LES GOUVERNEMENTS CHERCHENT DES STRATEGIES POUR LUTTER CONTRE LES ESPECES EXOTIQUES ENVAHISSANTES
Communiqué de presse PNUE/37 |
LES GOUVERNEMENTS CHERCHENT DES STRATEGIES POUR LUTTER
CONTRE LES ESPECES EXOTIQUES ENVAHISSANTES
Montréal/Nairobi, le 9 mars 2001 – Des représentants de 180 gouvernements membres de la Convention sur la diversité biologique se réunissent à Montréal du 12 au 16 mars afin d’étudier les meilleurs moyens de détecter, d’éradiquer et de contrôler les espèces qui franchissent les océans et autres obstacles naturels pour coloniser de nouvelles régions où elles menacent les plantes et animaux locaux ainsi que les écosystèmes.
«Depuis quelques siècles, les espèces exotiques envahissantes ont causé des préjudices incalculables tant aux écosystèmes naturels qu’aux économies humaines», affirme Klaus Toepfer, directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement.
«Dans le monde hautement intégré qui est le nôtre, ajoute-t-il, où le tourisme et le commerce offrent aux espèces indésirables de plus en plus d’occasions d’auto-stop vers de nouveaux foyers, nous avons un urgent besoin d’un système international plus efficace pour endiguer la marée des espèces non autochtones nuisibles.»
La réunion examinera 17 projets de principes directeurs visant à orienter l’action contre les espèces exotiques envahissantes. Ces principes portent sur des sujets tels que l’approche de précaution, l’approche par écosystème, les contrôles aux frontières et les mesures de quarantaine, les introductions intentionnelles et accidentelles, l’éradication, le contrôle et le confinement. La réunion étudiera aussi des rapports nationaux qui font état des efforts en cours et présentent des études de cas.
«Les rapports confirment le fait : les espèces exotiques envahissantes sont un problème majeur pour la gestion de la diversité biologique», indique Hamdallah Zedan, secrétaire exécutif de la Convention. «La difficulté vient de ce que la plupart des pays ne disposent que de ressources très limitées pour affronter ce problème. Une plus grande collaboration et un renforcement des capacités accru seront essentiels.»
La sixième réunion de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (SBSTTA) étudie également une série d’autres problèmes relatifs à la diversité biologique, notamment la diversité biologique marine et côtière, les systèmes d’eaux intérieures, les évaluations scientifiques, l’Initiative mondiale en matière de taxonomie, la diversité biologique et les changements climatiques, et les espèces migratoires. L’Organe subsidiaire présentera ses conclusions et recommandations à la sixième réunion de la Conférence des Parties, en avril 2002, à La Haye.
Fiche documentaire pour la presse
Comment les espèces exotiques menacent la vie indigène
La diversité biologique mondiale est une immense ressource sous-évaluée. La diversité biologique comprend toutes les formes de vie, du plus petit microbe au plus gros animal, ainsi que les écosystèmes qu’elles composent. Elle procure à l’humanité une grande quantité de produits et de services, depuis la nourriture, l’énergie et les fibres jusqu’aux gênes qui nous aident à contrôler les parasites et les maladies. Elle sous-tend également les processus naturels qui aident à contrôler l’érosion du sol, à purifier l’air et l’eau et à recycler le carbone et les éléments nutritifs.
Les menaces qui pèsent sur la diversité biologique n’ont jamais été aussi importantes qu’aujourd’hui. Les activités humaines affectent la répartition et l’abondance des espèces, les systèmes écologiques et la variabilité génétique, et minent ainsi les bases de la vie partout à travers le monde.
Les espèces exotiques envahissantes sont considérées comme la menace la plus importante à la diversité biologique après la destruction des habitats. La Convention de 1992 sur la diversité biologique aborde maintenant l’impact des espèces exotiques sur la diversité biologique forestière et agricole, les eaux douces et marines, les régions côtières, les zones arides et sub-humides.
Qu’est-ce que les espèces exotiques envahissantes?
Tous les écosystèmes – depuis les forêts et les prairies jusqu’aux marais et aux zones côtières – sont vulnérables aux espèces exotiques envahissantes. Tous les pays du monde ont subi des invasions. Les régions isolées, telles les îles, sont particulièrement vulnérables.
On utilise pour désigner les espèces exotiques différents qualificatifs, souvent interchangeables : espèces non autochtones, introduites, non indigènes, étrangères, espèces nuisibles, espèces agressives, espèces parasites, espèces nocives. Voici quelques exemples de ces espèces et des dommages qu’elles peuvent causer:
· Les poissons introduits peuvent éliminer les espèces indigènes et réduire la diversité biologique. On a calculé que 20 pour cent des espèces de poissons d’eau douce sont menacées d’extinction dans un proche avenir, si la situation actuelle n’est pas corrigée.
· Les espèces végétales envahissantes recouvrent environ 100 millions d’acres aux États-Unis et occupent chaque année trois millions d’acres additionnels, soit deux fois la superficie de l’État du Delaware. Les agriculteurs américains dépensent chaque année des milliards de dollars en pesticides pour détruire les plantes et mauvaises herbes envahissantes.
· Le pseudococcide de l’hibiscus, Maconellicoccus hirsutus, a envahi les Caraïbes et s’attaque à toute une série de plantes, entre autres des arbres fruitiers et forestiers.
· Un ver qui s’attaque au maïs, Diabrotica virgifera, a été introduit accidentellement dans les Balkans à la fin des années 1990 à l’occasion du conflit; ce parasite est en train de se répandre et il menace la production de maïs de la région.
· La grande lamproie marine a provoqué l’effondrement des stocks de truites et d’autres poissons dans les Grands Lacs. Le Canada et les États-Unis dépensent 13 millions de dollars par année pour essayer de contrôler ce parasite.
· On dépense chaque année 4,5 millions de dollars pour mettre en œuvre un programme inter-agences complet pour prévenir la propagation du serpent brun sur l’île de Guam.
· La Weed Science Society of America classe comme mauvaises herbes quelque 1200 espèces végétales au Canada et aux États-Unis. De ce nombre, aux États-Unis 65 pour cent environ ne sont pas indigènes.
· Dans les îles Galapagos – site du Patrimoine mondial reconnu pour être une vitrine naturelle de l’évolution – le nombre des plantes introduites est presque aussi élevé que celui des plantes indigènes à cause des prédateurs mammifères herbivores ainsi que des insectes et des plantes qu’on y a introduits.
· Dans la partie eurasienne de l’Arctique, le chien viverrin exotique, Nyctereutes procyonoides, se multiplie et consomme de grandes quantités de petits mammifères. Il répand aussi la rage.
· Dans le désert de Thar en Inde, la Prosopis a déplacé d’autres éléments de la flore régionale, tandis que la même espèce introduite dans une zone semi-aride du Sri Lanka au début des années 1950 est devenue envahissante et menace sérieusement la diversité biologique des seules terres humides recensées dans ce pays par la Convention de Ramsar.
Les voies d’invasion
Les espèces exotiques envahissantes sont parfois introduites dans l’environnement de manière intentionnelle. Entre autres exemples, citons les agents de luttes biologique contre les parasites, et les espèces exploitées en agriculture, en foresterie, en horticulture et dans les pêcheries. Des espèces exotiques pénètrent également dans l’environnement après avoir été placées en confinement ou en captivité à des fins de mariculture, d’aquaculture ou d’horticulture, dans des zoos ou des animaleries ou pour la recherche scientifique.
Les introductions accidentelles sont le résultat du transport, du commerce, des voyages et du tourisme. Les espèces exotiques peuvent s’accrocher aux navires, aux avions, et être portées par les touristes et autres voyageurs, ainsi que sur le bois d’œuvre, les denrées et autres produits d’exportation.
Les activités humaines ont largement contribué à faciliter les déplacements des espèces nuisibles. L’expansion du commerce international des fruits de mer et des animaux de compagnie, par exemple, leur procure des routes additionnelles.
Environ 80 pour cent de toutes les marchandises sont transportées par bateau : les chaînes de leurs ancres, leurs sédiments, leur eau de ballast et leurs coques transportent des organismes exotiques à la grandeur des océans.
Les organismes marins, en particulier, voyagent fréquemment d’un site à un autre grâce aux navires. Quelque 10 millions de tonnes d’eaux de ballast sont convoyées annuellement, et elles transportent diverses espèces marines. Les eaux de ballast jouent donc un rôle particulièrement important dans la répartition mondiale des micro-organismes et des maladies d’origine hydrique affectant les plantes et les animaux.
Les impacts environnementaux
Effets sur les écosystèmes : Les espèces exotiques envahissantes peuvent modifier les niveaux de luminosité, réduire le taux d’oxygène dissous dans l’eau, changer la chimie et la structure des sols, et accroître le ruissellement de surface et l’érosion du sol. Plus important encore, les espèces exotiques peuvent affecter les processus écosystémiques tels que le cycle des éléments nutritifs, la pollinisation, la régénération des sols et les transferts d’énergie. Elles peuvent également altérer les régimes de perturbation des écosystèmes, comme la fréquence, la diffusion et l’intensité du feu, et faire obstacle à l’écoulement de l’eau.
Effets sur les espèces indigènes: Les envahisseurs peuvent faire concurrence aux biotes indigènes, les déplacer, les consommer, agir comme parasites ou transmettre des maladies, réduire la croissance et le taux de survie, provoquer le déclin ou l’extinction de populations locales voire d’espèces entières, et déraciner ou endommager des plantes.
Effets sur la diversité génétique: Les espèces exotiques envahissantes peuvent réduire la diversité génétique en provoquant la disparition de populations génétiquement distinctes, la perte de gènes et de complexes génétiques, et l’hybridation ou le croisement des espèces introduites avec les espèces locales.
Les retombées économiques
L’estimation des coûts économiques causés par les espèces exotiques envahissantes varie grandement. Elles coûteraient chaque année quelque 123 milliards de dollars à l’économie des États-Unis, et elles viennent immédiatement après la destruction des habitats comme menace à la survie des espèces autochtones. Les écologistes en concluent que les invasions biologiques présentent un trait particulier : une fois déclenchées, la plupart des dépenses relatives aux invasions s’auto-perpétuent : même si la source de l’introduction devient inopérante, les dommages causés par l’espèce envahissante peuvent se poursuivre et même s’accentuer avec le temps. Le tableau ci-dessous donne les coûts indicatifs de l’impact de certaines espèces envahissantes.
COUT INDICATIF DE L’IMPACT DE CERTAINES ESPECES EXOTIQUES ENVAHISSANTES
ESPÈCES
VARIABLE ÉCONOM.
IMPACT ÉCONOM.
RÉFÉRENCE
Centaurée noire et euphorbiacée feuillue
Impact sur l’économie de
trois États des USA
US$40,5 millions par année
en coûts directs
US$89 millions / c. indirects
Bangsund, 1999;
Hirsch & Leitch, 1996
Moule zébrée et autres
envahisseurs aquatiques
Dommages à des usines aux
USA et en Europe
Coûts cumulatifs 1988-2000=US$3,1-5,0 milliards
Khalanski, 1997;
Bright, 1999
Espèces végétales exotiques envahissantes les plus
dangereuses
Coûts du contrôle par
herbicides, 1983-92, en
Grande-Bretagne
Ancien (8 spp) US$152
millions/an; Moderne (4 spp) US$192 millions/an
Williamson, 1998
Six espèces de mauvaises herbes
Coûts pour les écosystèmes agricoles en Australie
US$105 millions/an
Watkinson, Freckleton
& Dowling, 2000
Pinus, Hakea, Acacia
Coûts de la réhabilitation des fynbos sud-africains
US$169 millions
Turpie & Heydenrych,
2000
Jacinthe d’eau (Eichornia crassipes)
Coûts dans 7 pays d’Afrique
US$71,4 millions/an
Kasulo, 2000
Lièvres
Coûts en Australie
US$373 millions/an
(agriculture)
White & Newton-
Cross, 2000
Crabe vert (Carcinus maenas)
Impact sur les pêches du
Pacifique Nord
US$44 millions/an en
Oregon et Washington
Cohen et al., 1995
Que peut-on faire?
Les invasions biologiques se produisent maintenant à l’échelle du globe. Elles semblent devoir connaître une augmentation rapide au cours de ce siècle par suite de leur interaction avec d’autres changements globaux provoqués par les êtres humains. La mondialisation croissante des marchés et la multiplication du commerce, des voyages et du tourisme introduisent de plus en plus d’espèces partout à travers le monde et augmentent du même coup le risque de bio-invasions dans tous les écosystèmes de toutes les régions du monde.
La meilleure façon de limiter l’impact des espèces exotiques envahissantes, c’est avant tout de prévenir l’invasion. Si la prévention échoue, l’éradication complète reste encore possible tout au début de l’invasion. La priorité devrait donc porter sur la prévention de l’introduction; si l’introduction a déjà eu lieu, des mesures devraient être prises pour empêcher l’installation et la diffusion. Là où l’éradication n’est pas possible ou économiquement réalisable, il faudrait envisager des mesures de confinement et de contrôle à long terme.
La collaboration entre pays et à l’intérieur de chaque pays est déterminante. La lutte contre les espèces exotiques envahissantes exige aussi de renforcer les partenariats entre propriétaires publics et privés, comme entre le gouvernement, l’industrie, le monde universitaire et les organisations non gouvernementales.
Pour de plus amples renseignements:
Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique
393, rue Saint-Jacques, Suite 300Montréal, Québec, Canada H2Y 1N9
Tél.: (514) 288-2220
Fax: (514) 288-6588
Courriel: secretariat@biodiv.org
Programme mondial sur les espèces envahissantes (GISP)
Coordonnateur du Programme
Herrin Hall, 481, Dept. of Biological Sciences
Stanford University, Stanford, CA USA 94305
Tél.: +01-723-5130
Fax: +01-723-9253
Courriel: Lneville@leland.stanford.edu
http://jasper.stanford.edu/GISP/
Union mondiale pour la nature (IUCN)
Rue Mauverney 28, 1196 Gland, Suisse
Tél.: ++41 (22) 999-0282
Fax: ++41 (22) 999-0025
Ecological Society of America, 1707 H St., NW, Suite 400, Washington, DC 20006. 202-833-8773. esahq@esa.org. http://esa.sdsc.edu.
National Fish and Wildlife Foundation, 1120 Connecticut Avenue, NW, Suite 900, Washington, DC 20036. 202-857-0166. http://www.nfwf.org. info@nfwf.org.
Environnement Canada
351, boulevard St-Joseph
Hull, Québec, K1A 0H3
Tél.: 819-997-2800 or 1-800-668-6767
Fax: 819-953-2225
Courriel: enviroinfo@ec.gc.ca
UNEP News Release 01/34F
Note à l’intention des journalistes: La réunion se tiendra à l’Édifice de l’OACI, à Montréal. Pour des entrevues ou un complément d’information, veuillez vous adresser à Arthur Nogueira au +1-514-287-xxx, télécopieur +1-514-288-6588, ou courriel Arthur.nogueira@biodiv.org. Les documents officiels et autres renseignements sont affichés à www.biodiv.org.
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