CD/G/485

CONFERENCE DU DESARMEMENT : LE MINISTRE RUSSE DES AFFAIRES ETRANGERES PRESENTE DES PROPOSITIONS COMME ALTERNATIVE AU PROJET AMERICAIN DE DEFENSE ANTIMISSILES

01/02/2001
Communiqué de presse
CD/G/485


CONFERENCE DU DESARMEMENT : LE MINISTRE RUSSE DES AFFAIRES ETRANGERES PRESENTE DES PROPOSITIONS COMME ALTERNATIVE AU PROJET AMERICAIN DE DEFENSE ANTIMISSILES


Genève, 1er février -- La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Igor Ivanov, qui a estimé nécessaire une reprise du dialogue sur cette question avec le nouveau Gouvernement des États-Unis.  La Russie propose une «alternative» au système national de défense antimissile par des mesures visant à dissiper les préoccupations des États-Unis concernant les nouvelles menaces posées par la mise au point de missiles sans remettre en cause le Traité sur les missiles antimissiles.  La Fédération de Russie propose la création, par les États-Unis et la Russie, d'un centre d'échange d'informations sur les lancements de missiles; l'établissement d'un système de surveillance mondiale de la non-prolifération des missiles et des techniques balistiques; et une coopération internationale  élargie dans le domaine des missiles opérationnels tactiques.


En ce qui concerne les travaux de la Conférence du désarmement, le Ministre russe des affaires étrangères a déclaré que son pays est disposé à coopérer activement avec les autres États membres de la Conférence afin d'oeuvrer en faveur du désarmement nucléaire et appuie la création d'un organe subsidiaire de la Conférence chargé d'examiner la possibilité de mener des discussions élargies sur la question problématique du désarmement nucléaire.  Il estime en outre que le moment est venu de rétablir le Comité spécial chargé d'élaborer un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires.  Il faut également que la Conférence poursuive ses travaux sur un accord concernant les garanties négatives de sécurité et qu'elle commence, dès que possible, des négociations de fond sur la prévention de la course aux armements dans l'espace.


Le Président de la Conférence du désarmement, l'ambassadeur Christopher Westdal du Canada, a noté que le projet de programme de travail (document CD/1624) qu'il a présenté à l'ouverture de la session, s'il a reçu un fort soutien des membres de la Conférence, ne recueille pas encore de consensus.  Il a indiqué qu'il avait par conséquent envisagé des modifications au programme de travail ou à la déclaration du Président qui doit l'accompagner.  Il a ajouté qu'il pouvait «changer les mots mais pas la volonté politique» des membres de la Conférence.  Il a également souligné que les grandes puissances qui sont engagées dans des négociations doivent tenir compte d'une approche plus universelle.  Il a exprimé sa préoccupation devant le fait que les perspectives de réaliser un travail utile au cours de la présente session s'évanouissent rapidement.  Il a appelé les membres de la Conférence à soutenir ses efforts pour parvenir à adopter le programme de travail et commencer les travaux de fond.


Les représentants de l'Argentine et du Royaume-Uni ont présenté leurs positions respectives sur le programme de travail de la Conférence, affirmant tous deux leur appui pour que la Conférence adopte un programme de travail s'appuyant sur les propositions qui ont été faites à la fin de la session de l'an dernier.


Le représentant de la Bulgarie est pour sa part intervenu sur la question des mines terrestres antipersonnel et des mesures prises par son pays dans ce domaine alors que le représentant de la République de Corée a fait ses adieux à la Conférence.


En début de séance, le Président a exprimé, au nom de la Conférence, ses condoléances aux survivants du séisme meurtrier qui a frappé l'Inde la semaine dernière, ainsi qu'au peuple et au Gouvernement de l'Inde.  Il a également exprimé ses condoléances au peuple et au Gouvernement du Pakistan, également touché.  Le représentant de l'Inde a remercié la Conférence et le Président pour les expressions de tristesse face au désastre qui a frappé son pays.  Il a également remercié les nombreux pays qui apportent leur aide à l'Inde, confrontée à la plus grave catastrophe de son histoire.


La Conférence a décidé d'accepter la demande de participation à ses travaux présentée par l'Uruguay.


La prochaine séance plénière de la Conférence du désarmement aura lieu le jeudi 8 février à  10 heures.


Déclarations


M. IGOR IVANOV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a souligné que les avantages et désavantages de la mondialisation sont particulièrement évidents dans le domaine du désarmement.  La menace d'une confrontation nucléaire mondiale a profondément modifié notre perception des fondements mêmes de la sécurité de chaque État et a favorisé de difficiles négociations de désarmement.  Depuis les débuts de ce processus multilatéral, les Nations Unies ont joué un rôle actif et significatif.  À cet égard, la Conférence du désarmement et le «processus de Genève» au sens large, apportent une précieuse expérience.  La Russie est convaincue que les ressources de la Conférence du désarmement sont loin d'être épuisées.  Au contraire, la mondialisation exige l'adoption d'urgence d'une approche intégrée et multilatérale aux problèmes de désarmement.  Une course aux armements aujourd'hui, menacerait les intérêts de tous les États et aurait des conséquences sur l'ensemble des relations internationales.  C'est pourquoi l'adoption de dispositions collectives de stabilité stratégique est une condition préalable à un processus de désarmement stable et par étapes, en tenant compte des aspects politiques, militaires, économiques, humanitaires, écologiques et autres.  La situation actuelle pose la question d'une intensification des travaux de la Conférence afin de mener un examen approfondi de la stabilité stratégique dans ses aspects militaires, politiques et dans le domaine du désarmement.  Mais l'efficacité des décisions dépendront de la volonté des États membres et de leur capacité à rechercher et à trouver des solutions.  Pour sa part, la Fédération de Russie y est disposée et prend déjà des mesures visant à renforcer la sécurité mondiale et régionale dans tous ses aspects.


M. Ivanov a ajouté que la Fédération de Russie continuerait de prendre des mesures visant à réduire la menace nucléaire.  Elle est disposée dès à présent à entamer des négociations avec les États-Unis sur l'élaboration d'un traité START-III de limitation des armes stratégiques.  La Russie propose que des réductions du nombre d'ogives stratégiques plus importantes soient effectuées dans le cadre du nouveau traité, de façon à ramener ce nombre à 1500 ogives au lieu des 2000 à 2500 initialement prévu.  Mais il ne s'agit pas d'une limite: la Russie est disposée à envisager une réduction encore plus importante.  Le Ministre russe des affaires étrangères a souligné que les progrès importants dans le domaine du désarmement ne peuvent être réalisés qu'à condition que le Traité ABM de 1972 sur les missiles antimissiles, l'un des piliers du système actuel de limitation des armements et de désarmement, soit maintenu et renforcé.  La Russie estime qu'il est nécessaire de reprendre le dialogue sur cette question avec la nouvelle administration des États-Unis.  Citant Sénèque, M. Ivanov a rappelé que «Certains remèdes sont plus dangereux que la maladie».


La Russie propose une alternative à un système national de défense anti-missile : un train de mesures constructives, politiques et diplomatiques visant à dissiper les préoccupations que les États-Unis ne sont pas seuls à avoir en ce qui concerne les nouvelles menaces posées par la mise au point de missiles tout en préservant le Traité ABM.  Parmi ces mesures M. Ivanov a mentionné la création, par les États-Unis et la Russie, d'un centre d'échange d'informations sur les lancements de missiles, dont le siège serait à Moscou; l'initiative sur le système de surveillance mondiale de la non-prolifération des missiles et des techniques balistiques; et une coopération internationale dans le domaine des missiles opérationnels tactiques, entamée par le biais d'accords entre Moscou et Washington entre 1997 et 2000, qui soit élargie, ouverte à tous les États.


Le Ministre russe des affaires étrangères a déclaré que son pays est disposé à coopérer activement avec les autres États membres de la Conférence afin d'oeuvrer en faveur du désarmement nucléaire conformément à ses obligations en vertu de l'article IV du Traité sur la non-prolifération nucléaire.  À cet égard, la Russie appuie la création d'un organe subsidiaire de la Conférence chargé d'examiner la possibilité de mener des discussions élargies sur la question problématique du désarmement nucléaire.  En outre, le moment est venu de rétablir le Comité spécial chargé d'élaborer un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destiné es à la fabrication d'armes nucléaires, dont le mandat avait déjà été accepté en 1995.  Il est également essentiel que la Conférence poursuive ses travaux sur un accord concernant les garanties négatives de sécurité en faveur des États non dotés d'armes nucléaires.  La Russie, comme la majorité des pays, appuie le commencement, dès que possible, de négociations de fond à la Conférence du désarmement sur la prévention de la course aux armements dans l'espace, rappelant que le Président russe, M. Vladimir Poutine, a proposé la convocation, au printemps 2001, d'une Conférence internationale sur la question, sous les auspices des Nations Unies.  Il a souligné la nécessité d'un «filet de sécurité juridique» dans ce domaine et d'efforts de coopération pacifique entre les agences spatiales.  Des avancées dans ces domaines créeront les conditions favorables à des progrès dans d'autres domaines, notamment le renforcement des régimes de non-prolifération et de contrôle des exportations, la prévention de la proliférations d'armes de petit calibre et d'armes légères et l'interdiction de certains types des mines.


M. HORACIO EMILIO SOLARI (Argentine) a déclaré que son pays partageait pleinement les objectifs de l'immense majorité des membres de la communauté internationale en ce qui concerne la non-prolifération nucléaire, ainsi que de ceux qui cherchent à parvenir à un monde sans armes nucléaires et dans lequel les avantages des utilisations pacifiques de la technologie nucléaire seront à la portée de tous.  L'Argentine participe aux efforts en faveur du désarmement et de la non-prolifération des armes de destruction massive parce qu'elle estime qu'elles mettent en péril la planète dans son entier.  Elle est convaincue que sa politique claire et engagée dans ce domaine contribue à l'amélioration de la sécurité dans le monde en général et dans les diverses régions en particulier, tout en augmentant les possibilités de croissance et de développement.  M. Solari a fait valoir que l'Argentine a adopté une politique nucléaire commune avec le Brésil et que les deux pays ont fourni à la communauté internationale des garanties quant à l'utilisation à des fins exclusivement pacifiques de leurs programmes nucléaires respectifs, ouvrant en même temps des perspectives importantes de coopération régionale en la matière.


M. Solari a fait observer que, dans de nombreuses parties du monde, l'accroissement de tensions régionales favorisent des courses aux armements qui nuisent au développement des peuples concernés.  En Amérique latine, des mécanismes de coopération ont été créés pour interdire les armes de destruction massive dans la région et adopter des mesures de renforcement de la confiance.  Une nouvelle politique de sécurité et de défense se met en place dans le Cône sud, fondée sur la défense de valeurs communes.  Il a fait valoir que la sécurité future dépendra d'une combinaison d'initiatives et de mesures régionales et mondiales soigneusement équilibrée.


S'agissant des travaux de la Conférence du désarmement, M. Solari a averti que l'impasse dans laquelle elle se trouve a une incidence sur les objectifs de sécurité collective et de développement des pays.  L'Argentine estime que l'approbation d'un programme de travail fondé sur les propositions des ambassadeurs Dembri, Lint et Amorim compte avec l'appui de la l'immense majorité des États membres de la Conférence et constitue une bonne base de travail pour permettre à la Conférence de reprendre ses travaux.  Elle devra pour cela commencer ses travaux sur les questions de fond, du moins celles qui ne font pas l'objet de controverse.


Pour sa part, l'Argentine est partisane d'un désarmement nucléaire général et complet et son objectif est de parvenir à leur élimination totale.  Une série de mesures concrètes peuvent être prises dans un effort systématique et progressif pour mettre en oeuvre cet objectif : un appel à la ratification du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, afin d'obtenir son entrée en vigueur, et le commencement immédiat de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires en vue d'une conclusion dans les cinq ans.  L'Argentine estime par ailleurs que le problème de la de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique constitue l'un des principaux dé fis que doit affronter la communauté internationale en ce début de siècle et appuie la constitution d'un organe subsidiaire sur la question au sein de la Conférence.  Elle attache enfin une grande importance à la question de la transparence dans les armements, qui


est à même de contribuer au renforcement de la confiance et à prévenir une accumulation déstabilisatrice des armements.  À cet égard, le problème des armes légères exige un meilleur contrôle international de la production, du stockage et du transfert de ces armes et l'Argentine appuie pleinement la tenue, en juillet 2001, de la Conférence internationale des Nations Unies contre le trafic illégal d'armes de petit calibre et d'armes légères.


M. IAN SOUTAR (Royaume-Uni), exposant la position de son pays s'agissant des travaux de la Conférence du désarmement en 2001, a estimé que le débat général devait être l'occasion pour les États Membres d'exprimer leurs priorités en ce qui concerne l'ordre du jour de la Conférence avant d'entamer les travaux de fond.  Il a souligné que l'incapacité évidente de la Conférence à parvenir à un accord sur son programme de travail et l'impression d'immobilisme que laisse cette incapacité ne devrait pas occulter les progrès importants réalisés en 2000 pour adopter un programme de travail.  Ces efforts ont abouti aux propositions faites par le Président de l'époque, M. Celso Amorim du Brésil, dans le document CD/1620.  M. Soutar a estimé  que la Conférence était désormais prête à assumer ses responsabilités et à commencer ses travaux de fond.


Pour ce qui concerne le Royaume-Uni, la priorité demeure la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires permettant de mettre fin par des moyens juridiquement contraignants à la production de ces matières fissiles.  Avant de parvenir à une interdiction effectivement vérifiable des armes nucléaires, il faut des assurances qu'il n'y a aucune possibilité que de nouvelles matières fissiles soient produites pour la fabrication d'armes nucléaires.  De l'avis du Royaume-Uni, il ne saurait y avoir de progrès en matière de désarmement nucléaire sans des avancées sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles.


M. Soutar a noté que d'autres délégations accordent un rang de priorité élevé à la question de la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique.  Le Royaume-Uni n'estime pas que cette question soit, dans les circonstances actuelles, mûre pour des négociations.  Néanmoins, il est disposé à entamer des discussions.  En conclusion, M. Soutar a déclaré que le Royaume-Uni était disposé à accepter un programme de travail sur la base des propositions Amorim et a exprimé l'espoir que les délégations sont prêtes à faire des déclarations d'intention allant dans ce sens.


M. PETKO DRAGANOV (Bulgarie) a déclaré que son pays appuyait fermement tous les efforts, notamment dans le cadre de la Conférence du désarmement, tendant à parvenir à l'objectif d'une interdiction totale des mines terrestres antipersonnel.  Il a rappelé que la Bulgarie avait ratifié, en 1998, la Convention d'Ottawa et qu'elle a pris des mesures déterminées pour respecter ses engagements en vertu de cet instrument.  En 1999, le pays a adopté un programme national pour la mise en oeuvre de la Convention d'Ottawa, qui prévoit notamment le déminage et la destruction des stocks de mines terrestres antipersonnel.  Ainsi, le 31 octobre 1999, les 68 champs de mines que comptait le territoire ont été déminés et près de 14 000 mines terrestres antipersonnel on été détruites sur le champ, libérant de mines plus de 54 km2.


M. Draganov a annoncé que, le 20 décembre 2000, deux ans avant l'échéance qui lui était fixée, la Bulgarie a détruit 881 970 mines terrestres antipersonnel, devenant ainsi un pays sans mines terrestres antipersonnel.  En conformité avec les dispositions de la Convention d'Ottawa, 4 000 mines terrestres antipersonnel n'ont pas été détruites afin de servir à la formation dans le domaine de la détection des mines, du déminage et des techniques de destruction des mines.


M. MAN-SOON CHANG (République de Corée), dans une déclaration d'adieu à la Conférence, a rappelé que la République de Corée était devenue membre de la Conférence en 1996 et qu'en tant que nouveau membre, elle avait nourri de grands espoirs que les activités de la Conférence connaîtraient une «prolifération».  En dépit d'un bon début en 1998, M. Chang n'a pu qu'assister à une «non-prolifération» d'activités au sein de la Conférence.  Si cette inertie traduit le fait que le monde est tellement sûr et en paix qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter, alors la Conférence peut être pardonnée de cet état des choses.  Il ne semble malheureusement que ce ne soit pas le cas : plusieurs points à l'ordre du jour devraient être examinés sans plus attendre, en particulier suite à la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération nucléaire qui s'est tenue l'an dernier.  Des craintes ont été exprimées que la Conférence pourrait être marginalisée ou pourrait totalement disparaître dans l'oubli si ses membres ne lui redonnaient pas l'élan nécessaire.  Ce qui manque actuellement à la Conférence, ce n'est pas la sagesse d'améliorer le libellé du programme de travail, mais la volonté politique d'avancer dans une situation complexe et changeante en matière de sécurité.  La Conférence est aujourd'hui à la croisée des chemins et la voie à suivre est claire: celle qui privilégie le pragmatisme et le réalisme au détriment du dogmatisme et de l'extrémisme et dans laquelle la souplesse n'est pas considérée comme une défaite ou une humiliation.


M. ANEL ENRIQUE BÉLIZ, observateur de Panama, a souligné l'importance accordée par son pays aux efforts de la communauté internationale en vue de l'élimination des armes de destruction massive, et en particulier aux travaux de la Conférence du désarmement.  Il a rappelé que Panama était l'un des rares pays qui n'ont pas d'armée; c'est un pays pacifique, attaché aux efforts internationaux de désarmement et de limitation des armes de destruction massive.  Il estime que la possession de ces armes et la menace d'y recourir constituent une atteinte à la sécurité internationale.  Il a appelé à un effort collectif en vue de créer un climat favorable à la coopération en matière de désarmement dans le monde.


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