L’ASSEMBLEE GENERALE EXAMINE LES RAPPORTS ANNUELS DES TRIBUNAUX PENAUX INTERNATIONAUX POUR L’EX-YOUGOSLAVIE ET LE RWANDA
Communiqué de presse AG/1349 |
Assemblée générale
36e séance plénière – après midi
L’ASSEMBLEE GENERALE EXAMINE LES RAPPORTS ANNUELS DES TRIBUNAUX PENAUX
INTERNATIONAUX POUR L’EX-YOUGOSLAVIE ET LE RWANDA
Des délégations invitent les autorités de la République fédérale
de Yougoslavie et du Rwanda à coopérer respectivement avec les deux instances
Examinant cet après-midi les rapports annuels du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), certaines délégations ont, à l’instar du Danemark, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, exhorté la République fédérale de Yougoslavie et la Republika Sprska à ne plus entraver les travaux du TPIY et à coopérer à l’arrestation et au transfert des accusés. L’Union européenne considère que les États de la région doivent redoubler d’efforts pour arrêter la vingtaine d’inculpés encore en liberté, au premier rang desquels Radovan Karadzic et Ratko Mladic. Les invitant à coopérer étroitement avec le TPIY, la représentante du Danemark a mis en garde contre les obstacles posés `au travail du TPIY qui sont contraires aux objectifs et principes de l’Union européenne et seront déterminants dans le processus conduisant à l’adhésion de certains de ces pays au sein de l’Union. A leur tour les autorités rwandaises ont été invitées par l’Union européenne, la Norvège et la Malaisie à coopérer avec le TPIR et faciliter la comparution des témoins à charge et à décharge devant le Tribunal, comparution qui a été entravée au cours de la dernière année par de nouvelles procédures d’obtention des titres de voyages pour les témoins en provenance du Rwanda.
Dressant le bilan de l’année écoulée, le Président du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), M. Claude Jorda, a déclaré qu’en l’état actuel, les réformes mises en œuvre depuis une année ne suffiraient pas à elles seules pour tenir les engagements pris devant le Conseil de sécurité et visant à clôturer les enquêtes aux alentours de 2004 et les jugements d’instance aux alentours de 2008. Il a expliqué ensuite que, face à ce constat, le TPIY avait dû mettre en place une stratégie adaptée et réaliste permettant, d’une part, de recentrer les activités du TPIY autour des jugements des plus hauts responsables militaires, paramilitaires et civils de crimes de guerre et crimes contre l’humanité et d’autre part, de confier certaines affaires de moindre envergure aux tribunaux nationaux, notamment aux juridictions de Bosnie-Herzégovine. Toutefois, cette délocalisation des affaires ne pourra se faire que si les tribunaux nationaux disposent des moyens financiers et juridiques nécessaires pour juger les criminels de guerre, a-t-il précisé, et ce afin de ne pas “brader” les affaires du TPIY.
La Présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Mme Navanethem Pillay, a pour sa part indiqué que neuf procès avaient eu lieu au cours de l’année écoulée et que les procédures de témoignages et de plaidoyers avaient été réformées. Elle a également fait part de réformes telles que le remplacement du témoignage oral ou l’interdiction du partage des honoraires entre l’avocat et son client. En dépit des efforts et des progrès, Mme Pillay a regretté la longueur des procès, résultant notamment du fait que certains procès doivent permettre l’audition de près de 100 témoins, que les procès et les documents doivent être traduits en trois langues (anglais, français et kinyarwanda), et que les juges sont tributaires des nuances de la langue kinyarwanda dans leur compréhension des faits.
Mme Pillay a souligné à son tour les retards dus à la non comparution ou aux retards de comparution des témoins venant du Rwanda, expliquant que cette année, ce phénomène a perturbé le calendrier judiciaire du TPIR. S’agissant de la durée de détention préventive des accusés qui est très longue, elle a exprimé sa préoccupation en raison du fait que les chambres du TPIR fonctionnent à plein régime et s’est félicitée de la décision prise par la Procureur de déférer quarante suspects devant des juridictions nationales étrangères et vingt-cinq autres devant la justice rwandaise. Elle a souhaité en outre que cinq postes de juge ad litem supplémentaire soient créés pour permettre au TPIR d’achever son mandat d’ici à 2007-2008, en plus des quatre postes créés en août dernier par le Conseil de sécurité.
Les représentants des pays suivants se sont exprimés au cours du débat: Danemark (au nom de l’Union européenne et des pays associés), Norvège, Malaisie, Croatie, Yougoslavie, Bosnie-Herzégovine et Nigéria.
L’Assemblée générale se réunira de nouveau demain, mardi 29 octobre à 10 heures, pour l’examen du point de son ordre du jour relatif à la Cour internationale de Justice.
RAPPORT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGE DE POURSUIVRE LES PERSONNES PRESUMEES RESPONSABLES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991 (A/57/379)
Le neuvième rapport annuel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie couvre la période allant du 1er août 2001 au 31 juillet 2002. L’activité principale du Tribunal durant cette période a consisté en la mise en œuvre effective des réformes de ses structures et de son fonctionnement, initiées en 2001 et visant à accélérer la résolution des affaires dont il est saisi, pour mettre un terme à sa mission aux alentours de 2010, affaires d’appel incluses. Le Tribunal est parvenu à tenir ses engagements pris devant le Conseil de sécurité et tourne aujourd’hui à plein régime, conduisant simultanément et quotidiennement six procès en première instance, dont celui de l’ancien chef d’Etat de la République fédérale de Yougoslavie qui a débuté le 12 février 2002.
En ce qui concerne les réformes internes à l’institution, le rapport indique qu’une importante réforme de la chambre d’appel a été mise en œuvre afin de renforcer sa structure et d’améliorer son fonctionnement dans la perspective d’un accroissement prévisible du nombre d’affaires portées en appel. La Chambre a accueilli en novembre 2001 deux juges additionnels appartenant au Tribunal pénal international pour le Rwanda, conformément à la résolution 1329 (2000) du Conseil de sécurité. En outre, la mise en place d’un accord de coopération entre les deux tribunaux favorisera un rapprochement institutionnel entre les deux Chambres d’appel, ainsi qu’une rationalisation de leurs méthodes de travail. Par ailleurs, une réforme visant à la création d’un barreau international des avocats de la défense, qui veillera au respect de leur indépendance, de leur déontologie et leur assurera une formation continue en droit international humanitaire a été initiée sur proposition du Greffe.
Sur le plan externe, une importante réflexion relative à la mise en œuvre de la stratégie d’achèvement du Tribunal a été initiée, afin de respecter les engagements pris devant le Conseil de sécurité de terminer les enquêtes en 2004 et les jugements d’instance en 2008. A cet égard, le Tribunal compte, d’une part, concentrer davantage sa mission sur le jugement des crimes les plus attentatoires à l’ordre public international, et d’autre part, renvoyer, des affaires impliquant des accusés de niveau intermédiaire devant des juridictions nationales, en particulier celles de la Bosnie-Herzégovine. Le rapport estime en effet que les réformes des systèmes judiciaires entreprises dans les états de l’ex-Yougoslavie avec l’aide de la communauté internationale ont rendu envisageable la mise en œuvre de ce processus de renvoi. A ce titre, le Président et le Procureur, qui se sont rendus en Bosnie-Herzégovine du 17 au 21 juin 2002, ont préconisé la création au sein de la Cour d’Etat de Bosnie-Herzégovine d’une chambre compétente pour juger les accusés déférés par le TPIY ainsi que la mise en place d’une formation en droit international humanitaire pour le personnel judiciaire local. La participation d’observateurs et de magistrats internationaux aux travaux de ces juridictions nationales a également été envisagée.
Le rapport, qui détaille les activités des Chambres du Tribunal, rappelle que ces chambres ont fait l’objet d’une restructuration suite à l’arrivée de nouveaux juges. Elles comptent désormais 16 juges permanents (14 juges du TPIY et 2 juges du TPIR) et 9 juges ad litem, tous ressortissant d’Etats différents. Le rapport note que la réforme des juges ad litem a apporté la preuve de son efficacité et a permis au Tribunal de traiter les affaires dont il a la charge avec une plus grande célérité.
Sur le plan judiciaire, le procureur a mené l’accusation dans huit procès et travaillé sur 14 affaires au stade de la mise en état. Il a intensifié ses activités d’enquête et de poursuite, lesquelles, souligne le rapport, sont toujours tributaires de la volonté des Etats de la région de coopérer activement à la remise des preuves et aux arrestations. A ce titre, il est signalé que plusieurs accusés, dont certains hauts responsables militaires et fonctionnaires, sont encore en liberté. L’arrestation effective et rapide de ces fugitifs constitue une condition indispensable à la bonne exécution de la stratégie d’achèvement du mandat du Tribunal, précise le rapport, qui insiste sur la nécessité d’une coopération internationale sans faille pour y parvenir. Par ailleurs, le rapport affirme que le Bureau du Procureur est parvenu à mettre en œuvre sa stratégie relative à l’exhumation de charniers, et qu’à cet égard, il a terminé les recherches sur un site au Kosovo et a supervisé les travaux sur neuf autres sites sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.
S’agissant des activités du Greffe, le rapport affirme que les négociations avec les Etats afin de parvenir à des accords sur l’exécution des peines se sont poursuivies, un accord ayant à cet égard été conclu avec le Danemark en juin 2002. En outre, le Greffe a eu de nombreuses discussions avec le pays hôte relativement à la portée et à l’application de l’Accord de siège. Par ailleurs, le rapport précise que la Section d’aide aux victimes et aux témoins a continué à garantir l’assistance et la sécurité d’environ 590 victimes et témoins cités devant le Tribunal dans le courant de l’année 2001-2002; les contributions volontaires du Canada et du Royaume-Uni ayant également permis à la Section d’ouvrir un bureau à Sarajevo afin d’accroître et d’améliorer l’aide et l’assistance aux victimes et aux témoins.
Enfin, en ce qui concerne le financement du Tribunal, il est rappelé que l’Assemblée générale a adopté, le 27 mars 2002, la résolution 56/247 B approuvant l’ouverture (après réévaluation des coûts) de crédits s’élevant à un montant net de 233 169 800 dollars au bénéfice du Tribunal pour l’exercice biennal 2002-2003. L’Assemblée a également approuvé un nombre total de 1052 postes pour 2002-2003, ce qui représente une augmentation de 84 postes par rapport à 2001.
Déclarations
M. CLAUDE JORDA, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, présentant le rapport du Tribunal a rappelé que celui-ci, qui avait entrepris un vaste mouvement de réformes, connaissait actuellement une intensification notable de ses activités. Il a cependant estimé qu’en dépit de la réussite des nombreuses réformes mises en œuvre depuis un an, il ne fallait pas oublier les difficultés rencontrées en matière de durée de procédure. A ce titre, le juge a rappelé qu’à l’heure actuelle certains accusés ne seraient pas jugés avant deux ans et que ce délai ne ferait que s’allonger si aucune mesure efficace n’est prise afin de remédier aux lenteurs de procédure.
Conscient qu’en l’état, les réformes entreprises ne suffiront pas à elles seules à tenir les engagements pris devant le Conseil de sécurité (à savoir la clôture des enquêtes vers 2004 et celle des jugements d’instance vers 2008), le Tribunal a dû mettre en place une stratégie adaptée et réaliste permettant, d’une part, de recentrer les activités du Tribunal autour des jugements des plus hauts responsables militaires, paramilitaires et civils de crimes de guerre et crime contre l’humanité et d’autre part, de confier certaines affaires de moindre envergure aux tribunaux nationaux, notamment aux juridictions de Bosnie-Herzégovine, a affirmé le Président du TPIY. Cette délocalisation des affaires ne pourra se faire que si les tribunaux nationaux disposent des moyens financiers et juridiques nécessaires pour juger les criminels de guerre, a-t-il insisté, précisant qu’il ne s’agissait en aucun cas de “brader” les affaires du TPIY.
Insistant enfin sur le rôle et la responsabilité de la communauté internationale, le Président a rappelé que le Tribunal ne pourrait pas achever son mandat dans les délais envisagés si les Etats Membres, et plus particulièrement ceux issus de l’ex-Yougoslavie, n’arrêtent pas et ne traduisent pas devant le Tribunal les accusés présents sur le territoire, et s’ils ne communiquent pas toutes les preuves qu’ils détiennent. C’est à ce prix et à ce prix seulement, a-t-il insisté, que nous pourrons achever notre mandat dans les délais envisagés, affirmant qu’à ce titre, il n’hésiterait pas à saisir les instances compétentes de tout manquement d’un Etat à ses obligations internationales.
Mme METTE NORGAARD DISSING (Danemark), s’exprimant au nom de l’Union européenne et des pays associés, a rappelé que le TPIY constitue un élément clé de la stratégie de la communauté internationale pour restaurer la paix, la sécurité et le respect du droit en République fédérale de Yougoslavie, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en ex-République yougoslave de Macédoine. L’importance de ce Tribunal s’étend bien au-delà de sa juridiction actuelle et devrait nous aider dans la mise en œuvre de la Cour pénale internationale, a-t-elle dit, plaidant pour un engagement accru des États pour lutter contre l’impunité. Elle a encouragé la poursuite des réformes au sein du TPIY, se félicitant des liens renforcés avec le TPIR et de la création de postes de juges ad litem. Mme Dissing a souhaité que les procès en appel soient achevés en 2010 et a apporté son appui au projet consistant à déférer l’examen de certaines affaires devant les juridictions nationales. A cet égard, elle a estimé que les moyens doivent être mis à la disposition de ce processus qui doit en outre garantir la protection des droits des victimes et des accusés. Elle a demandé au TPIY d’améliorer la gestion de ses ressources financières pour garantir une meilleure productivité et une meilleure rentabilité et a invité les États Membres à coopérer pleinement aux activités du TPIY. Qu’il s’agisse de l’arrestation ou du transfert des accusés, l’Union européenne considère que les efforts des pays de la région doivent être intensifiés, entre autres pour arrêter Radovan Karadzic et Ratko Mladic. Mme Dissing a regretté que certains États soient réticents à coopérer avec le Tribunal, comme la République fédérale de Yougoslavie. Elle a estimé que de tels agissements sont contraires aux objectifs et principes de l’Union européenne et seront déterminants dans le processus conduisant à l’adhésion de ces pays à l’Union.
Si M. PETER KOLBY (Norvège) s’est félicité que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) fonctionne désormais efficacement, notamment grâce à l’arrivée de neuf juges ad litem, dont deux aux Chambres d’appel, il a déploré en revanche certains problèmes financiers et d’organisation, liés essentiellement à la représentation de la défense et à l’assistance judiciaire. Il salué à cet égard la création d’un barreau international des avocats de la défense par le Tribunal, pour renforcer les règles déontologiques en ce domaine. Il a également pris note des simplifications apportées au système de paiement de l’aide judiciaire comme à l’interdiction faite à un membre de la famille ou de l’entourage de l’accusé de faire partie de la défense de l’accusé.
Le représentant a rappelé que le TPIY ne pourra accomplir seul le travail nécessaire pour reconstruire l’ex-Yougoslavie. La stratégie adoptée par le Tribunal, qui consiste à déférer aux juridictions locales les accusés de niveau intermédiaire pour se concentrer sur les criminels portant la plus haute responsabilité dans les crimes commis, devrait lui permettre de mener à leur terme tous les jugements d’instance d’ici à 2008. Il est encourageant de noter que 23 accusés, presque trois fois plus que le nombre constaté au cours de la période précédente, se sont constitués prisonniers ou ont été arrêtés. Nous regrettons toutefois que les problèmes de coopération internationale fassent obstacle à la mise en œuvre des réformes du Tribunal. L’arrestation et le transfert de l’ex-Président Slobodan Milosevic démontrent au besoin qu’aucun individu n’est au-dessus des lois, quelle que soit sa position.
En conclusion, le représentant a insisté sur la nécessité de tenir informées au mieux les populations civiles locales des activités du Tribunal, saluant à cette occasion la création d’un Outreach Programme à destination des habitants de l’ex-Yougoslavie. Ayant contribué à son financement à hauteur de 100 000 Euros, et donné son accord sur le principe de faire accomplir leur peine en Norvège à un nombre limité de condamnés, la Norvège a souhaité que les autres Etats Membres s’engagent vigoureusement sur ces questions.
M. CHEAH SAM KIP (Malaisie) a salué la poursuite des réformes engagées en l’an 2000 au sein du Tribunal, et en particulier l’augmentation du nombre de juges qui sont désormais au nombre de 25, dont 16 permanents. Le TPIY fonctionne à plein régime aujourd’hui et il peut conduire six procès de première instance simultanément, a rappelé M. Sam Kip, soulignant en outre que les trois chambres sont aujourd’hui effectives et que les procès devraient pouvoir s’achever en 2008. Le représentant s’est dit favorable à la création d’une chambre spéciale au sein de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine pour accélérer les procès et à la proposition consistant à déférer les cas intermédiaires devant les juridictions nationales. La Malaisie est favorable à ce que les réformes soient mises en oeuvre en tenant compte de l’avis des pays directement concernés, a-t-il ajouté, se félicitant du fait que, depuis dix ans, 78 procès ont eu lieu, dont 30 sont achevés. Cependant, il a condamné le fait que 20 inculpés par le TPIY soient toujours en liberté, au premier rang desquels Karadzic et Mladic et a estimé que le mandat du TPIY ne sera pas vraiment achevé tant que certains criminels parviennent à échapper à la justice internationale. A cet égard, M. Sam Kip a invité les autorités de la République fédérale de Yougoslavie et de la Republika Srpska à corriger les manquements constatés ces dernières années et à collaborer avec le Tribunal.
M. IVAN SIMONOVIC (Croatie) a rappelé que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) doit non seulement faire le procès des accusés et rendre des sanctions, mais aussi faire le bilan des événements dans la région. A cause de son importance juridique, politique, historique et éducative, le procès de Slobodan Milosevic est crucial dans les activités du Tribunal. Le représentant a déploré à cet égard que l’on ait commencé par les crimes commis au Kosovo.
La Croatie accorde autant d’importance à l’accomplissement du mandat du Tribunal et apprécie que le Procureur ait établi à cet égard un dialogue constant avec les autorités croates. L’exemple le plus révélateur est le témoignage pionnier présenté par le Président de Croatie contre Slobodan Milosevic en vue du jugement. Par ailleurs, la Croatie s’inquiète que certains éléments infondés risquent de fausser le procès du Général Bobekto, le chef des forces armées croates et a décidé d’entreprendre à cet égard les recours nécessaires. Toutefois, notre Gouvernement respectera la décision de la Chambre d’appel, a indiqué le représentant.
Il y a un an, différentes améliorations ont été apportées pour que les chambres d’appel puissent mener les procès à terme d’ici 2007 à 2008. Ce représentant s’est félicité de la délégation d’un certain nombre de procès à la justice nationale pour lui permettre de mener son mandat à bien et a souligné toutefois que toute tentative de créer un équilibre artificiel dans les accusations de crimes de guerre devrait être combattue. Rappelant combien il était important d’arrêter les responsables des crimes de guerre les plus graves, le représentant s’est dit encouragé par l’intervention de M. Jacques Klein au Conseil de sécurité la semaine dernière, qui réclamait un mandat afin d’appréhender Radovan Karadzic.
M. DEJAN SAHOVIC (Yougoslavie) a salué la démarche du TPIY d’axer son propos sur le jugement des crimes les plus attentatoires à l’ordre public international. A ce titre, il a souligné l’importance de la création d’une Chambre spéciale consacrée au jugement des crimes de guerre dans la Cour de justice de Bosnie-Herzégovine, création qui va dans le sens d’une augmentation des capacités des juridictions nationales à traiter ce type d’affaires. En outre, le représentant a appelé le TPIY a redoubler d’effort pour être perçu comme un organe juste, impartial et non politique, qui applique des peines équitables.
Soulignant par ailleurs que la coopération entre le TPIY et la République fédérale de Yougoslavie était un processus complexe, le représentant a tenu à rappeler que l’actuel Gouvernement de Yougoslavie n’était là que depuis deux ans et qu’au cours de cette période, les relations entre la Yougoslavie et le Tribunal étaient passées d’une coopération quasi inexistante à une coopération de plus en plus active et efficace. A ce titre, le représentant a rappelé que 14 personnes avaient été transférées de la RFY à la responsabilité du Tribunal pénal international, dont 9 personnes au cours de la période évoquée précédemment. En outre, la RFY a réagi aux 34 requêtes du TPIY, fournissant les informations sur plus de 100 témoins et suspects au TPIY. Le représentant a également affirmé que plus de 30 anciens ou actuels fonctionnaires gouvernementaux et employés avaient été autorisés à témoigner, même sur des sujets qui constituent des secrets militaires ou des secrets d’Etats.
M. MIRZA KUSLJUGIC (Bosnie-Herzégovine) a salué les réalisations du TPIY dans le processus de réconciliation et dans le maintien de la paix et de la sécurité dans la sous-région. Il a fait valoir que les plaidoyers et les aveux des accusés constituent des jalons dans le processus de réconciliation nationale, prenant l’exemple de celui de Mme Biljana Plavsic qui a récemment fait part de ses regrets. Chaque procès permet de soulager les douleurs des familles des victimes, a-t-il dit, exprimant ses attentes par rapport au procès en cours de Slobodan Milosevic qui devrait permettre à la région de comprendre les racines du conflit qui a embrasé l’ex-Yougoslavie. Il a condamné le fait que 20 accusés par le TPIY soient toujours en fuite et a regretté que les criminels de guerre soient considérés comme des héros dans de nombreux pays de l’ex-Yougoslavie où les nationalistes bloquent les travaux du Tribunal. Le rôle de premier plan qui incombe à la communauté internationale pour arrêter et juger les criminels de guerre est crucial, a-t-il précisé, l’invitant à accorder la priorité à l’arrestation de criminels de premier plan comme Karadzic et Mladic. Il a déclaré que la Bosnie-Herzégovine, meurtrie pendant trois années par des actes de génocide, de purification ethnique, et par des viols de masse, accorde une importance capitale à la création de la Cour pénale internationale dont la crédibilité pourrait être mise en péril par l’impunité dont bénéficient les criminels de guerre dans l’ex-Yougoslavie.
Rapport du Tribunal pénal international chargé de juger les personnes accusées d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais accusés de tels actes ou violations commis sur le territoire d’Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 (A/57/163)
Le septième rapport annuel du Tribunal pénal international présente en première partie un aperçu général des activités du Tribunal, y compris les procès, les appels, les activités du Procureur et du Greffe. Il passe ensuite en revue les principales activités des Chambres, du Bureau du Procureur, du Greffe et de l’Administration de même que la coopération dont a bénéficié le Tribunal de la part des États et de diverses organisations au cours de la période considérée.
A ce jour, le Tribunal a mis en accusation 80 personnes, dont 60 sont déjà en détention. Des mandats d’arrêt internationaux ont été délivrés contre les 20 personnes restantes. Parmi les personnes en détention, huit ont été condamnées et une acquittée, alors que 22 sont en cours de jugement et 29 attendent l’ouverture de leur procès. Neuf procès intentés contre 22 accusés sont en cours devant trois chambres de première instance, selon un roulement qui nécessite une organisation complexe d’entente avec toutes les parties concernées. Cela est toutefois nécessaire pour pouvoir faire juger rapidement les personnes en attente de jugement; juger autant d’accusés que possible; maximiser l’utilisation des ressources et des salles d’audiences; et, enfin, hâter l’achèvement de la mission du Tribunal, qui devrait prendre effet d'ici 2007 ou 2008.
Au cours de la période considérée, le procureur Carla del Ponte a continué de mettre en œuvre une stratégie pour enquêter sur de nouvelles affaires et préparer et conduire les procès. Selon ses prévisions, il y aurait au maximum 14 nouveaux accusés au cours des deux prochaines années. A la fin de l’année 2004, la Division des enquêtes devrait avoir accompli sa mission et les Chambres de première instance seront saisies de tous les actes d’accusation établis par le Bureau du Procureur. Toutefois, le rythme des arrestations et les jonctions d’instance sont des facteurs qui influeront sur le nombre exact des nouveaux procès, précise le rapport.
Le Procureur accorde une attention toute spéciale aux enquêtes sur les viols et les violences sexuelles et à l’organisation d’un fonds d’éléments de preuve, essentiel à la préparation et à la présentation des dossiers. Dépendante du bureau du Procureur, une équipe spéciale est chargée de repérer les accusés encore en fuite. 11 accusés ont été arrêtés au cours de la période considérée. La Division des poursuites a présenté pour confirmation 14 nouveaux actes d’accusation. Des mandats d’arrêt ont ensuite été délivrés, ce qui a, dans la plupart des cas, permis l’arrestation et le transfert des inculpés.
De son côté, le Greffier, Adama Dieng, a effectué des missions en République Démocratique du Congo et en République du Congo, en vue de faire arrêter et transférer au TPIR des suspects et des accusés de haut rang qui se seraient réfugiés dans ces deux pays. Le Greffier a entrepris par ailleurs plusieurs démarches en vue de mieux faire connaître le Tribunal, dont des réunions avec de hauts représentants de missions diplomatiques, mais aussi un programme destiné à sensibiliser le public rwandais sur les activités du Tribunal. Des efforts ont également été faits pour amener des organes de presse à faire une couverture objective des activités du Tribunal. Le Greffier a en outre lancé une initiative visant à mettre en place et renforcer un cadre institutionnel de coopération entre le TPIR et les pays africains. A cet égard, le Greffier a salué la proposition de la République démocratique du Congo d’ouvrir une “antenne” du Tribunal dans sa capitale.
Le Tribunal ayant été choisi, sur la base de son expérience et de ses acquis, comme modèle pouvant aider à la mise en place du Tribunal spécial pour le Sierra Leone, le Greffe du TPIR continue de fournir l’assistance nécessaire à la mise en place de cette nouvelle juridiction et a été consulté pour la création de la Cour pénale internationale. En revanche, si les relations sont restées bonnes entre le Tribunal et le Gouvernement rwandais, il reste cependant qu’en juin 2002, la Section d’aide et de protection des victimes et des témoins a connu de graves difficultés relativement aux déplacements des témoins basés au Rwanda, suite à des changements que les autorités rwandaises ont apparemment introduits dans les conditions de délivrance des documents de voyage, sans en informer au préalable le Tribunal.
Sur la question de l’indemnisation des victimes, le Tribunal a soumis au Secrétaire général une proposition, estimant toutefois qu’il relève d’avantage de la compétence du Conseil de sécurité de l’évaluer et de l’assumer que de la sienne propre. Dans le domaine judiciaire enfin, le Président a désigné la République du Mali comme pays où s’exécuteraient les peines de six personnes détenues condamnées par le Tribunal. Ces personnes ont été transférées au Mali en décembre 2001.
Le Président, les juges et le Greffier continuent de s’employer à identifier les domaines d’activités où des améliorations s’imposent, notamment ceux permettant d’épargner les ressources du Tribunal ou d’assurer leur bon usage et à adopter les mesures nécessaires pour résoudre les problèmes patents du Tribunal et pour améliorer l’efficacité de son fonctionnement.
Déclarations
MME NAVANETHEM PILLAY, Présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda, présentant le septième rapport annuel du TPIR, a souligné que neuf procès ont eu lieu au cours de l’année écoulée, chacune des trois chambres suivant trois procès simultanément. Les juges se sont vus contraints de suivre de nombreuses affaires en même temps pour tenir compte des échéances, a-t-elle dit, soulignant toutefois que le prononcé d’une sentence prend plus de temps du fait de cette division des tâches. Nous commençons à recueillir de meilleurs résultats grâce à une réforme des procédures de témoignages et de plaidoyers, a-t-elle expliqué, prenant l’exemple des procès des médias, Kajelijeli ou Kamuhanda. A la fin du deuxième mandat du TPIR, le nombre de procès achevés sera plus important qu’au cours du premier, a–t-elle assuré, précisant que toutes les sentences prononcées ont résisté aux appels. Elle a fait part de certains progrès réalisés grâce à une réforme des procédures, notamment la remise d’un accusé à une juridiction nationale, le remplacement du témoignage oral, l’interdiction du partage des honoraires entre l’avocat et son client.
En dépit des efforts et des progrès, Mme Pillay a regretté la longueur des procès, résultant notamment du fait que certains d’entre eux doivent entendre près de 100 témoins, que les procès et les documents sont traduits en trois langues (anglais, français et kinyarwanda), et que les juges sont tributaires des nuances du kinyarwanda. Elle a souligné les retards dus à la non-comparution ou aux retards de comparutions des témoins venant du Rwanda, expliquant que cette année, ce phénomène a perturbé le calendrier judiciaire du TPIR. Elle a rappelé l’obligation du Rwanda de respecter ses engagements concernant la comparution des témoins et a regretté l’émission retardée de documents de voyage pour les témoins à charge et à décharge et a rappelé avoir demandé au Conseil de sécurité d’insister auprès des autorités de Kigali pour qu’elles n’entravent pas les procédures du TPIR. Parmi les 122 témoins à décharge, 20 seulement provenaient du Rwanda, a-t-elle précisé, soulignant que les témoins à charge n’ont pas pu se rendre au TPIR. Elle a salué toutefois la disponibilité du Gouvernement rwandais qui s’est manifestée ce matin avec la décision prise par le Ministre de la justice, le Président de la Cour suprême et le Procureur général près la Cour suprême de se rendre prochainement à Arusha.
Mme Pillay a estimé que la période de détention préventive des accusés est longue et préoccupante en raison du fait que les chambres du TPIR fonctionnent à plein régime, d’où la décision prise par le Procureur de déférer quarante suspects devant des juridictions nationales étrangères et vingt-cinq autres devant la justice rwandaise. Elle a salué la création par le Conseil de sécurité, le 14 août 2002, de 18 postes de juges ad litem, dont quatre travailleront de manière permanente et en roulement. Elle a souhaité toutefois que cinq postes de juge ad litem supplémentaires soient créés pour permettre au TPIR d’achever son mandat d’ici 2007-2008. Le greffier et le greffier adjoint ont permis de renforcer l’efficacité du TPIR, a-t-elle dit, regrettant toutefois que le poste de procureur adjoint soit toujours vacant depuis plus d’un an. Elle a également regretté que 18 inculpés soient encore en liberté, se félicitant de l’arrestation du colonel de Tharcisse Renzaho le 26 septembre 2002, à Kinshasa, la première effectuée par les autorités de la RDC. Elle a annoncé que des accords sont en cours de préparation avec la France et l’Italie concernant l’exécution des peines, tandis que le Mali, le Bénin et le Swaziland ont déjà signé de tels accords et que le Mali a accueilli six détenus condamnés par le TPIR. Elle a jugé ensuite que l’indemnisation des victimes du génocide est essentielle pour faciliter la reconstruction et la réhabilitation du Rwanda et a rappelé que les victimes des crimes de génocide doivent être traitées avec compassion et respect.
S’exprimant au nom de l’Union européenne, Mme METTE NORGAARD DISSING (Danemark), a réaffirmé son soutien au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), et a remercié sa Présidente pour son rapport annuel. Parmi les réformes mises en œuvre pour améliorer son fonctionnement, la représentante a souligné la création du système qui permet à chaque Chambre d’instance de mener à bien trois procès simultanément sur des périodes de deux à six semaines chacun. Elle s’est également félicitée de l’adoption de la résolution 1431 (2002) du Conseil de sécurité qui a permis la création d’un pool de 18 juges ad litem qui renforce considérablement la capacité de travail du Tribunal. L’Union européenne se dit par ailleurs concernée par le fait que le Conseil de sécurité a trouvé nécessaire de prolonger de deux mois supplémentaires le délai des nominations en vue du remplacement ou de la ré-élection des juges à plein temps du Tribunal dans le but de lui permettre de réunir le minimum requis de 22 candidats. A cet égard, elle presse tous les Etats Membres de considérer des candidats qualifiés pour ces postes. Par ailleurs, l’Union européenne à constaté qu’à l’issue du programme révisé d’enquêtes leur nombre s’était dramatiquement réduit de 136 à 14 individus, notant cependant qu’une quarantaine de cas avaient été déférés à des juridictions locales.
La représentante a rappelé que, depuis son entrée en fonction en février 2001, le Greffier a donné priorité à une réforme du programme d’aide judiciaire et pris les mesures nécessaires pour prévenir les abus, notamment au sujet du partage des frais entre l’accusation et la défense et revenir à une gestion plus saine. Elle a réaffirmé enfin la nécessité de renforcer la coopération internationale autour des activités du Tribunal.
M. OLE PETER KOLBY (Norvège), saluant les résultats du TPIR, a estimé que la réussite du Tribunal dépendrait de la manière dont les enquêtes, les instructions et les procès étaient effectués. Il a par ailleurs regretté que certaines procédures traînent si longtemps, tout en se disant conscient des importantes ressources que réclamaient les jugements des crimes internationaux les plus sérieux. Le nombre de témoins, la complexité des cas, la fréquence des poursuites en appel, la nécessité de traductions en trois langues expliquent pourquoi la fréquence des procès ne peut être comparée au rythme des juridictions nationales. Le représentant s’est par ailleurs félicité de l’arrivée de 2 juges supplémentaires à la Chambre d’appel pour faire face à l’augmentation prévisible des procès en appel.
En outre, le représentant a salué la révision du programme d’enquête par le Procureur. La réduction du nombre de nouvelles mises en accusation ainsi que l’identification de 40 suspects dont les jugements seront déferrés aux juridictions nationales permettra au Tribunal d’achever son mandat d’ici à 2007-2008, a-t-il estimé. Il s’est dit préoccupé par les questions financières ainsi que celles concernant la gestion du Tribunal, se félicitant par ailleurs de l’interdiction du partage des honoraires entre les avocats et leurs clients. Il a également souligné la nécessité, pour que le Tribunal puisse atteindre ses objectifs, de mettre la population de la région au courant de ses activités, saluant à ce titre l’existence du Programme Outreach. Enfin, le représentant a insisté sur la nécessité pour le TPIR de disposer des ressources financières nécessaire pour réaliser sa tache, estimant qu il devait bénéficier d’un appui politique, logistique et financier sans faille.
M. LIP YONG (Malaisie) a rappelé le soutien de la Malaisie aux activités du Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui, aux côtés du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, servira de modèle à la Cour pénale internationale et au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Sa délégation note que le Tribunal a intégré à son fonctionnement le concept d’une justice orientée en faveur de la victime et destinée à lui obtenir réparation. Saluant le rapport annuel du Tribunal, qui fait état des progrès accomplis au cours de la période considérée, le représentant a rappelé que lors de la précédente Assemblée générale, sa délégation avait appuyé la création d’un pool de juges ad litem pour renforcer sa capacité d’action. Nous ne pouvons qu’exprimer notre satisfaction sur ce point, face à l’adoption à l’unanimité de la résolution 1431 (2002) pour le mettre en œuvre.
Se félicitant de la stratégie du Procureur de déléguer une quarantaine de procès à des juridictions nationales compétentes afin d’alléger l’activité du Tribunal, la Malaisie espère cependant que cette décision ne portera pas préjudice au droit de la victime à obtenir justice et à celui de l’accusé un procès équitable. Par ailleurs, les efforts du Greffier en vue d’améliorer la coopération entre le Tribunal et les Etats africains sont bienvenus, de même que la mise en place du programme Outreach qui a permis aux populations civiles du Rwanda de se familiariser avec ses activités. Le représentant a appuyé également les mesures prises par le Tribunal pour mettre un terme aux abus du système d’aide juridique. Enfin, il a salué les efforts faits en faveur d’une retransmission par satellite des témoignages émanant de personnes incapables de se déplacer à Arusha, comme au recours à la traduction simultanée afin d’optimiser la bonne marche des procès.
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