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CIJ/605

LA CIJ DECLARE QUE LA SOUVERAINETE SUR PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN APPARTIENT A LA MALAISIE (AFF. INDONESIE/MALAISIE)

17/12/2002
Communiqué de presse
CIJ/605


                                                            CIJ/605

                                                            17 décembre 2002


LA CIJ DECLARE QUE LA SOUVERAINETE SUR PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN APPARTIENT A LA MALAISIE (AFF. INDONESIE/MALAISIE)


LA HAYE, le 17 décembre 2002 -- La Cour internationale de Justice (CIJ),

organe judiciaire principal de l'Organisation des Nations Unies, a rendu ce

jour son arrêt en l'affaire de la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau

Sipadan (Indonésie/Malaisie).


Dans son arrêt, qui est définitif, sans recours et obligatoire pour les Parties, la Cour dit, par seize voix contre une, que «la souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan appartient à la Malaisie».  Ligitan et Sipadan sont deux îles de dimensions très réduites situées dans la mer de Célèbes, au large de la côte nord-est de l'île de Bornéo. 


Raisonnement de la Cour.


La Cour commence par rappeler le contexte historique complexe dans lequel s'inscrit le différend qui oppose les Parties.  Elle se penche ensuite sur les titres invoqués par celles-ci.  L'Indonésie soutient à titre principal que sa souveraineté sur les îles se fonde sur un titre conventionnel, la convention de 1891 entre la Grande-Bretagne et les Pays-Bas.  En effet, l'Indonésie estime que ladite convention fixait comme ligne de partage entre les possessions britanniques et néerlandaises dans la zone où se trouvent Ligitan et Sipadan le parallèle 4o 10' de latitude nord.  Les îles en litige étant situées au sud de ce parallèle, «[i]l en découle[rait] qu'en vertu de la convention le titre sur ces îles appartenait aux Pays-Bas et qu'il appartient aujourd'hui à l'Indonésie».  La Malaisie, quant à elle, fait observer que la convention de 1891, appréciée dans son ensemble, montre à l'évidence que, par cette convention, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas entendaient exclusivement préciser la frontière entre leurs possessions terrestres respectives dans les îles de Bornéo et de Sebatik, la ligne de délimitation s'arrêtant au point le plus oriental de cette dernière.


Ayant examiné la convention de 1891, la Cour dit que celle-ci, lue dans son contexte et à la lumière de son objet et de son but, ne peut pas être interprétée comme établissant une ligne de partage de la souveraineté sur des îles situées au large, à l'est de l'île de Sebatik, et que de ce fait cette convention ne constitue pas un titre sur lequel l'Indonésie pourrait fonder sa prétention sur Ligitan et Sipadan.  La Cour précise que cette conclusion est confortée tant par les travaux préparatoires que par la conduite ultérieure des parties à ladite convention.  La Cour estime par ailleurs que l'examen du matériau cartographique soumis en l'espèce par les Parties ne saurait contredire cette conclusion.


Une fois rejetée cette argumentation de l'Indonésie, la Cour passe à l'examen des autres titres sur lesquels l'Indonésie et la Malaisie affirment pouvoir fonder leur souveraineté sur les îles de Ligitan et Sipadan.  La Cour recherche si l'Indonésie ou la Malaisie sont devenues détentrices d'un titre sur ces îles par voie de succession.  A cet égard, la Cour commence par constater que, si les Parties soutiennent toutes deux que les îles de Ligitan et Sipadan n'ont pas constitué des terrae nullius pendant la période pertinente aux fins de la présente affaire, elles le font sur la base de raisonnements diamétralement opposés, chacune d'entre elles prétendant disposer d'un titre sur ces îles.  Elle ne retient pas la thèse de l'Indonésie selon laquelle celle-ci aurait conservé le titre sur ces îles en tant que successeur des Pays-Bas, qui l'auraient eux-mêmes acquis par le biais de contrats conclus avec le sultan du Bouloungan, détenteur originaire du titre.  Elle ne retient pas davantage la thèse de la Malaisie selon laquelle celle-ci aurait acquis la souveraineté sur les îles de Ligitan et Sipadan à la suite d'une série de transmissions alléguées du titre détenu à l'origine par l'ancien souverain, le sultan de Sulu, titre qui serait passé, successivement, à l'Espagne, aux Etats-Unis, à la Grande-Bretagne -- pour le compte de l'Etat du Nord-Bornéo -- au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, et finalement à la Malaisie.


Ayant déterminé qu'aucune des deux Parties ne détient un titre conventionnel sur Ligitan et Sipadan, la Cour examine ensuite la question de savoir si l'Indonésie ou la Malaisie pourraient avoir un titre sur les îles en litige en vertu des effectivités qu'elles ont invoquées.  A ce propos, la Cour recherche si les prétentions de souveraineté des Parties se fondent sur des activités montrant un exercice continu et effectif d'autorité sur les îles, c'est-à-dire l'intention et la volonté d'agir en qualité de souverain.


L'Indonésie invoque à cet égard une présence continue de la marine néerlandaise et de la marine indonésienne aux alentours de Ligitan et Sipadan. Elle ajoute que les eaux baignant les îles sont traditionnellement utilisées par des pêcheurs indonésiens.  En ce qui concerne le premier de ces arguments, les faits retenus en l'espèce, de l'avis de la Cour, «ne permettent [pas] de conclure que les autorités maritimes concernées considéraient Ligitan et Sipadan, ainsi que les eaux environnantes, comme relevant de la souveraineté des Pays-Bas ou de l'Indonésie».  Quant au second argument, la Cour estime que «les activités de personnes privées ne sauraient être considérées comme des effectivités si elles ne se fondent pas sur une réglementation officielle ou ne se déroulent pas sous le contrôle de l'autorité publique».


Ayant rejeté les arguments de l'Indonésie fondés sur ses effectivités, la Cour passe à l'examen des effectivités invoquées par la Malaisie.  Pour preuve de son administration effective des îles, la Malaisie cite notamment les mesures prises par les autorités du Nord-Bornéo pour réglementer et limiter le ramassage des oeufs de tortues sur Ligitan et Sipadan, activité qui revêtait à l'époque une certaine importance économique dans la région.  Elle s'appuie sur l'ordonnance de 1917 sur la protection des tortues et soutient que cette ordonnance «a été appliquée au moins jusque dans les années cinquante» dans la zone des deux îles en litige.  Elle invoque par ailleurs le fait que les autorités de la colonie du Nord-Bornéo ont construit un phare sur Sipadan en 1962 et un autre sur Ligitan en 1963, que ceux-ci existent toujours et qu'ils sont entretenus par les autorités malaisiennes depuis son indépendance.  La Cour relève que, «si les activités invoquées par la Malaisie sont modestes en nombre, elles présentent un caractère varié et comprennent des actes législatifs, administratifs et quasi judiciaires. Elles couvrent une période considérable et présentent une structure révélant l'intention d'exercer des fonctions étatiques à l'égard des deux îles, dans le contexte de l'administration d'un ensemble plus vaste d'îles».  La Cour indique en outre que, «à l'époque où ces activités ont été menées, ni l'Indonésie ni son prédécesseur, les Pays-Bas, n'ont jamais exprimé de désaccord ni élevé de protestation».


La Cour conclut, sur la base des effectivités mentionnées ci-dessus, que «la souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan appartient à la Malaisie».


Composition de la Cour


La Cour était composée comme suit: M. Guillaume, président; M. Shi, vice-président; MM. Oda, Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal et Elaraby, juges; MM. Weeramantry et Franck, juges ad hoc; M. Couvreur, greffier.  M. le juge Oda joint une déclaration à l'arrêt; M. le juge ad hoc Franck joint à l'arrêt l'exposé de son opinion dissidente.

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Un résumé plus complet de l'arrêt sera ultérieurement fourni dans le communiqué de presse 2002/39bis.  Le texte intégral de l'arrêt, de la déclaration de M. le juge Oda et de l'opinion de M. le juge ad hoc Franck, ainsi que les communiqués de presse, sont disponibles sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org).

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Département de l'information :


M. Arthur Th. Witteveen, premier secrétaire de la Cour (+ 31 70 302 23 36)

Mme Laurence Blairon et M. Boris Heim, attachés d'information (+ 31 70 302

23 37).  Adresse de courrier électronique: information@icj-cij.org


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