LA DIGNITE HUMAINE DEVRA ETRE AU CENTRE DE TOUTES LES POLITIQUES, SUGGERE LE DIALOGUE ENTRE LES CIVILISATIONS
Communiqué de Presse
AG/1041
LA DIGNITE HUMAINE DEVRA ETRE AU CENTRE DE TOUTES LES POLITIQUES, SUGGERE LE DIALOGUE ENTRE LES CIVILISATIONS
20000905La réunion sur le dialogue entre les civilisations sest poursuivie, cet après-midi, par une table ronde présidée par M. Koichiro Matsuura, Directeur général de lUNESCO, et animée par M. Giandomenico Picco, Envoyñé personnel du Secrétaire général pour lAnnée internationale du dialogue entre les civilisations qui a observé que le thème du dialogue entre les civilisations est lié à la question de la gestion de la diversité. La mondialisation, conséquence du mouvement croissant des individus et de la diffusion des idées dans le monde entier, a dissipé toute illusion dautarcie et rendu indispensable le dialogue. Il a appelé à la création dun nouveau paradigme, qui ouvrira peut-être la porte à un nouveau contrat social international qui fera que la dignité humaine soit lélément supérieur de la vie internationale. Pour sa part, M. Perez de Cuellar, ancien Secrétaire général des Nations Unies, a dit quil sagit de traiter du dialogue entre les nations mais également à lintérieur des nations car les problèmes auxquels nous sommes confrontés à lheure actuelle résultent de problèmes internes aux nations. Les valeurs démocratiques sont le remède le plus efficace à ces problèmes, a-t-il expliqué.
Recommandant de dépolitiser le dialogue entre les civilisations, les participants à la table ronde se sont efforcés de comprendre les causes de la violence, de lintolérance, du mépris et de la haine, que certains ont liés à la peur et au soupçon. Ils se sont demandé comment venir à bout de ces sentiments qui découlent dune conviction dêtre dans son bon droit, conviction qui se transforme en coercition. Ainsi, M. Edgar Morin (France) a suggéré que ce qui divise les individus et les sociétés est une tendance à percevoir lautre comme inférieur, nuisible ou dangereux. Evoquant la difficulté à comprendre lautre et la barbarie présente dans toute civilisation, M. Morin a appelé à une tolérance fondée sur lécoute et la compréhension de lautre, même quand nous le désapprouvons ou quand cest difficile ou douloureux. Il a regretté que la civilisation occidentale se soit longtemps considérée comme «au centre du monde », et quelle refuse aujourdhui de se remettre en question et de revoir sa position. De même, M. Richard Bulliet (Etats-Unis) a suggéré que lon crée de nouveaux paramètres plutôt que de se contenter de visiter le musée de lhumanité dun point de vue occidental encore influencé par les conceptions impérialistes.
(à suivre 1a) - 1a - AG/1041 5 septembre 2000
Mettant laccent sur lunité qui existe au sein de la diversité humaine, plusieurs intervenants ont jugé inacceptable la notion de choc des civilisations, que M. Ru Xin a qualifié de résidu de la guerre froide. Ils se sont élevés contre le processus de mondialisation et, comme M. Alexandre Yakovlev (Fédération de Russie), ont craint quelle naboutisse à une universalisation de la culture sur la base dun seul modèle, que lon observe déjà dans laudiovisuel. Nous pensons que les différentes cultures doivent avoir la latitude de sexprimer, et quil ne devrait pas y avoir de culture universifiante, a-t-il souligné. Plusieurs intervenants, entre autres M. Rex Nettleford (Jamaïque), ont également estimé que lessentiel serait aujourdhui de comprendre que les différents peuples et individus peuvent vivre ensemble tout en conservant leurs spécificités et leur diversité linguistique. Ils ont appelé à linstauration dune éducation axée sur la compréhension de lautre et la connaissance de la diversité du monde. Lhomme est multidimensionnel et tout ce que nous faisons doit tenir compte de cette réalité, a ajouté M. Van Gingel des Pays-Bas, en reconnaissant que lorsque le Conseil de lEurope a commencé à examiner le contenu des ouvrages scolaires au sujet des différents peuples, il était apparu quun immense travail restait à faire.
Ont pris la parole cet après-midi : M. Masanori Aoyagi (Japon); M. Richard Bulliet, Mme Jane Cortez-Edwards , Mme Flora Lewis et M. R.K. Ramazani (Etats- Unis); M. Mohamed Javad Faridzadeh (Iran); M. Hans Van Gingel (Pays-Bas); Mme Attiyah Inayatullah (Pakistan); Mme Ugné Karvelis (Lituanie); M. Koh Byong-Ik (République de Corée); M. Edgar Morin (France); M. Rex Nettleford (Jamaïque); M. Javier Perez de Cuellar (Pérou); M. Ru Xin (Chine); M. Wole Soyinka (Nigéria) et M. Alexander Yakovlev (Fédération de Russie).
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Présentant les questions que les participants à la table ronde aborderont, M. GIANDOMENICO PICCO, Envoyé personnel du Secrétaire général pour lAnnée internationale du dialogue entre les civilisations, a observé que le thème du dialogue entre les civilisations est lié à la gestion de la diversité. Il a estimé que la mondialisation est la conséquence du mouvement croissant des individus dans le monde et de la diffusion des idées. Cette réalité a dissipé toute illusion dautarcie, et apprendre à gérer la diversité est donc une nécessité indéniable. Dans un tel contexte, le dialogue est essentiel. Comment faire pour que ce dialogue soit mieux centré et quil pèse de tout son poids ?
Répondant à cette interrogation, M. PEREZ DE CUELLAR, ancien Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré quil faut commencer par réfléchir à ce que nous entendons par dialogue car il sagit de traiter du dialogue entre les nations mais également à lintérieur des nations. Selon lui, les problèmes auxquels nous sommes confrontés à lheure actuelle résultent de problèmes existant à lintérieur des nations. Il a estimé quil ny a pas dautre manière de remédier à cela que dinstaurer des valeurs démocratiques.
Prenant à son tour la parole, M. RICHARD BULLIET (Etats-Unis) sest dit frappé par le lien établi par le Président de lIran, M. Khatami, entre les civilisations surtout lorsquil évoque la contribution du poète au dialogue entre civilisations. Il a dit que le dialogue entre les civilisations peut susciter des réflexions plus concrètes. Il a préconisé que ceux qui sintéressent à ce sujet commencent par se concentrer sur des questions de notre époque, notamment la souveraineté, lintervention et le rôle des organisations non gouvernementales (ONG). En tant que professeur dUniversité et spécialiste de la civilisation islamique, il sest dit conscient que la connaissance des civilisations non occidentales est reléguée au domaine des connaissances locales, en particulier aux Etats-Unis. Le genre de connaissances dautres civilisations qui a atteint son apogée dans la période de laprès-guerre était teinté dimpérialisme. Nous devrons tenter de créer de nouveaux paramètres plutôt que de se contenter de visiter le musée de lhumanité dun point de vue occidental.
M. EDGAR MORIN (France) a expliqué que la compréhension des autres nest pas forcément dépendante de la quantité dinformations reçue sur eux. Il faudrait plutôt essayer de voir ce qui sépare les individus et les sociétés et qui peut se résumer à la tendance à percevoir lautre comme inférieur, nuisible ou dangereux. La civilisation occidentale sest estimée pendant de nombreuses années comme étant au centre du monde, et la difficulté que lon constate aujourdhui vient sans doute du refus de se remettre en question et de reconsidérer sa position. Il y a dautre part la difficulté à comprendre lautre. Ce matin, des intervenants ont évoqué le respect dû à lâge et aux anciens tandis que lOccident dans sa majorité rejette la vieillesse et lâge. Un postulat avancé par un penseur dit que dans toute civilisation, il y a de la barbarie. Nous aimerions parler de la tolérance, comme autrefois énoncée par Voltaire qui préconisait la nécessité découter lautre, même quand nous le désapprouvons. La démocratie découle de cette faculté. Ensuite il y a ce qua énoncé Pascal, qui préconisait la nécessité découter et de comprendre même quand cela représente un certain niveau de difficulté ou de souffrance pour nous.
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Nous pourrions donc recommander une éducation qui soit en mesure de promouvoir la compréhension. Lunité ne doit pas forcément sopposer à la diversité, et nous devons être capables de construire une patrie communautaire basée sur une communauté de destin qui serait la condition sine qua non du dialogue des civilisations.
Mme UGNE KARVELIS (Lituanie) a fait savoir que son pays comptait abriter une discussion sur la question du dialogue des civilisations lannée prochaine. Il faudrait revenir, a-t-elle estimé, à ladage qui dit Connais-toi toi-même pour connaître les autres car il est impossible de correctement percevoir correctement lautre si on ne sait pas tout à fait ce que lon est soi-même. La mondialisation ne doit pas nous faire oublier que lInternet nest en ce moment accessible que par une minorité. Nous sommes de nouveau en train de créer une donne nouvelle favorable à une poignée de riches. La mondialisation est en réalité la nouvelle manifestation dune civilisation qui ne sera favorable quà celle qui la initiée. Peut-être finira-t-on par sapercevoir que ce nest en réalité quune nouvelle forme de civilisation dominante que lon essaie dimposer à tout le reste de la planète. La galaxie de Mc Luhan dont on parlait encore tant ces derniers temps est en réalité en train de mourir.
Prenant la parole, M. RU XIN (Chine) a déclaré que le développement actuel des nouvelles technologies de la communication et la mondialisation de la vie économique sont irréversibles. En même temps naissent de nouveaux problèmes transnationaux comme le VIH/sida et la pauvreté et linsécurité, qui réclament la naissance dune conscience mondiale pour leur trouver des solutions. Le monde se doit davoir une perspective plus large prenant en compte les intérêts de tous les êtres humains. Les différents acteurs du jeu international, doivent, tout en cherchant lamélioration de leur propre bien-être, respecter les besoins dexistence des autres peuples. De nouveaux problèmes naissent constamment au sein du processus de mondialisation en ce qui concerne le respect et la survie des sociétés humaines. Les valeurs des différents peuples et sociétés sont différentes, ce qui revient à dire que lon ne peut donc leur imposer un seul modèle de développement et de société. En ce qui concerne la Chine, elle est ouverte à la réforme, ce qui ne veut pas dire quelle veut adapter le modèle dune autre société. Les Etats et les peuples ont besoin de se respecter mutuellement si lon veut donner une chance véritable à la paix et à la prospérité internationales. Ce matin quelquun a évoqué lidée de choc des civilisations émise par certains penseurs. Ce modèle de pensée est le reste de la guerre froide, et nous ne pensons pas que les chocs entre cultures et nations soient inéluctables. Cest en dialoguant et en respectant les sensibilités des autres que nous pourrons bâtir un monde mutuellement prospère et bénéfique.
M. WOLE SOYINKA (Nigéria) a suggéré didentifier les nombreuses perspectives que lon peut adopter dans létude des différentes civilisations, ainsi que les domaines relatifs aux civilisations qui ont été négligés. Il a estimé que la mondialisation est une tendance, une étape, au sein dun processus mais quelle ne représente pas une civilisation. M. Soyinka a recommandé de se pencher sur les raisons pour lesquelles nous assistons à une nouvelle émergence de la violence et de lintolérance.
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Il a espéré que le dialogue prendra la forme dune introspection, dun auto- examen de la part de représentants de différentes civilisations afin de comprendre pourquoi la leur a suscité lhostilité ou le ressentiment des autres.
M. MOHAMMED JAVAD FARIDZADEH (Iran) a estimé que pour trouver un langage commun nous devons commencer par le dialogue. Avant de parler de la morphologie de la civilisation, nous devons comprendre quil sagit dun concept de lépoque moderne. Le résultat du choc entre les civilisations doit également être discuté au niveau multilatéral. Lorsque nous entendons le mot dialogue, nous pensons à Socrate, un penseur lié à Aristote ou encore à de grands savants chrétiens ainsi quaux philosophes existentialistes. Cependant, la question du dialogue ne se rapporte pas uniquement aux philosophies grecque, moderne ou occidentale et, à ce titre, ce que les différentes écoles de pensée en ont pensé doit être examiné. Le dialogue des civilisations ne consiste pas à savoir si nous souhaitons copier ou non ce qui existe chez les autres, mais plutôt à exposer les conceptions propres à chaque civilisation.
Sinspirant des interventions faites par plusieurs chefs dEtat lors de la séance de ce matin, Mme ATTIYA INAYATULLAH (Pakistan) a loué la capacité de lislam à intégrer et à modifier les changements culturels. Elle a rappelé que plusieurs intervenants ont également évoqué la capacité de lislam à surmonter le dualisme. Elle a rappelé que le Secrétaire général des Nations Unies a recommandé dutiliser la diversité comme un atout dans un monde de plus en plus interdépendant. Elle a recommandé déviter les discours vides, de dépolitiser le dialogue entre les civilisations et denvisager la paix grâce à la démocratie. La représentante a souligné limportance de la société civile. La représentante a estimé que la question de la violence est liée à la peur et au soupçon, et quil faille se demander comment venir à bout de ces sentiments qui découlent dune conviction dêtre dans son bon droit, conviction qui se transforme en coercition. Durant ce dialogue des civilisations, nous devrions nous efforcer de comprendre les causes de la violence. En gardant à lesprit que les humains sont caractérisés par leurs civilisations, nous devons essayer de prendre conscience de lunité qui existe dans la diversité humaine. La représentante a déclaré que le concept du choc entre les civilisations nest pas acceptable et le dialogue doit englober plutôt quexclure.
Le thème de lunité dans la diversité humaine a été discuté par M. ALEXANDRE YAKOVLEV (Fédération de Russie), qui a estimé que la condition principale pour la tenue dun dialogue était sa dépolitisation. Nous ne croyons pas que les gens souhaitent sciemment la confrontation, la violence ou la guerre, cette attitude est plutôt le fait de groupes ou dhommes politiques intéressés. Si les gouvernements sengageaient sur la voie de la réduction des dépenses militaires et consacraient des ressources aux contacts véritables entre les peuples, il est sûr que ces derniers pourraient alors échapper à lemprise des groupes dintérêt. Concernant par exemple la question de la défense de lenvironnement, nous pensons que lon a tellement crû mentir à la nature quinéluctablement un jour elle prendra sa revanche. Quand on parle de la mondialisation, la véritable crainte que lon ressent est celle de luniversalisation de la culture sur la base dun seul modèle, qui se traduit en ce moment parce que lon observe dabord dans laudiovisuel.
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Il y a en ce moment un sentiment quil y a une vulgarisation de la culture qui pourrait conduire à une espèce de fin de la véritable culture humaine. Nous pensons que les différentes cultures doivent avoir la latitude de sexprimer, et quil ne devrait pas y avoir de culture universifiante. Il faudrait dabord voir quels sont les principaux problèmes de lhumanité pour ensuite énoncer des solutions. Ceci ne se fera pas dans lesprit général de démagogie qui règne sur le discours des hommes politiques et des chercheurs dominants en ce moment. Le dialogue ne peut exister que sur la base des relations entre personnes, et non pas sur la base d échanges entre fonctionnaires, quand bien même ceux-ci appartiendraient à des organisations internationales bien disposées.
M. REX NETTLEFORD (Jamaïque) a dit que les cultures des Caraïbes avaient conscience de leurs origines multiples. Le pluralisme et la pluralité de la vie sont des faits tangibles et les réflexions sur lavenir doivent en tenir compte. Les études dans les écoles occidentales nont pas effacé de notre moi que nous avons des racines dans des civilisations très anciennes, beaucoup plus anciennes. Le mot Américain qui a été pris en otage par les Etats-Unis et leurs ressortissants ne doit jamais occulter le fait que tous ceux qui vivent dans cet hémisphère-ci de la planète sont des Américains. Nous préconisons que les nouvelles générations soient nourries de principes plus justes et plus équitables. Pensez à lavenir et aux enfants qui naissent aujourdhui et pourraient se voir à la tête du monde de demain. Ils devraient savoir que le monde nest pas seulement peuplé de ressortissants de lAtlantique Nord. LUNESCO et les Nations Unies pourraient faire pour encourager les populations et les dirigeants du monde entier à mieux comprendre les véritables buts de la vie. Le multilinguisme dans tous ses aspects, doit être la source du dialogue mondial. Pourquoi, quand on célèbre encore aujourdhui une rencontre mondiale entre dirigeants religieux, les religions de lAfrique en sont-elles exclues, car niées? Pourquoi prétendre que ce continent na pas de civilisations? Et nous pourrions ainsi citer de nombreuses autres insultes. Les musiques du monde reflètent le besoin dexpression des peuples. Il est finalement étrange que ce que lon ait voulu nous inculquer à lécole soit lantinomie de nos vérités. Le dialogue entre les civilisations ne devra pas être une simple rhétorique, mais plutôt une démarche utile, qui ne détourne pas les ressources des problèmes majeurs de la survie des nations.
M. R. K. RAMAZANI (Etats-Unis) a déclaré que le rajeunissement de la population mondiale est indéniable et que les jeunes ont donc un rôle à jouer. Le rôle des jeunes femmes doit également être renforcé. Nous vivons dans un monde dans lequel la diversité est prédominante mais ne coexiste pas avec lunité, qui reste une aspiration. Même dans la Charte des Nations Unies, le concept de souveraineté des nations cohabite avec celui duniversalité. En termes pratiques, la diversité et la souveraineté des Etats sont acceptés mais, en cas dintervention humanitaire, on entre dans le domaine de luniversalité. Etablissant un lien entre le choc des civilisations et la mondialisation, M. Ramazani a suggéré que le dialogue entre les civilisations soit juxtaposé au thème de la mondialisation ou de lintroduction des nouvelles technologies de linformation par le biais dun système dominé par la science et léconomie.
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M. Ramazani a estimé quà la fin du XXe siècle, nous nous trouvons à une étape transitoire, dans laquelle le temps et lespace produisent de nouvelles identités. Le dialogue des civilisations pourrait tenir compte de cette ambiguïté et de carrefour entre plusieurs mondes. Le dialogue entre les civilisations est à la recherche dun paradigme et tient de lexploration, plutôt que davoir recours aux idées préconçues. M. Ramazani a suggéré que lon prenne en considération toutes les dimensions de lhumanité, quelles aient trait à léthique, à la religion ou au style de vie, et non pas les seules dimensions économique et politique. Il a souhaité que lon parvienne à une harmonie du tout qui ne détruit pas la vitalité de ses parties.
M. MASANORI AOYAGI (Japon) a rappelé que les changements et lévolution du genre humain ont été favorisés par lhétérogénéité culturelle. Cependant, aujourdhui, il y a une tendance à lhomogénéisation. Tout en jugeant linternationalisation différente de la mondialisation, M. Aoyagi a estimé que le premier processus contenait les germes du second. Le représentant a proposé un polylogue impliquant toutes les cultures plutôt quun dialogue qui risque dêtre plus restrictif et limité aux civilisations les plus fortes.
M. BYONG-IK KOH (République de Corée) a estimé que parvenir à une réconciliation des civilisations requerra des siècles de dialogue. De ce fait, il faut planifier, organiser et soutenir le dialogue à partir des plus hautes sphères, tout en évitant de donner la part belle à une seule civilisation. Les principales atteintes à lharmonie proviennent de la haine et du mépris des membres des autres civilisations. Seuls des efforts organisés, tels que ce dialogue organisé sur linitiative du Président iranien et de lUNESCO, peuvent aider à dissiper ces sentiments fabriqués de mépris et de haine. M. Koh a expliqué que le bouddhisme et le confucianisme coexistent en Corée depuis des siècles ainsi que, plus récemment, le christianisme. Ces trois sagesses parfois contradictoires co-prospèrent en Corée. Outre les efforts déployés par les dirigeants coréens, les dirigeants religieux de ce pays, eux aussi, ont spontanément fait des efforts de réconciliation afin de parvenir à une coexistence pacifique. M. Koh a conclu en notant que tous ces efforts organisés de lutte contre la haine et le mépris semblent avoir porté leurs fruits.
Mme JANE CORTEZ-EDWARDS (Etats-Unis) a pour sa part placé le dialogue sous le signe des échanges entre lAfrique, les Amériques et les Caraïbes. Le commerce des esclaves a eu un profond impact sur la situation actuelle de lAfrique et sur lexpression culturelle des Amériques. Des manifestations ont eu lieu à lUniversité de New York (NYU) sur la créativité des femmes noires écrivains. Elles se sont orientées vers lavenir et les considérations liées à la mondialisation. Il sagit délargir la coopération internationale et de promouvoir un dialogue productif en faveur des communautés, de la défense de lenvironnement et de la préservation de la vie. Nous espérons que le dialogue se poursuivra sans manipulation de la part des uns et au profit de tous.
Mme FLORA LEWIS (Etats-Unis) a dit que si la civilisation était une rivière qui a beaucoup daffluents, tous vont cependant dans la même direction. Le mot civilisation vient du mot cité qui opposait dans la Grèce et la Rome antiques, ceux qui avaient leur culture urbaine (de la cité), aux autres, aux barbares.
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Comment en est-on arrivé aux différentes perceptions du passé que les gens ont aujourdhui? Des accidents de lhistoire, des rencontres malheureuses et des interactions ont occasionné les réalités daujourdhui. Le dernier rapport des Nations Unies sur le maintien de la paix est fort ambigu en matière de définition de la paix et du bien et du mal. Ceux qui ont fait hier le mal ne doivent-ils pas être perçus comme susceptibles de le faire de nouveau?
Le monde anglophone sera sans doute fort handicapé dans lavenir, car apprendre une langue, ce nest pas seulement apprendre des mots, mais apprendre de nouveaux modes de pensée et de nouveaux concepts. Les Américains, notamment, auront donc de plus en plus de mal à comprendre pourquoi dautres peuples pensent différemment. Les autres auront eu le privilège de connaître plusieurs langues et davoir la capacité de fonctionner à plusieurs niveaux. Les débats de ce matin ont surtout porté sur la vision que ce fait lOccident des autres: eux et nous. Nous navons pas entendu lAsie et lAfrique dire quelles ne se comprenaient pas Cest là peut-être le grand défaut de la perception du monde quont des gens comme le PR Samuel Huntington, auteur du Choc des civilisations.
M. VAN GINGEL (Pays-Bas) a dit que la mondialisation nétait pas quelque chose de nouveau. Les grandes distances et la recherche des moyens de les couvrir ont toujours existé. La mondialisation nest que le résultat des nouveaux moyens, technologiques notamment qui permettent de réduire la distance entre les gens. Lessentiel serait aujourdhui de comprendre que les différents peuples et individus peuvent vivre ensemble tout en conservant leurs spécificités. Beaucoup dentre nous ont été habitués, dans un débat, à vouloir convaincre lautre et non à le comprendre. Cest à ce niveau que les choses doivent changer. Si la démocratie est une des conditions de base du dialogue, léducation en est aussi une nécessité absolue. Lautre doit être reconnu comme notre égal. Il ny a quun fleuve avec plusieurs affluents, qui se déverse finalement dans la même mer. Devons-nous être seulement guidés par les forces du marché sans comprendre que léconomie est une donnée qui doit être adaptée aux véritables besoins de lêtre? Les gens veulent des choses qui soient à léchelle humaine et non pas des choses gigantesques. Cest pourquoi nous devons avoir un univers écologiquement rationnel. Ce nest que quand on connaît les réalités des autres que lon peut parler avec eux de dialogue. Lhomme est multidimensionnel et tout ce que nous faisons sinscrit dans cette réalité. Au niveau du Conseil de lEurope, quand nous avons commencé, ensemble à examiner ce que les ouvrages scolaires disaient des peuples des autres pays, on sest aperçu de limmense travail quil y avait à faire.
M. KAMEL EL HAYAN, spécialiste des nouvelles technologies des communications et de linformation (TIC), a dit quil y a une nouvelle civilisation au sein de laquelle les cultures et les peuples ne se font pas la guerre. Cette civilisation est celle des TIC. En tant que promoteur dune dizaine dentreprises dans ce secteur, nous savons que ce qui nous intéresse, cest dabord de recruter des gens compétents capables de changer le monde.
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Nous sommes conscients que cette civilisation nest pas encore accessible et utilisable par tous, mais nous sommes optimistes, grâce à la capacité de communication que nous donnent les moyens de cette technologie. Cette culture est source dégalité et dinteraction. La démocratie mondiale que promeut cette nouvelle technologie est selon nous un espoir pour lavenir, et nous permettra tous dêtre citoyens dun nouveau monde.
Parlant des TIC, M. KOH (République de Corée) a dit que les effets de lInternet sur le dialogue entre les civilisations devaient être pris en compte. Ce qui vient dêtre dit doit nous amener à donner aux TIC la place qui leur revient. Poursuivant sur cette lancée, M. AOYAGI (Japon) a rappelé que le souci de communication nest pas une chose nouvelle. Depuis lantiquité, les hommes et les civilisations qui se sentaient un peu à létroit ont toujours cherché les moyens détendre leurs perceptions et leurs capacités de propagation didées. Mme LEWIS (Etats-Unis) a dit que les TIC nétaient finalement quun outil. Elles ne sont pas lessence dun dialogue.
Intervenant en fin de séance, Mme INUYATULLAH (Pakistan) a demandé que lUNESCO initie un dialogue sur la contribution des femmes aux civilisations. Mme KARVELIS (Lituanie) a estimé que lInternet nétait pas un outil démocratique, puisquil nest pas accessible à tout le monde. M. NETTELFORD (Jamaïque) a dit que si la machine pouvait aider lhomme, lInternet était cependant bien loin dêtre un outil de véritable éducation. M. YAKOVLEV (Fédération de Russie) a estimé que malgré tous ses avantages, lInternet avait linconvénient de menacer lâme humaine et les véritables contacts entre individus. M. MORIN (France) a estimé que linformation en soi ne pouvait transmettre la connaissance. Le dialogue nest pas la simple discussion, mais la volonté et la tentative de comprendre les idées de lautre. Il sagit de ressentir finalement ce que ressent lautre. Lintelligence froide, si elle existe chez les machines, nexiste pas chez lhomme, qui a besoin de ses émotions. Il nous faut envisager une réforme de léducation favorable à la compréhension de la diversité du monde et de lautre. M.JAVIER PEREZ DE CUELLAR, ancien Secrétaire général de lONU, a estimé que lInternet est un outil de communication et dinformation, mais ne va pas plus loin que cela. Nous insistons que le dialogue doit commencer à lintérieur des Etats pour donner une légitimité à un autre dialogue, celui-là au niveau intergouvernemental, le but recherché étant la paix accompagnée de la justice. En Amérique latine, nous sommes conscients que les différentes cultures, dorigines européenne et autochtone, doivent être équitablement valorisées.
Concluant le débat, M. GIANDOMENICO PICCO a estimé quil fallait trouver et combattre lennemi commun de lhumanité, qui est lintolérance. Le nouveau paradigme doit amener la responsabilisation de lindividu au niveau des affaires de la cité et des affaires internationales. Ce ne sont pas les idéologies qui amènent la destruction, mais plutôt les actes que posent les êtres humains. Le nouveau paradigme ouvrira peut-être la porte à un nouveau contrat social international qui fera que la dignité humaine soit lélément supérieur de la vie internationale. M. KOICHIRO MATSUURA, Directeur général de lUNESCO, a dit que toutes les réflexions exprimées par les différentes parties au cours de ce débat seront prises en compte par lUNESCO au cours de lAnnée internationale du Dialogue entre les civilisations et feront lobjet détudes approfondies.
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