CPSD/208

QUATRIEME COMMISSION: DES DELEGATIONS CRAIGNENT QUE LE RENFORCEMENT DE LA CAPACITE DE MAINTIEN DE LA PAIX AFFECTE LES ACTIVITES DE DEVELOPPEMENT

9 novembre 2000


Communiqué de Presse
CPSD/208


QUATRIEME COMMISSION: DES DELEGATIONS CRAIGNENT QUE LE RENFORCEMENT DE LA CAPACITE DE MAINTIEN DE LA PAIX AFFECTE LES ACTIVITES DE DEVELOPPEMENT

20001109

Au cours du débat consacré à l’étude d’ensemble de toute la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects qu’a poursuivi, ce matin, la Quatrième Commission (questions politiques spéciales et de décolonisation), certaines délégations ont exprimé leurs craintes que le renforcement, notamment financier, de la capacité de maintien de la paix de l’Organisation se fasse aux dépens de ses activités de développement.

Dans ce contexte, le représentant d’El Salvador, tout en appuyant le processus visant à renforcer les capacités de maintien de la paix des Nations Unies, a exprimé la préoccupation de nombre de pays en développement quant à la priorité donnée, notamment en termes de ressources, aux opérations de maintien de la paix au détriment des activités de développement économique et social qui sont tout aussi prioritaires. A cet égard, il a expliqué qu’El Salvador ne serait pas en mesure d’accepter une augmentation de sa quote-part pour la répartition des dépenses des opérations de maintien de la paix qui détournerait des ressources consacrées aux activités de développement. Le représentant des Etats-Unis a, pour sa part, affirmé que de l’avis de sa délégation, la mise en œuvre des recommandations du rapport Brahimi pourrait avoir un impact positif sur tous les autres domaines d’activités de l’ONU.

Tandis que de nombreuses délégations ont appuyé les recommandations du rapport élaboré par le Groupe d’étude sur les opérations de paix de l’Organisation des Nations Unies, certains représentants se sont interrogés sur sa pertinence. A cet égard, le représentant de l’Inde a fait valoir qu’un examen des opérations de maintien de la paix de l’ONU doit, certes, prendre en compte le rapport Brahimi, qui est ambitieux, mais également celui du Secrétaire général sur les moyens de le mettre en application, ainsi que les rapports d'enquêtes sur Srebrenica et sur le Rwanda et les deux documents essentiels que sont l'Agenda pour la paix de 1992 et son Supplément de 1995. Cet examen d'ensemble est nécessaire, a insisté le représentant de l’Inde. De son côté, le représentant du Chili, tout en accueillant avec satisfaction bon nombre de propositions du Groupe d’étude, a fait observer que son rapport contient de nombreuses recommandations communes avec celui du Comité spécial des opérations de maintien de la paix. Il s’est ainsi interrogé sur la pertinence d’avoir prié le Groupe d’étude d’établir un rapport supplémentaire, tout en estimant que l’intérêt suscité par le rapport Brahimi constitue une leçon importante pour le Comité spécial et qu’il doit s’orienter davantage vers l’action.

Les représentants des délégations suivantes ont pris la parole: Slovaquie, Australie, Etats-Unis, Nigéria, Inde, République-Unie de Tanzanie, Fédération de Russie, République démocratique populaire lao, Liechtenstein, Botswana, Brésil, Uruguay, Kenya, El Salvador, Chili et République de Corée. L’Observateur permanent du Comité international de la Croix-Rouge a également participé au débat.

La Quatrième Commission reprendra ses travaux cet après-midi, à 15 heures.

ETUDE D'ENSEMBLE DE TOUTE LA QUESTION DU MAINTIEN DE MAINTIEN DE LA PAIX SOUS TOUS LEURS ASPECTS (Point 86)

Débat général

M. PETER TOMKA (Slovaquie) a réaffirmé que le maintien de la paix et de la sécurité internationales est et restera une des fonctions premières de l’Organisation des Nations Unies, ajoutant que les expériences et les réalisations de l’Organisation ont montré que, bien que les conflits aient pris diverses formes, les opérations de maintien de la paix constituent toujours un des éléments clés dont dispose l’ONU pour résoudre les conflits. Il a, d’ailleurs, insisté sur le fait que le besoin d’une capacité de maintien de la paix n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. Il a estimé que le rapport du Groupe de travail dirigé par M. Brahimi a clairement attesté que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix travaille dans la bonne direction au renforcement et à l’amélioration de l’efficacité des opérations de l’ONU. Toutefois, diverses expériences amères qu’a connues récemment l’ONU, laissent entendre qu’il est essentiel de définir un mandat réalisable pour les missions, car ce n’est qu’avec un mandat adéquat et des ressources appropriées que les missions des Nations Unies peuvent réussir. M. Tomka a estimé qu’il revient au Conseil de sécurité de formuler clairement le mandat des missions, car la Charte présente plusieurs moyens pour résoudre les conflits. Il a indiqué qu’un mandat réalisable ne peut être élaboré que par une étroite collaboration entre le Conseil de sécurité et les pays contributeurs de troupes.

M. Tomka a estimé que l’ONU devrait, dans toute la mesure du possible, agir quand cela lui est demandé et faire de son mieux. Pour éviter les problèmes après le déploiement d’une mission il faut qu’elle s’assure que les troupes déployées soient équipées et formées de façon pertinente. Il a demandé au Secrétariat de trouver les moyens nécessaires pour y parvenir et aux Etats Membres de participer activement à la fourniture de contingents. La Slovaquie, membre actif des opérations de maintien de la paix depuis son admission à l’ONU il y a sept ans, dispose d’un centre de formation en matière de déminage et d’une grande expertise dans ce domaine et elle est prête à coopérer à ce sujet. M. Tomka a par ailleurs mis l’accent sur la question des retards des remboursements aux pays fournisseurs de contingents, estimant que cela affecte leur volonté de participer aux missions. Il a également estimé que des questions de budget ne devraient pas empêcher des opérations de maintien de la paix, exprimant l’espoir que l’on trouve un mécanisme pour mettre en place un système financier efficace et transparent pour financer ces opérations.

M. ROD SMITH (Australie) a fait observer que le nombre croissant d’opérations complexes et difficiles ces dernières années a mis à l’épreuve les ressources du Département des opérations de maintien de la paix et la volonté des Etats Membres d’y contribuer. Les mandats du Conseil de sécurité se sont révélés insuffisants tout comme, l’ont été dans certains cas, les ressources disponibles pour certaines missions. Le rapport Brahimi a proposé une série de mesures permettant de corriger les défauts des opérations de maintien de la paix. Le fort consensus qui existe sur la question nous donne l’occasion de le faire. L’Australie est le 6ème contributeur et a tiré les leçons du passé. L’intervention militaire doit toujours être utilisée en dernier ressort. Lorsque les Nations unies sont déployées, les parties en litiges doivent être engagées en faveur de la paix et tenues pour responsables des actes qui la compromettrait. Les mandats du Conseil de sécurité doivent être clairs et une certaine souplesse doit régner pour pouvoir envisager des changements au cours du déroulement d’une mission. Les pays contributeurs doivent être parties au processus. Le déploiement doit être fait rapidement. A cet égard, l’idée d’établir des listes de réserves d’experts, militaires, de police civile ou autres, doit être examinée. Les mandats doivent être clairs, crédibles et réalisables. Les Nations Unies et les Etats Membres doivent prendre un engagement soutenu et important. Ces changements exigeront un investissement en ressources et une volonté politique soutenue. Les ressources sont d’une importance vitale. L’Organisation des Nations Unies doit être capable de mener au moins trois missions en même temps. Il faut créer des mécanismes propres à répondre aux besoins, notamment en termes de personnels. Le Secrétariat doit avoir la capacité de planification stratégique nécessaire afin d’évaluer les risques. Une augmentation des ressources doit s’accompagner de meilleurs systèmes de gestion. A cet égard, le représentant a salué bon nombre des recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général et présentées par M. Guéhenno, notamment en ce qui concerne les ressources supplémentaires pour augmenter le personnel. L’Australie est fortement décidée à saisir l’occasion qu’offre le rapport Brahimi pour apporter de grands changements dans la manière avec laquelle l’Organisation des Nations Unies gère le maintien de la paix, a-t-il conclu.

M. JAMES B. CUNNINGHAM (Etats-Unis), a affirmé que les Etats-Unis ne pensent pas, à l’instar de certaines délégations, que la mise en oeuvre des recommandations du rapport Brahimi pourrait avoir des effets négatifs sur les activités de développement et de lutte contre la pauvreté de l’Organisation. Au contraire, a-t-il poursuivi, ma délégation est d’avis que le renforcement des capacités de l’ONU dans ce domaine ne peut avoir qu’un impact positif sur tous ses autres domaines d’activités. Le représentant a rappelé que ce rapport plaide pour la mise en place d’une capacité efficace de déploiement rapide, tout en ajoutant que le Comité spécial des opérations de paix, en avril dernier, a lui aussi entériné dans son rapport plusieurs éléments critiques dans ce domaine. Le représentant a notamment fait observer que le Comité spécial a plaidé en faveur d’une amélioration des capacités de planification et de gestion des opérations de maintien de la paix, de l’élaboration d’une capacité de déploiement rapide, d’une utilisation plus efficace de la Base de soutien logistique de Brindisi. En outre, le Comité, a-t-il poursuivi, a également mis l’accent sur le fait qu’il n’existe pas de formule magique pour remédier au problème de la volonté politique.

M. Cunningham, remerciant le Secrétaire général de l’initiative qu’il a prise de commander une étude au Groupe d’experts, a estimé que ce rapport offre aux Etats Membres l’occasion de travailler de manière plus efficace. Les Etats- Unis, a-t-il déclaré, appuient, par ailleurs, les recommandations faites par le Comité spécial, au printemps dernier. Revenant sur les moyens proposés pour améliorer les opérations de maintien de la paix de l’Organisation, le représentant a notamment cité certaines recommandations: la définition de mandats clairs, des consultations plus fréquentes et précoces avec les Etats contributeurs de troupes, le renforcement des ressources, une meilleure sélection du personnel de commandement et l’amélioration des capacités de déploiement rapide, le renforcement de la coordination et la mise en place de flux d’informations continus, le renforcement des contingents de police civile d’un point de vue quantitatif et structurel. Le représentant a affirmé qu’il convient de s’attaquer sans plus tarder à ces propositions prioritaires mises en avant par le Comité spécial et le Groupe d’étude, estimant que la capacité de l’ONU à progresser dépendra de la volonté des Etats à aller de l’avant. Il a ajouté que la recherche de solutions idéales et parfaites, dans ce domaine, ne doit pas empêcher l’Organisation de prendre des décisions importantes, car cela aurait pour conséquence de mettre en danger des vies sur le terrain et d’affecter la crédibilité de l’Organisation. Le représentant a réaffirmé que la capacité de maintien de la paix de l’ONU est par définition une responsabilité collective qui est indispensable. Il a rappelé que l’occasion se présente aujourd’hui à eux et qu’il leur incombe de choisir de s’en saisir. Il a conclu en rappelant que l’objectif du maintien de la paix est de prévenir l’impact dévastateur des conflits sur les vies humaines, ou d’y remédier. Il a cité l’exemple du Mozambique, où une opération de maintien de la paix réussie a permis de rétablir une situation stable générant un des taux de croissance économique les plus importants du continent africain.

M. J. K. SHINKAIYE (Nigéria) s’est félicité des recommandations contenues dans le rapport Brahimi, en particulier les aspects visant à protéger et à maintenir l’intégrité des forces de maintien de la paix des Nations Unies, à assurer un déploiement rapide, ainsi que les ressources nécessaires au succès des opérations de maintien de la paix. La plupart de ces recommandations figurent déjà dans le rapport du Comité spécial des opérations de maintien de la paix. On ne peut que réaffirmer l’importance des recommandations formulées dans le rapport Brahimi et dans celui du Comité spécial, puisqu’en dépit des efforts inlassables déployés par les Nations Unies et les autres organisations régionales, le théâtre des conflits continue de s’étendre. Tandis que les vieux conflits se poursuivent, de nouveaux conflits de dimensions complexes éclatent, notamment entre Israël et la Palestine et en Sierra Leone. Considérant que l’on aura toujours besoin des forces des Nations Unies pour faire face à ces crises, M. Mbanefo a jugé essentiel que l’ONU prenne des mesures concrètes. Sa délégation estime que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies ne peuvent réussir que si l’on adopte une stratégie globale prévoyant la prévention des conflits, le maintien et la consolidation de la paix. A cet égard, M. Mbanefo a souligné le principe de régler les différends par des moyens pacifiques, avant qu’ils ne s’aggravent, notamment par la médiation, les bons offices et les missions d’établissement des faits dans la région où la crise a éclaté. Le Nigéria appuie le renforcement des mécanismes d’alerte rapide pour la prévention des conflits. En outre, considérant que la pauvreté est une cause inhérente de la plupart des conflits, la délégation nigériane appuie également la participation des institutions de Bretton Woods et des autres organes des Nations Unies chargés de la prévention des conflits ainsi que du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration des anciens combattants après les conflits.

Tout en soulignant qu’un mandat ferme, clair, crédible et réalisable est la clef du succès de toute mission de maintien de la paix, M. Mbanefo a appelé à ce qu’on implique les pays fournisseurs de contingents dans des consultations aussitôt qu’une mission de maintien de la paix est décidée en vue de leur permettre d’accéder à l’information nécessaire pour prendre des décisions appropriées concernant leur participation. Tout en réaffirmant qu’il incombe en premier lieu aux Nations Unies de garantir le maintien de la paix et de la sécurité, le Nigéria estime que la contribution importante des organisations régionales permettra également au Conseil de sécurité et aux Nations Unies de formuler la stratégie appropriée pour faire face aux défis dans les régions en conflit. A cet égard, M. Mbanefo a rappelé la coopération qui a été établie entre la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le Conseil de sécurité, en particulier en ce qui concerne la situation en Sierra Leone.

M. KAMALESH SHARMA (Inde) a déclaré s'associer à la déclaration faite au nom du Mouvement des non-alignés par le représentant de la Jordanie. Le représentant a rappelé que son pays a constamment joué un rôle actif dans les opérations de maintien de la paix et ce, depuis leur origine. Les forces armées indiennes ont donc un demi-siècle d'expérience dans ce domaine. Cet engagement de l'Inde ne s'est pas affaibli et continuera. L'Inde a donc un grand intérêt au renforcement de toutes les manières possibles des opérations de maintien de la paix.

Le rapport Brahimi est ambitieux et doit être examiné attentivement, tout comme le rapport du Secrétaire général sur les moyens de le mettre en application, a déclaré M. Sharma. En même temps, un examen des opérations de maintien de la paix doit également prendre en compte les rapports d'enquêtes sur Srebrenica et sur le Rwanda ainsi que ces deux documents essentiels que sont l'Agenda pour la paix de 1992 et son Supplément de 1995. Cet examen d'ensemble est nécessaire, a expliqué le représentant, car les recommandations du rapport Brahimi diffèrent parfois de celles des deux Secrétaires généraux, dont les positions, particulièrement celles de M. Boutros-Ghali, ont évolué du fait d'expériences difficiles. Les Etats Membres doivent tenir compte de ces opinions contradictoires avant de prendre une décision.

L'Inde, a rappelé M. Sharma, a demandé pourquoi le rapport Brahimi traitait des "opérations de paix" plutôt que des "opérations de maintien de la paix". On nous a dit que la question était essentiellement sémantique, mais ce n'est pas le cas, a-t-il ajouté. Il existe de longue date une divergence d'opinion entre Etats Membres, et au sein du Secrétariat, sur l'étude de la notion de maintien de la paix Cette divergence remonte à la rédaction de l'agenda pour la paix, quand le précédent Secrétaire général, prié par le Conseil de sécurité en 1992 de préparer un rapport sur la diplomatie préventive, le rétablissement de la paix et le maintien de la paix, ajouta ce qu'il appela "Un concept étroitement lié, celui de la construction de la paix en période d'après-conflit". Pourtant, dans le Supplément de 1995, le Secrétaire général a reconnu que ce dernier concept ne pouvait pas faire partie des opérations de maintien de la paix. L'Inde a toujours pensé que les opérations de maintien de la paix, quelle que soit leur complexité, sont et doivent être distinctes de la construction de la paix en période d'après- conflit, laquelle dépend de l'Assemblée générale, a déclaré M. Sharma. Cette position a toujours été celle du Mouvement des non-alignés, a-t-il ajouté. Or, le rapport Brahimi en revient à la position première de l'Agenda pour la paix, qui n'avait pas été accepté par l'Assemblée générale et dont le précédent Secrétaire général, tirant les leçons de l'expérience, s'était finalement éloigné.

M. Sharma a affirmé qu'il ne suffirait pas, en cas de crise menaçant une opération de maintien de la paix quelque par, d'y injecter davantage de personnel de manière urgente. S'il se nourrit de cette illusion, le Secrétariat pourrait bien, quand la crise reviendra, voir le blâme retomber entièrement sur lui, a-t-il averti. Pour l'Inde, nombre de crises ont été causées du fait que des opérations de maintien de la paix ont été créées ou arrêtées sur décision du Conseil de sécurité. Cela s'est produit au Rwanda, en Somalie et en République démocratique du Congo. Il y a eu absence de volonté politique et le Conseil de sécurité, dans chacune de ces situations, a agi comme il l'a fait par choix. Le problème qui est au centre des opérations de maintien de la paix ne pourra être corrigé que lorsque le Conseil de sécurité aura été réformé et rendu plus représentatif, a affirmé M. Sharma. Alors que le tiers monde domine l'agenda du Conseil de sécurité, les

pays en développement ont peu de poids dans les décisions de ce dernier, qui dépendent essentiellement des souhaits des membres permanents, dont le monde en développement est exclu. Il est vrai que le rapport Brahmi ne pouvait traiter de ce problème primordial, qui n'entrait pas dans le cadre de son mandat.

M. Sharma a ensuite exprimé de nombreux doutes sur les conséquences d'une acceptation du rapport Brahimi par l'Assemblée générale. Pour lui, il est douteux qu'une telle acceptation signifie que les opérations de maintien de la paix seraient désormais mises en place quand cela est nécessaire. Il est douteux que les analyses et recommandations du Secrétariat concernant ces opérations s'en trouvent plus objectives. Il est douteux également que les concepts d'opération soient désormais définis seulement par le Secrétariat. A cet égard, et prenant l'exemple de la Sierra Leone, le représentant a cité le problème de crises provoquées du fait de l'arrivée sur le terrain de contingents mal entraînés, mal équipés et mal préparés. Malheureusement, il y a peu de chances que la situation change. En effet, le nombre de pays disposant d'armées professionnelles prêts à contribuer aux opérations de maintien de la paix est limité et très peu de pays développés sont prêts à risquer leurs troupes. Ensuite, le Secrétariat estime désormais que, au moins pour certaines opérations, il est politiquement important de faire appel à des troupes de pays de la région, ce que l'Inde ne considère pas comme l'approche optimale. Il est douteux aussi que l'acceptation du rapport signifierait que désormais, seuls des contingents bien entraînés, bien équipés et disciplinés seraient envoyés dans les opérations de maintien de la paix.

Le représentant a également relevé que les dispositions du rapport Brahimi, pour lequel les Nations Unies, quand elles envoient des forces pour maintenir la paix, doivent être préparées à faire face à des forces de guerre et de violence et être en mesure de les vaincre, est en contradiction ouverte avec l'expérience des Nations Unies en tant qu'institution, avec celles des pays contributeurs de troupes, et avec les recommandations personnelles tant de l'actuel Secrétaire général que de son prédécesseur. Il a rappelé notamment que le Supplément de l'Agenda pour la paix mentionnait comme essentiel au succès de certaines opérations de maintien de la paix le respect de certains principes, dont "le consentement des parties, l'impartialité, et le non recours à la force, sauf en cas de légitime défense". Il a également cité le rapport d'enquête, plus récent, sur Srebrenica.

Malgré les dénégations du rapport sur la mise en œuvre du rapport Brahimi, ce que ce dernier recommande est bien un changement fondamental dans les principes, qui permettrait aux contingents des opérations de maintien de la paix de faire usage de la force, a affirmé M. Sharma. Or, ce changement est un retour à des politiques qui ont été testées brièvement et sans succès avant même que les événements de Somalie démontrent leur défaut de conception. Un tel changement pourrait nous jeter dans des crises plutôt que de les résoudre, a ajouté le représentant. Pour M. Sharma, le Conseil et le Secrétariat devraient surtout, dans la préparation et la modification des mandats des opérations, consulter étroitement les pays contributeurs, qui ont une expérience acquise sur le terrain.

Le représentant a également fait état des problèmes de coordination sur le terrain entre unités de pays différents, qui parfois ne parlent pas la même langue. Ces problèmes ont été aggravés durant les dernières années du fait d'abord d'une approche de combat au sein du Département des opérations de maintien de la paix, et ensuite de la baisse de qualité des contingents fournis.

M. Sharma a jugé spécieux les arguments du rapport Brahimi selon lequel il faut renforcer considérablement le Département des opérations de maintien de la paix au motif qu'aucun Etat n'accepterait d'envoyer des troupes nombreuses sur le terrain en l'absence de quartier général bien équipé pour les orienter et les soutenir. L'argument peut être retourné, a-t-il fait remarquer: aucun gouvernement n'aurait attendu d'une brigade d'infanterie qu'elle "tienne" la moitié nord de la Somalie, comme on l'a demandé à une unité indienne de l'ONUSOM. L'Inde, a-t-il a expliqué, n'est évidemment pas opposée à un renforcement du Département des opérations de maintien de la paix, ni du Département des affaires politiques, mais elle renâcle à gaspiller les ressources de l'Organisation, ne veut pas réinventer les opérations de maintien de la paix dans une forme qui a déjà été essayée et qui a échoué, ni mettre en place des structures qui ne sont pas nécessaires.

M. M. W. MANGACHI (République-Unie de Tanzanie), s’est associé à la déclaration prononcée par le représentant de la Jordanie au nom du Mouvement des non-alignés. Revenant sur le rapport du Groupe d’étude sur les opérations de paix, il a évoqué les conséquences très graves que peut revêtir le manque d’action et de décision rapide de la part du Conseil de sécurité en cas de conflit, citant notamment le cas de Srebrenica et au Rwanda, exemples lamentables de l’inaction du Conseil. Il a déploré, à cet égard, un manque de volonté politique pour déployer une opération de maintien de la paix en République démocratique du Congo, tout en exprimant l’espoir que les Etats Membres prendraient la décision de s’engager dans ce pays. Le représentant a, par ailleurs, plaidé en faveur de la définition de mandats clairs et adéquatement financés, avant le déploiement de missions, affirmant que les mandats devraient être établis après consultations avec le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays fournisseurs de troupes, de même que lorsque que l’on change le mandat d’une mission en cours.

Le représentant a estimé qu’au vu de la nature des conflits actuels, il est indispensable que les contingents soient entraînés et formés de façon pertinente. A cet égard, il a salué les propositions de certains Etats Membres visant à mettre en place un collège de formation permanent. Il a souligné la nécessité d’une coopération, dans ce domaine et dans d’autres secteurs, entre l’ONU et les organismes régionaux. Il a notamment mis l’accent sur l’importance d’une coopération entre l’ONU et l’OUA, et ce, étant donné le nombre de conflits existants sur le continent africain. Il a suggéré de mettre en place des programmes de formation, des conférences et des séminaires plus nombreux afin d’accroître les capacités de l’Afrique dans le domaine du maintien et de la prévention de la paix et de renforcer le mécanisme de prévention des conflits de l’OUA. Il a conclu en mettant l’accent sur l’importance de la diplomatie préventive et sur la nécessité de mettre en place des mécanismes de prévention des conflits, tels que des missions d’établissement des faits, des systèmes d’alerte précoce, de même que des mesures d’établissement de la confiance, qui sont moins onéreux que les missions elles-mêmes.

M. GUENNADI M. GATILOV (Fédération de Russie) a exprimé sa reconnaissance à M. Guéhenno pour son exposé. Il a déclaré que les opérations de maintien de la paix restent à ce jour un des instruments les plus efficaces de gestion des crises. Il est cependant indispensable de procéder à un processus d’adaptation de ces opérations sur la base des principes de la Charte des Nations Unies. Il a réaffirmé la primauté du Conseil de sécurité en matière de décisions relatives au déploiement d’opérations de maintien de la paix. Lorsque ce principe est oublié, le règlement politique connaît des déconvenues, a-t-il expliqué. Le Conseil de sécurité, qui a la responsabilité première du maintien de la paix, a seul la légitimité indispensable pour prendre une décision qui entraîne un acte de coercition. Toute opération ne serait acceptable que sous la forme d’une décision du Conseil de sécurité. Le représentant a par ailleurs réaffirmé le besoin de rechercher une solution politique aux conflits. A cet égard, il a estimé qu’il convient de prévoir des éléments de diplomatie préventive et de reconstruction post-conflit. Il a expliqué que la Fédération de Russie ne peut accepter l’idée d’une ingérence humanitaire car elle y voit une tentative de détourner les principes de la Charte. Il faut plutôt inclure une composante humanitaire au sein des opérations de maintien de la paix. Il a indiqué que le rapport Brahimi est au cœur du débat et a appuyé la plus grande partie de ses recommandations. Il a estimé que bon nombre d’entre elles sont justifiées et présentent un caractère d’urgence. Ces réformes doivent être mises en place avec soin, car elles ne doivent pas être contre productives. Il a indiqué que pour sa délégation des doutes persistent quant aux procédures d’achat et de gestion des dépenses des opérations de maintien de la paix. Il convient également de réfléchir aux conséquences financières de la mise en œuvre des recommandations du rapport Brahimi.

Le représentant a appuyé l’idée que le renforcement des capacités des Nations Unies doit s’accompagner du relèvement des capacités militaires de l’Organisation. Il a attiré l’attention sur le fait que le Comité d’Etat major doit aider le Conseil de sécurité pour toutes les questions d’ordre militaire afin d’exploiter le potentiel analytique des Etats Membres quant il s’agit d’élaborer les composantes politiques et militaires des opérations de maintien de la paix.

MME PHAVANH NUANTHASING (République démocratique populaire lao) a déclaré faire siennes les observations du représentant de la Jordanie qui a parlé au nom du Mouvement des pays non alignés. Elle s’est dite concernée par les opérations de maintien de la paix, bien que son pays ne soit pas contributeur de troupes, et a souhaité faire son possible pour aider les Nations Unies à maintenir la paix et la sécurité internationales en vue de construire un vingt-et-unième siècle plus paisible et plus prospère. Pendant les cinq dernières décennies, les Nations Unies ont contribué de façon significative au règlement pacifique des différends internationaux, mais il reste de nombreux problèmes complexes à résoudre, a-t-elle fait remarquer. Elle est cependant convaincue que les leçons tirées des expériences passées aideront l’Organisation des Nations Unies à intensifier ses efforts de réaction rapide face aux situations de crise.

Elle a souligné l’importance du respect de certains principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies, tels que la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats. Elle a ajouté qu’elle était également attachée à l’impartialité et au non-usage de la force en dehors des cas d’autodéfense. A son avis, les opérations de maintien de la paix doivent recevoir des mandats et des objectifs clairement définis, ainsi que des structures de décision et des ressources financières adéquates. Au sujet de la crise financière que traversent actuellement les Nations Unies, particulièrement dans ce domaine, elle a appelé tous les Etats Membres à honorer leurs dettes à l’égard des obligations mises à leur charge par la Charte, en payant leurs cotisations en totalité et sans condition. Elle a rappelé que les Nations Unies doivent 736 millions de dollars aux pays fournisseurs de contingents et de matériels, ces pays étant pour la plupart des Etats en voie de développement pénalisés par la défaillance d’autres Etats. En ce qui concerne le renforcement de la capacité des Nations Unies à réagir aux crises internationales en temps voulu, Mme Nuanthasing a apprécié l’Arrangement relatif aux forces en attente, mais a considéré que les efforts futurs en ce domaine devraient être fondés sur le développement des systèmes existant plutôt que sur de nouveaux, vu la crise financière actuelle. Elle s’est félicitée des consultations informelles menées par le Groupe d’experts sur les opérations de maintien de la paix et par la mise en œuvre du rapport du Secrétaire général, dont les recommandations sont complètes et concrètes. Cependant, a-t-elle ajouté, certaines recommandations devraient être clarifiées et les consultations devraient se poursuivre sur ces questions. Elle a conclu en exprimant ses vœux que les délibérations de la Quatrième Commission aboutissent à des actions réalistes et efficaces pour renforcer les opérations de maintien de la paix.

MME CLAUDIA FRITSCHE (Liechtenstein) a félicité le Secrétaire général pour avoir demandé à un Groupe d’étude un rapport sur le maintien de la paix. Elle a exprimé le soutien de sa délégation aux initiatives déjà prises par le Secrétaire général pour mettre en œuvre les recommandations du rapport Brahimi et a indiqué que sa délégation est consciente que cette mise en œuvre implique que les Etats Membres prennent des mesures législatives. Elle a expliqué que le Liechtenstein est un petit pays sans force armée et par conséquent non contributeur de contingent. Elle a estimé que la question des ressources est centrale dans le domaine du maintien de la paix. Elle a rappelé que son pays a payé entièrement et dans les délais ses contributions au budget ordinaire et au compte d’appui pour les opérations de maintien de la paix depuis son admission en tant que membre des Nations Unies il y a dix ans. Elle a estimé que ce comportement devrait devenir la règle, plutôt que l’exception, afin de promouvoir le rôle de l’Organisation dans le maintien de la paix. Elle a estimé que l’insuffisante capacité d’appui aux opérations de paix du Siège est une question à laquelle il convient de trouver une solution de manière urgente et elle s’est félicitée des recommandations du rapport Brahimi dans ce sens. Elle a appuyé l’idée selon laquelle les ressources supplémentaires allouées au maintien de la paix ne doivent pas l’être aux dépens des activités de développement. Le développement et le maintien de la paix sont complémentaires, plutôt que concurrents, a-t-elle déclaré. Elle a par ailleurs estimé qu’un élément clé du succès du maintien de la paix est la prévention des conflits. Elle a indiqué que sa délégation est sensible aux préoccupations exprimées par certains pays, en particulier les petits Etats, quant à la préservation du principe de souveraineté. Toutefois, a-t-elle expliqué, l’action préventive ne constitue pas une atteinte à la souveraineté mais plutôt la reconnaissance de notre responsabilité collective. Elle a estimé que le concept de prévention reflète un changement doctrinal qui ne se limite pas au domaine des conflits armés. Il est l’expression de la volonté de répondre d’éliminer les conséquences désastreuses des conflits en termes sociaux, économiques et humains et d’arriver à des résultats extraordinaires avec un minimum de ressources et à un coût minimal. La représentante a indiqué que s’attaquer aux causes des conflits issus des aspirations à l’autodétermination est un moyen pacifique et dynamique de parvenir à des solutions politiques durables.

Elle s’est félicitée des recommandations du Groupe d’étude et a souligné l’importance de prendre des mesures pour corriger la sous-représentation des femmes dans les opérations de maintien de la paix et diplomatie préventive, au niveau des Envoyés spéciaux et des Représentants spéciaux du Secrétaire général. Elle a estimé qu’il convient non seulement d’assurer la parité entre les sexes dans les activités de maintien de la paix des Nations Unies mais aussi de prendre conscience que les femmes et les enfants constituent une grande majorité des victimes des conflits armées. Elle a exprimé le soutien de sa délégation à l’appel de M. Guéhenno aux Etats Membres pour qu’ils proposent la candidature de femmes à tous les niveaux des opérations de maintien de la paix sur le terrain, y compris aux postes de haut niveau.

M. LEUTLWETSE MMUALEFE (Botswana) a souligné la complémentarité entre les rapports présentés par le Comité spécial et le Groupe d’études sur les opérations de paix des Nations Unies. Les deux rapports, a précisé le représentant, mettent l’accent sur l’édification des capacités, la mobilisation des ressources, la transparence et l’échange d’informations en tant que moteurs de l’efficacité accrue des opérations de paix. Le Botswana partage l’idée selon laquelle l’ONU intervient désormais davantage dans des conflits internes qui trouvent leur origine dans la combinaison de facteurs politiques, économiques et sociaux. Il en résulte une évolution de la nature même des opérations de maintien de la paix qui doivent désormais prendre en charge des fonctions inédites. La présence d’un plus grand nombre de personnel civil dans les missions accroît par ailleurs les responsabilités en matière d’administration et de gestion des ressources humaines, a ajouté le représentant. Dans ce contexte, il a estimé que les recommandations contenues dans le rapport Brahimi sont de la plus grande importance, particulièrement celles qui concernent l’édification de la confiance, l’augmentation des ressources financières et la mobilisation de la volonté politique des Etats membres. En effet, sans ressource financière suffisante et sans volonté politique réelle, l’Organisation ne parviendra pas aux résultats escomptés. Il relève donc de la responsabilité collective des Etats Membres des Nations Unies de faire en sorte que l’ONU soit capable d’exercer pleinement sa mission de maintien de la paix et de la sécurité. Cela ne pourra se faire sans que soit apporté un soutien supplémentaire au département des opérations de maintien de la paix, a réitéré le représentant.

Le représentant a, par ailleurs, souligné la nécessité de promouvoir la transparence et la coopération entre les différents organes des Nations Unies, estimant toutefois qu’une telle recommandation ne devrait pas être surestimée. Le Botswana se félicite des efforts déployés par le Secrétariat en vue de mettre en œuvre les recommandations touchant à la réforme des opérations de maintien de la paix. L’institutionnalisation de la coopération entre le Département des opérations de maintien de la paix, les institutions spécialisées des Nations Unies, les institutions de Bretton Woods et les organisations régionales est un pas dans la bonne direction qui ne peut être que couronné de succès.

M. GELSON FONSECA (Brésil) a dénombré cinq facteurs qui devraient être pris en compte pour renforcer les opérations de paix des Nations Unies. L’élément essentiel est la nécessité d’assurer une volonté politique forte du Conseil de sécurité, afin de pouvoir répondre de façon consistante aux situations de conflit. Ensuite, bien que le système de veto du Conseil de sécurité actuel ne soit pas légitime, à une époque où la démocratie est célébrée, cela ne devrait pas être pour autant un obstacle paralysant le travail des Nations Unies. En troisième lieu, la complexité de plus en plus grande des opérations de paix rend nécessaire la mise en place d’une stratégie coordonnée entre l’Assemblée générale, l’ECOSOC, les institutions humanitaires, les institutions des programmes de développement et celles de Bretton Woods. Le représentant a fait remarquer que cela s’applique aussi au Conseil de sécurité et aux pays fournisseurs de contingent. Ensuite, il a noté qu’il est indispensable d’améliorer les méthodes de prise de décision et, à cet effet, de mettre en œuvre immédiatement les recommandations du rapport Brahimi. Enfin, les Etats Membres doivent s’impliquer réellement sur le plan politique, notamment en appuyant lesdites recommandations, et les membres permanents du Conseil de sécurité doivent montrer l’exemple en assurant les ressources financières et en fournissant des troupes pour les missions de maintien de la paix.

Le représentant du Brésil a déclaré soutenir les concepts proposés par le rapport Brahimi sur des questions qui ne sont pas nouvelles. Il estime que ce rapport est rédigé avec soin et qu’il se conforme strictement aux principes de la Charte régissant les opérations de maintien de la paix, tels que l’accord des parties, l’impartialité et le non-usage de la force en dehors des cas d’autodéfense. Il a par ailleurs relevé l’existence de sujets controversés comme celui des missions d’établissement des faits, expliquant que celles-ci doivent toujours être subordonnées à l’accord des parties et ne doivent pas être imposées par une volonté autonome du Secrétariat ou du Conseil de sécurité. Il s’est également prononcé en faveur d’une augmentation des ressources et d’un renforcement du personnel du Département des opérations de maintien de la paix. De même, il souhaite plus de consultations de la part du Secrétariat et du Conseil de sécurité avec les pays fournisseurs de contingent. Enfin, il a souligné la nécessité de ne pas isoler le déploiement des opérations de paix de son contexte politique.

M. FELIPE PAOLILLO (Uruguay), s’est associé à la déclaration que fera le représentant de la Colombie au nom du Groupe de Rio, tout en estimant que les opérations de maintien de la paix de l’ONU en sont encore aujourd’hui à un stade expérimental. Il a expliqué à cet égard que depuis la création de l’Organisation peu de missions ont été déployées et qu’elles étaient très différentes les unes des autres. Dans ce contexte, il a engagé l’ONU à tirer profit des leçons apprises. Le rapport du Groupe d’étude, a-t-il poursuivi, ne constitue rien d’autre qu’un recueil de leçons et l’Uruguay appuie les recommandations qui s’y trouvent en matière d’amélioration de l’efficacité des capacités de maintien de la paix de l’ONU. Il a, en outre, exprimé son appui à la manière dont le Secrétaire général a commencé de mettre en œuvre certaines des recommandations du Groupe d’étude. Il a réaffirmé l’importance des consultations des pays membres contributeurs de troupes et du renforcement du dialogue entre le Conseil de Sécurité, le Secrétariat et ces pays. Le représentant s’est dit confiant dans le fait que le Secrétaire général adjoint trouvera un moyen de mettre en place un tel mécanisme de consultations, car il n’est pas juste que ces pays ne soient pas consultés en ce qui concerne l’élaboration ou la modification des mandats des missions.

Le représentant a, par ailleurs, rappelé que les pays en développement apportent 80% du total des troupes, avant d’évoquer la question de la capacité de réaction rapide. Il a estimé qu’il s’agit là d’un grand défi pour le Secrétariat, tout en félicitant ce dernier des efforts déjà déployés dans ce domaine. Le représentant a suggéré que sous le contrôle des Nations Unies, les organisations régionales puissent se voir confier un rôle important dans des opérations de maintien de la paix, ajoutant qu’il convient d’étudier les moyens dont on pourrait améliorer plus avant la coopération entre l’ONU et ces organisations. Il a souligné qu’il existe dans ces organisations régionales un énorme potentiel politique que l’on pourrait utiliser dans le domaine de la diplomatie préventive notamment, tout en regrettant que la possibilité d’un recours à ces organisations régionales par le Conseil de sécurité n’ait pas été très développée dans le rapport Brahimi. Le représentant a, par ailleurs, fait mention du coût de la mise en pratique des recommandations du Groupe d’étude, qui met les Etats Membres dans une position paradoxale, car s’ils appuient ces recommandations il leur faudra payer de plus grandes contributions. Il a proposé que toutes les activités ayant trait aux opérations de maintien de la paix soient financées par le budget des opérations de maintien la paix, plutôt que par le truchement du mécanisme de financement du budget programme biennal, ce qui écarterait ainsi la possibilité de voir une réduction des ressources allouées à d’autres domaines d’activités de l’Organisation.

M. FARES M. KUINDWA (Kenya) s’est associé à la déclaration faite par le représentant de la Jordanie au nom du Mouvement des pays non alignés. Il s’est félicité de la nomination d’un ressortissant kényen au poste de Commandant de la Force des Nations Unies en Sierra Leone. En tant que pays contributeur de contingents africains, le Kenya est convaincu que l’Afrique joue et continuera de jouer un rôle décisif sur le terrain. Il a exprimé sa préoccupation quant à l’hésitation de la communauté internationale à répondre aux crises sur ce continent avec la même rapidité de réaction que pour les autres parties du monde. A cet égard, il a appuyé l’appel que le Comité spécial a adressé au Conseil de sécurité pour qu’il formule un critère clair d’autorisation des opérations de maintien de la paix avec un engagement et un niveau d’intensité uniforme et égale quelle que soit la situation et sans regard de sa localisation géographique. Le Kenya appuie la recommandation du Comité spécial visant à ce que les opérations de maintien de la paix respectent strictement les principes de la Charte des Nations Unies et ne soient pas utilisées comme substitut à la lutte contre les causes profondes des conflits. On doit au contraire s’attaquer aux causes profondes des conflits d’une manière planifiée, coordonnée et globale avec les instruments politiques, sociaux et de développement appropriés. Le représentant du Kenya a exhorté le Conseil de sécurité à fournir aux missions des mandats clairs, crédibles ainsi que des structures de commandement appropriées et un financement garanti.

Pour ce qui est des consultations, tout en saluant les efforts du Conseil concernant les missions au Timor oriental et en Sierra Leone, le Kenya recommande que ces consultations soient institutionnalisées et que les pays contributeurs soient associés aux séances que le Secrétariat destine aux membres du Conseil de sécurité lorsque sont examinées des questions relatives à la sécurité du personnel de la paix qu’ils fournissent. Le Kenya a pris note de l’intention du Secrétaire général d’utiliser plus souvent les commissions d’établissement des faits et s’en félicite. Il appuie l’initiative visant à ce qu’une petite partie des ressources d’une mission soit fournie la première année au chef de la mission pour mettre en oeuvre des projets spécifiques. Le Kenya demande au Secrétaire général d’effectuer un examen d’ensemble du Département des opérations de maintien de la paix et appuie l’appel du Comité spécial visant à ce que cet examen se concentre sur la planification, la gestion et l’appui coordonné des opérations de maintien de la paix. M. Kuindwa a indiqué que sa délégation est sensible aux efforts visant à améliorer la formation des soldats de la paix et se félicite des efforts de l’Unité de formation du Département pour fournir les textes en plusieurs langues et pour inclure dans les programmes de formation la sensibilisation aux questions de sexospécificité. Concernant le remboursement des créances des pays fournisseurs de contingents, le Kenya apprécie les efforts déployés à cet égard par les Nations Unies mais reste préoccupé par les retards existants qui viennent réduire la capacité de ces Etats à contribuer aux opérations de maintien de la paix. A cet égard, il a appelé les Etats Membres à assumer leurs obligations en vertu de la Charte et ainsi à payer leurs contributions entièrement et dans les délais. Il s’est félicité de l’invitation du Secrétariat pour des contributions volontaires. Il s’est félicité également des efforts déployés pour accroître la capacité de maintien de la paix de l’Afrique et a accueilli favorablement les efforts du Secrétariat et de l’Organisation de l’unité africaine visant à établir un forum des Etats africains et non africains afin d’améliorer la coopération en matière de renforcement des institutions. Il a par ailleurs émis l’espoir que les parties concernées par les opérations de maintien de la paix feront tout pour assurer que le personnel de maintien de la paix des Nations Unies reçoive la protection nécessaire dans l’exercice de ses fonctions.

M.JOSE ROBERTO ANDINO SALAZAR (El Salvador) s’est associé à la déclaration que fera le représentant de la Colombie au nom du Groupe de Rio. Il a estimé qu’un des mécanismes essentiels pour mettre en œuvre les buts de l’Organisation des Nations Unies est le mécanisme des opérations de maintien de la paix. Il a fait observer qu’au cours de la décennie écoulée, les opérations sont devenues de plus en plus complexes et qu’il faut reconnaître que leur développement a été l’objet de critiques notamment au Rwanda, en Somalie et en Bosnie. Ces critiques, a-t-il déclaré, sont une invitation à réfléchir à l’amplitude et à la portée des mandats des missions des opérations de maintien de la paix. Evoquant le rapport Brahimi, il a indiqué que les recommandations du Groupe d’étude nécessitent l’appui des Etats Membres, notamment financier, pour améliorer la capacité des opérations de maintien de la paix. Il a fait observer que, bien que l’Amérique centrale et en particulier El Salvador aient bénéficié du soutien de l’Organisation par le biais d’opérations de maintien de la paix, les Etats de cette région sont inquiets de voir que ces opérations deviennent un point de priorité aux dépens des activités de développement économique et social. Il a évoqué l’initiative tendant à modifier les quotes-parts et a expliqué qu’en temps que pays en développement, El Salvador ne serait pas en mesure d’accepter une augmentation de sa quote-part qui de plus détournerait, selon lui, des ressources consacrés aux activités de développement.

Il a estimé que les conflits actuels sont néanmoins une réalité inéluctable qui rend nécessaire la formulation d’instruments de prévention et de consolidation après les conflits. Les opérations de maintien de la paix doivent être menées dans le strict respect des principes de la Charte des Nations Unies, et notamment sur la base de l’impartialité, du consentement des parties et du non-recours à la force. Les opérations de maintien de la paix doivent avoir des mandats clairs et crédibles pour avoir la légitimité nécessaire à l’accomplissement de leur mission. De plus, elles doivent bénéficier de l’appui financier et politique à même pour réaliser leurs mandats. A cet égard, a-t-il estimé, les Etats Membres, notamment les grands pays industrialisés, ont la responsabilité d’assumer de plus grandes obligations. Il convient d’apporter une attention égale à tous les conflits quelqu’en soit leur localisation géographique. Les Nations Unies doivent faire des efforts supplémentaires pour élaborer une politique globale pour la solution des causes profondes des conflits. A cet égard, a-t-il estimé, pour arriver à une paix et à une sécurité plus stables, il faut faire un investissement plus grand dans le développement.

M. CRISTIAN MAQUIEIRA (Chili) a rappelé que le Chili participe à la mission de l’Organisation au Timor oriental, ajoutant que son Président se rendra à Dili la semaine prochaine ce qui prouve l’attachement que son pays porte à cette mission. Il a, par ailleurs, indiqué que sa délégation s’associe à la déclaration prononcée par la Jordanie, au nom du Mouvement des non-alignés et par la Colombie, au nom des pays membres du Groupe de Rio. Concernant le rapport du Groupe d’étude des opérations de paix de l’ONU, il a noté le grand intérêt que ce document a suscité et que sa délégation partage. Mais, a-t-il fait observer, le rapport Brahimi contient un grand nombre de recommandations communes avec celui du Comité spécial des opérations de maintien de la paix. Etait-il alors pertinent d’avoir demandé un rapport supplémentaire au Groupe d’étude? Le représentant a estimé qu’il s’agit d’une leçon importante pour le Comité spécial qui doit s’orienter davantage vers l’action. Il a indiqué que sa délégation accueille toutefois avec satisfaction les recommandations du rapport Brahimi, estimant cependant que certaines d’entre elles méritent d’être étudiées plus avant.

A cet égard, le représentant a notamment fait mention de la recommandation concernant l’administration civile de transition et l’élaboration d’un code pénal, et a proposé d’évaluer l’opportunité d’élaborer un code pénal provisoire dans la mesure où les situations du Kosovo et du Timor oriental sont des cas extrêmes. Plus qu’un code pénal, il a estimé qu’il serait sans doute plus approprié de tirer les leçons de ces deux missions. Concernant l’appui logistique, il a proposé d’examiner plus à fond ces questions avec minutie et prudence, et ce, dans la mesure où les ressources de l’Organisation sont limitées. S’agissant de la mise en place d’un secrétariat d’information et d’analyse stratégique, il a demandé au Secrétariat de donner des éclaircissements sur les fonctions précises de ce nouvel organe. Le représentant a, par ailleurs, souligné l’importance de voir le Secrétaire général présenter un rapport au Comité spécial à sa réunion de février 2001, sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des propositions et sur les recommandations qui méritent d’être étudiées plus avant. Il a conclu en affirmant que le plus important est de faire du Département des opérations de maintien de la paix et des missions des moyens efficaces pour maintenir la paix et la sécurité internationales.

M. TAEMO KWON (République de Corée) a réaffirmé le fait que les opérations de maintien de la paix ont constitué, en certains lieux, un déplorable échec, estimant qu’il convient de faire un état des lieux précis pour y remédier. Il a indiqué que sa délégation appui bon nombre des recommandations du rapport du Groupe d’étude dirigé par M. Brahimi. Elle appuie notamment les propositions visant au renforcement des bureaux au sein du Secrétariat ou à l’expansion de bureaux existants, afin d’appuyer les opérations sur le terrain. Il a toutefois rappelé que l’augmentation des effectifs ne garantit pas forcément la réussite. Il a souligné l’importance de consulter les pays fournisseurs de contingents dans le processus de prise de décision relatif au déploiement de missions de maintien de la paix. Il a rappelé que les pays qui contribuent aux opérations doivent être consultés tout au long du processus de préparation et une fois la mission déployée. Le représentant a, par ailleurs, accueilli avec satisfaction l’examen d’un mécanisme de consultation par un groupe d’étude relevant du Conseil de sécurité. Il a conclu en exprimant l’espoir de voir prendre des mesures plus efficaces et plus solides pour assurer le succès des opérations de paix à l’avenir, affirmant que sa délégation est prête à participer aux débats qui se tiendront à ce sujet.

M. DANIEL HELLE, Observateur permanent du Comité international de la Croix- Rouge (CICR), a rappelé que le CICR est fortement convaincu qu’il convient de séparer clairement l’aide humanitaire de l’action politique et militaire, ajoutant qu’il est aussi important que cette aide soit perçue ainsi par les parties à un conflit. Il est revenu sur le fait que le CICR ne cesse de mettre l’accent sur cette question, notamment du fait des conditions de sécurité souvent insuffisantes qui prévalent dans l’environnement de travail des organisations humanitaires, estimant à cet égard que les missions de maintien de la paix des Nations Unies génèrent un environnement stable permettant à ces organisations de mener à bien leur tâche. Il a, toutefois, fait mention de cas dans lesquels le déploiement d’une mission est susceptible de conduire à une confrontation militaire avec un ou plusieurs protagonistes, pour lesquels les travailleurs humanitaires deviennent alors des cibles. C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, le CICR estime que la complémentarité des mandats et des activités devrait constituer la pierre angulaire de la coordination entre les organisations humanitaires et l’ONU. Cela, a-t-il poursuivi, passe par la nécessité d’articuler l’activité globale autour des mandats spécifiques et de l’expertise de chacun: on peut ainsi maximiser la protection des populations à risque. Il a rappelé que le CICR, en tant qu’institution humanitaire neutre, dispose d’une grande expérience en matière de protection des personnes privées de leur liberté. C’est pourquoi, l’Observateur a jugé important que les opérations de maintien de la paix de l’Organisation s’abstiennent de prendre des initiatives susceptibles d’affaiblir le rôle et la fonction du CICR, ajoutant que la confusion qui s’ensuivrait serait néfaste aux personnes dont il convient d’assurer la protection.

M. Helle a poursuivi en expliquant que le CICR, en se fondant sur sa volonté d’éviter toute confusion possible entre action humanitaire et action politique, est préoccupé par le recours au terme d’"impartialité" tel que défini dans le rapport du Groupe d’étude sur les opérations de paix de l’Organisation des Nations Unies. Il a évoqué la mention faite par le Groupe du fait que les Nations Unies pourraient être amenées dans certains cas à établir une distinction entre les parties à un conflit, entre agresseurs et victimes, définissant à cette fin l’impartialité comme "l’adhésion aux principes de la Charte et aux objectifs d’un mandat". A cet égard, l’observateur a mis l’accent sur le fait que le CICR estime que pour les organisations humanitaires le concept d’impartialité équivaut à la prise en compte et en charge de toutes les personnes en souffrance sans aucune distinction, et ce, en donnant la priorité à ceux qui sont dans une situation de plus grande détresse. Or, a-t-il conclu, donner une autre signification au terme d’impartialité pourrait compromettre la sécurité des travailleurs humanitaires et leur accès aux personnes auxquelles ils doivent venir en aide.

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