ICJ/600

LE LIECHTENSTEIN INTRODUIT UNE INSTANCE CONTRE L’ALLEMAGNE

04/06/2001
Communiqué de presse
ICJ/600


LE LIECHTENSTEIN INTRODUIT UNE INSTANCE CONTRE L’ALLEMAGNE


LA HAYE, le 1er juin 2001. Ce jour, le Liechtenstein a introduit une instance contre l’Allemagne concernant des «décisions prises par l’Allemagne … de traiter certains biens appartenant à des ressortissants du Liechtenstein comme des avoirs allemands saisis au titre des réparations … en raison de la seconde guerre mondiale, sans prévoir d’indemnisation». 


La requête du Liechtenstein allègue les faits suivants. En 1945, la Tchécoslovaquie --  Etat allié en guerre contre l’Allemagne au cours du second conflit mondial -- a saisi, par une série de décrets (dits décrets Beneš), des biens allemands et hongrois situés sur son territoire. La Tchécoslovaquie a appliqué ces décrets non seulement aux ressortissants allemands et hongrois, mais aussi à d’autres personnes qui auraient été allemands ou hongrois d’origine ou de souche. A cette fin, elle a traité les ressortissants du Liechtenstein comme des ressortissants allemands. Les biens de ces ressortissants du Liechtenstein («les biens du Liechtenstein»), saisis en vertu des décrets en question, n’ont jamais été restitués à leurs propriétaires et aucune indemnisation n’a été offerte ni versée. L’application des décrets Beneš aux biens du Liechtenstein est demeurée sans solution entre ce dernier et la Tchécoslovaquie jusqu’à la dissolution de cette dernière, et demeure une question pendante entre le Liechtenstein et la République tchèque, sur le territoire de laquelle sont situés la plus grande partie des biens en question.


Dans sa requête, le Liechtenstein se réfère à la convention sur le règlement de questions issues de la guerre et de l’occupation, signée à Bonn le 26 mai 1952 (dénommée ci-après «la convention sur le règlement»). Il est dit dans la requête qu’au paragraphe 1) de l’article 3 de cette convention, l’Allemagne a accepté, notamment, de «ne soul[ever], dans l’avenir, aucune objection contre les mesures qui ont été prises ou qui seront prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger ou des autres biens saisis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l’état de guerre». Selon cette requête, la convention sur le règlement visait seulement les biens dits allemands, c’est-à-dire les biens de l’Etat allemand ou de ses ressortissants et, au regard du droit international, compte tenu de la neutralité du Liechtenstein et de l’absence de tout lien entre cet Etat et la conduite de la guerre par l’Allemagne, tout bien appartenant au Liechtenstein qui aurait pu être touché par des mesures d’un Etat allié ne pouvait être considéré comme étant saisi «au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l’état de guerre». Le Liechtenstein soutient que, postérieurement à la conclusion de la convention sur le règlement, il a en conséquence été convenu entre l’Allemagne et le Liechtenstein que les biens de ce dernier n’entraient pas dans les prévisions du régime instauré par la convention et que, par voie de conséquence, l’Allemagne défendait la position selon laquelle les biens situés en dehors du champ d’application de la convention étaient des biens illicitement saisis, et qu’il n’était pas interdit aux tribunaux allemands de connaître des demandes portant sur de tels biens.


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                                                            4 juin 2001


Mais le Liechtenstein soutient qu’en 1998 la République fédérale d’Allemagne a changé de position à la suite d’une décision prise le 28 janvier 1998 par la Cour constitutionnelle fédérale. Cette décision portait sur un tableau de maître qui faisait partie de biens du Liechtenstein saisis en 1945, et que les services des monuments historiques de Brno, organisme d’Etat de la République tchèque, avaient en leur possession. La toile en question avait été introduite en Allemagne à la faveur d’une exposition et s’était ainsi trouvée en la possession de la municipalité de Cologne. A la demande du prince Hans Adam II, qui régnait à l’époque et qui agissait en qualité de personne privée, le tableau a été mis sous séquestre en attendant que les tribunaux allemands se prononcent sur la demande. En fin de compte, la demande fut rejetée. La Cour constitutionnelle fédérale a jugé que les tribunaux allemands étaient tenus, de par l’article 3 de la convention sur le règlement, de traiter le tableau comme un bien appartenant à l’Allemagne au sens de la convention. En conséquence, la mainlevée a été prononcée, et le tableau a été rendu à la République tchèque. Dans sa requête, le Liechtenstein relève que la décision de la Cour constitutionnelle fédérale n’est pas susceptible d’appel, qu’elle peut être attribuée à l’Allemagne en application du droit international et qu’elle lie l’Allemagne.


Le Liechtenstein soutient qu’il a protesté auprès de l’Allemagne en faisant valoir que cette dernière traitait comme allemands des avoirs qui appartenaient à des ressortissants du Liechtenstein, au détriment de ces derniers ainsi qu’au détriment du Liechtenstein lui-même. Il précise en outre que l’Allemagne a rejeté cette protestation et qu’au cours des consultations qui ont suivi, il est devenu clair que l’Allemagne adhérait désormais à la position selon laquelle les avoirs du Liechtenstein dans leur ensemble avaient été «saisis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l’état de guerre» au sens de la convention, même si la décision rendue par la Cour constitutionnelle fédérale ne concernait qu’un seul objet. D’après la requête du Liechtenstein, en prenant cette position, l’Allemagne demeure fidèle à la décision de sa juridiction suprême en la matière; mais, en même temps, elle méconnaît et amoindrit les droits du Liechtenstein et de ses ressortissants en ce qui concerne des biens appartenant à cet Etat. Le Liechtenstein soutient:


     «a) que, par sa conduite concernant des biens appartenant au Liechtenstein, l’Allemagne, en 1998 et depuis lors, n’a pas respecté les droits du Liechtenstein au regard des biens en question;


     b) qu’en n’indemnisant pas le Liechtenstein et/ou ses ressortissants, pour les pertes qu’ils ont subies, l’Allemagne a commis une violation des règles du droit international».


En conséquence, le Liechtenstein prie la Cour «de dire et juger que l’Allemagne a engagé sa responsabilité juridique internationale et est tenue de réparer de façon appropriée les dommages et les préjudices subis par le Liechtenstein». Cet Etat demande en outre «que la nature et le montant de cette réparation soient appréciés et fixés par la Cour, au cas où les parties ne pourraient se mettre d’accord à ce sujet, le cas échéant lors d’une phase distincte de la procédure».


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Comme base de compétence de la Cour, le Liechtenstein invoque l’article 1er de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends, faite à Strasbourg le 29 avril 1957.


Le texte complet de la requête du Liechtenstein sera disponible incessamment sur le site Internet de la Cour à l'adresse

suivante : http://www.icj-cij.org


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