LE GOUVERNEMENT DOIT PRENDRE DES MESURES POUR PROTEGER LES FEMMES DE LA RESURGENCE DES STEREOTYPES CULTURELS, AFFIRMENT LES EXPERTES DU CEDAW
Communiqué de Presse
FEM/1094
LE GOUVERNEMENT DOIT PRENDRE DES MESURES POUR PROTEGER LES FEMMES DE LA RESURGENCE DES STEREOTYPES CULTURELS, AFFIRMENT LES EXPERTES DU CEDAW
20000614Pour les expertes, cest au Gouvernement iraquien de veiller à ce que les conséquences de lembargo ne pèsent pas plus lourdement sur les femmes
Avant lembargo, lIraq était en avance sur lensemble des pays de la région en ce qui concerne légalité des femmes, ont rappelé les expertes du Comité pour lélimination de la discrimination à légard des femmes qui poursuivait, cet après-midi, lexamen des deuxième et troisième rapports périodiques de lIraq. Les expertes se sont inquiétées de la résurgence des stéréotypes culturels et des pratiques discriminatoires qui sont accentués généralement lorsque les conditions économiques se détériorent et ont insisté pour que lIraq ne fasse pas marche arrière dans ce domaine. Plusieurs dentre elles ont observé que le Gouvernement semblait mettre laccent sur le rôle de mère de la femme sans chercher à favoriser sa pleine participation à léconomie et à la vie politique. Elles ont souhaité savoir ce quil en était de la pratique des mariages précoces, des mariages forcés et de la polygamie, ainsi que des crimes dhonneur. Sinquiétant de la violence à légard des femmes, elles ont demandé des détails sur les mesures de protection des femmes qui portent plainte contre leurs abuseurs. Les expertes ont estimé que lembargo nempêche en rien lIraq de prendre des mesures visant à protéger les femmes de la violence ou à assurer leur égalité quant aux droits de succession.
La santé des femmes iraquiennes était également au cur des préoccupations des expertes du Comité. De nombreuses expertes ont souhaité savoir quelles étaient les mesures prises pour protéger la santé mentale et psychologique des femmes iraquiennes et pour protéger les femmes de la pandémie du VIH/sida et des maladies sexuellement transmissibles, en raison notamment de laugmentation de la prostitution en Iraq. Rappelant que lUNICEF avait, dans son rapport, recommandé ladoption dun programme visant à favoriser lallaitement au sein pour protéger les enfants de la malnutrition, les expertes ont demandé expressément au Gouvernement iraquien de prendre urgemment des mesures dans ce sens en précisant quun tel programme est peu coûteux.
Aux questions portant sur la situation des femmes appartenant aux minorités ethniques turkmènes, kurdes et assyriennes, Mme Mona Kammas, membre du Ministère de lenseignement supérieur iraquien, a répondu quil ny avait aucun problème ethnique dans le pays et que seules les interventions occidentales gênent lapplication de la Convention et empêchent lIraq de protéger ses minorités ethniques. Les expertes, si elles ont, dans lensemble, reconnu les effets de lembargo sur la situation en Iraq, ont demandé à lEtat dassumer ses responsabilités. Il lui appartient en propre de prendre des mesures visant à assurer lapplication de la Convention et aux termes de celle-ci, il lui appartient particulièrement de veiller à ce que les conséquences de lembargo ne pèsent pas plus lourdement sur les femmes.
Le Comité pour lélimination de la discrimination à légard des femmes entamera demain matin, à 10 heures 30, lexamen des troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de lAutriche.
Suite des réponses de la délégation iraquienne aux questions des expertes
Mme MONA KAMMAS, membre du Ministère de lenseignement supérieur de lIraq, a expliqué le rôle de la Commission des droits de lhomme du Parlement iraquien, précisant quelle est chargée de toutes les questions relatives aux droits de lhomme, y compris les droits de la femme. Insistant sur les diverses lois adoptées par son pays en vue de garantir légalité des droits entre les hommes et les femmes, la représentante a indiqué que, depuis la préparation du rapport, trois lois ont été adoptées en vue de garantir les droits égaux des hommes et des femmes dans les élections et la participation à la vie publique. Ainsi, plus de quatre millions de femmes ont participé aux dernières élections aux Conseils locaux et lon comptait 46 candidates. Pour ce qui est des partis politiques et les allégations selon lesquelles le Gouvernement ne prend pas de mesures dans ce sens, la représentante a réitéré que légalité juridique existe et que le parti socialiste Baas a mis en place des quotas en faveur des femmes et des jeunes. Elle a précisé que la majorité des bénéficiaires des quotas pour les jeunes ont été des femmes, ce qui a contribué à renforcer leur position au sein du parti. Concernant les insuffisances du programme pétrole contre nourriture, la représentante a souligné quil ne sagit que dun programme temporaire dans lattente de la levée des sanctions et que, pour sa part, le Gouvernement iraquien tente toujours daméliorer la situation des femmes, notamment par le renforcement des mécanismes gouvernementaux.
Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a déclaré quen tant que partie à la Convention, lIraq se doit de déployer tous les efforts possibles pour en appliquer les dispositions. Elle a demandé à savoir les mesures quont prises les autorités pour sauvegarder la santé psychologique et mentale des femmes et des enfants iraquiens. Elle sest déclaré certaine que laugmentation du taux de prostitution en Iraq sest accompagnée dune augmentation du nombre de contaminations par le VIH/sida. Mme Manalo a estimé que le rapport ne transmet aucune description de la situation en ce qui concerne la violence à légard des femmes ni de ce que les autorités iraquiennes entreprennent pour protéger les femmes de la violence. Elle a demandé sil existe une catégorisation des types de violence à légard des femmes et si ces différentes catégories sont sanctionnées. LExperte a voulu savoir si la pratique coutumière des crimes pour lhonneur existe et, si cest le cas, de quelle peine est-elle punie? Une étude de lUNICEF a démontré quil existe une corrélation entre le taux de mortalité infantile et laccès de la mère à léducation. Ceci étant, quelles sont les mesures prises pour assurer un plein accès à léducation aux femmes et aux jeunes filles, a souhaité savoir Mme Manalo.
Mme AHOUA OUEDRAOGO, experte du Burkina Faso, a demandé à savoir le contenu exact de la Stratégie nationale pour la promotion de la femme iraquienne et si ses résultats ont été mesurés au niveau de chaque article de la Convention. Elle a demandé des précisions sur le statut juridique de la Commission nationale de la promotion de la femme. Elle a estimé que les rapports périodiques devraient faire le point des avancées et des obstacles en ce qui concerne la situation des femmes. Faisant remarquer que la majorité des sociétés sont organisées selon un modèle patriarcal qui valorise les hommes, Mme Ouedraogo a souhaité savoir si les femmes iraquiennes peuvent participer à la vie sociale en dehors de leur rôle de mère. Elle sest inquiétée de la situation des femmes des zones rurales en matière dalphabétisation et démancipation. Elle a exhorté le Gouvernement iraquien à impliquer les femmes dans lélaboration des programmes qui leur sont destinés.
Il est souhaitable que, dans le prochain rapport périodique quil soumettra au CEDAW, le Gouvernement iraquien ne perde pas de vue limpact des programmes sociaux. Cela favorisera linstauration dun dialogue constructif qui contribuera à lamélioration de la situation de la femme iraquienne.
Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, sest inquiétée de la situation des personnes déplacées sur le territoire iraquien. Elle a appelé le Gouvernement à accroître ses efforts en vue de réduire les conflits et lintolérance ethniques dans le pays. Il importe dinstaurer la paix à lintérieur du pays pour que les ressources disponibles soient effectivement employées pour lélimination de la discrimination à légard des femmes. Elle a expliqué que lorsque la situation économique empire dans un pays où les stéréotypes et les discriminations à légard des femmes ont tendance à réapparaître et a insisté pour que lIraq ne fasse pas marche arrière dans ce domaine. Se félicitant des mesures adoptées pour protéger les femmes sur le lieu de travail, elle sest dite préoccupée par les différences qui existent entre le secteur public et le secteur privé qui, aux termes du rapport, semble libre de ne pas appliquer les dispositions réglementaires ayant trait aux congés de maternité. Il appartient donc à lIraq de faire en sorte que le secteur privé applique les mesures visant à éliminer la discrimination à légard des femmes. Sagissant de la malnutrition, elle a rappelé que, dans son rapport, lUNICEF avait demandé à lIraq de prendre des mesures pour favoriser lallaitement au sein et a demandé que des programmes intensifs soient mis en place.
Exprimant sa sympathie aux femmes iraquiennes, Mme FENG CUI, experte de la Chine, a déclaré que les sanctions devraient être levées le plus rapidement possible. Elle a demandé des précisions sur les mesures spécifiques visant à protéger les femmes, particulièrement les femmes rurales qui représentent la moitié de la main duvre dans les campagnes. Le Gouvernement a-t-il reconnu leur rôle? Ont-elles accès au microcrédit? Quels sont les efforts faits pour éliminer la pauvreté?
Mme MONA KAMMAS, Membre du Ministère de lenseignement supérieur de lIraq, a déclaré quil serait répondu à la question sur les stéréotypes dans le prochain rapport périodique de lIraq. A ce sujet, elle a souligné que les difficultés certaines que rencontrent les autorités iraquiennes dans lapplication de la Convention ont un impact sur les tentatives de faire changer les stéréotypes. Paradoxalement, lembargo a aussi eu un impact positif sur la situation des femmes car elles ont dû entamer une activité professionnelle et ont, de ce fait, gagné en autonomie. Ce changement sest fait avec le soutien de lEtat. La situation actuelle en Iraq a une influence sur lapplication de la Convention mais le Gouvernement possède la volonté politique de déployer tous les efforts possibles pour faire en sorte que la femme iraquienne jouisse de tous ses droits, a souligné Mme Kammas.
La représentante a indiqué que les réponses aux questions sur laccès des filles à léducation se trouvent dans le document contenant les réponses aux questions écrites du CEDAW. La représentante a reconnu quil doit y avoir une corrélation entre le niveau déducation de la mère et le taux de mortalité infantile, surtout en situation dembargo. Elle a rappelé que les précisions sur les mesures prises pour assurer léducation des femmes et des filles se trouvent dans le rapport de lIraq. Le Gouvernement va envoyer au CEDAW une annexe comprenant tous les détails requis sur la Stratégie nationale pour la promotion de la femme. Pour ce qui est de la situation en ce qui concerne la santé mentale et psychologique des femmes, elle dépend du Ministère de la santé qui assure des programmes grâce aux ressources disponibles pour faire face aux problèmes existants. Pour ce qui est du taux dinfections par le VIH/sida, Mme Kammas a indiqué que lIraq est considéré comme lune des régions les plus saines étant donné le petit nombre de cas de sida quon y a observés.
Au sujet de la violence contre la femme, les réponses qui ont été fournies par écrit ont examiné tous les aspects de cette question. Dautres mesures seront certainement examinées dans le quatrième rapport qui sera présenté par lIraq. La représentante a insisté sur le fait que les crimes dhonneur sont sanctionnés par des peines précises.
Il est certain quil faut accorder une attention particulière aux femmes qui vivent dans les zones rurales, a reconnu Mme Kammas. Elle a affirmé que des efforts considérables sont déployés en leur faveur tant par les institutions étatiques que par les organisations non gouvernementales iraquiennes. Un grand nombre de responsables dans le domaine de la santé et de lagriculture aident les femmes des zones rurales à surmonter les problèmes qui peuvent surgir dans le domaine de la santé, de léducation, de la culture et de la formation professionnelle.
Par ailleurs, la représentante a affirmé quil ny a pas de conflit ethnique en Iraq. Ce sont les interventions étrangères et le fait que les résolutions du Conseil de sécurité ne soient pas appliquées de façon équitable qui entravent lapplication de la Convention. Reconnaissant quil existe une discrimination à légard des femmes dans le secteur privé, la représentante a expliqué que la situation économique de tous les éléments de la société est précaire, y compris celle des employeurs. Mme Kammas a déclaré que si lEtat exigeait des entrepreneurs quils accordent aux femmes les mêmes conditions demplois quaux hommes, et quils appliquent toutes les mesures prévues par la Convention, notamment les congés maternité, cela aggraverait leurs difficultés.
Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de lAllemagne, a dit comprendre la situation de lIraq mais elle a recommandé que le Gouvernement entame un examen de la législation iraquienne pour lharmoniser avec des dispositions de la Convention contre toutes les formes de discrimination à légard des femmes. Elle a estimé que, quelles que soient les difficultés dun Etat partie, celui-ci reste responsable, dans la limite des ressources disponibles, et elles sont ici très limitées, de lapplication de la Convention. Si les femmes et les enfants souffrent davantage que les hommes des conséquences de lembargo, il faut prendre des mesures spécifiques pour les protéger, a souligné Mme Schöpp-Schilling. Elle a demandé si le Comité de haut niveau pour la promotion des femmes iraquiennes a participé à lélaboration de la législation les concernant. Pour ce qui est de la discrimination à légard des femmes dans le secteur privé, lExperte a dit ne pas comprendre en quoi ce phénomène est lié à lembargo. Elle a appelé lEtat partie à prendre les mesures qui simposent pour mettre fin à cette situation. En temps de crise, il y a souvent un retour en arrière et un repli vers les images traditionnelles réconfortantes mais il faut néanmoins continuer à lutter contre les stéréotypes.
Mme CARMEL SHALEV, experte dIsraël, a trouvé difficile daccepter que lembargo soit la source de tous les maux. Elle a estimé que les questions ayant trait au statut de la femme sont indépendantes de lembargo. Elle sest inquiétée que la polygamie est toujours légale. Elle a regretté que les mauvais traitements infligés à la femme par son époux, y compris le viol, ne puissent être examinés avant trois ans. De même, rappelant que cette question des droits de succession
avait été soulevé par le Comité des droits de lenfant et le Comité des droits de lhomme, elle sest demandée comment lembargo peut-elle justifier que les femmes naient pas les mêmes droits que les hommes en matière dhéritage. Une modification de la loi sur les successions ne saurait être liée à lembargo, sest-elle exclamé en précisant quune telle modification ne demande pas de ressources particulières. Concernant les minorités ethniques, Mme Shalev a demandé si elles bénéficient des mêmes droits que les autres femmes iraquiennes.
Mme ZELMIRA REGAZZOLI, experte de lArgentine, a reconnu quil est difficile aux ressortissants de pays développés de mesurer réellement la signification de lembargo et de comprendre le fait que les femmes ne peuvent pas allaiter, ce qui en effet dépasse limagination. Elle a exprimé sa reconnaissance au Gouvernement iraquien pour les efforts quil a faits dans le domaine de la promotion de la femme.
Répondant à ces questions et commentaires, Mme AL-AZZAWI a de nouveau décrit les difficultés que pose lembargo. Elle a invité toutes celles qui doutent de la réalité de la situation à se rendre en Iraq, en rappelant quaucun Etat ne peut prendre les mesures essentielles au développement sans disposer de ressources. Les plans de développement de lIraq ont été établis sur la base des estimations de ressources provenant des produits pétroliers et la suppression de ces ressources au début des années 1990 a clairement affecté la capacité du pays à poursuivre ces plans de développement.
Concernant la possibilité laissée à la femme dépouser son agresseur, la représentante a demandé aux expertes dexaminer le détail de la loi. Sagissant des dispositions relatives au droit de succession, elle sest abritée derrière le fait que plusieurs pays musulmans ont exprimé des réserves concernant lhéritage. Elle a rappelé que lIraq, suivant la loi musulmane, se base sur la complémentarité des rôles de lhomme et de la femme dans la famille et non sur légalité absolue. Sagissant du statut des minorités ethniques en Iraq qui cohabitent pacifiquement avec la population arabe depuis des centaines dannées, la représentante a réaffirmé quil ny a aucun conflit ethnique dans son pays, même si lon sait que les minorités ethniques sont souvent manipulées par les puissances qui cherchent à déstabiliser un régime. Elle a ajouté que le fait que lIraq ne parvienne pas à protéger ces minorités ethniques est une conséquence directe de lembargo.
Mme AIDA GONZALEZ, Présidente du Comité, sest félicitée des efforts faits par la délégation iraquienne pour venir jusquà New York. Elle a toutefois demandé à ce que les préoccupations exprimées par les expertes soient prises en considération. Elle a estimé que tous les problèmes décris ne découlent pas nécessairement de lembargo. Sagissant de la violence à légard des femmes, ces actes de violence ne sauraient être attribués directement à lembargo. Si elle reconnaît la volonté politique du Gouvernement de lIraq dappliquer la Convention, elle a observé que certaines entraves à son application semblent venir de stéréotypes culturels plutôt que de lembargo. Elle a également demandé à ce que lon tienne compte des besoins des minorités. Elle sest sérieusement inquiétée des dispositions qui permettent dalléger la peine de lhomme qui sest livré à des violences sexuelles si celui-ci propose de rétablir lhonneur de la femme en lépousant. La Présidente a reconnu que lembargo avait sans aucun doute des incidences négatives sur le bien être de la santé des femmes, mais a demandé que les remarques et recommandations du Comité soient dûment examinées de façon à ce que lIraq y réponde dans son prochain rapport.
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