AG/SHC/506

LES DELEGATIONS RECONNAISSENT LA NECESSITE D'ADAPTER LE REGIME DE PROTECTION INTERNATIONALE DES REFUGIES AUX NOUVELLES SITUATIONS

7 novembre 2000


Communiqué de Presse
AG/SHC/506


LES DELEGATIONS RECONNAISSENT LA NECESSITE D’ADAPTER LE REGIME DE PROTECTION INTERNATIONALE DES REFUGIES AUX NOUVELLES SITUATIONS

20001107

La sécurité du personnel humanitaire est, de nouveau, au centre des débats

Dans le cadre des travaux en Troisième Commission sur les réfugiés, les rapatriés, les personnes déplacées et les questions humanitaires, les délégations se sont exprimées ce matin sur le statut et la protection des réfugiés ainsi que sur la question préoccupante de la sécurité du personnel humanitaire qui est au coeur des débats.

Le représentant du Togo a fait observer que les réfugiés d’Afrique ne reçoivent ni l’attention, ni les ressources comparables à l’assistance octroyée aux réfugiés des autres parties du monde. Il a affirmé que le monde entier a, ces derniers temps, retenu qu’aucun pays africain ne bénéficie de véritables programmes de rapatriement et de réinstallation comme ceux si généreusement financés au Kosovo, par exemple.

A la lueur des consultations en cours sur la Convention de 1951, l’observateur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pour sa part tenu à faire une mise en garde contre la tendance à assimiler, sur le plan de la protection, la situation des déplacés internes à celle des réfugiés. Certains aspects des régimes juridiques applicables à ces deux catégories sont différents, a-t-il expliqué. Faisant écho aux déclarations de la plupart des délégations, le représentant du CICR a ailleurs affirmé que la question de la sécurité des travailleurs humanitaires est au coeur des débats. A cet égard, il a rappelé que les attaques perpétrées contre les travailleurs humanitaires en tant que civils, sont considérées comme des crimes de guerre.

L’observateur de l'Organisation internationale des migrations a rappelé le rapport publié récemment par l'OIM sur le phénomène des migrations à l'échelle mondiale et régionale. Il a fait valoir que, dans ce contexte, il est d'autant plus difficile de gérer les flux migratoires tout en respectant les obligations humanitaires consacrées par le droit et la coutume internationaux. Le représentant a donc préconisé une approche intégrée des flux migratoires. La représentante de l'Egypte a appuyé cette démarche, mais elle a ajouté qu'il est en même temps nécessaire de respecter totalement la souveraineté et l'intégrité territoriale des Etats. Plusieurs délégations ont réaffirmé la validité de la Convention de 1956 relative au statut des réfugiés tout en soulignant que le régime de protection internationale doit être adapté à un environnement évolutif.

De son côté, la représentante de l’Australie a fait remarquer que les pays occidentaux dépensent chaque année au moins 10 milliards de dollars pour traiter les demandes des demandeurs d’asile et qu’un dixième de ce total permettrait de doubler le budget du HCR.

Les délégations des pays suivants ont participé au débat: Egypte; République-Unie de Tanzanie; Bélarus; Liechtenstein; Fédération de Russie; Guinée; Mexique; Venezuela; Australie; Togo; Ukraine; et Ex-République yougoslave de Macédoine.

Les observateurs du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont aussi pris la parole.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux cet après-midi à 15 heures.

MME NERMINE MITRY (Egypte) a déclaré que même si la communauté internationale rencontre un grand nombre d'obstacles dans la protection et le rapatriement des réfugiés, elle doit aussi consolider leur intégration après leur retour en toute sécurité dans leurs foyers. A cet égard, la représentante a souligné la responsabilité collective de tous les Etats Membres parties aux quatre Conventions de Genève de 1949. Elle a rappelé l'importance de caractère volontaire du retour et insisté sur la nécessité de traduire en justice tous les responsables des violations du droit international humanitaire. Mme Mitry a également affirmé que l'asile constitue l'un des droits fondamentaux de l'homme. Elle a souligné que la protection internationale signifie la garantie des droits fondamentaux des réfugiés, qui relève elle-même de la responsabilité des Etats. A cet égard, elle a souligné l'importance de la coopération et de la coordination, notamment entre les Etats concernés et les organisations compétentes des Nations Unies, en premier lieu, le Haut Commissariat des Nations Unies pur les réfugiés (HCR).

Mme Mitry a ensuite longuement évoqué les personnes déplacées en Afrique et dans le Moyen-Orient. Elle a affirmé que les Nations Unies doivent accorder la priorité au rapatriement des réfugiés palestiniens. Mme Mitry a ajouté que l'Egypte demande la mise en application de toutes les dispositions pertinentes et exige que les autorités israéliennes respectent les mesures garantissant les droits fondamentaux des Palestiniens, conformément à la légitimité internationale. Elle a conclu en affirmant que la communauté internationale doit adopter des approches intégrées pour l'action humanitaire, tout en respectant totalement la souveraineté et l'intégrité territoriale des Etats.

M. M.W. MANGACHI (République-Unie de Tanzanie) a rappelé que le HCR fête cette année ses 50 ans d'existence. Il a ajouté qu'il est difficile d'imaginer ce monde sans le Haut Commissariat étant donné le nombre de conflits et de réfugiés dans plusieurs régions. Le représentant a ensuite déclaré que son pays accueille des réfugiés depuis environ 40 ans et que la plupart d'entre eux ont fui des pays de l'Afrique australe et de la région des Grands Lacs. Certains ont choisi de retourner dans leur pays d'origine. La Tanzanie a accueilli ces réfugiés par souci humanitaire et en conformité avec ses obligations internationales.

Le représentant a cependant souligné que le Gouvernement et la population tanzaniens ont souffert des conséquences économiques, sociales et sécuritaires de cette hospitalité. Il a déclaré que les populations locales sont les premières à souffrir du fardeau, qui ne peut être exagéré, que représentent les réfugiés. Les Tanzaniens dans le pays ont souvent à partager leurs maigres ressources avant que les secours de la communauté internationale n'arrivent. Lorsque les camps de réfugiés ne sont pas suffisamment approvisionnés, la tension monte au sein de leur population, ce qui crée des situations potentiellement dangereuses.

Etant donné le lien direct entre les conflits et le nombre de réfugiés, la Tanzanie se trouve dans une situation très difficile. En effet, elle a dû accueillir plus de 800 000 réfugiés, a souligné le représentant. Il a convenu du fait que la protection des réfugiés doit être assurée mais a souligné le défi que cela représente pour les pays en développement. Dans ce contexte, le gouvernement apprécie l'assistance fournie par le Haut Commissariat et par des pays bailleurs

de fonds pour renforcer les capacités nationales en matière de sécurité. Le rapatriement, qui est la clef du problème des réfugiés, ne peut avoir lieu tant que les problèmes du pays d'origine n'ont pas été résolus, a rappelé le représentant. On ne peut trouver de solution durable à moins qu’un processus de réconciliation n’ait été engagé, a-t-il estimé. Une insertion locale dans le pays d’accueil ne peut être envisagée lorsque la population de réfugiés est trop importante mais une réinsertion dans un pays tiers peut être envisagée, a-t-il conclu.

MME ANZHELA KORNELIOUK (Bélarus) a déclaré que sa délégation se félicite de la teneur du rapport présenté par le HCR et des enseignements qu'on peut en tirer. Soulignant l'incidence négative des mouvements migratoires sur la société, notamment dans un pays comme le Bélarus, carrefour de flux migratoires, la représentante a affirmé qu'un nombre relativement élévé de migrants a des incidences sur les conditions de vie de la population de son pays. Elle a expliqué que le Bélarus compte 200 000 migrants, y compris les illégaux, sur une population de 10,3 millions d'habitants. Ainsi, le Gouvernement du Bélarus accorde une importance particulière aux problèmes des migrants en matière de respect du droit.

Evoquant la situation des réfugiés dans son pays, la représentante a indiqué que diverses mesures législatives ont été élaborées conformément aux instruments internationaux pertinents en la matière. Elle a ajouté que la majorité des demandes du statut de réfugié sont présentées par des ressortissants afghans. Mme Korneliouk a affirmé que ce n'est que grâce aux efforts coordonnés de la communauté internationale que l'on résoudra la question des réfugiés.

MME CLAUDIA FRITSCHE (Liechtenstein) a déclaré qu’au début d’un siècle nouveau, nous continuons à vivre une crise mondiale de personnes en mouvement révélée tant à travers les flux des personnes déplacées que ceux de réfugiés. Le système des Nations Unies qui n’a pas toujours été adéquatement équipé pour faire face à de telles situations de crises, nous devons collectivement surmonter les obstacles pour apporter une réponse rapide et efficace aux catastrophes humanitaires. A cet égard, elle a indiqué que le Haut Commissariat des Nations Unies, dans son rapport, a souligné plusieurs questions cruciales et a souhaité en relever quelques-unes.

La question de la sécurité, a t-elle déclaré, reste au premier de l’ordre du jour. Les années passées ont connu une prolifération de conflits armés internes et des situations d’urgence complexes, qui ont été l’un des éléments qui a entraîné les situations aux risques les plus élevés pour le personnel humanitaire dans le monde. Une action résolue doit être entreprise par les Nations Unies pour garantir la sécurité de ceux qui prennent des risques personnels pour assister les victimes dans des situations de crise humanitaire. Considérer les attaques du personnel humanitaire comme un crime de guerre conformément au Statut de la cour pénale internationale est une avancée importante, a-t-elle ajouté, en se réjouissant que le processus de ratification soit en bonne voix. La crise actuelle dans le domaine de la protection du personnel révèle le besoin d’une action du Secrétariat et les contraintes financières ne doivent pas entrer en ligne de compte dans la recherche d’une solution à la question de la sécurité. La crédibilité et l’efficacité des Nations Unies seront fortement affectées si ce problème n’est pas réglé de manière satisfaisante.

La représentante a insisté sur la nécessité d’accorder une plus grande attention aux situations des pays sortant de conflits. Concernant la question de la prévention, elle a souligné la nécessité d’une vraie volonté politique, et a indiqué qu’il faut définir un système d’alerte efficace et examiner très tôt les causes de conflits, car ce sont ces derniers qui engendrent les flux massifs de réfugiés. Le système des Nations Unies, a-t-elle indiqué, doit faire davantage pour traiter les situations dans lesquelles des demandes persistantes d’exercice du droit à l’autodétermination risquent de conduire à des conflits violents. La prévention signifie un changement d’approche, à savoir qu’il faut passer du réactif à l’actif. Dans la plupart des cas touchant au droit à l’autodétermination, il faut notamment initier un dialogue entre les deux parties concernées et retenir les intérêts des deux parties. Selon, la représentante, la plupart des catastrophes humanitaires pourraient ainsi être évitées. Le Liechtenstein poursuivra ses propositions à ce sujet.

M. DMITRY KNYAZHINSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que la protection des réfugiés incombe au premier chef aux Etats. Il a indiqué que le Gouvernement de la Fédération de Russie a ratifié la Convention de 1951 et au cours des années, a adopté des lois et créé des infrastructures permettant de garantir le respect des droits des réfugiés. Le représentant a réitéré l'attachement de la Fédération de Russie aux principes humanitaires internationaux concernant les réfugiés. Mais il a estimé que pour appliquer ces principes, il est nécessaire de renforcer l'action en faveur des réfugiés aux plans national, international et régional. Le représentant a en outre souligné la nécessité de parvenir à un équilibre entre la solidarité de la communauté internationale, qui se manifeste principalement à travers un soutien financier, et le respect de leurs responsabilités par chaque gouvernement.

Le représentant a estimé que le HCR doit rester l'institution principale pour répondre aux situations de crise dans lesquelles se produisent des mouvements de réfugiés. La délégation de la Fédération de Russie est en outre favorable à la tenue de consultations mondiales sur le renforcement du régime de protection des réfugiés prévu par la Convention de 1951. Le représentant s'est dit préoccupé des attaques violentes commises contre les travailleurs humanitaires. Il a réitéré son soutien au HCR et s'est félicité de son ouverture à de nouvelles idées dans le domaine humanitaire.

M. FRANCOIS L. FALL (Guinée) a affirmé que depuis 10 ans, son pays accueille sur son territoire plus de 700 000 réfugiés pour une population totale de 7 500 000 d'habitants, soit 10% de sa population totale. En effet, les conflits survenus au Libéria, en Sierra Leone et en Guinée Bissau ont provoqué de vastes mouvements de personnes vers la Guinée. Les conséquences de la présence prolongée des réfugiés sont d'ordre environnemental, économique, sécuritaire et social. Le représentant a précisé que les zones d'accueil ont été largement affectées et que le poids des réfugiés pèse lourdement sur les programmes de développement national.

En plus de la détérioration des moeurs, une autre situation plus préoccupante vient d'affecter la sécurité et la stabilité de mon pays, a ajouté M. Fall. La Guinée est victime depuis le 1er septembre dernier d'une série d'agressions barbares à ses frontières avec le Libéria et la Sierra Leone, dans lesquelles sont impliqués certains réfugiés séjournant ou ayant séjourné dans le pays. Il a expliqué que pour la République de Guinée, la sécurité et la protection des réfugiés résidant sur son territoire restent tributaires de la sécurité générale à l'intérieur de ses frontières.

Tout en réitérant la volonté de son gouvernement de poursuivre son action en faveur des réfugiés et d'assurer la sécurité du personnel humanitaire, le représentant a insisté sur la nécessaire réinstallation des réfugiés loin des régions frontalières; l'identification des réfugiés pour en extirper les alliés des rebelles; une assistance adéquate pour favoriser la poursuite de l'opération de rapatriement des réfugiés libériens; enfin, l'aide de la Communauté internationale en faveur des zones d'accueil des réfugiés et des personnes déplacées du fait des attaques rebelles. Il a lancé un appel pour la tenue effective sous les auspices des Nations Unies de la Conférence de solidarité avec la République de Guinée pour l'aider à mieux supporter le poids des réfugiés.

MME MARIA ANTONIETA MONROY (Mexique), après avoir loué l'action de Mme Sadako Ogata, a déclaré que tout au long de son histoire, le Mexique a accordé refuge et protection à des ressortissants de nombreux pays et s'en est enrichi. Elle a ajouté que la politique d'asile et de refuge est ancrée dans la politique étrangère mexicaine, fondée sur la solidarité et le respect des droits de l'homme. Elle a indiqué que l'adhésion de son pays aux instruments internationaux pertinents a été unanimement appuyée par le Parlement, ce qui reflète l'attachement du Mexique au droit international et au respect des droits de l'homme.

Mme Monroy a longuement évoqué l'assistance que le Mexique a accordée aux réfugiés guatémaltèques. Elle a expliqué qu'à partir de 1982, la Commission mexicaine d'aide aux réfugiés (COMAR) a octroyé une assistance financière, matérielle et humanitaire aux réfugiés, et notamment à ceux venus du Guatemala. Elle a ajouté que plus de 22 000 d'entre eux ont opté pour le rapatriement volontaire et que ce programme a permis de régulariser la situation de ceux qui ont choisi de rester et de s'intégrer à la société mexicaine. Elle a enfin mentionné un documentaire vidéo sur l'asile et l'aide aux réfugiés projeté le mois dernier à Genève dans le cadre du Comité exécutif du HCR. Elle a affirmé que ce documentaire réalisé par la COMAR montre bien le courage des réfugiés et que sa teneur peut servir de référence utile à d'autres situations. Mme Monroy a enfin salué la nomination de M. Ruud Lubbers à la tête du HCR. Le Mexique, a-t-elle assuré, va appuyer son action.

MME LUISA PEREZ-CONTRERAS (Venezuela) s'est préoccupée du fait que les conflits anciens aussi bien que récents ont exigé du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) une intervention accrue en matière d'assistance humanitaire et d'appui aux rapatriements, ce qui dénote une aggravation et une multiplication des situations de crise. Le HCR doit s'adapter aux changements liés à ces déplacements de personnes. Dans ce contexte, la représentante a estimé qu'il faut

renforcer le système de protection internationale et l'adapter à l'environnement évolutif, y compris au niveau des institutions. Elle a appuyé l'élaboration de formes complémentaires de protection valables qui garantiront la sécurité des réfugiés. Le Venezuela est favorable à la coopération entre différentes entités gouvernementales, non gouvernementales ou intergouvernementales concernées aux niveaux local, national, régional et international. La représentante a également été d'avis qu'il faut mieux lier l'assistance humanitaire au développement à long terme, car c'est aussi une façon de s'orienter vers la prévention des crises. Bien que la paix et la stabilité soient essentielles, nous ne devons pas négliger la question du développement et de la stabilité sociale, a souligné la représentante.

Le Gouvernement du Venezuela, fidèle à ses engagements internationaux et sensible à la situation des personnes déplacées qui sont à la recherche d'une protection, à établi des mécanismes afin de garantir les droits de l'homme de ces personnes. Le représentant a indiqué que la nouvelle Constitution inspirée par Bolivar reconnaît et garantit en son article 69, le "droit à un refuge". La représentante a déclaré qu'il est également fondamental de garantir la sécurité du personnel humanitaire qui réalise un travail extraordinaire sur le terrain.

MME PENNY WENSLEY (Australie) a déclaré que la communauté internationale fait aujourd’hui face à des problèmes plus complexes que ceux qu’elle rencontrait, il y a cinquante ans, quand fut créé le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et élaboré la Convention relative au statut des réfugiés. L’Australie souhaite réaffirmer son engagement à l’égard du HCR, de la Convention et de son Protocole. Nous devons regarder vers l’avenir, a-t-elle poursuivi. Elle a précisé que les problèmes ne sont pas liés à la Convention pour les réfugiés mais à la manière dont le système de protection international fonctionne.

La représentante a noté que le système de protection actuel est menacé par des tendances mondiales notamment par les différents flux de migration, la mobilité mondiale, les différences des niveaux économiques et sociaux, les demandes insatisfaites de migration économiques, les changements dans la nature des conflits, le terrorisme, les abus des systèmes d’asile. Un nombre croissant de demandeurs d’asile adoptent des approches inappropriées dans leur migration ou encore dans leur choix du pays qui leur accordera la protection. Des ressources des Etats sont ainsi détournées souvent au détriment de personnes qui ont un plus grand besoin de protection. Selon la représentante, la solution à ces problèmes requiert une approche d’ensemble et intégrée basée sur une coopération et une coordination au niveau international. A cet égard, a-t-elle indiqué, les consultations mondiales sont une occasion pour les Etats et le HCR de travailler ensemble pour examiner ces questions ainsi que de coopérer afin de parvenir à un système international de protection pour les réfugiés plus efficace. L’un des aspects de l’approche globale est de soutenir les pays d’origine qui ont pris des mesures pratiques au niveau national pour aider les personnes susceptibles de fuir pour éviter qu’elles ne soient forcées de le faire. Suite à une situation de sécheresse, l’Australie a ainsi apporté une aide urgente à l’Afghanistan à travers l’appel du Programme alimentaire mondial. Cette aide a permis d’alléger la souffrance de ces personnes et de réduire le nombre de déplacés.

La représentante de l’Australie a noté la nécessité de lancer des initiatives novatrices pour générer des ressources. Celles qui sont utilisées pour déterminer les personnes qui peuvent prétendre au statut de réfugié seraient mieux utilisées si elles étaient allouées aux activités entreprises en faveur du rapatriement durable ainsi que pour soutenir les économies des Etats qui sont des premiers pays d’asile qui supportent des coûts d’accueil pour la population réfugiée, malgré une capacité économique souvent limitée. Elle a précisé que les pays occidentaux dépensent chaque année au moins dix milliards de dollars pour traiter les demandes des demandeurs d’asile. Juste un dixième de ce total permettrait de doubler le budget du HCR, a-t-elle fait remarquer.

M. ROLAND Y. KPOTSRA, (Togo), Représentant du Président en exercice de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) rappelant tout d’abord les assassinats sauvages perpétrés récemment contre des personnels humanitaires au Timor Oriental et en Guinée, a souligné qu’il faut condamner énergiquement ces actes de violence aveugles tout comme ceux commis dans les camps de réfugiés. Il a souligné que le problème des réfugiés et des personnes déplacées sur le continent est une source permanente de préoccupation pour les Africains. Selon lui, l’ampleur croissante du phénomène devrait inciter la communauté internationale à renforcer l’assistance aux réfugiés africains dépourvus. L’assistance attendue d’elle devrait contribuer à suppléer les efforts déployés par les pays d’asile dont la plupart se trouvent être des pays les moins avancés, qui, bien que mus par le sens de l’hospitalité et la tradition africaine, finissent souvent par se lasser rapidement en raison des énormes difficultés d’ordre économique et social qu’ils éprouvent pour faire face à leurs propres problèmes de développement. Le représentant a fait observer que les réfugiés d’Afrique ne reçoivent ni l’attention, ni les ressources comparables à l’assistance octroyée aux réfugiés des autres parties du monde. Le monde entier a, ces derniers temps, retenu qu’aucun pays africain ne bénéficie de véritables programmes de rapatriement et de réinstallation comme ceux si généreusement financés au Kosovo, par exemple. Il a rappelé que la 36ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA a exhorté la communauté internationale à infléchir cette tendance.

M. Kpotsra a par ailleurs attiré l’attention sur les crises nées de la présence prolongée des réfugiés dans les pays d’accueil insistant notamment sur la dégradation systématique des conditions de vie des populations hôtes, de l’écosystème et des infrastructures économiques et sociales. Il est hautement souhaitable qu’en dehors de l’assistance accordée aux réfugiés, la communauté internationale s’emploie à aider les pays d’accueil à alléger ce fardeau, a-t-il ajouté.

Le représentant a rappelé que les pays africains ont adopté en 1969 la Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Cet instrument, trente ans après son adoption, avait besoin d’une révision. Dans ce contexte, une réunion spéciale OUA/HCR a amené, à Conakry du 27 au 29 mars dernier, des juristes, experts et spécialistes à procéder à un examen de la Convention afin d’en souligner les faiblesses à la lumière des nouveaux défis de protection qui interpellent le continent. Le Plan global d’application issu de ces délibérations ainsi que les recommandations du 6ème Séminaire OUA/CICR sur le droit international humanitaire ont été entérinés à Lomé par le Conseil des

Ministres de l’OUA. M. Kpotsra a également souligné que le 36ème Sommet de l’OUA, tenu à Lomé, a lancé un appel à tous les dirigeants africains pour qu’ils créent des conditions propices au rapatriement volontaire des réfugiés et au retour des personnes déplacées dans leurs communautés d’origine. Dans ce cadre, il a fait état de l’initiative du fleuve Mano, un programme sous-régional de reconstruction et de consolidation de la paix après les conflits entrepris par la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et concernant dans un premier temps la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone dont l’un des principaux objectifs est de faciliter la réinstallation et la réintégration des réfugiés et autres personnes déplacées en appuyant des activités créatrices d’emploi et de revenus dans ces trois pays.

MME OKSANA BOYKO (Ukraine) a déclaré que le HCR ne pourra s'acquitter de son mandat que si les États remplissent leurs obligations. Elle a ajouté que l'acuité de la crise humanitaire mondiale est très vivement ressentie par l'Ukraine qui doit faire face aux problèmes hérités du passé. Mme Boyko a expliqué que la stabilité et la situation qui prévalent actuellement dans son pays sont devenues est devenue attrayantes pour beaucoup de réfugiés. Elle a ajouté qu'au 1er juillet dernier, 2988 réfugiés originaires de 44 pays se trouvent dans le pays, où ils bénéficient de divers droits, y compris le droit à l'éducation et le paiement des pensions. L'asile temporaire a par ailleurs été accordé à 3000 autres migrants fuyant les conflits militaires en Abkhazie, en République de Géorgie.

Mme Boyko a indiqué que plus de 265 000 anciens déportés, soit 10% de la population de la péninsule, sont retournés en Crimée. Des mesures spécifiques sont prises pour les aider. Elle a ajouté qu'une attention particulière est accordée au sort des apatrides, grâce entre autres à des accords conclus avec les pays voisins. Plus de 25 000 apatrides parmi les anciens déportés ont acquis la citoyenneté ukrainienne et 53 000 rapatriés ont pu se faire naturaliser. La représentante a affirmé que les efforts de son pays pour le contrôle de l'immigration contribue à la stabilité internationale, en coopération avec les pays voisins. Elle a enfin évoqué le lourd tribut payé par les employés du HCR. Son pays, a assuré Mme Boyko, continue d'appuyer toutes les mesures prises par la communauté internationale pour renforcer la sécurité du personnel humanitaire.

Mme DONKA GLIGOROVA (ex-République yougoslave de Macédoine) a déclaré que la crise du Kosovo, dans l'ex-République fédérale de Yougoslavie, a gravement menacé la stabilité et la sécurité dans les Balkans, et que cette crise n'appartient pas encore au passé. La représentante a rappelé que, du fait de cette crise, la Macédoine a été l'hôte de plus de 360 000 réfugiés, ce qui représente 18% de sa population totale. Conformément à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés, ces personnes ont reçu le statut de personnes sous assistance humanitaire. Elle a déclaré que son pays attend, à juste titre, une aide de la communauté internationale pour soulager les dommages qu'a subis son économie. Seule une petite proportion des dommages causés par la crise des réfugiés a été compensée, a regretté la représentante. Elle a ajouté que plus de six mille réfugiés se trouvent toujours en Macédoine, dont la moitié vivent dans des familles d'accueil et l'autre moitié dans des centres collectifs. Un effort supplémentaire de la communauté internationale sera nécessaire pour assurer leur retour en toute sécurité.

Nous savons tous qu'il y a un lien entre les conflits et les personnes déplacées, a poursuivi la représentante. Cela nous appris que l'assistance humanitaire doit s'accompagner de mesures politiques et de renforcement de la confiance. Mais le plus urgent est de prévenir les conflits et de construire la paix, a-t-elle estimé. La représentante a espéré que les changements démocratiques récents dans l'ex-République fédérale de Yougoslavie contribueront à la stabilisation et à l'avancement de la région.

M. UMESH PALWANKAR (Observateur du Comité international de la Croix-Rouge, CICR) a affirmé que le CICR est fermement résolu à promouvoir une coopération institutionnelle effective en faveur des personnes déplacées. La fourniture d’une assistance matérielle, l’évacuation de personnes en danger, le rétablissement des liens familiaux ou encore la conduite de programmes de prévention contre les dangers des mines sont quelques-uns des éléments de la réponse concrète du CICR aux besoins de ces personnes.

Selon l’observateur, les problèmes liés au déplacement interne ne peuvent être résolus indépendamment de la compréhension et de la résolution de la situation de la population civile dans son ensemble. Pour sa part, le CICR considère que les personnes déplacées en raison d’un conflit sont avant tout des civils et, qu’à ce titre, elles sont protégées par le droit international humanitaire. Il est d’avis aussi que le droit international humanitaire, qui est juridiquement contraignant pour les Etats comme pour les acteurs «non-étatiques», demeure parfaitement adéquat pour répondre à la plupart des problèmes générés par les déplacements de population liés à un conflit armé. Il est de la responsabilité première des autorités des Etats affectés de veiller à ce que les besoins des personnes déplacées, en terme de protection et d’assistance, soient couverts. Dans le cadre des consultations sur la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le CICR souhaiterait mettre en garde contre la tendance à assimiler, sur le plan de la protection, la situation des déplacés internes à celle des réfugiés a ajouté M. Palwankar . Certains aspects des régimes juridiques applicables à ces deux catégories sont différents. Les personnes déplacées à l’intérieur d’un Etat sont des nationaux et, à ce titre, bénéficient de l’ensemble des droits prévus tant par le droit interne que par le droit international des droits de l’homme et le droit humanitaire.

L’observateur a souligné d’autre part que la préservation d’un espace humanitaire, perçu comme tel et respecté par les parties, est une condition essentielle de l’accès des organisations humanitaires aux personnes affectées par les conflits. Il a rappelé que le droit international humanitaire exige des Etats qu’ils respectent et protègent le personnel humanitaire travaillant dans les situations de conflit et que les attaques perpétrées contre le personnel humanitaire, en tant que civil, sont considérées comme des crimes de guerre.

M. Palwankar a indiqué que le CICR qui participe activement aux sessions du Comité permanent interorganisations (IASC) au sein duquel il jouit du statut d’Invité Permanent, soutient tant au niveau de son siège que de ses délégations opérationnelles, le processus récemment créé du «Senior Inter-agency Network on Internal Displacement». En même temps, le CICR demeure fermement résolu à remplir son rôle spécifique d’intermédiaire neutre et indépendant dans des situations de conflit armé, tel que prévu par les Conventions de Genève. Il a conclu en insistant sur le fait que la nécessité de développer une saine gestion humanitaire signifie que les responsabilités soient assumées par les organisations qui, de par leurs expertises et capacités, bénéficient d’un avantage comparatif.

M. ROBERTO G. PAIVA (Organisation internationale pour les migrations, OIM) a souligné le partenariat qui existe de longue date entre le Haut Commissariat pour les réfugiés et l'OIM, qui a été codifié par un Mémorandum d'accord. Cette année, un accord supplémentaire a été conclu dans le domaine des transports. L’observateur a ensuite déclaré qu'un plus grand partenariat est nécessaire entre les organisations chargées des déplacements de personnes. Aujourd'hui, les mouvements de population se font dans des contextes de plus en plus complexes et des échanges de vue sur ces questions sont indispensables entre les Etats, les organismes intergouvernementaux et les organisations non gouvernementales. Il a déclaré que l'OIM se réjouit de participer à ce dialogue.

Poursuivant, l’observateur a noté que la possibilité de construire sa vie à l'étranger n’a jamais été plus réelle qu’aujourd’hui et que les raisons qui poussent les personnes à émigrer sont très diverses. Il a rappelé le rapport publié récemment par l'OIM sur le phénomène des migrations à l'échelle mondiale et régionale. Il a fait valoir que, dans ce contexte, il est d'autant plus difficile de gérer les flux migratoires tout en respectant les obligations humanitaires consacrées par le droit et la coutume internationaux. L’observateur a donc préconisé une approche politique pour répondre à la question des flux de population internationaux.

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