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FEM/1093

L'EMBARGO FAIT OBSTACLE A L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES EN IRAQ, DECLARENT LES REPRESENTANTES IRAQUIENNES

14 juin 2000


Communiqué de Presse
FEM/1093


L’EMBARGO FAIT OBSTACLE A L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES EN IRAQ, DECLARENT LES REPRESENTANTES IRAQUIENNES

20000614

Elles indiquent que l’Iraq n’entend pas lever ses réserves à la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

“Les conséquences de l’embargo grèvent les ressources de l’Etat et l’empêchent de mettre en œuvre les mesures garantissant les droits économiques et sociaux de ses citoyens ainsi que d’appliquer pleinement les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes”, a déclaré Mme Eman Naji Al-Assawi, juriste iraquienne, présentant, ce matin, les deuxième et troisième rapports de l’Iraq au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Elle a souligné la détérioration des soins de santé, la hausse de la mortalité maternelle et infantile, l’augmentation du nombre de cas de leucémie due à l’utilisation d’uranium appauvri contre l’Iraq par les forces américaines et britanniques.

Assurant le Comité que l’Iraq avait démontré une réelle volonté politique d’appliquer la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qu’il a ratifié en 1986, les représentantes iraquiennes ont réaffirmé que l’Iraq, attaché à ses traditions culturelles, n’entend pas lever ses réserves à la Convention. Ces réserves portent sur deux alinéas de l’article 2 qui demandent aux Etats parties de prendre toutes les mesures appropriées pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes; sur l’article 9 accordant à la femme des droits égaux à ceux de l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants; et sur l’article 16 qui demande aux Etats parties de prendre des mesures pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux.

La situation de la femme dans l’Iraq moderne est plus favorable que celle qui prévaut dans de nombreux autres pays arabes, ont souligné les expertes du Comité au cours du dialogue qui a suivi la présentation de l’Etat partie. En effet, les représentantes iraquiennes ont déclaré que la représentation des femmes au Parlement a atteint 8% alors qu’elle n’est que de 3% dans les autres pays arabes.

Si les expertes du Comité ont déploré les conséquences négatives de l’embargo sur la situation générale des femmes et des enfants iraquiens, elles ont néanmoins demandé à connaître le détail des mesures adoptées par le Gouvernement iraquien pour les protéger. Plusieurs d’entre elles ont demandé des précisions sur la prostitution en Iraq, vu la corrélation générale entre ce phénomène et les conditions économiques précaires, et sur la violence à l’égard des femmes.

Contestant l’opinion exprimée dans le rapport de l’Iraq selon laquelle les modes de comportement sociaux et culturels ne peuvent être modifiés au moyen de textes législatifs ou de mesures administratives, les expertes ont souligné la nécessité de renforcer l’égalité de jure entre les hommes et les femmes par des mesures spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait. Le Comité a également appelé l’Iraq à démontrer sa volonté politique d’appliquer les instruments internationaux relatifs aux droits des femmes nonobstant l’embargo.

Le Comité reprendra l’examen des rapports périodiques de l’Iraq cet après-midi à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ELIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES

Deuxième et troisième rapports périodiques de l'Iraq (CEDAW/C/IRQ/2-3)

La population de l'Iraq s'élève à 22 017 983 personnes environ, dont 10 940 764 hommes et 11 077 219 femmes, soit 50,3% de la population totale. En 1998, la population était estimée à 17 250 000 personnes, mais les femmes ne représenteraient plus que 48,6% de la population totale.

L'Iraq a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes le 28 juin 1986. Nonobstant les circonstances dans lesquelles se trouvent ce pays depuis l'embargo, il y a huit ans, le Gouvernement iraquien a pris un certain nombre de mesures pour la promotion des femmes iraquiennes, les plus récentes d'entre elles étant l'adoption d'une Stratégie nationale et la mise en place d'un comité national de haut niveau pour la promotion des femmes iraquiennes, est-il indiqué dans les rapports de l’Iraq. L'organe chargé de la promotion de la femme en Iraq, la Commission nationale de la promotion de la femme iraquienne, dépend directement des plus hautes instances exécutives depuis 1997. Cette Commission est chargée de coordonner les activités menées dans le cadre de la Stratégie nationale et composée de représentants des ministères concernés par les questions féminines ainsi que de l'Union générale des femmes iraquiennes, organisation non gouvernementale. La Stratégie vise, entre autres, à atténuer les effets de l'embargo qui pèse lourdement sur les femmes et porte sur les domaines politique, économique, social et culturel.

Selon le rapport, les droits politiques des femmes iraquiennes n'ont pas été affectés du fait de l'embargo. Les femmes continuent d'occuper des emplois publics dans tous les ministères et organismes officiels. Dix-sept femmes sont membres du Parlement et elles assument leur rôle à côté des hommes dans les discussions et la prise de décisions au niveau du conseil. De même, la femme iraquienne participe sur un pied d'égalité aux organisations et associations non gouvernementales, ainsi qu'aux syndicats. On compte 2 000 avocates inscrites à l'Ordre des avocats iraquiens sur un nombre total de 9 200 avocats; 25 enseignantes sur un nombre total de 29 379 enseignants en 1997, soit un pourcentage de 65%; 200 000 ouvrières appartenant à l'Union générale des syndicats de travailleurs sur un total de 1 100 000 travailleurs inscrits en 1997, soit 20%.

En ce qui concerne la garantie de l'égalité entre les hommes et les femmes du droit à l'éducation, l'enseignement est obligatoire et gratuit en Iraq pour les enfants des deux sexes de 6 à 10 ans jusqu'à la fin des études primaires. La proportion de filles dans les jardins d'enfants qui était de 47,7% en 1988 est passée à 48,7% en 1997. En 1988, les filles représentaient 44,2% des effectifs des établissements d'enseignement primaire et ce taux s'est maintenu jusqu'en 1997. En outre, l'enseignement primaire mixte s'étend dans les villes, le pourcentage d'écoles mixtes atteignant 76% en 1996/7. Dans les écoles secondaires, la proportion de filles est passée de 38,6% en 1988/9 à 39% en 1996/7. Le faible taux des effectifs féminins dans les écoles secondaires s'explique par le fait que l'âge des élèves du secondaire est, pour les filles, celui auquel elles quittent l'école, particulièrement dans les zones rurales, soit pour contracter un mariage précoce, soit pour travailler au sein de la famille. En 1994, les étudiantes représentaient 34,3% des effectifs des universités,

33,6% en 1995 et 33,7% en 1997. On note en outre que les femmes représentent un pourcentage important des professeurs des écoles primaires (71% pour 1997/8). Leur proportion dans le corps enseignant du secondaire a atteint 58% en 1996/7 et 26,9%dans le corps enseignant universitaire.

Malgré les efforts déployés par les services officiels et les organisations populaires, le taux d'abandon scolaire augmente à cause des effets de l'embargo économique, scientifique et culturel imposé à l'Iraq depuis 1990. Parmi les autres facteurs contribuant à l'abandon scolaire, il convient de citer, les traditions sociales dans certaines campagnes qui favorisent le mariage pour les filles dès qu'elles ont atteint l'âge minimum et les absences répétées pour cause de travail. Ainsi, en 1996/7, 67 407 élèves, dont 53,9% de garçons et 45,8% de filles, ont abandonné leurs études à l'école primaire.

Après une explication détaillée de la loi sur le travail de 1987, le rapport donne un aperçu de la représentation féminine dans les secteurs industriel, financier et commercial. Le pourcentage des femmes dans la population active industrielle a sensiblement augmenté, passant de 17% en 1987 à 18,9% en 1990 et 21% en 1995. La proportion de femmes travaillant dans le secteur commercial est de 14%. Dans les secteurs financiers et bancaires, la proportion de femmes est relativement élevée. On compte 17 195 femmes employées par le Ministère des finances, soit 67% du nombre total de fonctionnaires de ce ministère.

Afin d'éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine des soins de santé, la loi sur la santé publique contient des dispositions concernant la santé de la mère, de l'enfant et de la famille. Les services de santé visent à réduire le taux de mortalité périnatale, à s'assurer de l'état de santé des futurs époux et à réunir les conditions d'un accouchement sans risque grâce à la formation de sage-femmes. Toutefois, la santé maternelle et infantile a subi le contrecoup de l'embargo et le taux de mortalité des enfants de moins d'un an a atteint 92,7% alors qu'il était de moins de 25% avant l'embargo. Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans est passé de 52% avant l'embargo à 128% et le taux de mortalité maternelle a atteint 117 pour 100 000 naissances vivantes.

L'embargo a également eu des effets sur la nutrition de la population, notamment des femmes en âge de procréer. Toutes les études et les enquêtes indiquent que le taux d'anémie ferriprive chez les femmes enceintes est passé de 51% en 1994 à 56% en 1996. Face à cette situation, le Ministère de la santé a mis au point un programme de prévention afin de distribuer des comprimés à base de fer et d'acide folique aux femmes enceintes, en particulier après le quatrième mois de grossesse, et aux femmes qui allaitent.

Questions posées par le Groupe de travail présession

Le Groupe de travail présession a noté que le Gouvernement iraquien avait fait valoir que les incidences économiques et sociales de l’embargo imposé par les Nations Unies depuis 1990 constituaient un obstacle à l’application de la Convention. Il a noté qu’un certain nombre de recommandations et demandes formulées par le Comité lors de l’examen du rapport initial n’avait pas été pris en considération (nombre de femmes et d’enfants touchés par l’action militaire et le blocus, mesures temporaires spéciales visant à instaurer une égalité de fait entre les hommes et les femmes, statistiques concernant la violence à l’égard des femmes et pourcentage de femmes célibataires chefs de famille dans l’agriculture). Le Groupe de travail a également noté que l’information concernant les femmes des minorités ethniques faisait défaut et qu’aucun élément me permettait de savoir si le Gouvernement iraquien envisageait de lever tout ou partie de ses réserves à la Convention. L’Iraq est invité à faire savoir s’il envisage la levée de ses réserves à la Convention et s’il existe une loi sur l’égalité des droits. Il lui est demandé qui a élaboré la Stratégie nationale de promotion de la femme iraquienne et si celle-ci s’appuie sur les dispositions de la Convention. Le Gouvernement iraquien est invité à fournir des informations sur la prostitution en Iraq, en particulier s’il y a eu une augmentation de la prostitution depuis que l’embargo a été décrété.

La liste complète des questions figure au document (Cedaw/PSWG/2000/CRP.1/ Add.3).

Présentation par l’Etat partie

Mme MONA KAMMAS, Professeur d’université et membre du Ministère de l’enseignement supérieur de l’Iraq, a jugé pertinent de réviser certaines informations contenues dans le rapport périodique, notamment concernant la population iraquienne et le pourcentage de femmes. Ainsi la population de l’Iraq est de 22, 17 millions de personnes, dont 45,7% d’hommes et 53,3% de femmes. La croissance démographique de 1987 à 1997 a été de 3%. Elle a rappelé que, dans le cadre du suivi de la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing de 1995, le Gouvernement iraquien a adopté une Stratégie nationale pour la promotion de la femme iraquienne et a renforcé les mécanismes institutionnels pour surveiller la mise en œuvre de cette Stratégie. Elle a souligné l’importance des circonstances objectives dans lesquelles la Convention est mise en œuvre et qui font obstacle à son application. Il importe que l’Iraq puisse jouir de sa souveraineté et de son intégrité territoriale, ce qui est une nécessité pour la mise en œuvre de la Convention comme le stipule le préambule qui dispose que “le respect de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale favoriseront le progrès social et le développement et contribueront, par conséquent, à la réalisation de la pleine égalité entre l’homme et la femme”. Ainsi toutes les mesures qui remettent en cause la souveraineté nationale affaiblissent les conditions objectives de la mise en œuvre de la Convention, a-t-elle fait valoir. Elle a précisé que les attaques aériennes, qui ont lieu depuis 1991, ont provoqué la mort de centaines de civils innocents et ont détruit les infrastructures de l’économie iraquienne. L’absence de souveraineté de l’Etat iraquien sur le nord du pays, où résident des Turkmènes, des Kurdes et des Assyriens, représente aussi une violation constante l’intégrité du territoire iraquien qui empêchent l’Etat d’appliquer les instruments internationaux sur ces parties de son territoire. La représentante a insisté que le droit à la vie est un droit inaliénable que les forces britanniques et américaines ne respectent pas puisqu’en utilisant de l’uranium appauvri contre l’Iraq, elles ont provoqué des maladies et un accroissement du nombre de leucémie depuis 1991. Elle a observé que 75% de ces cas touchent des enfants et que l’on note en outre une augmentation des cancers et des maladies de peau qui touchent les femmes enceintes et provoquent une hausse de la mortalité maternelle et des maladies congénitales. Le bombardement quotidien du pays a également des incidences sur l’Etat de santé psychologique des femmes qui souffrent d’insomnie, de maux de tête et d’angoisses. Ceci affecte également les enfants qui souffrent de dépression et de troubles de la concentration.

La représentante a rappelé que l’application des traités est basée sur la volonté politique du Gouvernement concerné, l’existence d’une législation nationale appropriée, la mise à disposition des ressources par le Gouvernement concerné et la coopération internationale. Dans le cas de l’Iraq, elle a estimé que la volonté politique de l’Etat est démontrée, comme en témoignent l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la mise en place d’une Stratégie nationale pour la promotion de la femme iraquienne. Toutefois l’absence de ressources et de coopération internationale entravent grandement la mise en œuvre de la Convention. En effet, la préoccupation principale de l’Etat est la survie de ses citoyens, car il convient au premier chef d’éviter une famine, a-t-elle indiqué. Il apparaît clairement que les sanctions ont des incidences négatives sur les droits économiques et sociaux de tous les Iraquiens, a-t-elle dit en rappelant que le Programme d’action de Beijing et le document final adopté lors de session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée à l’évaluation à cinq ans du Programme d’action de Beijing demandent que l’on atténue les effets négatifs des sanctions. La représentante a insisté sur le fait qu’il appartient aux organes chargés de surveiller l’application des traités d’évaluer les conséquences négatives des sanctions. Le rapport de l’UNICEF a démontré que le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a augmenté considérablement ainsi que le taux de mortalité des nourrissons. Le taux de mortalité maternelle est passé à 294 pour mille naissances. La représentante a jugé nécessaire que le CEDAW prenne connaissance et tienne compte des rapports qui examinent les effets des sanctions qui pèsent sur l’Iraq.

Prenant la parole, Mme EMAN NAJI AL-ASSAWI, Juriste iraquienne, a mentionné que le Gouvernement iraquien a pris trois modèles de mesures pour accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et leur garantir la jouissance de leur droit. Des femmes ont été nommées à la direction des partis politiques. Le parti socialiste Baas s’est efforcé d’augmenter les positions occupées par les femmes en imposant des quotas qui s’appliquent à tous les niveaux du parti. En conséquence, on relève une augmentation de la proportion de femmes au sein du parti, conformément aux recommandations du CEDAW. Des lois ont été adoptées pour garantir les droits des femmes, notamment dans le cadre du mariage et pour atténuer les conséquences financières sur les femmes dans les cas de divorce. Cette loi dispose qu’en cas de divorce, les femmes peuvent bénéficier d’indemnités et son application est garantie par la pénalisation de l’absence de paiement.

Elle a rappelé que la représentation des femmes au Parlement a augmenté considérablement pour atteindre 8% alors qu’elle est de 3% dans les autres pays arabes. Elle a insisté sur les conséquences de l’embargo qui grèvent les ressources de l’Etat et l’empêchent de mettre en œuvre les mesures pour garantir les droits économiques et sociaux de ses citoyens. Elle a souligné la détérioration des soins de santé et la hausse de la mortalité maternelle et infantile. Elle a réitéré que son Gouvernement avait largement démontré sa volonté politique d’œuvrer pour l’égalité entre les femmes et les hommes et d’appliquer les dispositions de la Convention. Elle s’est dite convaincue que les expertes du Comité sauront prendre en considération les conséquences négatives des sanctions, se joindront à l’appel pour la levée des sanctions imposées à l’Iraq qui sont une « entrave majeure » à la mise en œuvre de la Convention et insisteront pour que l’on respecte la souveraineté de l’Iraq et l’intégrité de son territoire, conditions essentielles à l’application de la Convention.

Questions des expertes

Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a déclaré que la situation de la femme dans l’Iraq moderne a connu de grandes avancées comparées à celle qui prévaut dans les autres pays arabes. Elle a noté qu’il existe encore des lois discriminatoires à l’égard des femmes en Iraq, ainsi qu’en témoignent les réserves émises par l’Iraq aux articles 9 et 16 de la Convention. Les droits à l’héritage et à la liberté de déplacement ne sont pas réalisés en ce qui concerne les femmes, a-t-elle regretté. Elle a affirmé que l’article 9 et l’essentiel de l’article 16 ne sont pas en contradiction avec la Charia et appelé l’Iraq à retirer ses réserves. Il est vrai que les sanctions qui frappent l’Iraq ont entraîné une augmentation du taux de chômage et une dégradation des conditions de vie de la population et des femmes au premier chef, mais le Gouvernement iraquien n’a pas pris de mesures spéciales pour protéger les droits des femmes et des enfants dans ce contexte. Mme Khan s’est dite déçue de l’absence d’informations particulières sur la violence contre les femmes et la prostitution qui ont tendance à augmenter lorsque l’environnement économique est particulièrement difficile. Elle a souhaité savoir les mesures envisagées par le Gouvernement pour enrayer ces phénomènes. L’Experte a également déploré que les autorités iraquiennes considèrent ne pas pouvoir changer les conduites sociales, les comportements traditionnels et culturels, ainsi que les stéréotypes défavorables à l’égard des femmes. L’héritage culturel d’un pays ne doit pas être utilisé comme justification à des pratiques nocives à l’égard des femmes, a souligné Mme Khan. L’un des aspects les plus négatifs de cette situation est la complicité de l’Etat. Il est également nécessaire que le Gouvernement reconnaisse que, même s’il y a égalité de jure, il faut prendre des mesures spéciales pour accélérer leur prise de participation à la vie politique.

Se penchant sur la question de la santé des femmes et des enfants, Mme Khan a demandé de savoir s’il existe un mécanisme au sein du Gouvernement chargé d’examiner la manière dont les incidences négatives du programme “pétrole contre nourriture” sur la situation sanitaire peuvent être enrayées.

Mme YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a déploré les retombées négatives qu’a eu l’embargo frappant l’Iraq à bien des égards, et particulièrement sur la santé de la population. Elle a demandé à la délégation de développer la question des stéréotypes et des mesures spéciales qui ont été prises pour complémenter les mesures légales de lutte contre les stéréotypes. L’Experte a souhaité savoir si des efforts sont déployés pour accroître l’incorporation des jeunes filles aux établissements d’enseignement technique et professionnel. Il faut que ces jeunes filles disposent de possibilités d’emploi lorsque le pays entrera dans sa phase de reconstruction. Existe-t-il des programmes spécifiques visant à renforcer la présence de femmes à la tête du pays? L’Experte a demandé à connaître les dispositions de la législation garantissant que les femmes comme les hommes peuvent être élus. Elle a souhaité savoir si l’on a évalué les résultats concrets des travaux entrepris par le Comité national pour la promotion de la femme iraquienne.

Mme IVANKA CORTI, experte de l’Italie, a assuré la délégation iraquienne de l’objectivité du CEDAW et a exprimé sa solidarité personnelle avec les femmes iraquiennes en soulignant qu’elle condamne l’imposition de l’embargo vu ses conséquences négatives sur les femmes et les enfants, notamment leur droit à la vie. Elle s’est inquiétée de l’état des hôpitaux iraquiens, de l’absence de médicaments et de nourriture, estimant que cela semble être les seules conséquences de l’embargo puisqu’il n’y avait aucun changement politique. Toutefois, elle a estimé que l’embargo n’annule pas les traités auxquels l’Iraq a souscrit. Il importe que l’Iraq démontre sa volonté politique d’appliquer les traités nonobstant l’embargo. Elle a demandé un complément d’information sur les actions prises face à l’embargo qui a provoqué une situation économique grave contre laquelle certaines choses peuvent néanmoins être faites. Elle a indiqué qu’aucune mesure ne semblait avoir été prise en faveur des femmes rurales ni pour la mise en œuvre de l’article 7 de la Convention qui demande que des mesures soient prises pour éliminer la discrimination dans la vie politique et publique du pays. Elle a voulu savoir les mesures qui avaient été prises en faveur des femmes des minorités ethniques. Mme Corti s’est inquiétée de la rémunération des femmes, estimant que les informations présentées dans le rapport sur ce point sont trop vagues. Il semblerait que les femmes dans le secteur public sont assurées d’une bonne rémunération alors que rien n’indique dans le rapport que les femmes dans le secteur privé bénéficient d’une rémunération suffisante.

Répondant à ses questions, Mme EMAN NAJI AL-ASSAWI, juriste iraquienne, s’est dit confortée par l’intérêt et la sympathie témoignés par les expertes du CEDAW. Elle a également exprimé sa satisfaction devant l’amélioration des méthodes de travail du CEDAW depuis la présentation du rapport initial de l’Iraq en 1990. Au sujet des réserves de l’Iraq, elle a demandé à ce que le CEDAW tienne compte des circonstances particulières nationales et internationales et a fait valoir les raisons de son pays pour expliquer que celui-ci ne prévoit pas de lever ses réserves à la Convention. Le fait que l’Iraq n’ait pas levé ses réserves, a-t-elle dit, tient au fait que son pays est attaché à l’application réelle des engagements qu’il souscrit.

Au sujet de la législation garantissant l’égalité des droits aux hommes et aux femmes, elle a estimé que la Loi de son pays garantit cette égalité, y compris en matière d’emploi et de rémunération. Elle a souligné en outre l’importance de la législation qui assure une indemnité alimentaire aux femmes en cas de divorce et a indiqué que les hommes qui s’y refusent encourent une peine de prison pouvant aller jusqu’à deux ans. Pour ce qui est du chômage, elle a observé que le chômage s’est accru pour les deux sexes au cours des dix dernières années, mais a indiqué que la situation des femmes dans le secteur public est parfois meilleure que celle des hommes. Elle a assuré les expertes qu’en dépit de la bonne volonté du Gouvernement et des mesures existantes, la situation économique du pays ne permet pas toujours d’assurer leur application. Elle a insisté sur les difficultés qu’a son pays à établir les rapports et à envoyer une délégation pour les présenter, précisant qu’elle avait mis elle-même plus de huit jours à se rendre à New York.

Concernant la prostitution et la violence, la représentante a indiqué qu’il n’existe aucune violence plus grande que celle imposée sur les femmes par l’embargo. Elle a rappelé que le législateur iraquien a traité de la violence à l’égard des femmes dans les moindres détails. Le nombre de cas de violence à l’encontre des femmes, y compris les homicides volontaires, les viols, la sodomie, le rapt -- serait de 6468 cas en 1998, a-t-elle précisé. La représentante a ensuite rejeté l’idée qu’il y aurait une augmentation de la polygamie. Elle a souligné qu’il n’est pas possible en ces temps difficiles pour un homme d’avoir deux femmes. Elle a ajouté qu’elle n’a pas non plus observé d’augmentation de la prostitution mais a remarqué au contraire que l’Etat s’efforçait d’offrir des alternatives aux prostituées, notamment par la formation et l’ouverture de foyer d’hébergement. Pour ce qui est des mesures visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes, la représentante a rappelé la politique active de son Gouvernement. * *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.