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FEM/1099

LE PLAN NATIONAL CUBAIN DE SUIVI DES OBJECTIFS DE BEIJING A FORCE DE LOI, DECLARE LA REPRESENTANTE CUBAINE DEVANT LE CEDAW

19 juin 2000


Communiqué de Presse
FEM/1099


LE PLAN NATIONAL CUBAIN DE SUIVI DES OBJECTIFS DE BEIJING A FORCE DE LOI, DECLARE LA REPRESENTANTE CUBAINE DEVANT LE CEDAW

20000619

Les expertes s’inquiètent de la survivance du machisme dans la société cubaine

“Dans un contexte souvent difficile et hostile, les femmes cubaines ont réussi à faire une révolution à l’intérieur de la révolution”, a déclaré, ce matin, Mme Soledad Díaz, Présidente de l’Agence de la science et de la technologie du Ministère de la science, de la technologie et de l’environnement, qui présentait le quatrième rapport périodique de Cuba devant le Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Elle a qualifié de prouesse le fait que les femmes cubaines aient atteint une telle position dans la société cubaine, et particulièrement leur participation élevée aux activités économiques, politiques et sociales. Mme Díaz a indiqué que le Gouvernement cubain a adopté en avril 1997 un Plan national de suivi des objectifs de Beijing ayant force de loi et régissant toutes les activités de l’Etat au niveau national. Elle a observé que le blocus économique, commercial et financier dont est victime Cuba depuis plus de 38 ans constitue le principal obstacle et le plus dangereux que doit affronter la population cubaine dans son ensemble pour réaliser chacun des principes du Plan d’action et les dispositions de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Tous les Cubains en souffrent, a-t-elle souligné, mais les femmes sont plus durement touchées car elles doivent affronter quotidiennement des stéréotypes, des préjugés, des coutumes et des comportements empreints de sexisme à quoi s’ajoutent les difficultés créées par le blocus.

Etant donné le blocus et les actions terroristes organisées “avec la connivence du Gouvernement des Etats-Unis pour limiter la liberté du peuple cubain, et pour porter atteinte aux industries touristique et agricole”, Cuba pourrait très bien invoquer une situation d’exception et ne plus garantir la réalisation de certains droits, a poursuivi un autre représentant. Celui-ci, réfutant l’existence de prisonniers de conscience à Cuba, a insisté que tous les Cubains jouissent du droit à la liberté d’expression. Les personnes qu’on appelle “prisonniers de conscience” se sont, en fait, livrées à des activités de collaboration avec les Etats-Unis et ont été traduites devant les tribunaux où elles ont été jugées selon une procédure équitable.

Au cours du dialogue qui s’est engagé avec la délégation cubaine, les expertes du Comité ont regretté la survivance des stéréotypes négatifs et du machisme, et demandé des précisions sur les modifications introduites dans les programmes scolaires pour y remédier. Elles ont également voulu savoir s’il existait un code de déontologie sur la façon dont les femmes devraient être représentées dans les médias. Les expertes se sont interrogées sur le système cubain de parti unique et sur fonctionnement de l’administration cubaine. Une experte a voulu connaître les détails de la représentation des différents groupes ethniques, particulièrement des femmes non blanches, à quoi un membre de la délégation a répondu qu’il y a des personnes de couleur de peau différente, mais que ces personnes ne constituent pas pour autant des groupes ethniques minoritaires. Les expertes ont estimé qu’il subsiste des inégalités dans la participation des femmes au processus de prise de décisions et ont été d’avis que des mesures temporaires seraient nécessaires pour les réduire. Dans le domaine de l’emploi, une experte s’est inquiétée des disparités de revenus et a regretté que le rapport ne précise pas quelle fraction de la population a réellement accès à l’économie de marché.

Le Comité poursuivra l’examen du quatrième rapport périodique de Cuba cet après-midi, à 15 heures.

Documentation

Le quatrième rapport périodique de Cuba (CEDAW/C/CUB/4) rappelle que ce pays a été le premier à signer, en 1980, – et le deuxième à ratifier – la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il est mentionné dans le document que, dans le contexte cubain, la Convention est en parfait accord avec les principes et les instruments législatifs qui protègent les droits des femmes dans tous les domaines de la société. Le support mentionne en outre que, lors de l’examen du dernier rapport périodique de Cuba en 1996, le Comité a signalé dans ses observations finales que le blocus de Cuba était au nombre des facteurs et difficultés qui affectaient l’application de la Convention. Il souligne que la période allant de 1995 au 27 septembre 1999, date à laquelle le rapport a été soumis, le blocus économique a été intensifié et que le blocus commercial et financier imposé par le Gouvernement des Etats-Unis depuis près de quarante ans, est encore renforcé en 1996 avec l’adoption de la loi dite Helms-Burton. Parallèlement, « l’agression économique, politique et biologique contre Cuba » s’est poursuivie. Dans ce contexte, des mesures ont été prises pour réduire autant que possible les perturbations et de préserver les acquis. Les conditions défavorables que le pays a rencontrées ont surtout touché les femmes et affecté la vie quotidienne des familles. C’est pourquoi des mécanismes destinés à protéger leurs droits ont été créés.

A la date où a été soumis le présent rapport, le nombre de femmes s’élevait à 5 539 219 au sein d’une population de 11 093 152 habitants. A Cuba, l’espérance de vie est de 74,7 ans et celle des Cubaines est de 76,6 ans. Le taux général de fécondité est de 49,4 pour mille et le taux global de fécondité de 1,59 pour mille, malgré une légère augmentation du taux brut de reproduction qui est passé à 0,77% en 1997.

Les efforts déployés pendant cette période se sont traduits par le relèvement des indicateurs de la participation des femmes à l’économie. Aujourd’hui, les femmes représentent 66,6% de tous les techniciens et cadres intermédiaires et supérieurs du pays et 72% de la population active dans l’enseignement, 67% dans le secteur de la santé, 43% dans le domaine scientifique et 21% dans l’industrie sucrière. Le nombre de femmes a augmenté aux postes de direction à tous les niveaux en passant de 28,8%, en 1994, à 31,1%. Au Parlement, 27,6% des députés sont des femmes, alors qu’au cours de la législature précédente ce pourcentage était de 22,8%. On constate une augmentation du pourcentage de femmes procureurs (61%), de femmes juges d’instance (49%) et juges à la Cour suprême populaire (47%).

Selon l'indicateur sexospécifique du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Cuba se place au vingt-cinquième rang, soit au-dessus de certains pays développés. Fin 1998, les femmes constituaient 43,5% des personnes syndiquées, soit une augmentation de 5,1% depuis 1996. La centrale des travailleurs de Cuba, et chaque syndicat, comprennent une section chargée de répondre aux problèmes des travailleuses. En 1999, les femmes représentaient 31,1% de tous les cadres dirigeants politiques et administratifs. Toutefois, certains stéréotypes et modèles culturels périmés sont encore vivants dans la société cubaine.

Le mécanisme national cubain pour la promotion de la femme et pour la mise en œuvre de la Convention est la Federación de Mujeres Cubanas (Fédération des femmes cubaines - FMC), organisation non gouvernementale qui jouit du statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies. Cette organisation est dotée d’un comité national, de 14 comités provinciaux et de 169 comités municipaux. Au niveau des collectivités, les membres de la Fédération, dont le nombre dépasse 3,7 millions, sont regroupés en 76 000 délégations. La FMC s’autofinance au moyen des cotisations trimestrielles de ses adhérentes, ainsi que des ressources provenant de son entreprise d’édition, de son centre de formation et de projets divers. La FMC possède un pouvoir législatif.

Le rapport examine la situation à Cuba et les nouvelles mesures prises en conformité avec chaque article de la Convention. Il précise que la Constitution de Cuba, proclamée le 24 février 1976 et modifiée en juillet 1992, affirme le principe de l’égalité entre l’homme et la femme. Le concept d’égalité et les garanties fondamentales établies dans la Constitution permettent de définir ce droit de la femme comme un droit fondamental. Le principe de l’égalité fait l’objet d’un chapitre de la loi suprême qui stipule que “tous les citoyens jouissent des mêmes droits et sont astreints aux mêmes devoirs”. Le phénomène de la discrimination est abordé en ces termes : “La discrimination quant à la race, la couleur, au sexe ou à l’origine nationale, aux croyances religieuses ou à toute autre raison portant atteinte à la dignité humaine est proscrite et sanctionnée par la loi …”. L’article 44 de la Constitution dispose que la femme et l’homme jouissent de droits égaux en matière économique, politique, culturelle, sociale et familiale.

Le Code pénal sanctionne sévèrement de délits de violence, en particulier ceux qu'il qualifie d'"atteintes à la vie humaine et à l'intégrité corporelle" et de "délits contre le déroulement normal des relations sexuelles et contre la famille, l'enfance et la jeunesse". En 1999, la loi 87 portant modification du Code pénal a été adoptée et prévoit comme circonstance aggravante des délits de violence le fait d'"être le conjoint" et l'existence de liens de parenté par consanguinité, mais aussi, désormais, jusqu'au "deuxième degré de parenté par alliance". Pour renforcer la protection de la femme, des enfants et des adolescents, et bien qu'il n'existe à Cuba aucun antécédent d'une telle pratique, un nouvel article concernant "La vente et la traite de mineurs" a été incorporé au Code pénal. Le décret-loi n175 du 17 juillet 1997 a introduit dans le Code pénal la caractérisation de proxénétisme et de traite des personnes. Sont également considérés comme délits les actes qui consistent à "promouvoir, organiser ou susciter l'entrée et la sortie du pays de toute personne aux fins que celle-ci exerce la prostitution ou le commerce sexuel." Le fait que "l'auteur de l'acte emploie la menace, le chantage, la coercition ou l'abus de pouvoir, sous réserve que la concurrence de certaines de ces circonstances ne constitue pas en elle-même un délit plus grave". Dans le domaine du travail, la travailleuse jouit du droit à l'égalité dans les divers cas prévus par la loi, à quoi s'ajoutent des lois concernant, entre autres, la maternité. L'accès des femmes à l'emploi est protégé par des Commissions de coordination de l'emploi féminin. Du point de vue du droit civil, du droit de la famille et de la législation agraire, la femme se trouve également sur un pied d'égalité avec l'homme. La protection juridique des droits des femmes a été confiée au Ministère public en 1993. En outre, la Constitution dispose que "Tout citoyen a le droit d'adresser des plaintes et des pétitions aux autorités, d'être écouté et de recevoir une réponse dans un délai raisonnable, conformément à la loi". La loi relative à l'administration centrale de l'Etat prévoit que les organismes centraux doivent, entre autres facultés et attributions communes, "recevoir les plaintes et pétitions que leur adressent les citoyens et y donner une réponse pertinente dans un délai de 60 jours en s'efforçant de résoudre comme il convient les questions qui sont soulevées." Par ailleurs, le Conseil d'Etat de Cuba a décidé, le 7 avril 1997, de mettre en vigueur le Plan national d'action pour le suivi de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes.

Le rapport aborde également le problème de la prostitution, concentrée essentiellement autour des pôles touristiques et résulte de la violence au sein de la famille. Selon le rapport, la prostitution actuelle s’inscrit dans un contexte de graves difficultés économiques et elle est le fait de femmes majoritairement jeunes et possédant un niveau d’éducation élevé. Le document attribue également cette pratique à des “valeurs éthico-morales peu développées”. Pour ce qui est de la violence au sein de la famille, l’analyse des cas de violence qui ont été signalés révèle, entre autres, que les deux types de violence les plus courants sont les cas de violence des hommes contre les femmes (56,4% des cas) suivie de la violence des mères contre leurs enfants (26,3% des cas).

Suite à l'examen du quatrième rapport périodique de Cuba, le Groupe de travail présession a noté, dans sa liste des thèmes et questions en vue de l’examen des rapports périodiques (CEDAW/PSWG/2000/II/CRP.1/Add.4), qu'il importait de tenir compte des restrictions et des pénuries que Cuba avait connues et continuait de connaître du fait de l'embargo économique. Il a noté avec satisfaction que le Gouvernement cubain avait donné suite à toutes les recommandations formulées par le Comité après la présentation des deuxième et troisième rapports périodiques combinés. Il a noté en outre avec satisfaction que le Gouvernement cubain avait fourni un grand nombre de données et de statistiques ventilées par sexe sur la condition de la femme, qui permettaient de se faire une idée de la situation des femmes et de la façon dont la Convention était appliquée.

Le Groupe de travail présession a souhaité savoir quelles sont les peines et sanctions spécifiques imposées à l'encontre des auteurs des crimes prévus à l'article 295 du Code pénal de 1987 relatif à la violation du droit à l'égalité. Il a également demandé quelles sont les sanctions encourues par les coupables de proxénétisme et de traite de personnes. D'autres questions portent sur la présence d'organisations non gouvernementales non cubaines qui mènent des activités à Cuba; sur le niveau de participation des femmes cubaines au sein de la Fédération syndicale cubaine; les raisons pour lesquelles il a fallu amender le Code la famille cubain; ainsi que sur le problème de la violence des mères contre leurs enfants et de la situation carcérale.

Présentation de l’Etat partie

Présentant le quatrième rapport périodique de Cuba, Mme SOLEDAD DIAZ, Présidente de l’Agence de la science et de la technologie du Ministère de la science, de la technologie et de l’environnement, a déclaré que, dans un contexte souvent difficile ou hostile, les femmes cubaines ont réussi à faire une “révolution à l’intérieur de la révolution”. Elle a estimé que la position atteinte par les femmes dans la société cubaine, leur niveau culturel, technique et professionnel, les taux élevés de participation des femmes à l’économie, à la politique et à la vie de la société, ainsi que les changements profonds intervenus dans leurs manières de penser et de vivre sont de véritables prouesses. Elle a cité le Président Fidel Castro, selon lequel les problèmes de la femme représentent pour la Révolution l’un des problèmes qui demande le plus de ténacité, de fermeté, de constance et d’efforts.

Mme Díaz a indiqué que le Gouvernement cubain a adopté un Plan national de suivi des objectifs de Beijing, qui régit toutes les activités au niveau national reconnaît la nécessité de créer un mécanisme institutionnel ayant la capacité d’assurer la stricte application de ses principes. Le Plan prévoit des initiatives en matière d’emploi des femmes, d’accès des femmes à des postes de responsabilité et d’actualisation et de perfectionnement de la législation concernant les femmes. Le Plan tient également compte du fait que certains des objectifs de Beijing ont déjà été accomplis et prévoit l’incorporation de nouveaux éléments. Des ministres, des experts d’organismes gouvernementaux et un groupe de spécialistes de la Fédération des femmes cubaines et d’autres entités de la société civile cubaine ont participé à son élaboration. La réalisation du Plan a été rendue plus facile par un redémarrage progressif de l’économie cubaine qui a permis au Gouvernement cubain de consacrer plus de ressources aux activités sociales.

Ce rétablissement “discret mais soutenu” de l’économie nationale a correspondu à une augmentation quantitative et qualitative des indicateurs relatifs à la participation économique, politique et sociale des femmes cubaines. En mars 2000, la Fédération des femmes cubaines a indiqué que le taux de participation féminine est passé de 42,3%, en 1995, à 43,6% de la population active, en 1999. Dans les emplois techniques et professionnels, le pourcentage de femmes est passé à 43,6%. Dans les postes de direction, la présence féminine est passée à 32,3%. Au Parlement, 27,6% des sièges sont occupés par des femmes.

Mme Díaz a déclaré que le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba depuis plus de 38 ans constitue le principal obstacle, et le plus dangereux, qu’affrontent les femmes cubaines, le peuple et le Gouvernement cubains pour faire une réalité de chacun des principes du Plan d’action national de la République de Cuba et des dispositions de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Elle a souligné que les effets négatifs du blocus sont ressentis par tous : hommes, femmes, enfants et vieillards. Tous les Cubains souffrent du blocus mais ils en souffrent de différentes manières.

En dépit de transformations radicales intervenues dans la vie et la façon de penser des femmes, les stéréotypes les concernant sont encore vivants dans la population. Il existe encore des critères de jugement, des préjugés, des coutumes et des comportements empreints de sexisme relatifs aux rôles qui sont dévolus aux hommes et aux femmes dans la société, dans la famille. Dans les familles, ce sont encore les femmes qui sont chargées des tâches domestiques, de l’éducation des enfants, ainsi que des soins aux anciens, aux handicapés et aux malades. De ce fait, dans leur vie quotidienne, les femmes doivent affronter ces tâches mais aussi les obstacles créés par le blocus. Mme Díaz a souligné l’appui moral et la solidarité internationale dont a bénéficié Cuba de la part des gouvernements, des organisations internationales et des organisations non gouvernementales, en dépit de toutes les menaces et de toutes les représailles possibles.

Rappelant que Cuba a invité le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la violence contre les femmes, Mme Radhika Coomaraswamy, à effectuer une visite sur son territoire, Mme Díaz a regretté que le dialogue instauré en toute franchise par son Gouvernement n’ait pas été reflété dans le rapport que le Rapporteur spécial a présenté à la 56ème session de la Commission des droits de l’homme. Mme Díaz a rappelé que les expertes du Comité ont à leur disposition les démentis présentés par le Gouvernement cubain et ses arguments démontrant la partialité et la subjectivité de Mme Coomaraswamy.

Dialogue avec les expertes

Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique et Présidente du Comité, a rappelé la participation de Cuba à l’élaboration de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi qu’au Programme d’action régional qui a été élaboré lors de la Conférence sur les femmes qui s’est tenue au Mexique en 1975. Elle a également fait part des changements dans les méthodes de travail du Comité qui présente une meilleure communication entre les expertes et les représentants du pays qui fait son rapport devant le Comité.

La première question de Mme ZELMIRA REGAZZOLI, experte de l’Argentine, a porté sur le Code de la famille qui a servi de modèle à tous les pays de la région. Elle a voulu en savoir davantage sur les révisions envisagées et leurs justifications. Parlant ensuite du parti unique et du fonctionnement de l’administration cubaine, notamment au niveau local, elle a demandé à savoir comment les élections étaient organisées. Les femmes peuvent-elles être élues? Y a-t-il des bulletins de vote? Comment les campagnes sont-elles financées et organisées pour permettre les candidatures de femmes? Citant l’exemple de l’Argentine, elle a indiqué que les partis recevaient une allocation de 5 dollars par candidate. Qu’en est-il à Cuba? Elle a posé la question de savoir comment la proportion de femmes pouvait augmenter dans les coopératives où elles sont sous- représentées.

Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, reconnaissant les nombreux progrès réalisés et la participation élevée de femmes à la vie du pays, a exprimé des préoccupations sur la participation des femmes aux prises de décision. Elle a demandé à savoir quels sont les mécanismes permettant aux femmes d’occuper un siège au Parlement. Existe-t-il des dispositions permettant de garantir l'accès des femmes aux postes élevés de prises de décision? Ne sera-t-il pas nécessaire de prendre des mesures temporaires pour réduire les inégalités qui subsistent? D’autre part, elle a voulu connaître les détails de la représentation des différents groupes ethniques, particulièrement des femmes non blanches.

Constatant la survivance des stéréotypes négatifs et du machisme, elle a voulu en savoir davantage sur les nouvelles approches introduites dans les programmes scolaires pour y remédier et les dispositions prises pour améliorer l’image des femmes dans les médias. Comment les femmes sont-elles présentées dans les médias? Existe-t-il un code de déontologie sur la façon dont les femmes devraient être représentées dans les médias? Elle a également posé des questions concernant le développement de l’industrie du tourisme et son impact sur les femmes qui sont plus vulnérables au tourisme sexuel.

Abordant ensuite la situation des femmes sur le marché du travail et s’inquiétant du faible niveau de rémunération, elle a demandé des précisions sur la situation des femmes professionnelles qualifiées. Subsiste-t-il des écarts de salaires importants entre les hommes et les femmes pour un travail égal? Elle a également demandé des précisions sur les structures d’accueil comme les crèches. Sont-elles subventionnées? Elle a en outre voulu connaître les détails de l’accès des femmes au crédit et des moyens qui leur sont donnés pour fonder leur propre entreprise.

Abordant la situation des prisonniers de conscience, Mme CHIKAKO TAYA, experte du Japon, a estimé que le Gouvernement de Cuba devrait fournir plus de précisions sur les limitations aux droits civils et politiques qui existent à Cuba. Elle a demandé à ce qu’il soit tenu compte les activités des Cubains de Miami qui s’efforcent de déstabiliser le régime actuel. Prenant acte de l’introduction de l’économie de marché à Cuba, elle a observé qu’il existe des disparités entre ceux qui peuvent y accéder et ceux qui ne peuvent pas. Ainsi, compte tenu de l’affirmation selon laquelle la liberté d’expression existe à Cuba, elle a estimé que les étrangers devraient pouvoir interviewer librement les Cubains. Pour ce qui est de l’indépendance du pouvoir judiciaire, elle a demandé à ce que davantage d’informations soit mises à la disposition de l’extérieur.

Dans le domaine de l’emploi, elle s’est inquiétée des disparités de revenus et a regretté que le rapport ne précise pas quelle fraction de la population a réellement accès à l’économie de marché. Quelles mesures ont-elles été prises par le Gouvernement pour remédier à ce problème? S’inquiétant de la faible proportion de femmes (38%) ayant accès au secteur commercial par opposition au secteur d’Etat, elle a voulu recevoir des précisions sur la politique menée par l’Etat dans ce domaine. Prenant en considération que les jeunes femmes ont de plus grandes difficultés à accéder à l’emploi, elle a posé la question de savoir quelle action avait engagé le Gouvernement pour remédier au chômage des femmes.

Réponses des représentantes de l’Etat partie

Mme OLGA MIRANDA, expert juridique du Ministère du tourisme, a rappelé que le Code de la famille a été adopté en 1975 et qu’il comporte des dispositions de fond et des dispositions secondaires à partir du moment où il a été promulgué. A cette époque, le Code civil du XIXe siècle était encore en vigueur et le Code de la famille en dépendait. Le Code de la famille a subi plusieurs modification pour visant à le compléter. La modernisation de l’Etat civil, notamment, a impliqué de nouvelles modifications de l’Etat civil puis du Code de la famille. L’introduction du divorce notarial a également abouti à une modification du Code de la famille qui, dans l’ensemble, a été modifié à 30%. Toutes ces modifications sont compatibles entre elles. Aucun des articles fondamentaux relatifs aux relations entre époux n’ont été modifiés et le mariage continue d’être fondé sur l’égalité des droits et des devoirs entre les conjoints. La représentante a indiqué que l’évolution de la situation concernant les travailleurs indépendants pourra encore entraîner des modifications, ainsi que les autres changements de l’économie et de la société.

Mme HORTENSIA CARDOSO, Directrice de l’Institut de recherches horticoles “Liliana Dimitrova”, a déclaré que les salaires entre les hommes et les femmes sont égaux. A Cuba, les besoins de base des familles, par exemple le paiement des loyers et des salaires, se fait en Peso cubain. Les loyers sont très modérés, l’éducation et les soins de santé sont gratuits, a-t-elle rappelé. Tout ce qui se paye en Dollar relève de l’”excédent”. Le prix des aliments de base fait l’objet d’une certaine protection. Le prix de la majorité des produits est fixé selon le principe de l’offre et de la demande et ont augmenté de 50% depuis l’établissement de cette mesure.

Le développement du pourcentage de femmes parmi les travailleurs est une priorité. Tous les secteurs constituent aujourd’hui des sources d’emploi pour les femmes. Dans certains de production, le salaire a été multiplié par deux ou par trois. Certaines professions reçoivent encore un sursalaire en devises.

Au sujet du système électoral qui prévaut à Cuba, M. RODOLFO REYES RODRIGUEZ, Fonctionnaire chargé de la direction des questions multilatérales du Ministère des relations extérieures de la République de Cuba, a déclaré qu’il se base sur un parti unique dont la formation s’enracine dans l’histoire cubaine. Il a ajouté qu’à Cuba, l’expérience de la démocratie bourgeoise s’est caractérisée par une expansion de la corruption. Le Parti communiste cubain reflète l’évolution historique de Cuba, a-t-il souligné. Le processus électoral est caractérisé par le suffrage universel et à bulletin secret. Toutes les personnes qui résident dans une circonscription donnée peuvent y être candidates.

L’accès des femmes aux postes de décision suit des mesures d’action positive. Il n’y a pas de minorités raciales à Cuba, mais une seule ethnie, celle du peuple cubain qui est le résultat des interactions et des brassages de personnes venues de différents continents. Les personnes évaluent leur race en fonction de leur propre estimation. Il y a des noirs, des blancs et des jaunes et ils ne sont pas reconnus en tant que minorités mais en tant que membres de la société cubaine. Une agence nationale pour l’emploi est chargée de vérifier que les femmes ne souffrent d’aucune discrimination dans leur accès à l’emploi.

Au sujet des prisonniers de conscience, le représentant a affirmé que personne n’est soumis à une privation de liberté pour ses opinions et que la liberté d’expression bénéficie à tous. Cuba pourrait très bien faire penser aux situations d’exception, étant donné le blocus mais aussi d’autres actions terroristes organisées avec « la connivence du Gouvernement américain », pour limiter la liberté du peuple cubain, porter atteinte à l’industrie du tourisme et à l’agriculture. Les activités de collaboration avec les Etats-Unis et les personnes qui sont manipulées par ce pays sont traduites devant les tribunaux selon une procédure équitable. Il y a une séparation très nette des fonctions de l’Etat et la fonction judiciaire garantit le droit à une défense et à faire appel.

Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, membre de la Fédération des femmes cubaines, a fourni de précisions concernant les élections des femmes. Elle a réitéré que le processus politique est soumis à la loi électorale de 1972 assortie des modifications de 1992, issues des amendements proposés par les Assemblées populaires. Les organes de prises de décisions élus sont des assemblées municipales, provinciales et nationale. Les candidats sont tout d’abord proposés, puis leur nomination doit être confirmée avant qu’ils puissent être élus. Les élections au niveau des districts sont libres. Les districts peuvent être divisés en zones électorales de 200 à 300 personnes qui peuvent compter chacune de 2 à 8 candidats. La nomination des candidats s’effectue par un vote à main levée, à l’issue d’une campagne électorale menée dans des conditions égales pour tous et qui dure 31 jours. Tous les citoyens âgés de 18 ans minimum inscrits au registre électoral ont le droit de vote. Les élections ont ensuite lieu à bulletin secret et le dépouillement est public. Lorsqu’il y a plus de trois candidats dans un district, il y a en général deux tours, a-t-elle précisé. C’est au niveau municipal qu’il y a le moins de femmes représentées car celles-ci ne peuvent pas proposer de candidats au nom des organisations de femmes. Elle a indiqué qu’en 1997, on a enregistré une plus grande participation de femmes et que la présence féminine au niveau provincial a augmenté de plus de 4% au cours des cinq dernières années. Les femmes étant moins bien représentées au niveau provincial, cela se répercute au niveau national puisque 50% des candidats sont proposés par les représentants de district et les 50% restant par les organisations professionnelles, y compris par la Fédération des femmes cubaines. En dernier lieu, c’est l’assemblée municipale qui présente la liste des candidats et

le vote s’effectue à bulletin secret. Ainsi, les députés sont choisis par les municipalités, leur nombre étant au minimum de 2 et variant en fonction de la taille de la municipalité. La Fédération des femmes cubaines, s’efforçant de promouvoir la proposition de candidates a lancé une campagne électorale qui a conduit à une augmentation du nombre de femmes élues, leur proportion atteignant désormais plus de 27% au Parlement.

Sur ce thème, Mme SOLEDAD DIAZ, Présidente de l’Agence de la science et de la technologie du Ministère de la science, a ajouté que des recherches financées par le Gouvernement sont en cours pour trouver des solutions à la représentation des femmes dans les organes de prises de décision. Elle a rappelé que ce qui importe, c’est que la personne élue soit la plus qualifiée pour le poste et s’est déclaré encouragée par l’amélioration des statistiques.

Mme OLGA MIRANDA, Conseillère juridique du Ministère du Tourisme de Cuba, a apporté des précisions sur le fonctionnement du système judiciaire. Elle a indiqué que les juges sont indépendants et qu’aucune pression ne peut être faite pour obliger les gens à témoigner. Concernant les prisonniers de conscience, elle a indiqué que, comme dans tous les pays du monde, y compris aux Etats-Unis, tout acte visant à nuire à l’intégrité de l’Etat est passible de sanctions.

Répondant à une question sur la survivance des stéréotypes négatifs, Mme SONIA BERETERVIDE, membre de la Fédération des femmes cubaines, a fait part de certaines mesures temporaires, notamment la discrimination positive et l’action informative. Concernant l’emploi des femmes, elle a indiqué que la Fédération des femmes cubaines s’efforce de donner la priorité à l’emploi des femmes. En outre, on s’efforce de mettre l’accent sur la formation des femmes et de s’assurer que celles-ci trouvent un emploi par la suite. De même, une action sur les médias a été entreprise pour améliorer l’image de la femme. Elle a insisté sur le fait que les mesures adoptées s’inscrivent dans une stratégie d’ensemble en faveur de la promotion de la femme et que le niveau d’éducation de la population s’améliore constamment, ainsi que la participation aux associations culturelles. Elle a cité des programmes visant à promouvoir la conscience sociale des enfants et un programme d’éducation sexuelle qui prépare la population à une maternité et une paternité responsables. Le thème de la parité entre les sexes est mis en avant à tous les niveaux, a-t-elle souligné. Reconnaissant que le problème de la discrimination à l’égard des femmes n’est pas complètement résolu, elle a rappelé qu’il est très lent de changer les mentalités. Elle s’est déclarée en accord avec l’idée selon laquelle le machisme n’a pas disparu à Cuba, même si la révolution s’y est attaquée dès les premières années, notamment en assurant l’accès à l’éducation pour tous. Elle a expliqué que la discrimination est quelquefois insidieuse et s’observe notamment dans les jeux d’enfants et dans les familles.

Faisant part de la révision des manuels scolaires, elle a expliqué que le pays avait manqué de papier. Toutefois, lorsque le papier était disponible, des nouvelles éditions ont été préparées. L’accent a été mis sur l’aspect pédagogique et une formation a été dispensée aux enseignants afin qu’ils se libèrent des influences sexistes dont ils auraient pu hériter. Elle a également indiqué qu’un travail a été mené en collaboration avec les parents. Concernant les enfants dont les mères travaillent, elle a rappelé qu’il existe des centres destinés aux jeunes enfants depuis 1971. Les femmes ont participé au processus visant à construire

ces centres et garderies pour jeunes enfants de 0 à 5 ans. Elle a affirmé que plus de 50 000 enfants fréquentent ces installations et que le Gouvernement s’efforce de faire en sorte qu’aucun de ces centres ne soient fermés du fait des difficultés économiques. En outre, grâce à la participation des communautés, 30% de la population infantile ont pu profiter d’éducation non formelle. Les centres d’accueil pour les enfants sont créés de manière prioritaire dans les campagnes pour permettre aux mères de participer aux travaux agricoles. Toutefois, ces structures ne sont pas gratuites et leur coût représente au maximum 10% du salaire de la famille, a-t-elle précisé.

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