de la sécurité dans leur pays respectif, se sont tournés vers le Maroc pour se rencontrer et amorcer un dialogue fructueux. Ce que l’on a appelé le processus de Rabat a eu dès le Sommet de février dernier des retombées positives sur la région, la « glace ayant été en quelque sorte brisée ». Les trois pays ont réaffirmé leur engagement d’honorer le traité de non-agression et de coopération en matière de sécurité de 1986 et ont convenu d’éviter le recours à la force pour régler leurs différends. Plusieurs réunions ministérielles de suivi se sont ensuite tenues dans chacun des pays concernés et au Maroc dans le but de réactiver les protocoles signés sur la défense et la sécurité. Les efforts se concentrent maintenant sur la mise en place de patrouilles le long des frontières entre les trois pays pour la sécurisation de celles-ci. Le projet lancé à Rabat d’une caravane de la restauration de la confiance n’a en revanche malheureusement pas encore été concrétisé. La raison en est que des événements graves sont survenus au Libéria et ont profondément perturbé les efforts de paix lancés à Rabat et par la CEDEAO.
Désormais il faut aller plus loin et le Maroc prépare le deuxième Sommet de Rabat, mais le Roi ne veut pas d’un sommet de pur protocole. Il souhaite que la réunion soit véritablement productive. C’est pourquoi, la diplomatie marocaine travaille activement afin que d’ores et déjà des propositions concrètes soient faites et puissent être concrétisées lors du sommet. La priorité des priorités est l’arrêt des combats au Libéria et l’amorce de la réconciliation nationale entre toutes les parties prenantes, gouvernement, mouvement rebelle et société civile. La communauté internationale doit concentrer ses efforts sur le retour de la paix et ceci nécessite sans doute l’envoi de forces de maintien de la paix et la mobilisation de ressources financières adéquates, a insisté le représentant.
Parallèlement et en complément des efforts de paix sous les auspices de la CEDEAO, le processus de Rabat doit se poursuivre pour coordonner les efforts au niveau régional. En conclusion, le représentant a estimé que l’un des enjeux essentiels, s’agissant du Libéria, était d’aboutir également à un accord concernant certains principes de bonne gouvernance.
M. JEAN DAVID LEVITTE (France) a rendu hommage au Royaume-Uni pour son engagement en Sierra Leone. Les relations personnelles entre Chefs d’Etat sont un facteur clef de la paix dans la région du fleuve Mono, comme dans d’autres régions de l’Afrique. Rétablir donc ces liens est important. La France salue le rôle joué à cet égard par le Maroc à travers la réunion de Rabat. Il ne peut y avoir de paix dans la région s’il n’y a en a pas dans chacun de ses pays. Mais pour le moment nous manquons d’une stratégie de paix pour le Libéria. Le seul comité des sanctions créé pour ce pays ne suffit, comme l‘a indiqué le représentant de Singapour. La France partage aussi le point de vue de la Communauté de l‘Afrique de l’Ouest et condamne la prise du pouvoir par la force. Le dialogue que le Conseil a eu avec le Maroc et la Communauté économique d’Afrique de l’Ouest est utile et l’ONU doit appuyer cette dernière à mettre en place ses 4 centres d’alerte régionale. Il est urgent d’autre part de mettre en place le groupe de contact sur la région et le Représentant spécial des Nations Unies dans la région doit prendre ses fonctions. Dans le même état d’esprit l’ONU doit avoir un représentant à Monrovia malgré les réticences connues du Président Taylor. Quel sera effectivement le rôle de M. Ould Abdallah ? Et pourquoi ne profiterait-on pas de la session de l’Assemblée générale pour inviter au Conseil les trois Chefs d’Etat des pays membres de l’Union du fleuve Mano ou leurs Ministres des affaires étrangères?
M. FLORIAN FICHTL, Expert pour la protection sociale et le développement humain régional à la Banque Mondiale, a centré ses propos sur son l’expérience en Sierra Leone dans la mesure où, à ses yeux, elle permet de dessiner la démarche adéquate à adopter concernant le Libéria. Il a expliqué que désormais en cette ère post-conflit en Sierra Leone, la priorité immédiate est de réaliser le retour des réfugiés, de réintégrer les anciens combattants et de réhabiliter les infrastructures de base. Dans un second temps, et davantage à moyen terme, le principal défi qui se présentera au Gouvernement sierra-léonais et à la communauté internationale sera de répondre aux besoins de la jeunesse, puisque 45% de la population du pays a actuellement à moins de 15. Répondre à leurs besoins sera aussi le moyen de tirer pleinement parti de leurs capacités et de créer un environnement propice au développement et à la croissance économique.
Revenant sur le rôle des institutions internationales, et notamment de la Banque Mondiale, dans la résolution du conflit, M. Fichtl a estimé que l’élément déterminant avait été la rapidité avec laquelle la communauté internationale et les institutions s’étaient engagées. La complexité du problème a permis une fois pour toutes de mettre en lumière l’importance d’une coordination appropriée et d’activités complémentaires. L’expérience en Sierra Leone a de plus permis de comprendre que, quelle que soit leur importance, les programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion ne peuvent résoudre une impasse politique ou garantir la sécurité. Forte de ces enseignements, la Banque Mondiale a décidé grâce à par son Programme d’aide internationale de demeurer vigoureusement engagée en Sierra Leone, en fournissant une aide financière supplémentaire pour appuyer le processus de transition de la guerre à la paix, en fournissant un soutien technique visant à donner les moyens au Gouvernement de conduire les efforts de reconstruction, en soutenant les efforts de coordination des donateurs et en renforçant les partenariats fondamentaux, notamment avec le Royaume-Uni et les Nations Unies. Par ce biais, la Banque a, par exemple, été en mesure de collecter 31,5 millions de dollars en faveur des programmes de DDR, sur lesquels plus de 28 millions ont déjà été déboursés. Flexibilité et un calendrier bien établi sont les clefs du succès en matière d’aide financière post-conflit, a résumé M. Fichtl.
L’expert a expliqué que la stabilité en Sierra Leone est liée à la stabilité et à la sécurité au Libéria. Il faut en partenariat parvenir impérativement à la stabilisation régionale car, par exemple, en Sierra Leone, la transition ne garantit pas encore que les causes du conflit soient définitivement éliminées. Il faut donc continuer à se concentrer sur la réconciliation, la lutte contre la pauvreté, la croissance économique et l’amélioration des infrastructures. A cette fin, la Banque Mondiale a proposé d’accorder un prêt de 205 millions de dollars au pays entre 2002-2004.
Lady AMOS lui ayant demandé si la Banque Mondiale était prête à passer à des activités de consolidation de la paix avant même la fin d’un conflit, M. Fichtl a reconnu que l’on aurait pu agir différemment dans le cas de la Sierra Leone. Mais la Banque se concentrant sur le développement, la vraie question, pour elle, est de savoir si l’aide au développement permet véritablement de limiter l’explosion d’un conflit. A l’heure actuelle, il a précisé qu’il hésiterait à étendre le mandat des opérations de maintien de la paix pour qu’il inclut les activités de développement et de consolidation, en revanche il faudrait qu’elles donnent plus de place à la coordination avec les partenaires du développement à un stade précoce.
M. WANG YINGFAN.(Chine) a déclaré qu’en Sierra Leone la situation est plus claire qu’elle ne l’était, il y a quelque temps. L’envoi opportun de troupes britanniques a eu un impact positif sur la résolution du conflit. Il est regrettable que le consensus qui a prévalu en Sierra Leone n’ait pas existe dans d’autres conflits comme celui de la RDC. Le conflit au Liberia risque d’avoir des retombées en Guinée et en Sierra Leone. Le Conseil doit trouver un terrain d’entente sur ces questions avec les organisations régionales d’Afrique de l’Ouest et avec le Maroc qui joue un rôle de médiateur. Le Secrétaire général vient de créer un poste de représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest. La Chine espère que le travail de ce Bureau aura un impact efficace sur la résolution des conflits de la région.
M. GENNADY GATILOV (Fédération de Russie) s’est dit très préoccupé par la situation très complexe dans la région du Fleuve Mano. C’est pourquoi, il a estimé qu’il fallait renforcer la coopération et la coordination entre les Nations Unies et les organisations sous-régionales. Cette collaboration devrait se faire par le biais du groupe de travail spécial du Conseil sur la résolution des conflits en Afrique. L’achèvement du processus de paix en Sierra Leone est à l’évidence un élément clef de l’amélioration de la situation dans la région du Fleuve Mano et les activités menées par les Nations Unies sur le terrain méritent d’être saluées. Notant que le Gouvernement de la Sierra Leone éprouve un certain nombre de difficultés à appliquer pleinement les programmes de DDR prévus, il a demandé aux institutions financières internationales de lui fournir des ressources supplémentaires d’urgence, ajoutant à cet effet que la durabilité de la paix en dépendait. Le représentant a prévenu qu’au moment où les effectifs, notamment militaires, de la MINUSIL seront réexaminés. Il faudra assurer la synchronisation avec les éléments à venir de l’armée et de la police sierra-léonaise afin d’empêcher tout vide sécuritaire.
La plus grande menace pour la sécurité et la stabilité continue d’être le conflit sanglant au Libéria entre l’armée du Président Taylor et le mouvement LURD. Les cortèges de réfugiés, dont des éléments armés, qu’il entraîne sont de plus en plus importants, notamment, vers la Sierra Leone. Ceci ne fait qu’aggraver la crise humanitaire dans la région. A cet égard, les efforts inlassables du Haut Commissariat aux réfugiés doivent être dûment salués. Il faut assurer un libre accès aux travailleurs humanitaires et assurer leur sécurité. La Fédération de Russie accorde aussi une importance particulière au fait que le Libéria respecte toutes les demandes posées par le Conseil de sécurité. Il a appelé tous les Etats à pleinement respecter les exigences exprimées dans la résolution 1341.
Mme ELLEN MARGRETHE LOJ (Danemark) a declaré, au nom de l’Union européenne et des pays associés, que l’Union européenne soutient les efforts de la communauté internationale pour le retour à la paix dans la région du fleuve Mano. Il est important que des liens de collaboration solides s’établissent entre l’Union européenne et la CEDEAO, l’ONU et les autres parties prenantes du processus de paix régional. Il est important d’avoir des élections libres au Libéria et de créer les conditions de la paix dans les pays de l’Union du fleuve Mano. Nous sommes prêts à participer à ces efforts.
M. RICHARD RYAN (Irlande) a fait observer que tout le monde s’accorde pour reconnaître qu’aujourd’hui la situation au Libéria est la menace la plus dangereuse à la paix dans la région. C’est pourquoi, il convient de se demander si le système de sanctions actuellement en place est suffisant. S’il a bien fonctionné dans le cas de la Sierra Leone, il ne constitue pas une panacée en la matière, et il faudrait peut-être réviser quelque peu l’attitude à adopter. Ce qui paraît bien adapté à la région, c’est, entre autres, l’adoption d’une attitude ethniquement ouverte et la promotion la plus vigoureuse possible des droits de l’homme et de l’égalité entre hommes et femmes. A cet égard, les exemples de la Sierra Leone et du Timor oriental fournissent des modèles patents de ce qui peut être obtenus quant ces domaines sont dûment pris en compte.
M. OLE PETER COLBY (Norvège) a déclaré que son pays s’associe aux déclarations dans lesquelles a été demandé un retrait progressif de la MINUSIL. Le retour des réfugiés représente un lourd fardeau pour lequel les Etats d’Afrique de l’Ouest auront besoin d’assistance internationale. Le dialogue engagé à Rabat doit se poursuivre et nous devons éviter que la Sierra Leone soit victime de déstabilisation de la part du Libéria. La communauté internationale doit prendre très au sérieux la situation qui prévaut à Monrovia
Répondant à la question de l’Ambassadeur français concernant le Bureau des Nations Unies pour le maintien de la paix au Libéria, Sir KIERAN PRENDERGAST a expliqué que l’on considérait actuellement d’en élargir le mandat. L’objectif est notamment de lui permettre de renforcer ses activités en matière de promotion des droits de l’homme. La réponse du Président Taylor est actuellement attendue, comme celle concernant le prochain Représentant du Secrétaire général en charge de ce bureau. De manière générale, le Secrétaire général adjoint a estimé que l’un des problèmes majeurs rencontrés en matière de maintien et de consolidation de la paix avait été pour l’instant le manque de ressources. Le Conseil a tendance à oublier de maintenir le cap et le flux financier ouvert, une fois que la situation semble aller mieux. Un autre élément clef est de véritablement renforcer la coopération entre les Nations Unies et les organisations sous-régionales, et c’est là précisément l’un des objectifs du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest qui ouvrira bientôt à Dakar.
Le Représentant spécial du Secrétaire général responsable de ce Bureau n’empiètera nullement sur les efforts d’autres représentants spéciaux ou d’autres organisations sous-régionales. Il doit davantage être envisagé comme un catalyseur des efforts. Un autre point essentiel est de bien comprendre que si l’on se fixe des objectifs ambitieux, il faut impérativement se donner les moyens de les atteindre. Enfin, Sir Kieran Prendergast a estimé qu’en matière de maintien de la paix l’anticipation et la préparation sont essentielles, évoquant pour illustrer son propos l’image d’une course de relais où le deuxième coureur est déjà lancé avec d’avoir le bâton en main.
Revenant sur le rôle pilote que l’on entend confier au Bureau de Dakar, M. ABDOULAYE MAR DIEYE, a indiqué que le PNUD allait fournir des ressources pour réaliser une étude de vulnérabilité et analyser les indicateurs de crise afin d’intervenir davantage de manière prévenir. Le Général CHEKH DIARRA a, pour sa part, estimé que le Conseil doit désormais essayer de développer une stratégie propre concernant le Libéria, comme il en avait une pour la Sierra Leone. Il lui faudra ensuite harmoniser cette stratégie avec celle de la CEDEAO qui lui est bien connue. Il faudra enfin déterminer comment soutenir cette stratégie sur le terrain afin de présenter une attitude unie et harmonisée.
M.François Fall, Ministre des affaires étrangères de la Guinée a estimé que la question des réfugiés est indissociable de celle de la sécurité dans la région du fleuve Mano. Les conditions de rapatriement et de réinsertion des populations doivent être améliorées. Les organismes chargés de cette question doivent recevoir les moyens dont ils ont besoin et leurs méthodes doivent être rationalisées. La question avait déjà été évoquée. La Guinée, qui a reçu des milliers de réfugiés en provenance de pays voisins devrait recevoir l’appui de la communauté internationale.
Concernant le Libéria, il est important que la réconciliation nationale y reçoive tout l’appui nécessaire, car sans paix intérieure dans ce pays, il n’y aura pas de paix dans l’Union du fleuve Mano. La Communuauté des Etats d’Afrique de l’Ouest aimerait que se tienne un dialogue national au Libéria. Les actions menées par le Maroc sont quant à elles complémentaires de l’action de la CEDEAO. Si Rabat II a lieu, ses résultats pourront être repris par la CEDEAO.
M.MOMODU KOROMA, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Sierra Leone, a réitéré qu’il fallait faire pour assurer le succès total et définitif, et surtout la durabilité de la paix, dans son pays. C’est pourquoi, il est impératif que tout retrait de la MINUSIL se fasse de manière progressive et de manière parallèle avec le renforcement des effectifs militaires et sécuritaires nationaux. Il a estimé que les Nations Unies disposent de tout un système varié lui permettant de faire pression sur le processus concernant le Libéria. Il a proposé de tenir une conférence sur la question, du type de celle organisée à Lomé entre le Gouvernement de la Sierra Leone et le RUF. Toutefois, il a clairement prévenu que pour être un succès cette initiative doit être soutenue et approuvée par les Nations Unies, la CEDEAO et l’Union européenne. Toute conférence organisée à l’intérieur du Libéria sans l’approbation de ces entités serait peine perdue. Il a insisté sur l’importance des élections prévues au Libéria en 2003 et il a appelé la communauté internationale à largement en appuyer la tenue, peut-être en fournissant des observateurs électoraux.
Reprenant la parole, M. RYAN (Irlande) a souhaité réitérer l’utilité des missions de maintien de la paix dans les zones de conflit. Le cas de la Sierra Leone démontre, selon lui, clairement l’importance de mandats clairs et fermes pour les opérations et sur lesquels les pays fournisseurs de troupes sont bien informés. Il faudrait continuer de réfléchir à de bonnes pratiques en la matière. Il ne faut pas par ailleurs et pour des raisons essentiellement budgétaires permettre à des éléments armés et rebelles de se regrouper et de reprendre les combats.
Concluant le débat, Lady AMOS a dit que l’Union du fleuve Mano devrait continuer à renforcer, en concertation avec la CEDEAO, les conditions de sécurité entre ses Etats Membres. Au Liberia, les débats ont permis de conclure qu’une présence physique de l’ONU sur le terrain était nécessaire. Les sanctions ont eu un effet positif en Sierra Leone, mais il faudrait examiner leur rôle sur l’impact de la solution à trouver pour le Libéria. La question des ressources a été évoquée et on a estimé qu’il fallait créer un cadre propice aux investissements dans la région. Le dialogue au Libéria est à cet égard crucial, et il est impératif de mettre en place une stratégie globale pour le pays. A cet égard il faudrait considérer les observations faites par la délégation de Singapour et par M. Prendergast. La question des réfugiés doit quant à elle trouver une solution satisfaisante si l’on veut éliminer les risques de conflit et d’insécurité qu’elle peut faire planer. Le Conseil de sécurité reste un lieu propice aux débats sur les questions liées au processus de paix en Sierra Leone, au Liberia et dans la région du fleuve Mano en général, a conclu Lady Amos.
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