En cours au Siège de l'ONU

AG/COL/187

LES PETIONNAIRES DE GIBRALTAR REVENDIQUENT LEUR PLACE A LA TABLE DE NEGOCIATIONS SUR L’AVENIR DE LEUR TERRITOIRE

19/06/2001
Communiqué de presse
AG/COL/187


Comité spécial chargé d’étudier la

situation en ce qui concerne l’application

de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance

aux pays et aux peuples coloniaux

4eme séance – matin


LES PETIONNAIRES DE GIBRALTAR REVENDIQUENT LEUR PLACE A LA TABLE

DE NEGOCIATIONS SUR L’AVENIR DE LEUR TERRITOIRE


Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a procédé, ce matin, à l’audition de pétitionnaires de Gibraltar, et ce faisant, a entendu les déclarations du Ministre principal de Gibraltar, du Chef de l’opposition gibraltarienne et du représentant de l’Association de Gibraltar pour les Nations Unies.  Les trois orateurs ont d’abord réaffirmé le statut de colonie de Gibraltar en rejetant l’argument de l'Espagne selon lequel l'autodétermination de Gibraltar porterait atteinte au principe d'intégrité territoriale, consacré par la Charte des Nations Unies.  Les orateurs ont également rejeté l'interprétation de l’Espagne selon laquelle une clause du Traité d’Utrecht de 1713 – rétrocession par le Royaume-Uni de Gibraltar à l’Espagne- nierait le droit du peuple de Gibraltar à l’autodétermination.


Sur la question de l'intégrité territoriale de l'Espagne, les pétitionnaires ont souligné que Gibraltar n’est pas et n’est plus depuis deux siècles une partie de l’Espagne.  Ils ont rappelé le Comité spécial à ses obligations conférées par les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale.  A ce propos, ils ont vivement critiqué les différentes recommandations du Comité spécial qui appellent au dialogue entre le Royaume-Uni et Gibraltar.  Le Comité spécial n’est pas là pour concilier les positions entre ces deux pays mais pour faire avancer l’ordre du jour de la décolonisation », ont-ils souligné en demandant au Comité de recommander, cette fois, un dialogue entre ces deux pays auquel participeraient, « sur un pied d'égalité et en tant que voix  distinctes» les représentants de Gibraltar et ce, « pour trouver une solution conforme au droit inaliénable du peuple de Gibraltar à l’autodétermination ».


Un processus de décolonisation basé sur le principe d’intégrité territoriale et non pas d’autodétermination a été énoncée par les Nations Unies dans une doctrine "claire et sans équivoque" a répondu la représentante de l’Espagne.  Elle a réaffirmé que la question de Gibraltar devait être réglée par des négociations entre l’Espagne et le Royaume-Uni tel que recommandé depuis 1973 par l’Assemblée générale des Nations Unies, en rappelant les termes de la Déclaration conjointe signée à Bruxelles en 1984 qui fixe le cadre du processus de négociation sur l’avenir de Gibraltar.


Sur recommandation du représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Comité spécial a décidé de suspendre l’examen de la question de Gibraltar jusqu’à sa prochaine session dans l’attente d’un projet de résolution en cours de préparation.  Le Conseil de sécurité s'apprêtant à examiner le rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un referendum au Sahara occidental (MINURSO), le Comité a décidé de reporter l’examen de la question.


Le Comité poursuivra ses travaux jeudi 21 juin à une heure qui sera annoncée dans le Journal.



Document de travail établi par le Secrétariat sur Gibraltar (A/AC.109/2001/10)


Le rapport contient six chapitres concernant la situation politique, la situation économique, la situation sociale, l’examen de la question par l’ONU et le statut futur du territoire.  En ce qui concerne le dernier chapitre, il est indiqué que depuis l’année dernière, des ministres et des hauts fonctionnaires du Royaume-Uni et de Gibraltar se sont rencontrés régulièrement.  Selon le Gouvernement de Gibraltar, le Comité spécial sur la réforme constitutionnelle récemment créé est chargé de parvenir à un consensus sur les propositions constitutionnelles à soumettre au Royaume-Uni et qui seraient de nature à mettre un terme au statut colonial de Gibraltar dans des conditions acceptables pour son peuple exerçant son droit à l’autodétermination.  Selon des médias britanniques et espagnols, un porte-parole du Foreign Office aurait réitéré que le Gouvernement du Royaume-Uni examinerait les propositions de réforme constitutionnelle soumises par Gibraltar en ajoutant que toute proposition devait se conformer aux obligations internationales, y compris le Traité d’Utrecht de 1713, signé entre l’Espagne et le Royaume-Uni.  


Au cours de la même période, aucune réunion ne s’est tenue dans le cadre du processus établi par le communiqué conjoint de Bruxelles en date du 27 novembre 1984.  Lors de la dernière réunion tenue le 10 décembre 1997, le Ministre espagnol des affaires étrangères a présenté une offre officielle au Gouvernement britannique concernant le statut futur de Gibraltar en vertu de laquelle le territoire passerait sous souveraineté espagnole mais conserverait un degré d’autonomie politique et administrative.


Déclarations


M. PETER RICHARD CARUANA, Ministre principal de Gibraltar, a, une nouvelle fois, réfuté les arguments de l’Espagne selon lesquels Gibraltar n’est pas une colonie et que comme tel son peuple ne peut prétendre à l’autodétermination.  Gibraltar est un territoire non autonome qui a été placé sur la liste pertinente par le Royaume-Uni, a rappelé le représentant.  Le territoire est une colonie, a-t-il insisté en arguant que même la déclaration, faite l’année dernière par l’Espagne devant le Comité spécial, faisait bien ressortir la qualité de colonie de Gibraltar.  Rappelant les arguments qu’il a avancés l’année dernière devant ce même Comité, le représentant a souligné qu’il ne peut exister aucun système de décolonisation qui pourrait remplacer l’exercice par un peuple de son droit à l’autodétermination.  Répondant à l’argument de l’intégrité territoriale avancé par l’Espagne, le représentant a indiqué que Gibraltar n’est pas et n’est plus depuis deux siècles partie intégrante de l’Espagne. 


Si les Nations Unies réaffirment le droit inaliénable à l’autodétermination de tous les peuples des territoires non autonomes, aucun signe pourtant n’est venu du Comité spécial pour aider la population de Gibraltar à exercer ses droits, a regretté le représentant en ajoutant que « le Comité spécial écoute certes mais ne fait rien de concret ».  Ce Comité, a-t-il poursuivi, se contente d’appuyer un processus de négociations stérile entre la puissance administrante, le Royaume-Uni et l’Espagne.  Le Comité spécial continue d’ignorer l’argument de Gibraltar selon lequel on ne peut encourager un dialogue duquel seraient exclus les représentants de Gibraltar.  Le Comité spécial a été créé pour aider les peuples des territoires


non autonomes et non pour équilibrer les positions de l’Espagne et du Royaume-Uni et encore moins pour trancher entre ces deux protagonistes, a souligné le représentant.  Poursuivant, il a dénoncé les ambitions territoriales de l’Espagne qui se complait dans la confusion entre la décolonisation et les différends territoriaux.


Commentant les travaux du Séminaire régional de la Havane, le représentant a regretté que l’esprit de ses propos n’ait été reflété dans le texte final contrairement aux propos de l’Espagne et de l’Argentine.  Le Comité doit organiser ce genre de séminaires pour défendre les territoires non autonomes et non pour encourager les ambitions de certains Etats Membres, a encore dit le représentant.  « Si vous êtes d’accord avec nous dites le et si vous avez des doutes mettez-nous à l’épreuve.  Si vous avez des doutes, du point de vue du droit international, du droit de Gibraltar à l’autodétermination alors saisissez la Cour internationale de justice.  Si les doutes subsistent, envoyez une mission à Gibraltar afin de procéder à une analyse de la situation », a dit le représentant en interpellant le Comité.  Ces appels, a-t-il estimé, ont toujours été ignorés tout comme la demande visant à établir un plan d’action pour le territoire.


La réalité est qu’un Etat Membre ou un autre a « une dent contre les territoires non autonomes ». Le Comité doit se libérer de l’influence qu’exercent sur lui certains Etats membres, a dit le représentant.  La réalité est que ce n’est pas la puissance coloniale qui refuse l’autodétermination de Gibraltar mais c’est bien l’Espagne qui essaye d’intimider cette puissance par des menaces politiques conformes aux propos du Ministre espagnol des affaires étrangères qui déclarait « des liens de plus en plus étroits existent entre le Royaume-Uni et l’Espagne mais Gibraltar continue d’entraver un développement plus avant des relations bilatérales qui pourraient se détériorer si le Royaume-Uni modifiait le statut colonial de Gibraltar d’une manière contraire au Traité d’Utrecht ». 


Le Gouvernement de Gibraltar n’est pas opposé à un dialogue avec l’Espagne, a conclu le représentant en appelant le Comité spécial à recommander qu’aucun dialogue n’intervienne, à propos d’un territoire non autonome, entre la puissance et tout autre Etat membre sans la présence et la participation d’un représentant de ce territoire.  Le Comité spécial devrait donc recommander, sans préjudice de l’applicabilité du droit à l’autodétermination, un dialogue entre le Royaume-Uni, l’Espagne et Gibraltar afin de parvenir à une solution conforme au respect du droit des peuples à l’autodétermination.


Commentant les propos du Ministre principal, le représentant de Grenade a souhaité savoir à quel moment il a été possible au peuple de Gibraltar d’exprimer son désir d’autodétermination. Répondant à cette question, le Ministre principal a indiqué qu’en 1967, le peuple a pu se prononcer, dans le cadre d’un referendum, entre le maintien des liens avec le Royaume-Uni et l’intégration à l’Espagne.  Ce peuple, a souligné le représentant, n’a jamais eu la possibilité de se prononcer sur d’autres options. Le représentant a donc rejeté l’idée que les choix offerts au peuple de Gibraltar se limitent à l’alternative de 1967.


M. JOSEPH JOHN BOSSANO (Chef de l’opposition) a regretté que l’Espagne continue de tout mettre en oeuvre pour nier l’existence de Gibraltar en tant que peuple autonome et bloque la participation de ce territoire à des manifestations internationales.  Le pétitionnaire a rappelé que, lors du séminaire de Cuba, le représentant de l’Espagne avait comparé la situation de Gibraltar à celle de Guantanamo pour Cuba avant de faire observer que les Nations Unies ne reconnaissent pas Guantanamo comme territoire non autonome alors que c’est le cas pour Gibraltar.  Il a ajouté que le processus de négociations encouragé entre le Royaume-Uni et l’Espagne, notamment par le processus de Bruxelles, ignore le droit à l’autodétermination du peuple de Gibraltar et assujettit ce peuple à une puissance étrangère, à savoir l’Espagne.  Il a appelé l’Espagne à renoncer à sa politique et souhaité que le Comité s’engage à protéger les droits du peuple de Gibraltar dans son plan d’action pour la deuxième Décennie internationale pour l’élimination du colonialisme et mette fin à une injustice de 37 ans. 


Intervenant à son tour, le représentant de Grenade s’est dit impressionné par les propos du Chef de l’opposition de Gibraltar et a ajouté qu’il fallait songer à des modalités nouvelles concernant l’autodétermination.  Il a estimé que Gibraltar devrait prendre part aux négociations dans le cadre du processus de Bruxelles qui ne peut se limiter uniquement à l’Espagne et au Royaume Uni.  Reprenant la parole, M. Bossano a déclaré que Gibraltar ne voulait pas être, à la fin de cette deuxième Décennie, le seul territoire encore colonisé et a souhaité que le message du peuple de Gibraltar soit compris par la communauté internationale.  Le Président du Comité, s’exprimant au nom de sa délégation, la Côte d’Ivoire, a assuré les représentants de Gibraltar que le Comité était sensible et attentif à cette question tout en rappelant qu’elle n’en demeure pas moins complexe et qu'elle exige du temps. 


M. BRYAN ZAMMIT, au nom de l’Association de Gibraltar pour les Nations Unies, a estimé qu’en tant qu’Etat membre des Nations Unies, l’Espagne a l’obligation, en vertu de la Charte des Nations Unies, de défendre les droits de l’homme.  Or, a-t-il dit, le peuple de Gibraltar a toujours été abusé politiquement sans pour autant que le Royaume-Uni ou l’Espagne ne reconnaisse les dommages moraux, sociaux et économiques qu’ils ont causés à ce peuple.  Le Royaume-Uni ne remplissant pas son devoir, le peuple de Gibraltar ne peut, en raison de son statut de colonie, défendre sa cause.  S’adressant au Comité spécial, le représentant lui a rappelé son obligation de promouvoir les vœux des peuples qui ont sollicité son aide.   Le Comité, a-t-il dit, n’est pas là pour plaire à l’Espagne ou au Royaume mais pour défendre le peuple de Gibraltar et tous les peuples des territoires non autonomes qui se sentent impuissants face aux grandes puissances qui les administrent.   Il est triste, par conséquent, de voir les dirigeants politiques de Gibraltar se présenter tous les ans devant ce Comité sans que leurs revendications ne soient prises en compte, a ajouté le représentant. 


Il est ironique, a-t-il poursuivi, de voir l’Assemblée générale adopter une résolution sur le dialogue entre les civilisations alors même qu’un Etat membre continue d’écouter les pétitionnaires pour mieux défendre sa violation flagrante de cette résolution et des autres droits de l’homme fondamentaux.  Le fait que l’Espagne soit présente dans cette salle est une totale injustice et un irrespect total vis-à-vis des Nations Unies et du peuple de Gibraltar.  “Je vous demande d’oublier vos intérêts politiques et d’accomplir le mandat que l’on vous a confié.  Ne me laissez pas partir avec l’impression embarrassante et frustrante que l’ONU est complètement incompétente et qu’elle aligne sa position sur celle des grandes puissances et de leurs intérêts politiques.  Venez à Gibraltar, rencontrez son peuple et constatez vous-mêmes la situation dans laquelle vit le peuple.  Je vous exhorte à lancer le processus de décolonisation de Gibraltar une fois pour toutes”, a conclu le représentant.


MME ANA MARIA MENENDEZ (Espagne) a regretté qu’à l’aube de la deuxième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme la question de Gibraltar soit toujours une question coloniale, ajoutant que l’Espagne ne renoncerait jamais à recouvrer la souveraineté sur le territoire.  La représentante a déclaré que la revendication espagnole concerne le Rocher, cédé par le traité d’Utrecht, ainsi que l’Isthme, occupé illégalement par le Royaume-Uni.  Elle a rappelé que Gibraltar fait l’objet d’un conflit de souveraineté entre deux Etats, le Royaume Uni, comme puissance coloniale, et l’Espagne, sur le territoire duquel cette colonie a été établie. 


La représentante a ensuite rappelé qu’une doctrine claire et sans équivoque avait été énoncée au sein des Nations Unies sur la question de Gibraltar qui exige notamment du Royaume Uni qu’il mette fin à sa présence coloniale à Gibraltar et prévoit un processus de décolonisation basé sur le principe d’intégrité territoriale et non pas d’autodétermination.  Par ailleurs, la représentante a déclaré que la question de Gibraltar devait être réglée par des négociations entre l’Espagne et le Royaume-Uni tel que recommandé depuis 1973 par l’Assemblée générale des Nations Unies.  Rappelant les termes de la Déclaration conjointe signée à Bruxelles en 1984 qui fixe le cadre du processus de négociation sur l’avenir de Gibraltar, la représentante a réaffirmé la détermination de son gouvernement à travailler avec le Comité et le Royaume-Uni afin de mettre fin à une situation qui affecte l’unité nationale et l’intégrité territoriale de l’Espagne. 


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