En cours au Siège de l'ONU

FEM/1122

LA SITUATION DE CRISE ET LA PERSISTANCE DE STEREOTYPES GENENT LA PLEINE APPLICATION DE LA CONVENTION DES FEMMES AU BURUNDI

23/01/2001
Communiqué de presse
FEM/1122


Comité sur l'élimination de

toutes les formes de discrimination

à l'égard des femmes

496e et 497e séances - matin et après-midi


LA SITUATION DE CRISE ET LA PERSISTANCE DE STEREOTYPES GENENT LA PLEINE APPLICATION DE LA CONVENTION DES FEMMES AU BURUNDI


Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) a entendu ce matin la Ministre de l'action sociale et de la promotion de la femme du Burundi Mme Romaine Nolorimana, répondre aux questions que les experts avaient posées le 17 janvier, lors de la présentation du rapport initial du Burundi sur la situation des femmes dans le pays.  La Ministre a procédé à un certain nombre de mises au point et de précisions juridiques, insistant cependant sur la difficulté de collecter des données statistiques et de procéder à des enquêtes dans le contexte de crise et de guerre qui caractérise le Burundi depuis huit ans.


Répondant aux questions relatives à la condition de la femme rurale, la Ministre a indiqué que de nombreux programmes de développement en faveur des zones rurales avaient récemment été lancés, et que l'accès au microcrédit et la formation des femmes à la gestion en étaient des éléments essentiels.  En ce qui concerne la réponse publique apportée à la pandémie de sida, qui avait suscité de nombreuses questions des experts, la Ministre a indiqué que la lutte contre le sida est depuis plusieurs années déjà l'absolue priorité du Gouvernement.  La Ministre est par ailleurs intervenue sur l'expression des femmes, les violences faites aux femmes, l'avortement, l'éducation des filles, l'emploi, les lois discriminatoires.


La Présidente du CEDAW, Mme Charlotte Abaka, experte du Ghana, a en fin de réunion fait part des conclusions du Comité.  Après avoir reconnu que la situation que traverse le Burundi est exceptionnellement difficile, elle a déclaré que le maintien de représentations stéréotypées de la femme et l'ampleur de la pandémie de sida gênaient la pleine application de la Convention.  Elle a également relevé que le Code de la famille et le Code pénal, dans plusieurs de leurs articles, restent discriminatoires.


Le CEDAW reprendra ses travaux cet après-midi et entendra la réponse du Kazakhstan aux questions posées par les experts le 18 janvier lors de la présentation du rapport initial de ce pays.


Réponses de l'Etat partie aux questions posées par les experts


Mme ROMAINE NDORIMANA, Ministre de l'action sociale et de la promotion de la femme du Burundi, a déclaré avoir regroupé les interrogations des experts sous les thèmes suivants: les mesures et programmes en faveur des femmes rurales, la diffusion de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, l'avortement, la liberté d'expression des femmes, les violences faites aux femmes, l'éducation des filles, l'utilisation du budget, les femmes dans les prisons, l'emploi, la prostitution, le mariage, les lois discriminatoires, le sida.


En ce qui concerne les femmes rurales, Mme Ndorimana a mentionné le Programme de développement communautaire et de Lutte contre la pauvreté et le Programme de relance et de développement du monde rural, indiquant que les nouveaux programmes prévoient d'accorder des microcrédits aux femmes rurales organisées en groupements pour des activités génératrices de revenus.  Elle a également déclaré que le Ministère qu'elle dirige a organisé en 1997 une vaste campagne de sensibilisation des femmes qui a permis de mettre sur pied des "comités des femmes pour la paix et le développement".  Le même ministère a institué des centres de développement familial dans plusieurs provinces du pays, ces structures étant appelées à aider la femme rurale à s'impliquer dans les programmes de développement en cours.  Par ailleurs, plusieurs programmes d'alphabétisation fonctionnelle et de formation en matière de gestion de microcrédits ont été lancés en faveur des femmes. 


Mme Ndorimana a par ailleurs indiqué qu'un Comité national de suivi de Beijing a été instauré en 1997 et que le Burundi est en train de préparer un nouveau plan d'action pour la période 2001-2005.  En ce qui concerne l'avortement, elle a répété qu'il est interdit au Burundi, afin de sauvegarder les bonnes pratiques burundaises qui veulent que la fille pratique l'abstinence jusqu'au jour de son mariage.  Libéraliser l'avortement serait considéré par la population comme une autorisation par les pouvoirs publics de se livrer au libertinage.  Elle a déclaré que son pays adhère à la suggestion faite par les membres du Comité de collecter davantage d'informations sur l'avortement, surtout dans les écoles.


En ce qui concerne la prise de parole des femmes lors des fêtes familiales, Mme Ndorimana a répété que lors de certaines fêtes traditionnelles, la femme ne peut pas prononcer de discours mais elle a précisé que ces restrictions sont limitées à ce type de cérémonie.  Elle a reconnu qu'il est urgent que le code des successions soit élaboré pour que le sort des femmes en difficulté ne soit pas suspendu à la bonne volonté des magistrats.  Dans la cadre du "Plan de réforme et de modernisation du système judiciaire" adopté en mars 1999 par le Gouvernement, le Ministre de la justice a, en juin 1999, mis en place une commission chargée d'introduire une législation écrite en matière de régimes matrimoniaux et successions.


En ce qui concerne la violence à l'égard des femmes, le Ministère de l'action sociale et de la promotion de la femme entend renforcer son service juridique pour l'écoute et l'orientation des femmes en difficulté qui ignorent parfois les moyens ou les mécanismes institutionnels ou sociaux qu'elles peuvent mettre en action pour lutter contre ces violences.  Il est déjà appuyé en cela par une association burundaise des femmes juristes.  De plus, une commission gouvernementale des droits de l'homme du Ministère des droits de la personne humaine reçoit et traite des doléances relatives aux violations des droits de l'homme y compris les actes de violence commis à l'encontre des femmes.


Le changement d'école d'une fille qui est tombée enceinte en cours de scolarité ne constitue pas selon Mme Ndorimana, une discrimination, car, souvent, a-t-elle indiqué, c'est l'élève elle-même qui demande ce changement, qui la réconforte, parce que de tels accidents constituent encore une humiliation dans notre société.  C'est donc une mesure qui vise plutôt la protection de l'intéressée vis-à-vis d'un milieu qui aurait tendance à la taquiner, à la ridiculiser, ce qui jouerait négativement sur ses performances scolaires.


La question de l'emploi est réglée au niveau juridique, a déclaré

Mme Ndorimana.  En effet, les conditions de recrutement, le salaire, les congés, etc, sont les mêmes pour les hommes et les femmes.  Sur le plan pratique cependant, on constate que la législation du travail n'est pas toujours strictement appliquée. Mme Ndorimana a déclaré ne pas pouvoir fournir aux expertes les statistiques qu'elles avaient demandé car l'insécurité et la guerre que vit le pays depuis bientôt huit ans empêchent la collecte de données et les enquêtes.  Elle a cependant précisé que le salaire minimum existe au Burundi.  Elle a regretté que, pendant le congé de maternité, les femmes ne touchent que 50% de leur salaire et a déclaré que le Gouvernement entend dans un avenir proche interdire formellement cette discrimination.


En ce qui concerne la prostitution, Mme Ndorimana a précisé qu'en plus des dispositions pénales, il existe une police spéciale des mineurs qui protège les jeunes filles contre les hommes sans moralité qui voudraient abuser d'elles.

Mme Ndorimana a mentionné les lois discriminatoires qui subsistent au niveau du Code la nationalité et a déclaré que le Gouvernement entend les supprimer dans un proche avenir afin d'être en conformité avec la Convention.  Mme Ndorimana a déclaré apprécier la sensibilité des experts à la situation créée par le sida au Burundi, mais elle a indiqué que le Gouvernement a déjà fait de la lutte contre cette maladie sa priorité.  En effet, des actions concrètes ont déjà été entreprises, notamment la détaxation des médicaments antirétroviraux, le vote d'un budget de 100 millions de Francs burundais pour ce secteur, la protection de l'emploi des personnes atteintes du sida, l'éducation et l'information de la population et notamment de la jeunesse. 


En conclusion, Mme Ndorimana a déclaré que le Gouvernement déplore la violation des droits de la population burundaise et ceux de la femme en particulier à cause de la guerre et de ses lourdes conséquences.  Saluant la signature de l'accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi le

28 août 2000, elle a lancé un appel pour que la coopération bilatérale et multilatérale reprenne sous toutes ses formes pour permettre la réussite de l'Accord de paix et pour que tous les moyens soient disponibles afin de concrétiser l'application de la Convention.


Commentaires des experts


Mme FRANCES LIVINGSTONE RADAY, experte d’Israël, a souhaité que soient mis en place, dans le cadre du Programme visant à lutter contre la propagation du Sida, des mesures pratiques complétant la démarche d’éducation, telles que la distribution de contraceptifs.


La Présidente du CEDAW, Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a indiqué que le Comité convenait que la guerre civile avait considérablement gêné la mise en oeuvre de la Convention et que la vision stéréotypée de la femme dans la société burundaise ainsi que la propagation du VIH/sida notamment chez les femmes et les filles avaient également été des handicaps importants.  Elle a cependant mis en avant le fait que des dispositions discriminatoires subsistent encore dans la législation du Burundi et notamment l’article 88 du Code de la famille qui prévoit que l’âge minimum du mariage est de 21 ans pour les hommes et de 18 ans pour les femmes ainsi que l’article 122 qui désigne le mari comme le chef de la famille.  Elle s’est également référée à l’article 363 du Code pénal qui présente l’adultère en termes très défavorables pour la femme.


La Présidente a également exprimé les préoccupations du Comité à l’égard de la violence dans les foyers, du viol et des conditions que connaissent les filles dans les camps.  L’enseignement sur les droits de l’homme doit être une priorité pour le Burundi, a-t-elle par ailleurs déclaré.  Mais nous sommes conscients que la chose la plus importante est la paix.  Nous vous encourageons à faire participer les femmes au processus.  Nous reconnaissons leur participation aux négociations mais celle-ci doit être renforcée.  Les femmes doivent faire la démonstration que la recherche de la paix est une question de survie.  Il faut aussi veiller à apporter une assistance psychologique aux femmes victimes des traumatismes et il faut pour cela que le personnel de santé reçoive une formation spécialisée.  Nous recommandons également que vous accroissiez vos efforts dans le domaine de l’information sur le VIH et que vous recherchiez une plus grande aide de la part de l’ONUSIDA.  La Présidente a formé le voeu que lors du prochain rapport du Burundi, la situation générale du pays soit meilleure.


La représentante du Burundi a remercié les experts pour les recommandations fournies et les a assurés de la poursuite des efforts de son pays.


*   ***   *


À l’intention des organes d’information. Document non officiel.