En cours au Siège de l'ONU

CPSD/193

LA QUATRIEME COMMISSION ENTEND DES PETITIONNAIRES SUR LA QUESTION DU SAHARA OCCIDENTAL

28 septembre 2000


Communiqué de Presse
CPSD/193


LA QUATRIEME COMMISSION ENTEND DES PETITIONNAIRES SUR LA QUESTION DU SAHARA OCCIDENTAL

20000928

Réunie ce matin pour poursuivre l’examen de la question de la décolonisation, la Quatrième Commission (questions politiques spéciales et de décolonisation) a continué son audition des pétitionnaires sur la question du Sahara occidental. Des pétitionnaires ont déploré les retards que connaît actuellement la mise en œuvre du plan de règlement, plaidant pour que soit respecté le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination.

Un pétitionnaire (au nom du Front POLISARIO) a affirmé que l’impasse dans laquelle se trouve ce plan de règlement ne pouvait se poursuivre, d’autant qu’elle nuit gravement à la crédibilité de l’Organisation des Nations Unies. Il a demandé à l’ONU qui dispose à présent d’une liste de votants, établie au prix de nombreux efforts déployés par la MINURSO, de faire en sorte que ce référendum ait enfin lieu dans de bonnes conditions. Un autre pétitionnaire, ancien Chef de tribu, citoyen marocain, d’origine sahraouie, a informé la Commission qu’il a été enlevé de force et emprisonné pendant 15 ans par le Front POLISARIO en 1976 en compagnie d’autres personnes sahraouies pour constituer des otages et des outils de manœuvre politique. Il a ajouté qu’il a participé à l’opération d’identification dans le cadre de l’application du plan de règlement de l’ONU et a attesté que, dans ce contexte, il recevait des instructions strictes de la part du commandant du Front POLISARIO pour exclure la majeure partie des requérants des différentes tribus.

Les pétitionnaires suivants ont pris la parole: M. Robert Jarry, maire de la ville du Mans; M. Felipe Briones Vives, International Association of Jurists for Western Sahara; M. Francisco Jose Alonso Rodriguez, Human Rights League of Spain; M. Salem Bouseif Brahim, au nom du Front POLISARIO; M. Richard Cazenave, Groupe d’études parlementaires sur les droits de l’homme de l’Assemblée nationale française; M. Gaoutah Mohammed Ahmed Baba, ancien cheikh (Tribu Oulad Dlim) et M. Mohammed Salem Ali Omar Bahia, ancien cheikh (Tribu Laâroussyenne).

Le représentant du Maroc a posé des questions à deux des pétitionnaires: M. Felipe Briones Vives et M. Francisco Jose Alonso Rodriguez.

Par une motion d’ordre, le Maroc a remis en cause le fait que le pétitionnaire qui devait prendre la parole au nom du Front POLISARIO puisse le faire dans la mesure où sa demande d’audition avait été faite au nom d’un autre pétitionnaire. A la suite de cette requête, les représentants des délégations suivantes ont demandé que ce pétitionnaire soit autorisé à parler: Algérie, Antigua-et-Barbuda, Namibie, Afrique du Sud, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Guinée, Sénégal, Ghana, République-Unie de Tanzanie, Cuba, Zimbabwe, Angola et Jamaïque.

A l’issue de cet échange de vues, la séance a été interrompue pendant dix minutes. Après quoi, la Quatrième Commission a repris l’audition des pétitionnaires.

Le représentant de l’Algérie a posé des questions à un pétitionnaire: M. Richard Cazenave.

La Quatrième Commission reprendra ses travaux vendredi 29 septembre à 10 heures.

Auditions de pétitionnaires

M. ROBERT JARRY, Maire du Mans (France), évoquant le jumelage de la ville du Mans avec la ville de Hahousa depuis 1982, jumelage qui représente un clair engagement en faveur du droit du peuple sahraoui de choisir son sort et pour la stabilité dans la région, a exprimé la force de sa conviction à défendre le droit à l’autodétermination de ce peuple. Il a expliqué que la large présence française au Maghreb a créé des liens avec ses peuples. Il a fait observer que le prix à payer par ce conflit est le déni du droit d’un peuple à s’autodéterminer. Il s’agit donc d’un problème de décolonisation qui doit être résolu par la mise en place d’un référendum conformément au plan de paix, a-t-il continué. Il s’est déclaré attentif à l’application du plan de règlement et au travail d’identification effectué par la MINURSO et espère un retour à la paix pour tous les peuples du Maghreb. Il a regretté l’impuissance de la communauté internationale et de l’ONU devant l’impasse qui existe aujourd’hui. Il a fait observer que la partie sahraouie a fait beaucoup de concessions sur les critères d’éligibilité et que le plan de règlement exige la pleine coopération des parties. Il a regretté que l’avancement du processus se soit trouvé bloqué par les milliers de recours et l’entêtement du Maroc, qu’il a qualifié de violation des résolutions des Nations Unies et des Accords de Houston. Il a exprimé sa grande inquiétude de voir ce plan s’installer dans une impasse et créer une situation lourde de risque de reprise du conflit. Il est temps d’apprécier l’impatience des sahraouis qui ont exprimé qu’ils ne veulent pas intégrer le Maroc. L’impasse du plan de paix constitue un risque de conflit qui impose de réfléchir à des solutions de compromis pour trouver une solution aux divergences qui subsistent. Le référendum est la seule solution, a-t-il affirmé, en ajoutant que l’identification doit être menée à son terme afin de parvenir à la définition indiscutable du corps électoral. Il est temps de faire passer le peuple sahraoui du statut de victime au statut de peuple souverain, a-t-il conclu.

M. FELIPE BRIONES VIVES, International Association of Jurist for Western Sahara, a constaté que les mesures du plan de règlement sont en retard de neuf ans. Il a rappelé qu’il a fallu un quart de siècle pour établir enfin le chiffre de 86 386 personnes admises à voter et que, depuis, 134 000 recours ont été présentés, pour la plupart par le ministère de l’Intérieur marocain. Il a rappelé que selon le rapport du Secrétaire général les appels doivent être entendus un par un, ce qui engendre encore un retard de deux ans dans le calendrier. Il a regretté que les réunions qui ont eu lieu entre les parties à Londres et Genève, cette année, n’aient donné aucun résultat. Il a indiqué que la partie sahraouie a annoncé qu’elle reprendrait les hostilités, constatant que l’on atteint aujourd’hui une situation très grave. Face au retard alarmant que connaît le référendum, il a considéré que certains éléments doivent être appliqués sans plus de retard par l’ONU. Il a d’abord évoqué à cet égard la libération immédiate des prisonniers sahraouis qui se trouvent entre les mains du Royaume du Maroc, ainsi que la défense par l’ONU des droits de l’homme des Sahraouis, notant qu’ils subissent aujourd’hui une répression sous diverses formes. Il a mis en garde la Commission contre les dangers du «timorisation» du conflit au Sahara occidental. Il a également demandé l’ouverture des espaces terrestres et maritimes du territoire sous contrôle de la MINURSO, estimant qu’on ne peut refuser à la communauté internationale d’entrer sur ce territoire. M. Vives a affirmé que la tenue du référendum exige une présence internationale, c’est pourquoi il convient de créer pour la suite du processus un corps d’observateurs, comme cela a eu lieu dans d’autres régions du monde. M. Vives a affirmé que les Nations Unies ne doivent pas renoncer à leur rôle dans le domaine de la décolonisation dans cette

région. Le même engagement que celui manifesté au Timor oriental doit se manifester au Sahara occidental. A cet égard, l’Espagne, qui occupe au Sahara le même rôle que le Portugal au Timor, devrait participer plus activement au processus de décolonisation.

Le représentant du Maroc, posant une question au pétitionnaire, a indiqué qu’un pétitionnaire ne doit pas prononcer un réquisitoire et des allégations, mais donner des informations à la Commission. Rappelant que le Maroc est l’un des pays où les libertés fondamentales et les droits de l’homme ont connu des progrès considérables, il lui a demandé de donner à la Commission des détails sur l’état et la situation des droits de l’homme dans les camps des réfugiés de Tindouf, et plus précisément sur la liberté de mouvement et d’expression des Sahraouis de Tindouf.

M. Briones Vives, en réponse à la question du Maroc, a indiqué qu’il s’agit d’une critique qui lui est adressée. Il a affirmé que le représentant du Maroc dispose de plus d’informations que lui sur la question qu’il a posée et qu’il pourra défendre sa thèse devant qui de droit. En tous cas lorsqu’il parle de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental, M. Briones Vives a signalé qu’il s’en remet aux rapports récents publiés par différentes instances, précisant qu’il ne s’agit pas de violations systématiques des droits de l’homme, mais que des violations ont eu lieu et ont lieu encore.

Le représentant du Maroc a demandé au pétitionnaire ce qu’il pouvait dire sur la liberté de circulation et d’expression des réfugiés du camp de Tindouf.

M. Briones Vives a indiqué qu’il existe une liberté de mouvement et d’expression totale dans les camps de réfugiés notamment en ce qui concerne ceux qui ont décidé de partir de ces camps.

Le représentant du Maroc a constaté que le pétitionnaire n’a rien dit concernant la liberté d’expression.

M. Briones Vives a indiqué qu’il s’agit dans cette Commission de parler du Sahara occidental dans son ensemble et non des régions du sud. Il a indiqué que le représentant a fait référence à un nombre réduit de personnes qui ont quitté les camps de réfugiés et il semble oublier la répression du régime du Maroc et qui touche des milliers de familles de Sahara.

Motion d’ordre

Le représentant du Maroc a estimé que le pétitionnaire n’est pas là pour s’attaquer à un Etat souverain, mais doit répondre à une question pour informer la Commission.

M. Briones Vives a indiqué que le fait que le représentant du Maroc lui coupe la parole et demande qu’on la lui retire montre bien l’état d’esprit du régime du Maroc sur cette question.

Motion d’ordre

Le représentant du Maroc a indiqué que si le pétitionnaire ne peut répondre à une question il doit se taire, mais ne doit pas s’attaquer au Maroc.

Le président a demandé au pétitionnaire, M. Briones Vives, de répondre à la question du Maroc simplement.

M. Briones Vives a indiqué qu’il n’est pas là pour s’attaquer à un pays, mais pour défendre le droit international. Il a indiqué qu’il n’a pas connaissance d’une répression institutionnelle dans les zones placées sous le contrôle de la partie sahraouie.

M. FRANCISCO JOSE ALONSO RODRIGUEZ, Ligue des droits de l’homme de l’Espagne, a indiqué que le Sahara occidental est un des conflits les plus dissimulés et qu’il est intolérable qu’environ 200 000 réfugiés soient obligés de rester dans les camps de Tindouf. Il a informé la Commission que la portée de la répression par les forces marocaines est considérable et qu’elle se concrétise notamment par des exécutions sommaires, un état de siège, des tortures, des emprisonnements, la mise en place de colons qui sont des violations des droits de l’homme. Il a indiqué que malgré la politique de dissimulation menée par le Maroc plus de 500 Sahraouis sont encore portés disparus, qu’il existe des centres de détention clandestins, qu’aucun fonctionnaire n’a été condamné par un tribunal pour avoir torturé un réfugié et que les demandes d’enquêtes des organisations non gouvernementales sont toujours refusées. Le facteur commun de toutes ces violations est l’impunité, a-t-il déclaré, expliquant que la passivité de la communauté internationale permet que des centaines de Sahraouis voient leurs droits violés au quotidien. Il a souligné que ces droits ne seront jamais respectés si on n’octroie pas à ce peuple le droit d’autodétermination par un référendum juste et équitable. Il est offensant que Mohammed VI qualifie la question du Sahara occidental de querelle artificielle, a-t-il continué. Le plan de règlement doit être appliqué et pour ce faire, il faut rejeter les recours présentés par des citoyens marocains qui n’ont pas présenté d’informations nouvelles au moment du recours. Il a ainsi demandé aux Nations Unies d’examiner cette question ajoutant que cette année une demande à été présentée en ce sens au Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Ce qui est plus inquiétant est l’attitude inefficace pour faire respecter la légalité internationale, notamment l’attitude de semblante neutralité de l’Espagne qui a signé un accord de pêche avec le Maroc dans les eaux sahraouies. Concernant la troisième voie qui transformerait le Sahara occidental en une province pour éviter une nouvelle guerre, il a déclaré qu’elle dissimule le fait que ces risques sont dus à l’attitude obstructionniste du Maroc et à l’insuffisante action de la communauté internationale. Il considère que la seule solution est l’exercice par le peuple sahraoui de son droit à l’autodétermination. En ce qui concerne le risque d’un retour au conflit, le risque est réel, a-t-il fait observer, indiquant qu’il faut faire peser toutes les pressions diplomatiques nécessaires pour que le référendum puisse avoir lieu dans les délais les plus brefs.

Le représentant du Maroc a fait valoir que les informations données par le pétitionnaire sont fausses et contraires aux statistiques des Nations Unies. Il a indiqué que l’exemple le plus flagrant est le chiffre des réfugiés. Où a-t-il trouvé le chiffre de 200 000 réfugiés, a-t-il demandé? Les chiffres de l’ONU sont de l’ordre de 20 000 ou 30 000. Le chiffre du pétitionnaire n’a aucune base et de plus il parle de violations des droits de l’homme sans donner de référence, induisant ainsi en erreur la Commission. Concernant les droits de l’homme au Maroc, il a demandé au pétitionnaire si les autorisations de circulation entre les camps de Tindouf ont été abolies et donc si les réfugiés peuvent circuler librement. Est-ce que les réfugiés qui ont fui les camps peuvent rejoindre les membres de leur famille librement?

M. Rodriguez a déclaré qu’il n’a parlé que des 200 000 personnes qui vivent dans les camps de réfugiés et non pas du corps électoral identifié et que ces données viennent des statistiques de l’ONU. Il a continué en ajoutant que le représentant du Maroc sait que les réfugiés peuvent sortir des camps notamment pour prendre des vacances et pour bénéficier de soins médicaux. Le représentant du Maroc pourrait s’engager à permettre à ceux qui sont dans les zones occupées au Maroc de se rendre librement dans les camps a-t-il suggéré en indiquant également que tous ceux qui voudront visiter les camps de Tindouf seront les bienvenus.

Motion d’ordre

Le représentant du Maroc a indiqué qu’il a posé des questions et qu’il ne comprend pas pourquoi le pétitionnaire n’y répond pas et accuse le Maroc. Il a demandé au pétitionnaire de s’en tenir aux règles de la Commission.

M. Rodriguez a demandé que le Maroc cesse de faire perdre du temps à la Commission.

Motion d’ordre

Le représentant du Maroc a demandé au Président de demander à M. Rodriguez de quitter la salle.

M. SALEM BOUSEIF BRAHIM, au nom du Front POLISARIO, a félicité le Président pour son élection à la tête de cette Commission.

Motion d’ordre

Le représentant du Maroc a estimé qu’étant donné que la demande d’audition de ce pétitionnaire a été déposée à un autre nom que celui de ce pétitionnaire, on ne pouvait le laisser parler.

La Présidente a indiqué que la demande d’audition a été acceptée par le Bureau selon la pratique établie.

Le représentant du Maroc a rappelé que le Front POLISARIO n’est pas reconnu par l’ONU. Or, les pétitionnaires parlent à titre individuel et non au nom d’une quelconque organisation, si la personne dont le nom est indiqué sur la demande d’audition n’est pas là, il semble qu’on ne puisse laisser parler quelqu’un d’autre à sa place, a-t-il ajouté.

Le représentant de l’Algérie a estimé que la réponse de la présidence est claire et a souligné que le Front POLISARIO est l’autre partie au différend sur cette question et qu’il figure sur toutes les résolutions du Conseil de sécurité. Il a signalé qu’il suffit d’une demande pour que n’importe quel représentant puisse prendre la parole devant cette Commission.

La Présidente, en réponse à la question du Maroc a indiqué que la pratique selon laquelle des personnes peuvent prendre la parole au nom d’un autre pétitionnaire qui en a fait la demande, est une pratique établie au sein de cette Commission. Elle a rappelé que plusieurs interventions ont lieu de cette manière durant cette même session.

Le représentant du Maroc a précisé que le nom du professeur Ruf, qui a parlé hier, en tant que pétitionnaire devant cette Commission, était mentionné dans la lettre de demande d’audition. Dans le cas présent du pétitionnaire Brahim rien n’est indiqué, sur la demande d’audition il n’est pas fait mention de son nom. De plus, il n’a jamais été question qu’un pétitionnaire représente une quelconque organisation. Le représentant a estimé qu’il n’y a aucune base juridique pour que l’on change le statut des pétitionnaires. Si l’on veut changer d’orateur, il faut en faire la demande en temps et en heure. Le représentant a souhaité que l’on clarifie plus tard l’examen de cette question devant le Département juridique, rappelant que le Maroc n’a jamais accepté de telles pratiques.

La Présidente a demandé au pétitionnaire de se retirer.

Motion d’ordre

Le représentant de l’Algérie s’est étonné que l’on demande au pétitionnaire de se retirer, alors que la décision du Président était de lui donner la parole. Il a demandé dans quelle mesure on pourrait lui donner la parole et a interrogé le Secrétariat pour savoir si l’on peut empêcher de parler une organisation comme le Front POLISARIO, qui est partie au conflit et aux Accords de Houston et signataire des Accords de mai. Est-ce que lorsqu’il parle au nom d’une organisation, un orateur peut en remplacer un autre? Si oui, le représentant a demandé que le représentant du Front POLISARIO puisse prendre la parole maintenant et ici, comme on lui en a donné le droit au départ.

La Présidente a indiqué que la présidence entend pour le moment donner la parole à un autre pétitionnaire. Si l’on doit contester cette décision, elle a proposé que la Commission procède à un vote.

Le représentant du Maroc a indiqué qu’il convient d’étudier le problème. Mais il a rappelé que cette demande d’audition doit être replacée dans le cadre de la question de la décolonisation, que traite cette Commission, et non dans le cadre du plan de règlement. Il a donc estimé qu’ici le Front POLISARIO est un pétitionnaire à titre individuel et non une partie au conflit.

Le représentant d’Antigua-et-Barbuda, s’est étonné que la présidence qui a reconnu qu’il existe des précédents dans le cas d’une personne parlant au nom d’une autre personne, demande à ce pétitionnaire de se retirer. Il a estimé que cette décision est injuste et indiqué qu’il aimerait que l’on autorise ce pétitionnaire à prendre la parole.

Le représentant de la Namibie a indiqué qu’il est d’accord avec les représentants d’Antigua-et-Barbuda et de l’Algérie, dans la mesure où il y a des précédents, il s’est étonné que la présidence ne permette pas au Front POLISARIO de parler.

Le représentant de l’Afrique du Sud a déclaré que venant d’un pays où l’on a été forcé de combattre contre une grande adversité, il a estimé, à l’instar des autres représentants, que ne pas donner la parole au représentant du Front POLISARIO ne ferait qu’ajouter à l’injustice.

Le représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a estimé que la Commission est saisie ici d’une question de statut, rappelant que le statut du Front POLISARIO lui a toujours permis de s’exprimer devant cette Commission ou devant le

Comité spécial, qu’il préside. Si l’on vote sur cette question, il a estimé qu’il fallait clairement savoir sur quoi la Commission vote, car la Commission a déjà approuvé la demande d’audition faite au nom du Front POLISARIO. Il a estimé que si l’autorisation de parler a été donnée à l’organisation elle-même, on peut donner la parole au pétitionnaire ici présent, même si la demande d’audition n’a pas été présentée en son nom. L’objection du Maroc vise-t-elle l’individu lui- même ou le Front POLISARIO, a-t-il demandé?

Le représentant du Maroc a expliqué que le Maroc ne s’est jamais opposé à la demande d’un pétitionnaire, sauf dans un cas pour un problème juridique. Il a fait observer que l’individu du Front POLISARIO qui a demandé de prendre la parole n’est pas là et qu’il est remplacé par une autre personne pour laquelle aucune demande n’a été faite. L’individu qui avait demandé et qui est absent a été retiré de la liste. La situation présente est contraire aux principes qui règlent la participation de pétitionnaires. Le représentant du Maroc soutient la décision de la présidence.

Le représentant de la Guinée ne s’est pas opposé à l’intervention du délégué du Front POLISARIO, mais a indiqué que le fait qu’une personne parle à la place d’une autre n’est pas correcte et qu’il appuie la position de la Présidence.

Le représentant du Sénégal a indiqué qu’il appuie la position de la Présidence qui est dans l’esprit des textes juridiques.

Le représentant du Ghana a appuyé les points de vues qui consistent à ce que le représentant du Front POLISARIO puisse prendre la parole.

Le représentant de la République Unie de Tanzanie a déclaré que la question n’est pas une simple question de procédure mais une question de fond importante. Il a demandé des garanties que quelle que soit la procédure que la Présidence suivra, elle devra permettre au Front POLISARIO de s’exprimer.

Le représentant du Maroc a réaffirmé qu’il s’agit d’une question de procédure sachant que le pétitionnaire présent n’a pas adressé de demande et qu’il ne peut donc pas prendre la parole. Il a ajouté que ce n’est pas une question politique, car le Maroc a un cas semblable concernant un pétitionnaire du Rassemblement des familles qui est absent et qui par conséquent ne s’exprimera pas.

Le représentant de Cuba a remercié le représentant du Maroc de son explication. Il a fait observer que la décision prise est inexplicable et qu’il reste convaincu que toutes les parties doivent être entendues. L’une des questions principales dont la Commission est saisie est de pouvoir entendre des gens qui viennent des territoires non autonomes, a-t-il ajouté. La Commission doit pouvoir entendre ce pétitionnaire qui représente le Front POLISARIO même s’il remplace la personne prévue.

Le représentant du Zimbabwe a déclaré qu’il serait correct de permettre à ce pétitionnaire de parler et a demandé avec insistance qu’il soit permis au représentant du Front POLISARIO de parler.

Le représentant de l’Angola a appuyé les déclarations de l’Afrique du Sud, de l’Algérie et de Cuba selon lesquelles il est juste que l’on permette à ce pétitionnaire de s’exprimer.

Le représentant de la Jamaïque a indiqué qu’il s’agit d’une confrontation d’idée et que sa délégation tient à s’assurer que le représentant du Front POLISARIO ne sera pas privé du droit de s’exprimer.

La Présidente a expliqué qu’elle n’a jamais eu l’intention de ne pas permettre à un représentant du Front POLISARIO de s’exprimer et qu’elle a demandé au pétitionnaire de sortir de manière temporaire. Elle a indiqué qu’elle comprend que le Maroc conteste le fait que la personne qui souhaite s’exprimer n’est pas la personne qui a fait la demande et elle a ajouté que dans sa lettre, qu’elle a devant les yeux, M. Boukhari, informe que M. Brahim parlera en son nom. Elle a proposé que la Commission suive la liste des orateurs ou qu’elle entende le pétitionnaire suivant et revienne à M. Brahim par la suite.

Le représentant de l’Algérie a rappelé qu’il a demandé que le Secrétariat éclaircisse l’aspect de procédure et l’existence de précédents. Il a rappelé que plusieurs représentants se sont exprimés avec force sur le fond pour demander que ce représentant puisse prendre la parole, ajoutant qu’il serait regrettable que la Commission puisse s’enliser dans des questions de procédures dans la question de décolonisation. Il faut faire en sorte de faire s’exprimer ce représentant du Front POLISARIO sans entrer dans des questions de procédures, a-t-il conclu.

La Présidente a déclaré qu’il est clair que le précédent existe et qu’elle n’a pas l’intention de prolonger le débat.

Motion d’ordre

Le représentant du Maroc a indiqué qu’il avait sous les yeux la lettre du Front POLISARIO et que dans celle-ci, M. Boukhari n’a mandaté personne. Il a rappelé que dans le cadre de règles qui régissent la Commission, on décide sur la base des documents dont on dispose. Or le fait qu’il soit remplacé par une autre personne n’est pas mentionné, a-t-il ajouté, concluant qu’il est en faveur d’une suspension de séance.

Interruption de séance

La Présidente a informé la Commission que la raison de l’absence du pétitionnaire au nom duquel la demande d’audition a été présentée lui a été expliquée et elle a donné la parole à M. Salem Bouseif Brahim pour qu’il parle devant la Commission au nom du Front POLISARIO et à la place de M. Boukhari.

M. SALEM BOUSEIF BRAHIM, au nom du Front POLISARIO, a rappelé que le conflit du Sahara occidental a été déclenché lorsque le Maroc a envahi et occupé cette région, après le départ des Espagnols. Après une guerre de 15 ans, a-t-il continué, l’ONU a repris l’initiative et le contrôle de la situation en organisant un référendum devant permettre au peuple de ce territoire d’exercer son droit à l’autodétermination. Le Maroc et le Front POLISARIO ont accepté le plan de règlement et le cessez-le-feu, ainsi que l’organisation d’un référendum qui devait se tenir en 1992. Ce représentant a regretté que les obstructions marocaines aient empêché que le plan de paix se déroule comme prévu. Il a affirmé que le Maroc a manœuvré pour obtenir de nouveaux critères d’identification des votants, qui n’étaient pas prévus au départ dans le plan de règlement. Il a rappelé que plus de 10 années se sont écoulées depuis la signature du plan de règlement, estimant que cette période est trop longue pour une population inférieure en nombre à celle du Timor oriental par exemple. Durant cette période, l’ONU a

déployé beaucoup d’efforts et des moyens financiers gigantesques pour surmonter la demande du Maroc, qui voulait que des milliers de ses colons et habitants participent à ce référendum qui ne s’adresse qu’au peuple Sahraoui. La MINURSO a aujourd’hui fini la tâche colossale qui consistait à publier une liste provisoire. Cette liste a été publiée en juillet 2000 et contient 86 449 personnes. Le pétitionnaire a estimé que le principal obstacle est donc levé et que le référendum aurait pu normalement avoir lieu en juillet dernier, l’ONU ayant ainsi résolu un long conflit. Il a expliqué que le Maroc s’est au contraire érigé en obstacle, en exigeant de l’ONU une révision de toute l’opération et en déposant de très nombreux recours. Cette attitude, a-t-il constaté, va à l’encontre des résolutions du Conseil de sécurité qui formulaient des mises en garde contre la tentation de déposer des recours pour bloquer le processus de référendum. Il a notamment dénoncé le fait que le Maroc déploie des tentatives pour que l’ONU lui accorde un corps électoral afin de s’assurer de l’issue du référendum. Le pétitionnaire a affirmé qu’il s’agit en fait d’une divergence entre le Maroc et l’ONU, et non d’une divergence entre les parties au conflit. Le Maroc a décidé de faire obstacle au processus confiant dans le fait qu’un pays européen influent et membre permanent du Conseil de sécurité ferait pression en son sens. Le ministre des affaires étrangères du Maroc a déclaré devant l’Assemblée générale que la solution au conflit du Sahara doit se situer dans le cadre de la souveraineté nationale du territoire du Maroc, ce qui ramène le conflit au point de départ de l’invasion militaire du Maroc en 1975, c’est à dire un retour au combat. Il a estimé que la résolution de l’an passé de l’Assemblée générale sur le Sahara occidental montre que le processus de paix a réalisé des progrès sérieux mais qu’il se heurte à des défis qui mettent en cause les fondements sur lesquels il a été établi c’est-à-dire le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Il a demandé à l’ONU de persuader le Maroc de coopérer au référendum et au plan de règlement, qui bénéficie de l’appui de la communauté internationale. Enfin, il a affirmé que si l’ONU ne peut le faire ou n’y est pas décidée, le fait de rester dans cette région indéfiniment nuit à sa crédibilité et qu’une situation du type chypriote n’est pas acceptable au Sahara occidental.

M. RICHARD CAZENAVE, Groupe d’études parlementaires sur les droits de l’homme de l’Assemblée nationale française, a précisé qu’il n’intervient pas sur la question politique du plan de paix mais simplement sur la situation des droits de l’homme. Il a informé le Comité qu’il intervient à la suite des témoignages qu’il a réunis des membres d’une association qui représente des familles sahraouies qui ont quitté les camps et qui lui ont fait part, en direct, de la situation des droits de l’homme dans les camps de Tindouf. Il a évoqué la situation des anciens du Front POLISARIO qui ont voulu les quitter et qui lui ont relaté les conditions de détention sans procès ni jugement et sans avocat et les tortures qu’ils ont subies. L’association des anciens du Front POLISARIO lui a remis une liste de personnes qui ont disparu, a-t-il continué. M. Cazenave a évoqué le témoignage d’anciens réfugiés de Tindouf qui lui ont fait part du fait qu’à Tindouf les personnes des camps sont des otages séquestrés. Il a évoqué en particulier la situation des femmes et des familles dont on sépare les enfants. Dans une situation comme celle-ci, a-t-il estimé, la communauté internationale ne peut pas ne pas se préoccuper de la manière dont les droits de l’homme sont vécus. A cet égard, il a demandé que la communauté internationale se donne les moyens d’enquêter sur la situation des droits de l’homme et qu’elle ne laisse pas continuer une situation flagrante de violation de ces droits.

Le représentant de l’Algérie a demandé si ce pétitionnaire a été dans les camps de réfugiés en Algérie et en Mauritanie, combien de fois il a été au Maroc cette année, si son groupe parlementaire s’occupe uniquement de la situation des droits de l’homme des Sahraouis dans les camps ou s’il s’occupe également de la situation des Sahraouis au Sahara occidental sous occupation du Maroc.

M. Cazenave a répondu qu’il se rend là où on l’invite et là où on l’alerte que la situation des droits de l’homme le rend nécessaire. Il a précisé que lors de ses visites, il exige des conditions de neutralité et des critères très exigeants concernant les personnes qu’il rencontre. Il a précisé qu’il est allé fin février au Maroc sur l’invitation des témoins dont il a entendu les témoignages.

Le représentant de l’Algérie a déclaré que le pétitionnaire semble avoir oublié la deuxième question.

M. Cazenave a répété qu’il a répondu qu’il était prêt à aller à Tindouf si les conditions qu’il exige sont réunies, qu’il est allé au Maroc une fois cette année et que son groupe parlementaire s’occupe de toutes les situations dans le monde où la situation des droits de l’homme rend sa présence nécessaire.

Le représentant de l’Algérie a indiqué que le pétitionnaire n’a pas répondu à sa deuxième question mais qu’il n’insisterait pas.

M. GAOUTAH MOHAMMED AHMED BABA, ancien cheikh (tribu Oulad Dlim), a pris la parole, mais a été coupé car ses propos n’étaient pas interprétés.

Motion d’ordre

Le représentant de l’Algérie a rappelé la pratique onusienne selon laquelle l’interprétation se fait à partir d’un discours. Or, dans le cas où le discours est fait dans une autre langue que les 6 langues officielles, l’orateur doit venir avec un discours et un interprète capable de traduire sa langue.

Le représentant du Maroc a indiqué que ce type de situation s’est présenté à maintes reprises et que les chefs de tribus qui parlent la langue du Sahara occidental avaient toujours pu être interprétés. Il a ajouté que les gens qui parlent seulement la langue du Sahara occidental disposent à la MINURSO d’un interprète pour traduire leur parole et qu’il s’agit par là-même d’une langue reconnue par l’ONU, tout en s’étonnant que l’Algérie soulève ce problème

Le représentant de l’Algérie a fait remarquer que le représentant du Maroc avait demandé, tout à l’heure, que l’on ne suive pas les précédents de procédure dans le cas du pétitionnaire s’exprimant au nom du Front POLISARIO et qu’il demande à présent que l’on fasse l’inverse dans le cas présent. Il a indiqué qu’il ne voulait toutefois pas entrer dans la polémique, rappelant que les dispositions de la MINURSO ne sont pas les mêmes que celles de cette Commission.

La Présidente indiquant qu’un interprète à même d’interpréter les propos de M. Gaoutah Mohammed Ahmed Baba se trouvait à présent en cabine, l’a invité à reprendre la parole.

M. GAOUTAH MOHAMMED AHMED BABA a lancé un appel pour que l’on vienne en aide aux populations qui souffrent dans la terre de l’Armada. Il a expliqué qu’avant l’arrivée des Nations Unies, le Front POLISARIO ne parlait pas de tribus et que ce n’est qu’ensuite, avec l’arrivée de la MINURSO, que sont apparues les appellations de tribus et sous-tribus. Il a par ailleurs informé la Commission du fait que les cheiks qui ont travaillé avec le Front POLISARIO ont été utilisés pour s’occuper des chameaux et que quelques-uns d’entre eux seulement ont été engagés pour se battre. Le Front POLISARIO leur avait dit qu’il représenterait leur population, celle de l’Armada. Il a déploré le fait qu’on ait pris les chameaux et les richesses des femmes sahraouies, rappelant que celles-ci vivent dans des conditions lamentables et que rien n’est fait pour ces personnes. Il a dénoncé le fait que l’aide humanitaire destinée à sa population profite aux chefs du Front POLISARIO qui la revendent à l’étranger.

M. MOHAMED SALEM ALI OMAR BAHIA, ancien Chef de tribu Laâroussyenne, a indiqué qu’il est citoyen marocain, d’origine sahraouie et qu’il a été enlevé de force par les mercenaires en 1976 en compagnie d’autres personnes sahraouies pour constituer des otages et des outils de manœuvre politique. Il a ajouté qu’il a participé à l’opération d’identification dans le cadre de l’application du plan de règlement de l’ONU et a attesté que, dans ce contexte, il recevait des instructions strictes de la part du commandant du Front POLISARIO pour exclure la majeure partie des requérants des différentes tribus, surtout les chefs de tribu, les personnes âgées et les personnes influentes. Par ailleurs, a-t-il continué, le commandant du Front POLISARIO insistait sur l’insertion des jeunes, des chômeurs et des habitants du sud de l’Algérie, du nord du Mali et de quelques Mauritaniens. Il a demandé à ceux qui défendent les droits de l’homme qu’ils assurent leur sécurité pour qu’ils se rendent dans les charniers dans lesquels se trouvent leurs compatriotes. Il a indiqué que les prisonniers ont souffert dans les cellules de l’armada et ont été torturés. Il a d’ailleurs montré une radiographie d’un crâne criblé de balles. Il a demandé que ceux qui défendent les droits de l’homme viennent visiter les prisons et, répondant au pétitionnaire qui a affirmé que se trouvent 200 000 personnes dans l’armada, a déclaré que ce n’était pas possible et qu’il y a seulement 35 000 personnes. Il a enfin déclaré que toutes les sommes qui sont payées par les gens qui croient défendre les droits de l’homme bénéficient à l’Algérie et aux chefs du Front POLISARIO.

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