LA PLANIFICATION D'UNE GESTION DURABLE DES TRANSPORTS DOIT TENIR COMPTE DES BESOINS SOCIOECONOMIQUES DE TOUS
Communiqué de presse ENV/DEV/564 |
Commission du développement durable
6e séance – matin
LA PLANIFICATION D'UNE GESTION DURABLE DES TRANSPORTS DOIT TENIR COMPTE
DES BESOINS SOCIOECONOMIQUES DE TOUS
Face aux problèmes sanitaires et environnementaux liés aux véhicules
motorisés, les transports en commun représentent une solution prioritaire
La Commission du développement durable a poursuivi, ce matin, son dialogue entre les grands groupes en se penchant sur les moyens de planifier une gestion durable des transports et en réfléchissant aux choix et modèles qui devraient inspirer la conception d'établissements humains et les options possibles en matière de véhicules. Les intervenants ont souligné la hausse de l'utilisation des transports, qui impliquent déjà une multitude d'acteurs, depuis la chaîne de production jusqu’à la distribution et la consommation. Les problèmes liés aux transports traditionnels, en particulier le fait qu'ils utilisent des sources d'énergie non renouvelables et polluantes, ne peuvent être résolus à court terme. Il existe toutefois de nombreuses solutions consistant notamment à mettre l'accent sur les transports en commun, les technologies moins polluantes et une utilisation optimale des divers moyens de transport, ont estimé plusieurs intervenants.
Selon certains représentants, il faut en outre favoriser la coopération entre les pays en vue de mettre en place des règlements permettant une telle évolution des transports grâce à l'action des organisations non gouvernementales et de la société civile. Il faudrait également que tous les spécialistes des différents secteurs unissent leurs efforts pour faire progresser la conception des établissements humains. Faisant écho à un représentant de la communauté scientifique pour qui les transports sont indispensables au développement économique et à l'exercice de la liberté de chacun, la représentante d'un groupe de syndicats croates a souligné la nécessité de disposer de services de transport à des tarifs raisonnables. Elle a mis en garde contre la libéralisation dans les secteurs de l’énergie et des transports qui a privé de moyens de transport un grand nombre de travailleurs, en particulier en Europe de l'Est et en Europe centrale. Plusieurs intervenants, parmi lesquels la représentante de la Suède, ont estimé qu'outre la création de réseaux de transports en commun, il faut aussi établir des liens entre des éléments comme le logement, la planification des transports et l’utilisation des sols afin de réduire notamment la dépendance à l’égard des déplacements automobiles. L'utilisation de véhicules motorisés et son impact négatif sur l'environnement et sur la santé ont été critiqués par des représentants d'autorités locales issus de pays industrialisés mais aussi de pays en développement qui ont ajouté que les investissements qu'ils exigent se répercutent ensuite sur l'ensemble des activités des populations.
(à suivre – 1a)
Dans ce contexte, les pouvoirs publics ont un rôle fondamental à jouer pour favoriser des systèmes de transport durables et pour mettre en place une planification urbaine et, plus particulièrement, des programmes d'utilisation des sols prenant en compte les besoins socioéconomiques de tous et limitant les émissions de gaz à effet de serre et l'engorgement des villes. Les représentants d'autorités locales ont fait valoir qu'ils sont les plus proches des usagers et ont une connaissance plus approfondie des problèmes inhérents à chaque situation et doivent donc être consultés par les autorités centrales. Par ailleurs, plusieurs intervenants ont rappelé que la définition de la mobilité et de l’accessibilité doit aussi intégrer les besoins des femmes, des personnes âgées et des enfants.
Cet après-midi, à 15 heures, la Commission tiendra une réunion de haut niveau à participation ministérielle, autour d’une table ronde sur le financement de l’énergie et des transports aux fins du développement durable.
DIALOGUE MULTIPARTITE : PLANIFICATION D’UNE GESTION DURABLE DES TRANSPORTS : CHOIX ET MODÈLES POUR LA CONCEPTION D’ÉTABLISSEMENTS HUMAINS ET OPTIONS POSSIBLES EN MATIERE DE VEHICULES
Présentation des grands groupes
Au nom du secteur de l’industrie et des entreprises, M. UMBERTO DE PRETTO de l’Union internationale des transports routiers, a rappelé que pour comprendre les transports, il faut comprendre qu’une multitude d’acteurs est impliquée depuis la chaîne de production jusqu’à la distribution et la consommation. Les pressions sont de plus en plus importantes pour que les transports soient de plus en plus efficaces et à des coûts les plus faibles possibles. Dans le futur, la réalité c’est que les acteurs impliqués seront plus nombreux encore. Il n’est pas question ou même possible de revenir en arrière et la seule chose à envisager, c’est d’essayer de gérer les transports de la manière la plus durable possible. Pour cela, il faut que la circulation soit facilitée et celle-ci dépend avant tout des infrastructures. Il faut donc utiliser au mieux l’infrastructure qui existe déjà, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui puisque beaucoup d’infrastructures sont encore sous-utilisées ou mal utilisées. Cela représente autant de freins et de goulots d’étranglement pour les transports. C’est le cas par exemple au passage des frontières où il est très fréquent que les camions et leurs chauffeurs sont coincés pendant des heures, consommant des carburants et de l’énergie humaine.
Evoquant les progrès qui pourraient être réalisés, M. de Pretto a plaidé en faveur d’idées novatrices permettant de parvenir à une gestion durable. Il a cité l’exemple des pays occidentaux où les chauffeurs routiers sont encouragés à circuler de nuit ou dans des créneaux horaires où la circulation est plus fluide. Il n’y a pas de solution magique, a-t-il encore expliqué, et la seule solution est de travailler ensemble et de concert avec le secteur public pour prendre des initiatives réalistes.
Au nom de la délégation de la communauté scientifique, M. CHELLA RAJAN, représentant de la World Conservation Society de l'Inde (IUCN), a rappelé que les transports sont indispensables au développement économique et à l'exercice de la liberté de chacun. Il a expliqué que la plupart de l'énergie provient de sources d'énergie pétrolières non renouvelables, d'où une certaine insécurité, et produisant des émissions nocives, ce qui engendre des problèmes de pollution atmosphérique ou encore de marée noire. L'impact négatif des transports est aggravé par le fait que leur utilisation est en hausse, parce que l'accent n'a pas suffisamment été placé sur les transports en commun, et parce que l'espace urbain n’a pas été suffisamment mis à la disposition des piétons. La planification d'une gestion durable des transports peut consister à mettre en place des modes de transport plus souples afin d'encourager le partage des véhicules ou l'utilisation optimale de divers moyens de transport, créer des couloirs à forte densité; améliorer l'infrastructure pour encourager les transports multimodaux; créer des pistes cyclables et des voies réservées aux piétons afin de favoriser les déplacements à pied ou à bicyclette; utiliser des technologies moins polluantes; ou encore mettre en place des impôts et des taxes ciblés pour favoriser les véhicules non polluants. M. Rajan a déclaré qu'il existe des exemples de planification réussie, notamment au Brésil et à Hong Kong, et qu'ils peuvent être transposés dans d'autres pays.
Le représentant a suggéré la mise en place de politiques permettant de surmonter les obstacles à une gestion durable des transports, notamment en créant les compétences appropriées, en favorisant la coopération entre les pays et la mise en place de règlements favorisant une telle évolution des transports grâce à l'action des organisations non gouvernementales et de la société civile. Il faudrait également que tous les spécialistes des différents secteurs unissent leurs efforts pour faire évoluer la conception des établissements humains.
Prenant la parole au nom du groupe des syndicats et des travailleurs,
Mme JASNA PETROVIC de l’Union des syndicats autonomes de la Croatie, a rappelé que l’économie, l’écologie et la cohésion sociale constituent toutes des piliers des établissements humains durables. C’est pourquoi, les questions économiques doivent intégrer des éléments comme l’accès à l’emploi, le niveau des salaires, le développement de technologies appropriées et la réalisation d’un environnement de travail sûr et satisfaisant. La représentante a ensuite pris l’exemple de sa région, l’Europe centrale et orientale, et a expliqué qu’une importante partie de la population, surtout celle vivant dans les zones dévastées par la guerre, n’a à l’heure actuelle accès à aucun transport public, soit parce que ce secteur a été abandonné en raison de son exploitation déficitaire, soit en raison des conséquences de la libéralisation des coûts sur le prix des transports en commun. Dans ces pays, beaucoup de travailleurs n’ont pas les moyens de payer leur billet pour le transport, parce que parfois pendant de nombreux mois consécutifs ils ne reçoivent pas leur salaire. Pour la même raison, ils ne peuvent pas non plus envoyer leurs enfants à l’école. Ces personnes sont les victimes des maîtres financiers du monde qui ont décidé que les transports publics devaient être libéralisés. Or le secteur public a un rôle essentiel à jouer pour fournir des services de transport à des tarifs raisonnables. Les entreprises privées de transports, en effet, ne se soucient pas des besoins humains et leur stratégie ne voit qu’à court terme, ne respecte pas l’environnement ni les êtres humains.
C’est pourquoi, le secteur syndical demande à la Commission d’entreprendre une évaluation détaillée de l’impact de la libéralisation dans les secteurs de l’énergie et des transports, et ce en particulier dans les pays en transition. Il faudrait aussi que la communauté internationale se penche sur les programmes d’ajustements structurels de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international qui imposent trop souvent des coupes claires dans les services publics. Autrefois, les pays de l’Est reposaient grandement sur leur réseau de transports collectifs. Aujourd’hui, ils encouragent l’achat de véhicules particuliers, la construction d’autoroutes est l’une de leurs priorités, sous prétexte qu’elle favorise la croissance économique. Mais, une fois que le réseau de transports publics est perdu, il est très difficile de le rétablir, a prévenu la représentante. Elle a également expliqué que cette situation affecte tout particulièrement les femmes, grandes “consommatrices” de transports collectifs. Pour ne pas créer ainsi de nouvelles discriminations, la Commission doit donc considérer le rôle essentiel que les transports publics jouent dans le développement durable. De son côté, le monde syndical estime urgent que l’on modifie les schémas de prise de décisions dans le domaine de l’énergie et des transports afin que le bien-être social et environnemental soit réellement promu.
S'exprimant au nom du groupe des autorités locales, Mme MARY ANN SMITH, Conseillère municipale de la ville de Chicago (Etats-Unis), a souligné l'importance de défendre la qualité de la vie en dépit des effets négatifs liés à une utilisation prioritaire des véhicules individuels. Elle a estimé que le recours à l'automobile individuelle peut être corrigé grâce à une planification urbaine favorisant d'autres modes de transport, mais les efforts des autorités locales ne peuvent parfois pas porter leurs fruits à cause de l'influence de puissants groupes de pression mais aussi à cause de l'abandon de la notion de centre ville. L'une des mesures pouvant rendre la ville plus accessible aux piétons, notamment aux personnes âgées et aux enfants, est de modifier les feux de circulation. Au niveau de la région, les autorités locales ont réfléchi à des programmes d'utilisation des terres réduisant le recours aux véhicules individuels, en revoyant la configuration des commerces et l'organisation du travail. En conclusion, la représentante a appelé les dirigeants nationaux et internationaux à continuer d'appuyer les efforts des communautés locales.
Intervenant également au nom des autorités locales, Mme AUDEL, Maire d'Abuja (Nigéria), a déclaré que le taux de croissance rapide des villes des pays en développement offre l'occasion de mener une réflexion et de rechercher des solutions en matière de planification d'une gestion durable des transports. Pour ce qui est de l'utilisation des terres, Mme Audel a expliqué que les terres appartiennent à l'Etat nigérian. Les autorités locales et le gouvernement ont leur mot à dire dans l'établissement du plan directeur de la ville, et c'est un bureau chargé de la protection de l'environnement qui gère ces questions à l'échelle de la ville et de ses environs. Pour une gestion durable des transports, le maire a notamment suggéré de mettre en place le principe de l'utilisateur payeur et l'utilisation de moyens de transport non polluants. Elle a regretté que les subventions et les politiques gouvernementales favorisent l'industrie pétrolière et incitent les consommateurs à choisir des modes de consommation plus coûteux et moins efficaces. Ce déséquilibre fiscal est un obstacle aux projets qui pourraient favoriser la protection de l'environnement. Pour remédier à cette solution, Mme Audel a estimé qu'il faut commencer par tenir compte du coût réel des différents moyens de transports et décentraliser les décisions en matière de transports afin que les autorités locales aient davantage leur mot à dire dans ce domaine.
Pour les organisations non gouvernementales, Mme MOEKTI HANDAJANI SOEJACHMOEN du Réseau d’action pour le transport durable pour l’Asie et le Pacifique, a fait observer que les transports sont un moyen visant à mieux répondre aux besoins fondamentaux des populations et à améliorer les conditions de vie des êtres humains. Dans les zones rurales isolées, il faut bien comprendre que le véritable moyen de transport est la marche, car les zones sont trop éloignées pour attirer les investissements. Une femme Massaï, par exemple, marche en moyenne 25 heures par semaine pour porter les 20 litres d’eau nécessaires pour les besoins du ménage. Le problème est que la planification des transports ne tient aucunement compte des besoins de ces populations. La représentante a ensuite expliqué que les préoccupations en matière de sécurité des transports ne concernent pas seulement les zones urbaines mais également les régions rurales. Ainsi en Afrique, on a constaté que dans les zones isolées le VIH/sida était transmis pour une large part par les chauffeurs routiers. Les autorités sanitaires devraient donc clairement être mises au courant de la situation et agir de concert avec le secteur des transports pour y apporter une réponse.
L’une des premières mesures à prendre est de clairement identifier et tenir compte des besoins des individus en termes d’accessibilité aux transports. Il faut ensuite mener des recherches sur les besoins, en tenant compte des possibilités que fournissent les transports non motorisés comme les transports attelés. Les pouvoirs publics et autorités locales sont tenus en premier lieu d’établir des solutions pour ces problèmes. Ils doivent pourvoir aux crédits nécessaires. Les institutions financières internationales doivent aussi encourager ces initiatives. La planification doit enfin associer toutes les parties prenantes et en particulier les populations locales qui doivent pouvoir exprimer leurs priorités réelles.
Mme JUTTA STEIGERWALD, Conseil mondial des églises, a estimé que jusqu’à présent la planification des transports n’a pas permis d’atteindre les objectifs du développement durable et de répondre aux besoins fondamentaux de la population. En outre, dans la plupart des villes, les normes de qualité de l’air, de bruit et autres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont largement dépassées. On sait maintenant que la construction de routes ne contribue pas vraiment à la croissance économique. Bien qu’on ait pris conscience de cette erreur, les dommages liés à la construction de ces infrastructures sont faits. Pourtant, l’expérience montre que chaque fois que l’on améliore les transports publics, aménage des pistes cyclables ou piétonnes, la population adopte avec enthousiasme ces nouvelles possibilités qui lui sont données. Il est donc clair qu’une bonne planification des transports et de l’utilisation des sols peut améliorer les conditions de vie des populations.
La représentante a ensuite évoqué la Charte pour l’environnement et la santé adoptée par les membres de l’OMS à Londres en juin 1999. Ce document, a-t-elle précisé, contient des objectifs et des plans d’action pour évoluer vers des transports durables pour la santé et l’environnement. Le secteur des ONG demande donc aux gouvernements de mettre en oeuvre les dispositions de cette Charte dans leurs politiques de transports. De manière générale, le problème est qu’à l’heure actuelle, les systèmes de transport tendent à être conçus selon le mode de vie des fournisseurs et des personnes qui conçoivent ces services, alors que les transports devraient répondre aux besoins de la communauté, aussi bien rurale qu’urbaine. Il faut donc impérativement réussir à faire participer toutes les parties prenantes, a insisté la représentante en conclusion.
Réponses des gouvernements
M. CZESLAW WIECKOWSKI (Pologne) a estimé qu'en somme, on peut déduire des interventions précédentes qu'historiquement, le moyen de transport le plus durable est le mulet. Il a ensuite donné l'exemple d'une ville de 10 000 habitants dont
5 000 personnes sont employées dans une usine automobile ultramoderne construite en marge de la ville. Cette ville dispose également d'un supermarché mais ne possède qu'un seul arrêt d'autobus et doit construire toute une infrastructure, notamment des parkings, pour permettre aux habitants de se déplacer facilement entre leur domicile et leur lieu de travail et/ou les commerces. En revanche, une autre ville comprenant des zones piétonnières, des zones de loisirs et de commerces, et possédant une infrastructure prenant en considération tous les besoins économiques et sociaux, peut économiser sur les transports car ses habitants ont "tout sur place". Il a estimé qu'il revient aux pouvoirs publics et aux gouvernements de réfléchir à des solutions assurant la mobilité nécessaire tout en respectant la santé de l'environnement.
M. HIROSHI SATODA (Japon) a déclaré que dans son pays, le nombre de routes construites a augmenté avec l'utilisation des voitures et, avec elle, la croissance économique, le développement social mais aussi la pollution. Face à ce phénomène, il a préconisé d’adopter des politiques favorisant l'utilisation de véhicules qui émettent le moins de gaz possible, d’envisager d'autres moyens de transport et de faire en sorte que la circulation contourne les villes. Il a indiqué que les pouvoirs publics japonais favorisent les techniques modernes propices à l'environnement, et une efficacité énergétique accrue du carburant d'ici à 2010.
Par ailleurs, d'autres mesures ont été prises pour que les camions contournent les villes, que les autorités locales introduisent des véhicules de transports en commun à pollution extrêmement faible, et que le gouvernement mette en oeuvre des plans urbains complets visant à réduire les embouteillages et à favoriser les transports en commun.
Echange de vues
Un représentant du monde syndical est revenu sur la question de l’attente des chauffeurs routiers, évoquée en début de séance par le représentant du secteur privé. Il a fait remarquer que ces attentes sont d’autant plus dommageables que les conducteurs ne sont pas payés pendant cette période. Pour eux, la seule solution pour combler ce manque à gagner est de rouler à une vitesse supérieure, ce qui augmente d’autant plus les risques d’accident. Cet exemple illustre bien le fait que lorsque l’on parle de planification et de systèmes de transport, il faut avant tout éviter de transférer tout fardeau supplémentaire sur les chauffeurs routiers. Le représentant d’une ONG a cité l’exemple de l’épidémie de fièvre aphteuse qui sévit actuellement au Royaume-Uni pour mettre en lumière l’impact multidimensionnel des transports sur la santé. Pour réduire ainsi les risques de transmission de maladies, une solution serait de mettre l’accent sur la production et la distribution locales pour renforcer les communautés.
Un scientifique venu de Malaisie a, lui, mis l’accent sur le dilemme que pose la migration très forte des campagnes vers les villes. Pour les populations rurales les plus pauvres, les villes représentent en effet un El Dorado, promesse d’éducation et de loisirs. Or, c’est une illusion puisque les franges les plus pauvres des villes n’ont pas accès à ces activités. C’est pourquoi, selon lui, il faudrait essayer de développer davantage les villes petites et moyennes bien pourvues en services de base, plutôt que de continuer à encourager la croissance démesurée et inhumaine des mégapoles. Un autre représentant de la communauté scientifique a souligné l’écart technologique considérable pour ce qui est de l’accès aux transports entre populations rurales et urbaines, riches et pauvres. Il faudrait, selon lui, réorienter les priorités et favoriser la recherche pour trouver de nouveaux moyens de propulsion. Trop souvent, en effet, en matière de transports, on pense exclusivement en termes de combustibles fossiles. Il faut à tout prix chercher de nouveaux partenariats mondiaux. Une autre possibilité est que les gouvernements instaurent un système bien adapté de taxes et autres impôts sur le secteur des transports pour encourager la transition vers une gestion durable des transports.
Lui faisant écho, la représentante de la Suède a insisté sur l’importance pour les gouvernements de préparer la mise en place des moyens nécessaires à des systèmes de transport durables et plus efficaces. L’établissement de réseaux de transports en commun réduisant la pollution est, à cet égard, un élément clef. Il faut aussi établir des liens entre des éléments comme le logement, la planification des transports et l’utilisation des sols afin de réduire notamment la dépendance à l’égard des déplacements automobiles. Il faut chercher aussi à fournir aux femmes un accès équitable aux transports. Le renforcement des capacités et l’introduction de technologies améliorées doivent aussi être encouragés. Une des lignes directrices que le Gouvernement suédois entend développer par exemple est de voir comment d’ici 2010, la réduction de l’utilisation des camions et des véhicules particuliers pourra être réalisée.
Une représentante du monde des ONG a jugé fondamental de détruire le mythe selon lequel la construction d’infrastructures de transport, les routes notamment, soutient la croissance économique. Il s’agit d’une illusion qui tient essentiellement au fait que l’on ne prend alors pas en compte les coûts sociaux et environnementaux. Les pays occidentaux ont déjà commis de nombreuses erreurs et il ne faudrait pas qu’elles se reproduisent en Europe de l’Est et dans d’autres régions où les transports sont encore dans une phase de développement, a averti la représentante.
Une intervenante du secteur privé venue de Californie a expliqué que dans sa région, une collaboration entre secteur privé et pouvoirs publics a permis d’établir des normes en matière d’émissions nocives dans l’atmosphère. Un bon système de gouvernance est, selon elle, l’élément clef si l’on veut que l’industrie se mobilise également en faveur des transports durables.
Une représentante des autorités locales a salué le fait que les commentaires et recommandations des différents groupes étaient complémentaires. Il lui a semblé logique de suggérer d'utiliser au mieux les infrastructures existantes puisque des investissements ont déjà été engagés pour les créer. Elle a salué les propositions visant à appliquer une politique d'utilisation des sols permettant de réduire la demande en transports; de faire en sorte que l'emplacement des lieux de travail soit proche des logements et réduise ainsi les temps de déplacement des travailleurs. La représentante a cependant regretté que les autorités locales ne puissent souvent pas agir sur l'utilisation des sols du fait que ce volet relève des autorités centrales. Les autorités locales n'ayant généralement pas leur mot à dire dans ce domaine, le réseau d'infrastructures ne répond pas aux besoins de la population locale, notamment en ce qui concerne la liaison avec le lieu de travail. Ces instances locales doivent donc pouvoir exercer un contrôle sur les investissements réalisés en matière de transports.
La représentante d'un groupe de syndicats représentant 150 millions de travailleurs du monde entier a déclaré que son organisation est très intéressée par la conception d'établissements humains permettant d'améliorer les conditions de vie des travailleurs à la fois à leur domicile, sur leur lieu de travail et lors de leurs déplacements entre ces deux pôles. Elle a souligné le principe de biens communs et expliqué que la mondialisation impose une coopération transfrontière pour protéger ces biens communs très importants pour les établissements humains, notamment en luttant contre la pollution transfrontière ou en luttant contre la propagation de maladies. Elle a souligné l'utilité d'un dialogue multipartite entre toutes les organisations de la société civile et des syndicats sur ces questions et a préconisé d'y associer les entreprises du secteur privé qui reconnaissent la validité de ce principe de biens communs.
Le représentant d'une organisation non gouvernementale s'occupant des transports a insisté sur l'importance d'un véritable dialogue entre les parties prenantes sur les domaines dans lesquels un accord semble déjà exister. Il a également déclaré que les domaines dans lesquels les Nations Unies peuvent jouer un rôle sont l'élaboration de règles et l'assistance technique pour l'application des règles. Il a relevé l'existence d'un consensus sur l'élimination de l'essence au plomb, l'établissement de normes en matière d'émissions de gaz nocifs pour l'atmosphère, et la protection des conducteurs, des passagers et des piétons.
Le représentant d'un groupe international de l'indutrie du gaz, membre de Gaz de France, a déclaré que les entreprises sont prêtes à aborder la question des transitions évoquée par les syndicats, en engageant un dialogue sur les solutions envisageables. Pour que cette transition puisse avoir lieu, les capitaux et les investissements doivent pouvoir se déplacer progressivement d'un mode de production vers un autre. Il a également estimé que la société civile doit être représentée au sein des débats sur la planification d'une gestion durable des transports. A cet égard, il a ajouté qu'il faut trouver une solution pour que les besoins de tous soient analysés au-delà des groupes de pression.
Le représentant d'un groupe d'organisations non gouvernementales du Nigéria a rappelé qu'en Afrique, la fourniture de transports motorisés peut se faire au détriment de la population locale car leur utilisation implique des investissements supplémentaires et donc une augmentation du coût des denrées exploitées grâce à eux. Il faut donc commencer par lutter contre la pauvreté. Choisir entre différents modes de transport pose également problème, a fait valoir le représentant d'une autorité locale pakistanaise. Il a expliqué que l'un des principaux moyens de transport pakistanais, le rickshaw, est très polluant et bruyant. L'exploitation des rickshaws fait cependant vivre tout un secteur de la population et leur élimination aura des conséquences socioéconomiques graves. Le Pakistan a donc mis en place un partenariat avec le Canada pour étudier les solutions alternatives. Il est clair que des investissements sont nécessaires pour permettre aux propriétaires de ces véhicules de trouver une autre source de revenus. Le représentant a reconnu qu'aucune solution n'est envisagée pour l'instant. Il a ajouté que ce problème est également à l'étude en Inde et au Népal.
Prenant la parole au nom des industries et des entreprises, une représentante a expliqué que, de manière générale, l'industrie des carburants aligne sa production sur les normes établies par les pays développés. L’Afrique du Sud compte environ 42 millions d’habitants, ce qui implique certains problèmes de pollution liée aux hydrocarbures. Plutôt que d'appliquer les principes en vigueur dans les pays industrialisés, les entreprises locales travaillent en partenariat avec le Gouvernement sud-africain pour fixer des objectifs de production réalistes en matière de carburants.
La représentante d’une ONG a indiqué que, pour répondre aux besoins de mobilité des zones rurales, les transports motorisés ne sont pas forcément la solution. Toutes sortes de véhicules non motorisés ont été déjà mises au point et la communauté scientifique pourrait poursuivre ses recherches pour élaborer d’autres types de transport répondant aux besoins particuliers des populations rurales. Un conseiller municipal de Leicester au Royaume-Uni a expliqué que la politique d’utilisation des sols de sa commune a eu pour principal objectif de promouvoir l’utilisation des transports en commun. Avec l’appui du Gouvernement, sa commune a essayé de parvenir à la durabilité de l’utilisation des sols et des transports au niveau régional. Un plan a été conçu pour cette région qui rassemble cinq millions d’habitants. Dans ce cadre, le développement des autoroutes est, par exemple, découragé au profit des chemins de fer là où les zones ne sont pas encore reliées par des gares. Ce plan a également pour objectif de désengorger les villes et de faire de la place pour les espaces verts. Le représentant a reconnu que la voiture n’est pas la panacée et qu’une démarche intégrée promouvant les transports en commun favorise également la création d’emplois.
Pour le monde des entreprises, un opérateur de transports collectifs a expliqué qu’il collaborait avec les décideurs pour leur indiquer les moyens de transport et de carburant qui sont les plus viables. L’expérience montre que les clients font encore les choix les plus avantageux du point de vue financier, ce qui se traduit par une certaine préférence pour le diesel. C’est pourquoi, il est important de continuer de développer les normes de “propreté” sur ce type de carburant. Les moteurs diesel resteront en effet le choix le plus économique pendant de nombreuses années à venir. Dans la mesure où la transition vers des choix plus durables prendra du temps, il est donc important et réaliste de renforcer le système des normes antipollution. Il a également fait remarquer qu’il n’est pas toujours possible à l’heure actuelle d’exporter les technologies les plus modernes et les moins polluantes. C’est pourquoi, il faut aussi encourager les inspections et l’entretien régulier des véhicules en circulation. Un représentant de la communauté scientifique a affirmé que sa profession a en quelque sorte desservi la société, dans la mesure où les transports sont entendus par les ingénieurs comme essentiellement motorisés. Or la question des transports doit être vue de manière plus large et comprendre notamment l’intégration des transports par rapport à l’environnement, la planification des sols, les politiques d’éducation et de santé, et la création du bien-être. Cela demande des politiques différenciées, planifiées à tous les niveaux et appliquées de manière systématique pour tous les moyens de transport. La planification des transports doit aussi prendre en compte la démographie changeante des pays industrialisés, qui doit faire face au vieillissement de leur population.
Une intervenante du monde des ONG a particulièrement évoqué la question des femmes et les transports. Le problème, a-t-elle expliqué, est qu’à l’heure actuelle la planification des transports suit davantage les besoins des hommes que ceux des femmes. Or, la définition de la mobilité et de l’accessibilité doit aussi intégrer les besoins des femmes, ainsi que des personnes âgées et des enfants. Pour cela, la collecte de données et des informations fiables sont nécessaires. On constate par exemple que les femmes ont besoin des transports à des horaires différents de ceux des hommes, et qu’elles se déplacent moins aux heures de pointe. Si l’on veut qu’elles participent davantage à la vie économique et sociale, le déplacement des femmes doit être encouragé et des études à cet effet doivent être entreprises. Insistant sur la participation des citoyens lorsque l’on modifie les systèmes de transport, la représentante d’un syndicat suédois a estimé que le lieu de travail est l’un des lieux stratégiques où cela peut être réalisé.
Un représentant de la communauté scientifique a, quant à lui, mis l’accent sur la participation des institutions. Ces dernières peuvent en effet faire figure de guide pour montrer les bonnes pratiques et instaurer des normes en vue du développement durable. Il a proposé de créer la base juridique nécessaire pour intégrer la planification des sols et la planification des transports. Il faut aussi qu’il y ait suffisamment de recettes pour pouvoir investir dans les transports durables et c’est pourquoi les investissements privés sont aussi nécessaires que les investissements publics. Le représentant a suggéré en outre de décourager l’utilisation des véhicules privés lorsque la possibilité existe et d’associer les politiques en matière de transport aux politiques de télécommunications. Prenant la parole au nom du monde des affaires, un membre d’une association de transport de fret a déclaré que le réalisme doit primer dans les propositions en vue d’une gestion durable des transports. Ce secteur doit être plus rentable pour réellement contribuer au développement durable. Parallèlement, il est possible de faire davantage pour lutter contre la pollution en favorisant notamment les systèmes de transports intermodaux ou le chemin de fer. Un mode de transport plutôt qu’un autre peut être encouragé dans une zone en fonction de ses besoins et de ses particularités. Il faudrait aussi essayer de regrouper les chargements lourds. Dans un pays comme les Etats-Unis par exemple, les transports routiers sont favorisés de manière inutile aux dépens du transport maritime pourtant moins polluant.
Revenant sur la prise de décisions, un intervenant du secteur syndical a fait observer qu’un système de transport durable ne pourra être obtenu que lorsque tous les acteurs de la société et tous les domaines concernés seront pris en compte. Ceci est réaliste et faisable. Les prises de décision doivent être consensuelles et il faut agir vite. Un représentant du monde scientifique a indiqué que la décentralisation de l’accès à l’énergie pouvait aussi réduire les besoins en déplacement de certaines personnes. Un intervenant du secteur des entreprises a regretté que l’on n’ait pas davantage parlé de l’importance de l’éducation pour encourager les populations à utiliser des moyens de transport plus durables. Les transports en commun doivent se voir accorder la préférence et devenir plus concurrentiels quant aux temps de déplacement. Un membre d’un syndicat nord-américain a déploré le manque de consultation des travailleurs, principaux utilisateurs des transports en commun, lorsque les systèmes de transport sont mis en place. De son avis, cette lacune a résulté en des réseaux inappropriés qui répondent essentiellement aux soucis de profitabilité de certains. Il faut impérativement tenir compte des besoins des utilisateurs. “D’une région à l’autre, les réalités sont très différentes” a fait observer le représentant d’une ONG sud-américaine. Il a expliqué, par exemple, qu’en Amérique du Sud où la centralisation est très forte, les autorités locales ont un pouvoir très faible. Les systèmes de transport sont élaborés par les pouvoirs centraux qui n’ont qu’une connaissance partielle des besoins des populations. Un autre facteur à prendre en compte sont les pressions grandissantes exercées par le secteur immobilier, compte tenu du fort flux de migration vers les villes que connaît l’ensemble du continent. Le représentant a aussi indiqué que la privatisation du secteur des transports a souvent donné lieu à une multiplication des petites entreprises aux dépens d’une certaine cohérence, ce qui a entraîné la perte des économies d’échelle.
Formulant des remarques de conclusion au nom des autorités locales, une intervenante s’est réjouie du consensus qui s’est fait jour aujourd’hui sur la nécessité que les décisions soient prises au niveau local. En fait en mettant l’accent sur le développement des capacités locales, on réduira la demande en matière de transport et de déplacement, a-t-elle estimé, avant d’ajouter qu’en termes de coût réel, les transports en commun, et notamment les chemins de fer, s’avèrent beaucoup plus rentables que les autres modes de transports, notamment routiers. Elle a également insisté sur le besoin d’associer la population à la planification. Pour le secteur des ONG, le dialogue de ce matin a permis de prendre conscience qu’un changement radical dans la planification des transports est indispensable. Il faut notamment parvenir à un rapprochement entre le lieu de la prise de décision et le lieu où les systèmes sont mis en place. De l’avis des ONG, l’attention n’est pas suffisamment portée sur les modes alternatifs de déplacement comme la marche ou la bicyclette. Par ailleurs, les effets sur l’environnement doivent aussi être pris en compte et mieux évalués. En fait, on voit trop les choses du point de vue du camion et de son chauffeur, en omettant tous les acteurs qui évoluent autour, comme par exemple les piétons qui risquent d’être renversés par ces camions. La sécurité routière doit donc être considérée comme un problème de santé publique, car les accidents de la route ne sont pas une fatalité mais découlent directement des systèmes de transport qui ont été mis en place. A l’image de ce qu’a entrepris le Gouvernement de la Suède, le secteur des ONG encourage les pays à adopter l’objectif de l’élimination totale des victimes d’accidents de la route. De l’avis du monde syndical, il faut insister sur les répercussions sociales, et pas seulement environnementales, des systèmes de transport. Il ne faut pas se contenter de rêver à un monde meilleur mais agir. La vérité, c’est que l’on n’a que trop peu progresser depuis 1992 sur le problème le plus pressant qui est l’avenir et la survie de la planète. Il faut faire clairement comprendre que la catastrophe menace et, pour cela, il faut donner la place à la prise de décisions concertée et à la participation de tous. Le secteur syndical invite la Commission à faire en sorte que la discussion tienne pleinement compte des contributions que les travailleurs et les syndicats peuvent apporter et qu’on ne se limite pas aux seules vues du secteur industriel. Selon l’opinion de la communauté scientifique, pour l’énergie comme pour les transports, la question fondamentale est celle de l’accès. Or, les besoins sont tout à fait différents pour les pays du Nord et pour ceux du Sud et il faut en tenir compte tout en se souvenant que nous vivons tous sur la même planète. Les ingénieurs et la communauté scientifique ont beaucoup à offrir pour trouver des solutions et développer des technologies nouvelles. Le débat de ce matin a permis de comprendre que les études techniques ne sont pas suffisantes pour parvenir au développement durable, les aspects financiers, sociaux et environnementaux doivent aussi être traités et c’est pourquoi la participation et la collaboration de tous sont si essentielles. Enfin, le secteur industriel et des entreprises a estimé qu’un accord s’est fait jour sur la nécessité de trouver et de prendre des mesures novatrices. En revanche, il s’est dit déçu de la faible attention apportée aux encouragements et aux incitations, pourtant nécessaires si l’on veut que les techniques nouvelles qui sont développées se transforment le plus rapidement possible en pratiques nouvelles. Tout en prenant note des différences d’opinion concernant le développement des infrastructures, le secteur industriel fait remarquer que là où il y a engorgement en matière de transports, des investissements dans les infrastructures seront nécessaires. Pour ce point comme pour tous les autres, et ainsi que les discussions l’ont clairement mis en avant, la participation et l’intégration de tous les acteurs et de tous les éléments sont indispensables.
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