LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'EGARD DES FEMMES ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU BURUNDI
Communiqué de presse FEM/1115 |
Comité sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes
488ème séance - matin
LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'EGARD
DES FEMMES ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU BURUNDI
La Ministre de l'Action Sociale et de la promotion de la femme du Burundi, Mme Romaine Ndorimana, a réitéré ce matin l'engagement politique de son pays en faveur de la promotion des femmes, lors de la présentation du rapport initial de son pays devant les membres du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW). Le Burundi a ratifié en avril 1991, sans réserve, la "Convention des femmes", instrument juridique qui définit les droits fondamentaux de ces dernières dans tous les domaines de la vie publique et privée.
La Ministre a indiqué que la négociation des accords de paix, entreprise en 1998 par le président Buyoya, avait constitué une occasion de prise de parole directe pour les femmes, ces dernières ayant participé aux négociations d'Arusha avec le statut d'observateur. La Ministre a par ailleurs souligné que le Burundi se trouvait dans une situation économique et politique extrêmement critique qui entravait la mise en application de la Convention. En effet, en 1993, deux ans après la ratification sans réserve de la Convention, le pays entrait dans une crise sans précédent et aujourd'hui, malgré la signature des accords, des bandes armées continuent de déstabiliser le pays. En conclusion, elle a demandé à la communauté internationale qu'elle soutienne le processus de paix et aide le Burundi à concrétiser l'application de la Convention.
Dans leurs commentaires et observations, plusieurs expertes ont fait observer que l'amélioration de la condition de la femme est un élément essentiel de la construction de la paix. On ne saurait attendre que la paix soit achevée pour oeuvrer en faveur de l'élimination de toutes les formes de discrimination, ont ajouté certaines d'entre elles, qui ont par ailleurs dans leur grande majorité reconnu la précarité de l'environnement économique et politique du Burundi. Parmi les questions et les observations, on a relevé plusieurs requêtes afin que le Burundi mette le statut juridique des femmes en adéquation avec les exigences d'un pays en reconstruction, notamment en garantissant une pleine et entière égalité entre les sexes au niveau du Code de la nationalité et des régimes d'héritage. Les questions posées ont également porté sur l'utilisation de l'aide étrangère, le manque de données statistiques dans le rapport et l'action du Ministère de l'Action sociale et de la promotion de la femme en matière de divulgation de la Convention.
Le Comité reprendra ses travaux cette après-midi à 15 heures et il continuera l'examen du rapport initial du Burundi.
RAPPORT INITIAL DU BURUNDI
Rapport (CEDAW/C/BDI/1)
C’est le 4 avril 1991 que le Burundi, pays de la région des Grands Lacs, a ratifié sans réserve la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Deux ans après la signature de ce texte, le pays, déjà classé parmi les moins avancés, entrait dans une crise sociopolitique (assassinat du Président de la République alors en place et massacres à caractère ethnique) qui a eu un fort impact sur tous les secteurs de la vie nationale et sur sa population de 6,5 millions d’habitants, dont 51% sont des femmes. Sur le plan social les conséquences ont été très douloureuses puisqu’en plus des pertes en vies humaines et des personnes déplacées, la population vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 35 à 58% entre 1992 et 1996 et qu’un tiers des infrastructures scolaires et sanitaires ont été abîmées ou détruites.
Les femmes, qui dans cette société traditionnelle et patriarcale sont déjà en permanence sous tutelle masculine, ont particulièrement souffert. Il s’avère en fait que la femme burundaise a plus de devoirs que de droits et doit se soumettre aux us et coutumes. Ces dernières années toutefois, les législateurs se sont efforcés de corriger, du moins dans les textes, cette situation. Deux décrets-lois sont notamment venus modifier fondamentalement la situation juridique des Burundaises. Le premier, en date du 28 avril 1993, réforme le Code des Personnes et de la Famille et abolit la polygamie, la répudiation unilatérale, accorde le droit à la jeune fille d’exprimer son libre consentement au mariage, fait du divorce une procédure judiciaire où l’homme et la femme sont désormais égaux, reconnaît à la femme le droit de gérer les biens familiaux en l’absence du mari, et donne à la femme la liberté de circulation. Le deuxième texte concerne le Code du Travail et date du 7 juillet 1993. Un chapitre du nouveau Code est spécialement consacré aux femmes et aborde notamment la situation de la femme enceinte (congés de maternité et droit de la femme pendant la période d’allaitement). De plus, depuis le 6 juin 1998 et la promulgation de l’Acte Constitutionnel de Transition de la République, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme font partie intégrante du corps législatif burundais. Ce texte dispose également que “tous les hommes sont égaux en dignité, en droits et en devoirs sans distinction de sexe”. En revanche, le Code pénal n’a toujours pas été mis en harmonie avec les nouvelles dispositions du Code des Personnes et de la Famille et les domaines des régimes matrimoniaux et successions sont toujours régis par le droit coutumier. En outre, le Code de la nationalité ne met pas la femme et l’homme sur un même pied d’égalité puisque la femme burundaise qui épouse un étranger ne lui transmet pas sa nationalité et que les enfants nés de ce mariage ne pourront avoir la nationalité de leur mère.
Au niveau institutionnel, les droits de la femme sont protégés par deux ministères, celui de l’Action sociale et de la Promotion de la femme et celui des Droits de la personne humaine, des réformes institutionnelles et des relations avec l’Assemblée nationale. C’est au premier que revient la coordination, le contrôle et l’évaluation de l’état d’application des résolutions internationales et nationales en faveur des femmes. En 1998, il a finalisé un Plan d'action national pour la mise en application du Programme d’action de Beijing. Des actions prévues jusqu’en l’an 2000, ont alors été définies dans 6 domaines jugés prioritaires, à savoir la femmes, la paix et la culture, la santé, l’éducation et la formation, la femme et la pauvreté, les droits de la femme et les mécanismes institutionnels chargés de sa promotion, et la femme et la communication.
Le travail des institutions est relayé par de nombreuses organisations non gouvernementales, en tête desquelles l’Union des femmes burundaises (UFB). Cependant, le poids des préjugés pèse encore très lourd, d’autant que la seule discrimination positive en vigueur dans les années 70, qui visait à encourager l’accès des filles à l’enseignement secondaire, a été abandonnée.
Le Gouvernement burundais a aussi pris des mesures pour réprimer sous toutes ses formes le trafic des femmes et l’exploitation de leur prostitution. En vertu du Code pénal, la prostitution, l’incitation à la débauche, l’exploitation de la prostitution et le viol sont sévèrement punis. Toute personne qui se livre à la prostitution est par exemple susceptible d’emprisonnement. Avec la crise, le phénomène de la traite a pris de nouvelles dimensions en raison de l’extrême pauvreté des populations sinistrées, et de la promiscuité dans les camps où elles vivent.
Bien qu’il n’y ait aucune discrimination dans le domaine de la vie publique et politique à l’égard des femmes, qui peuvent élire et être élues, les Burundaises sont sous-représentées à tous les postes de responsabilité. Elles ne représentent que 3% des officiels gouvernementaux et 14% des parlementaires même si de juillet 1993 à février 1994 une femme a été Premier ministre. Les contraintes qui freinent la participation des femmes à la vie politique sont essentiellement le poids de la tradition, le faible taux de scolarisation des filles au niveau supérieur, et l’absence de mesures concrètes en faveur de la promotion des femmes aux postes de responsabilité. Le pouvoir judiciaire au Burundi s’exerce à deux niveaux: la justice rendue par les tribunaux et celle dite “gracieuse” rendue sur les collines par les Bashingantahe (les sages), institution traditionnellement exclusivement masculine. Depuis 1998, un organe consultatif de ces Bashingantahe composé de 8 femmes et 32 hommes a été mis sur pied et plusieurs régions ont suivi cet exemple.
En ce qui concerne l’enseignement, il était prévu pour parvenir à la scolarisation universelle en l'an 2000, d’instaurer un système de “double vacation” permettant de former deux équipes d’écoliers se relayant le matin et l’après-midi. Mais la crise a remis en cause cet objectif dont l’échéance a maintenant reculé de 10 ans. La très faible capacité d’accueil au niveau du secondaire est l’un des problèmes principaux. La déperdition est alors très importante chez les filles qui sont de plus sollicitées pour les travaux ménagers ou le mariage. Au total, les filles représentent 45% des élèves scolarisés dans le primaire, 36,5% dans le secondaire et plus que 26,8% des étudiants du supérieur. Un autre problème majeur est l’analphabétisme qui, en 1990, frappait encore près de 75% des femmes (contre 66% des hommes).
Les Burundaises ont aussi le même droit au travail que les hommes. Il n’y
a pas de discrimination au niveau du choix de la profession. Depuis 1993, le Code du travail révisé précise qu’ “à conditions égales de travail, de qualification professionnelle et de rendement, le salaire est égal pour tous les travailleurs, quels que soient leur origine, leur sexe et leur âge”. L’Etat a aussi pris des mesures pour prévenir la discrimination à l’égard des femmes en raison de leur mariage ou de leur maternité. Pourtant, il subsiste au niveau de la loi une discrimination à l’endroit de la femme travailleuse, car elle ne perçoit pas d’indemnités familiales pour ses enfants, et son salaire est frappé d’impôt
sans tenir compte du nombre d’enfants à charge. Beaucoup d’employeurs accordent plus de responsabilités aux hommes qu’aux femmes qui occupent rarement des
postes de direction. De manière générale, les femmes ne bénéficient pas non plus des mêmes avantages que les hommes (notamment en ce qui concerne l’obtention d’un crédit)et elles sont parfois soumises à des restrictions vestimentaires, comme par exemple à la Banque Centrale du Burundi qui leur interdit de porter des pantalons. Les lois qui défavorisaient les femmes entrepreneurs ont été supprimées. La femme n’est plus soumise à l’autorisation maritale pour ouvrir un compte bancaire, exercer un commerce ou contracter un crédit, même si les sommes prêtées sont souvent insignifiantes.
En matière de santé, le secteur public est confronté à des problèmes liés aux moyens limités dont dispose le pays et la santé de la population s’en ressent. La précarité de la santé féminine résulte essentiellement des maternités répétées, de la pauvreté, de la malnutrition, du faible niveau d’instruction, du manque d’information et de la charge de travail excessive qui pèse sur les femmes.
De plus la crise déclenchée en 1993 a entraîné une dégradation de près de 30%
des infrastructures existantes, la réduction du personnel soignant, et la désorganisation du système d’approvisionnement. Des programmes spéciaux ont
été mis sur pied pour sensibiliser les femmes, les jeunes, scolarisés ou non,
sur les problèmes de santé reproductive, y compris la planification familiale.
De 1990 à 1993, l’utilisation de méthodes contraceptives a ainsi augmenté au rythme de 1% par an, atteignant dans certaines régions un taux de prévalence de près de 10%. Mais la crise a eu là aussi un impact très important, puisqu’une enquête réalisée dans les camps de déplacés montre que près de 25% des femmes qui utilisaient une méthode contraceptives avant la crise ne le font plus. Certaines jugent même inopportun de parler de planification familiale au moment où il faut “remplacer ceux qui ont été emportés par la crise”. Aucune disposition légale n’est actuellement prévue pour protéger les personnes infectées par le VIH/sida qui constitue pourtant un grave problème puisque la séroprévalence en zone urbaine est passée de moins de 1% à 21% entre 1983 et 1997. En zone rurale, elle est passée, au cours de la même période, de 0,73% à 5,9%. A l’allure actuelle, l’espérance de vie, actuellement de 52 ans, risque de baisser à 39 ans en 2010. Malgré un Programme national, seuls 15% des malades et 5% des orphelins du sida sont pris en charge. Un autre problème du secteur de la santé est que les infrastructures sont réparties de manière inégale entre la capitale, Bujumbura,
et le reste du pays. L’avortement est interdit et puni par la loi, les peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 2 ans, y compris pour la personne ayant avorté. L’unique cas acceptable est celui de l’avortement thérapeutique, pour sauver la vie de la mère. Les mutilations des organes génitaux ne sont pas pratiquées au Burundi.
Plus de 90% des femmes burundaises vivent en zone rurale et sont largement défavorisées par la répartition géographique des infrastructures sociales qui sont concentrées dans les centres urbains. Du point de vue économique, la femme paysanne dépend totalement de son mari. Sensée ne rien posséder, elle n’hérite ni de son père ni de son mari. Elle n’a aucune main mise sur ce qu’elle produit surtout s’il s’agit de produits commercialisables. L’Etat a mis en place des programmes de lutte contre la pauvreté mettant en avant les associations de femmes qui se regroupent autour des activités génératrices de revenus. Les femmes ont ainsi l’opportunité de décider de l’affectation de leurs propres revenus.
Présentation du rapport par l'Etat partie
Mme ROMAINE NDORIMANA, Ministre de l'Action sociale et de la promotion de la femme au Burundi, présentant le rapport, a déclaré que lorsque ce rapport initial a été élaboré en décembre 1999, le Burundi était en pleine crise sociopolitique, une crise qui perdure encore et dans laquelle il était entré depuis 1993, soit deux ans après la ratification de la Convention. Elle a expliqué que le contexte n'avait pas été favorable à la réalisation de bonnes performances en matière de protection des droits de la personne humaine en général et de la femme en particulier.
Apportant certaines précisions, Mme Ndorimana a indiqué par exemple que le taux de mortalité maternelle de 826/100 000 naissances vivantes est expliqué par la non-référence aux centres de santé des femmes ayant une grossesse à risques. Elle a fait savoir que l'Etat a instauré un système de sécurité sociale afin de faire accéder les familles aux soins de santé: une carte d'assurance maladie qui coûte 500 francs burundais et est accessible à tous les ménages. Cette carte donne droit aux consultations gratuites dans les structures de santé publiques pendant une année pour un détenteur et ses ayants droit mineurs.
Rappelant que la situation politique a évolué, la Ministre a assuré que les Accords d'Arusha ont le mérite d'accorder une place à l'égalité entre l'homme et la femme. Mme Ndorimana a indiqué que même si leurs recommandations n'ont pas été toujours suivies d'effet, les femmes burundaises se sont mises ensemble, toutes sensibilités confondues, pour s'exprimer sur le contenu des Accords avant leur signature. Mme Ndorimana a affirmé que le Burundi a besoin d'être appuyé par la communauté internationale pour pouvoir relever encore de multiples défis. Il est urgent, a-t-elle dit, que la coopération internationale reprenne sous toutes ces formes pour permettre la réussite du processus de paix et pour que les moyens soient disponibles afin de concrétiser l'application de la convention.
Commentaires et questions des experts
Mme CHIKAKO TAYA, experte du Japon, a regretté que le rapport soit trop vague. Elle a notamment déploré que le rapport ne fasse pas mention de la façon dont est utilisée l'aide extérieure. Mme Taian a déclaré que selon des statistiques récentes, le PIB du Burundi est de 4,2 milliards de dollars américains et que l'aide extérieure atteint 1,344 milliards de dollars. Or, le rapport ne présente aucune description du budget national, alors que l'aide représente vraisemblablement plus de la moitié du budget, a-t-elle ajouté. L'experte a par ailleurs regretté que les inégalités entre les femmes et les hommes ne soient pas étayées par des chiffres et que certaines informations soient en contradiction avec les informations fournies par les ONG. L'experte a également demandé des précisions sur l'utilisation de l'aide extérieure dans les domaines de l'éducation des filles et de l'accès au microcrédit. Elle a demandé quelle était la part du budget consacrée à l'éducation des filles et à l'élimination de la pauvreté dans les zones rurales. Enfin, l'experte a déploré que les journalistes soient l'objet de mesures d'intimidation de la part de fonctionnaires et elle a demandé au gouvernement d'oeuvrer réellement en faveur de la libre expression.
Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, s’est dite consciente des difficultés du Burundi et de leurs conséquences sur l’application de la Convention. Elle a souhaité avoir des précisions sur l’état d’avancement du Plan d’action national mentionné dans le rapport et sur les évaluations qui peuvent en être faites. Elle a réclamé également des informations sur la façon dont les ONG ont été associées à ce plan et s’il s’agissait d’une coopération informelle ou si un mécanisme de coopération avait été mis en place. En ce qui concerne le mécanisme institutionnel de promotion des droits de la femme, elle a demandé où en était le processus de renforcement des deux ministères chargés de veiller au respect de la Convention annoncé dans le rapport ainsi que la création de la commission multidisciplinaire qui y est également mentionnée ?
Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a regretté que le rapport soit extrêmement elliptique sur la situation concrète et les conditions de vie des femmes dans les camps de réfugiés. Elle a déclaré que selon certaines sources, 80 à 90 pour cent des réfugiés sont des femmes et des enfants, et que la nourriture ne leur serait pas distribuée. L'experte a par ailleurs déploré que le rapport ne contienne aucune information sur la discrimination de facto. En effet, le rapport se concentre sur les aspects juridiques de la lutte contre le discrimination et sur les lois qui ont été adoptées, sans jamais préciser comment ces lois fonctionnent dans la pratique. Soulignant que le rapport ne présente que des données d'ensemble de l'emploi, elle a émis le souhait que des statistiques détaillées soient fournies, notamment sur les taux de participation des femmes dans la vie active, dans les villes et dans l'agriculture. Enfin, elle a regretté que le rapport ne contienne aucune information sur la violence à l'égard des femmes.
Mme IVANKA CORTI, experte de l’Italie, a fait observer que le premier problème du Burundi est d’établir la paix. Les femmes ont beaucoup contribué à l’effort collectif et il faut continuer à utiliser ces ressources humaines. En ce qui concerne le Code des personnes et de la famille et sa révision, elle a souhaité savoir comment il se faisait que le Burundi soit encore très loin, même si des efforts ont été faits dans la révision de ce Code, de l’application des dispositions de la Convention alors que les instruments internationaux font partie de la législation en vigueur dans le pays.
Elle a également demandé des précisions sur la situation de facto: la polygamie a-t-elle réellement disparue ou existe-t-elle encore dans les faits? Il est indiqué dans le rapport que la loi prévoit désormais le libre consentement des filles dans le mariage alors qu’il est dit par ailleurs que le mariage est encore régi par le droit coutumier. Quel est donc en fait le poids de la coutume? Elle a demandé également des informations sur la discrimination des femmes au travail.
Mme NAELA GABR, experte de l'Egypte, a reconnu que, compte tenu des conditions adverses que connaît en ce moment le Burundi, l'amélioration de la situation des femme est difficile à envisager. Mais elle a tenu à souligner que l'amélioration de la condition des femmes doit également être envisagée comme la condition d'une paix durable. Certains amendements législatifs sont encore nécessaires, par exemple en ce qui concerne le Code la nationalité ou les lois qui régissent l'héritage et la succession. Soulignant que les femmes ne jouissent pas complètement de leurs droits dans les domaines du crédit et du logement, elle a demandé que des lois nouvelles remplacent les lois coutumières afin de réhabiliter les femmes au point de vue économique.
Mme HANNA BEATE SCHÖPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, se référant à l’article 2 qui exige des Etats parties qu’ils prennent les mesures pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes, a demandé ce que le Burundi a entrepris malgré les difficultés liées à la situation de guerre, si le Gouvernement burundais avait une idée d’ensemble des lois qui sont encore discriminatoires et s’il y avait eu une évaluation d’ensemble à ce sujet. Le Gouvernement burundais a-t-il établi un calendrier de suppression des dispositions discriminatoires, a-t-elle interrogé. Et quels autres obstacles en dehors de la guerre pourraient entraver la suppression des lois discriminatoires? Avez-vous l’intention d’éduquer les juges ou encore les femmes sur leurs droits?
Mme EMNA AOUIJ, experte de la Tunisie, a reconnu que le Burundi est dans une situation critique, car à la lutte contre le sida et la pauvreté s'ajoute la construction de la paix. Cela ne peut se faire sans les femmes, a-t-elle estimé, et il est nécessaire que le statut social et juridique des femmes soit en accord avec ces exigences. L'experte a salué les avancées réalisées avec la promulgation du nouveau Code des personnes et de la famille. Mais dans un pays où les préjugés pèsent encore très lourdement sur toutes les femmes, et où l'analphabétisme empêche nombre de femmes de connaître leurs droits, il importe que ces lois ne restent pas lettre morte, a-t-elle ajouté. Mme Aouij a regretté que la magistrature reste un corps fermé aux femmes, et que le laxisme des magistrats soit un frein à la mise en application des mesures anti-discriminatoires. L'experte a déclaré qu'il importe de faire prendre conscience aux magistrats de l'importance de la Convention afin que cette dernière devienne réalité. Elle a appelé le gouvernement burundais à oeuvrer en faveur de la vulgarisation des droits contenus dans la Convention. En conclusion, l'experte a déclaré qu'elle appuyait fermement l'appel à la coopération internationale lancé par la Ministre de l'Action sociale et de la promotion de la femme.
Mme ROSARIO MANOLO, experte des Philippines, a demandé quelle est la priorité donnée par le gouvernement burundais à l’application de la Convention dans le contexte de troubles civils et du déplacement de milliers de personnes que connaît le pays. Est-ce que des cas de discrimination à l’égard des femmes ont été portés devant les tribunaux et si c’est le cas, combien et quelles ont été les décisions prises? Elle a également souhaité avoir des données sur les ressources fournies aux institutions chargées de veiller au respect de la Convention ce qui serait une façon d’évaluer le degré de sérieux porté à ces questions.
Intervenant sur l'article 3, Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a demandé si les programmes mis en oeuvre par le Gouvernement du Burundi intègrent une démarche soucieuse de la parité entre les hommes et les femmes. Elle a noté l'existence d'institutions qui ont cette tâche mais elle s'est interrogée sur les modalités de la coopération entre, par exemple, le Ministère de l'Action sociale et de la promotion de la femme et le Ministère des droits de la personne humaine. Elle a par ailleurs déploré l'absence de données sur les ressources financières et humaines à la disposition de ces Ministères. En ce qui concerne l'inventaire des problèmes des femmes, elle a demandé qui était chargé d'identifier les problèmes et quand cet inventaire serait terminé. Elle a demandé des informations supplémentaires sur les programmes de lutte contre la pauvreté visant spécifiquement les femmes et a demandé si un plan d'action national serait mis en oeuvre pour faire suite à celui qui existait jusqu'en 98. Enfin,
Mme Ferrer a évoqué l'Union des Femmes burundaises, s'interrogeant notamment sur la nature de ses liens avec le Ministère.
Mme SCHÖPP-SCHILLING s’est félicitée de ce que le gouvernement burundais ait cherché à appliquer l’article 4.1 de la Convention en établissant un quota dans les établissements secondaires mais a demandé des explications sur les raisons pour lesquelles cela s’est fait en autorisant le passage avec des notes plus faibles. L’article 4.1, relatif aux mesures temporaires, ne veut pas dire que l’on accepte des filles ou des femmes moins compétentes, a-t-elle fait valoir. Elle a également demandé si une approche fondée sur l’article 4.1 était prévue par le gouvernement burundais dans le cadre du processus de reconstruction et s’il existait par ailleurs, au titre de l’application de l’article 5, une volonté politique de mener une évaluation globale des stéréotypes et des préjugés qui existent dans la société burundaise.
Mme CORTI a déclaré que l'article 5a qui porte sur les schémas de comportement est le plus difficile à appliquer dans la pratique car il implique de changer la culture et d'éduquer les populations. L'experte a demandé à la Ministre de l'Action sociale et de la promotion de la femme quels moyens ont été mis en place pour modifier les modèles culturels et pour amener les femmes à participer à la vie économique et politique. L'experte a regretté que le rapport ne contienne rien à ce sujet, alors que les médias, la radio, la télévision peuvent constituer des vecteurs puissants d'éducation. Elle a également demandé si les manuels scolaires avaient été modifiés. Par ailleurs, elle a soulevé la question des cérémonies et des festivals pendant lesquels les femmes ne s'expriment que par délégation et a demandé pourquoi les femmes ne peuvent pas avoir directement voix au chapitre. L'experte a demandé à la Ministre comment elle coopère avec les ONG pour éduquer les femmes et les sensibiliser au fait que leur participation a la vie politique est essentielle. Elle s'est étonnée de ce que les jeunes filles ayant eu un enfant ne puissent pas revenir dans la même école après leur accouchement, et elle a demandé à la Ministre pourquoi elle tolérait ce type de discrimination. Enfin, elle a évoqué le problème de la violence propre aux sociétés patriarcales et a demandé des statistiques sur ce sujet ainsi que des informations sur les mesures prises pour lutter contre ce type de violence.
Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, se référant à son tour à l’article 5 qui porte sur l'élimination des stéréotypes, a demandé quels efforts sont déployés pour éliminer la situation de subordination dans laquelle se trouvent les femmes et les violences spécifiques à leur égard. Est-ce que cette question fait vraiment l’objet d’une discussion et quelles sont les mesures existantes ou envisageables dans ce domaine pour faire prendre à tous conscience de son importance, de ces implications ou encore pour châtier les responsables ? a-t-elle interrogé.
Mme FATIMA KWAKU, experte du Nigéria, a indiqué que venant d’un pays du Tiers monde elle comprenait bien les problèmes que rencontre le Burundi. Elle a évoqué le statut des femmes dans les pays africains où elles sont considérées comme des citoyens de seconde classe tout juste "bonnes à faire des enfants". Evoquant le passage du rapport qui indique que les femmes burundaises n’ont pas le droit de s’exprimer en public, elle a demandé quel était le rôle de la religion dans les obstacles mis au respect des droits fondamentaux des femmes et quelles mesures sont prises ou envisagées pour s'attaquer à cet énorme obstacle.
Mme ZELMIORA REGAZZOLI, experte de l’Argentine, se référant à l’article 6, a demandé ce qui se passe lorsque les femmes font l’objet de violence dans les familles, quelles mesures sont prises pour punir les responsables, pour détecter la violence, quels châtiments sont prévus et quels sont ceux appliqués dans le cas de trafic de femmes et d’enfants. Elle a également demandé des précisions sur la situation des femmes dans les prisons, sur le système carcéral, le pourcentage de crimes ou de délits commis par les femmes et sur le sort de l’enfant mineur quand la mère est envoyée en prison.
Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a reconnu que la situation est difficile au Burundi. Sur l'article 5 relatif au trafic, il est préoccupant de constater que vous ne parlez pas de la violence exercée sur les femmes alors que l’on sait que c’est lors de situations de conflit que ces cas se posent avec le plus de force. Elle a demandé des détails sur cette question.
Mme KWAKU, a souhaité savoir si dans les cinq dernières années, il y avait eu une diminution de la prostitution.
Mme TAVARES DA SILVA, se référant à l’article 7 sur la discrimination dans la vie publique, a fait observer qu’il était à la fois dit dans le rapport que les obstacles à la participation de la femme dans la vie publique n’existaient pas et que la femme était sous-représentée dans les institutions. Il y est également mentionné les contraintes de la tradition à cet égard et du manque d’encouragement fait aux femmes à participer à la vie publique. Quelles mesures sont envisagées ou prises pour améliorer la participation des femmes dans la prise de décision à tous les niveaux? a-t-elle demandé.
Mme SCHÖPP-SCHILLING a demandé des précisions sur le Conseil des sages qui semble être un système en vigueur à la campagne auquel les femmes peuvent avoir accès : quels domaines couvre-t-il? Quel est le profil sociologique des 8 femmes qui y siègent ? Comment leur participation est-elle acceptée par la population? Est-il envisagé d’extrapoler cette représentation à d’autres instances? La représentation des femmes au Parlement national serait actuellement discutée dans le prolongement des Accords de paix. On parle d’un quota de femmes de 30 %, est-ce que c’est bien le cas ? Et est-ce que des mesures d’appui vont être prises pour aider les femmes à assumer leur double rôle de femme au travail et au foyer?
Mme ZELMIORA REGAZZOLI, experte d’Argentine a demandé quelle était la participation des femmes à la vie politique et s’il était envisagé de donner une formation aux femmes dans ce domaine.
Mme GOONESEKERE, s’est étonnée de ce que le rapport reconnaisse le caractère discriminatoire de la loi sur la nationalité que par ailleurs les pouvoirs publics burundais semblent l'accepter. Elle a demandé des explications à ce sujet et plus particulièrement sur l’influence éventuelle du colonialisme et du Code Napoléon à cet égard?
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