LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE BELGIQUE ET LE VICE-MINISTRE RUSSE DES AFFAIRES ETRANGERES
Communiqué de Presse
DH/G/1282
LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE BELGIQUE ET LE VICE-MINISTRE RUSSE DES AFFAIRES ETRANGERES
20000329Les Rapporteurs spéciaux sur l'Afghanistan, l'Iraq, la République démocratique du Congo et le Burundi présentent leurs rapports
Genève, le 29 mars 2000 -- La Commission des droits de l'homme a entendu, ce matin, les allocutions du Ministre des affaires étrangères de Belgique et du Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie. Elle a également poursuivi son débat sur la question de la violation des droits de l'homme partout dans le monde. Dans ce cadre, les Rapporteurs spéciaux chargés respectivement de la situation des droits de l'homme en Afghanistan, en Iraq, en République démocratique du Congo et au Burundi ont présenté leurs rapports.
M. Louis Michel, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de Belgique, a notamment déclaré que les Européens doivent encore affronter trop de tendances rétrogrades et anti-civilisatrices, il n'y a pas et n'y aura jamais de place dans l'Union européenne pour ceux qui prônent l'intolérance, le racisme et l'exclusion et font de l'ignorance et de la méconnaissance de l'autre leur fonds de commerce. Il a également souligné que le respect des droits de l'homme en Tchétchénie incombe à toutes les parties en conflit et en premier lieu aux forces armées russes.
Le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Serguei Ordzhonikidze, a affirmé que la situation en Tchétchénie représentait à partir du milieu de 1999 une telle menace, qu'aucun état au monde n'aurait toléré qu'elle se prolonge. Il a par ailleurs déclaré que le Bureau du Procureur de la République enquête sur toutes les allégations de violation de la loi. Il n'y a pas de doute sur l'efficacité du système judiciaire russe et, par conséquent, le pays n'accepte pas les appels à des enquêtes internationales sur la violation des droits de l'homme en Tchétchénie.
Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, M. Kamal Hossain, a affirmé que la situation actuelle s'explique par le fait que le peuple afghan est pris en otage sur son propre territoire. Le Rapporteur a demandé que l'on relance un processus de paix durable pour mettre fin au règne de l'arbitraire imposé par les Taliban et rendre l'Afghanistan à son peuple. Le représentant de l'Afghanistan auprès des Nations Unies a fait une déclaration suite à l'intervention du Rapporteur spécial.
Présentant son rapport sur la question de la violation des droits de l'homme en Iraq, le Rapporteur spécial sur la question, M. Andreas Mavrommatis, a indiqué qu'il avait demandé à l'Iraq de l'inviter, le plus rapidement possible, à se rendre en Iraq afin d'étudier sur place la situation des droits de l'homme. La délégation de l'Iraq a fait une déclaration.
Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, M. Roberto Garretón, a estimé que le pays est confronté non plus à un seul conflit mais à plusieurs, certains ayant des dimensions internes, d'autres un caractère international. De nombreuses atteintes au droit humanitaire international ont été commises par toutes les parties, a-t-il ajouté. Il a recommandé la stricte application, sans délai, par toutes les parties, des accords de Lusaka ainsi que la mise en place d'un embargo international sur les ventes d'armes et la convocation d'une conférence internationale sur la paix dans la région des Grands Lacs. La délégation de la République démocratique du Congo a fait une déclaration.
Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme au Burundi, Mme Marie-Thérèse Kéita-Bocoum, Rapporteuse spéciale, a déclaré que la situation des droits de l'homme dans ce pays s'est encore nettement dégradée. Elle a lancé un appel à la communauté internationale et en particulier aux États de la sous- région afin qu'ils prennent des mesures contre le trafic d'armes et de munitions et soutiennent l'idée d'une conférence internationale portant sur la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs.
Les représentants du Portugal (au nom de l'Union européenne et des pays associés), de Cuba et de l'Inde ont pris la parole dans le cadre du débat.
La Commission des droits de l'homme poursuivra son débat sur la question de la violation des droits de l'homme partout dans le monde cet après-midi, à 15 heures. Le Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas s'adressera à la Commission à 15h30.
Déclarations
M. LOUIS MICHEL, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Belgique, a pleinement appuyé la Haut-Commissaire aux droits de l'homme qui a souligné l'importance qu'elle attache à la prévention. M. Michel a déclaré que certains fléaux tels que le racisme et l'intolérance sont à éradiquer. À cet égard, la Belgique mettra à disposition du Haut Commissariat aux droits de l'homme un expert pour préparer la Conférence mondiale contre le racisme. Le Ministre a également rappelé que la lutte contre l'impunité est un devoir de la communauté internationale et son pays a le sentiment de l'avoir accompli en contribuant à enrichir la jurisprudence dans le cadre de *ðl'affaire Pinochet+ð. Par ailleurs, M. Michel a annoncé que son gouvernement a décidé que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme ferait désormais partie des *ðorganisations de concentration+ð de l'aide multilatérale fournie par la Belgique. Le Ministre belge des affaires étrangères a souligné que les allégations de graves violations du droit
international humanitaire en Tchétchénie sont un sujet de grandes préoccupations. Il a rappelé que le respect des droits de l'homme incombe à toutes les parties en conflit et en premier lieu aux forces armées du Gouvernement de la Fédération de Russie.
M. Michel a déclaré que la Belgique déplore la persistance de l'intolérance ethnique en Europe du Sud-Est. Les Européens, a-t-il dit, doivent encore affronter trop de tendances rétrogrades et anti-civilisatrices, il n'y a pas et il n'y aura jamais de place dans l'Union européenne pour ceux qui prônent l'intolérance, le racisme et l'exclusion et font de l'ignorance et de la méconnaissance de l'autre leur fonds de commerce.
M. SERGUEI ORDZHONIKIDZE, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie a souligné que le combat pour l'universalité des droits de l'homme doit être fondé sur un strict respect de la souveraineté des États. Le concept d'intervention humanitaire, dont la popularité ne cesse de croître, est en réalité une théorie qui sert de justification à l'édification d'un système mondial centré sur l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Selon le vice- ministre, la théorie de l'intervention humanitaire vise à permettre à un groupe d'États de s'arroger le droit de dicter sa volonté à la communauté internationale en s'ingérant de façon arbitraire dans les affaires intérieures des États. Le vice-ministre a affirmé que l'agression de l'OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie n'a, à l'évidence, pas permis de régler les problèmes humanitaires de la région. Une telle action, contraire aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et au principe de l'intégrité territoriale des États, a été au contraire à l'origine de violations massives des droits de l'homme. Dans le même temps, ce groupe d'États préfère fermer les yeux sur les multiples manifestations de discrimination, de xénophobie et d'anti-sémitisme dans le monde, y compris en Europe.
Le Vice-Ministre russe des affaires étrangères a affirmé que l'établissement et les progrès de la démocratie en Russie sont irréversibles, comme en témoigne le déroulement récent des élections présidentielles. Tous les mécanismes nécessaires à la garantie des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Russie ont été mis en place : pouvoir judiciaire indépendant, société civile dynamique et liberté de la presse.
M. Ordzhonikidze a déclaré que les tentatives de faire de la situation en Tchétchénie une question de droits de l'homme sont totalement infondées. En réalité, à la mi-1999, le territoire de la Tchétchénie est devenu une enclave de criminalité, en raison des activités menées par ses autorités. Les droits de l'homme y étaient complètement bafoués. Aucun État au monde n'aurait toléré une telle menace sur son territoire. C'est pourquoi le recours à la force était la seule décision qui pouvait être prise par la Russie; les objectifs de l'opération étaient de préserver l'intégrité territoriale de la Russie, de restaurer l'ordre constitutionnel et les libertés fondamentales. Aujourd'hui la phase militaire de l'opération arrive à son terme. Des négociations intensives sont actuellement en cours au plan politique. Le Bureau du Procureur de la République mène des enquêtes sur chacune des allégations de violation de la loi. Soulignant l'efficacité du système judiciaire russe, le vice-ministre a déclaré que la Russie rejette les
appels lancés par certains pour que soient menées des enquêtes internationales. En dépit de la guerre médiatique engagée contre la Russie, le pays n'a jamais fait preuve d'autant d'ouverture. On entend pourtant certains brandir contre la Russie la menace de mesures par la Commission. M. Ordzhonikidze a souligné que ce n'est pas la façon dont il convient de dialoguer avec la Russie. Le gouvernement est prêt à dialoguer, mais de façon ouverte et objective. Il est prêt à coopérer, mais seulement avec ceux qui sont véritablement intéressés aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales en Tchétchénie.
Présentation de rapports au titre de la violation des droits de l'homme dans tous les pays
M. KAMAL HOSSAIN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan a souligné que la tâche essentielle pour l'Afghanistan consiste à mettre un terme à la guerre. Les populations continuent d'être victimes de violations massives de leurs droits. Cette situation s'explique par le fait que le peuple afghan est pris en otage sur son propre territoire par des forces étrangères. Le peuple afghan est ainsi privé de son droit fondamental à participer au gouvernement de son pays. Cette absence de participation du peuple afghan est la cause des violations massives des droits de l'homme, a déclaré le Rapporteur spécial, qui a souligné qu'il est très important de mettre en oeuvre un processus de paix, afin de passer d'une situation où des groupes armés financés par l'étranger détiennent le pouvoir, à un gouvernement représentatif et multiethnique.
Le Rapporteur spécial a demandé que l'on rende l'Afghanistan à son peuple. À cette fin, a-t-il précisé, il importe que l'on relance un processus de paix durable qui mette fin au règne de l'arbitraire imposé par les Taliban, au mépris du consentement du peuple afghan. Le but de ce processus devrait être d'instituer un gouvernement multiethnique et véritablement représentatif. M. Hossain a souligné que le moment est venu de déployer un effort concerté en vue de réaliser un changement d'ensemble de la situation en Afghanistan. Les récentes discussions entre les pays voisins de l'Afghanistan, le fait que les Taliban aient relâché une centaine d'opposants, la volonté d'agir exprimée dans le cadre des Nations Unies, offrent une ouverture qui ne devrait pas être manquée.
Dans son rapport (E/CN.4/2000/33), le Rapporteur spécial estime qu'il faut privilégier désormais une évolution structurelle plutôt que des changements graduels. Parmi les facteurs qui confortent cette idée, M. Hossain mentionne le fait qu'il y a eu des changements dans les pays voisins, que ces derniers ont tenu récemment des discussions, qu'il y a eu des rencontres entre les Taliban et leurs voisins, que les Taliban ont libéré des centaines d'opposants et qu'au sein du système des Nations Unies on s'est exprimé en faveur d'une initiative positive. Ensemble, tous ces facteurs ouvrent la voie à une opportunité qui ne doit pas être manquée.
M. HUMAYUN TANDAR (Afghanistan) s'est félicité que pour la première fois depuis longtemps le rapport sur les droits de l'homme en Afghanistan soit disponible avant le début des travaux de la Commission. Il a toutefois regretté que le Rapporteur spécial ne dispose pas de moyens suffisants pour effectuer des visites plus longues dans le pays afin de mieux informer la Commission.
Le représentant afghan a déclaré que des milliers de personnes sont arbitrairement emprisonnées par les milices des Taliban, certaines le sont depuis des années parce qu'elles appartiennent à des minorités ethniques qui ne *ðconviennent pas+ð aux Taliban. Le représentant a insisté sur les assassinats politiques dont certains ont été perpétrés sur le sol pakistanais, dont le plus connu est celui de M. Abdul Ahad Karzai, ancien vice-président de l'assemblée nationale afghane. Les Taliban cherchent à étouffer toute tentative de recherche d'une solution politique. Les minorités religieuses non musulmanes, les Hindous et les Sikhs, sont sévèrement réprimées. Le représentant afghan a dénoncé la pratique quotidienne de la bastonnade et de l'humiliation publique. Les contrôleurs de la foi et de la croyance religieuse surveillent la longueur des cheveux, des barbes, des poils corporels et en cas de non conformité, la punition est immédiate. Le rapport du rapporteur spécial détaille une situation aujourd'hui sans égale dans le monde.
Sur la situation des femmes afghanes, le rapport montre que pour les Taliban, elles ne sont que des marchandises vendables, échangeables, contraintes à la prostitution, aux mariages forcés. À la lecture du rapport, on voit nettement et sans ambiguïté la responsabilité du Pakistan, engagé aux cotés des Taliban. L'implication de mercenaires pakistanais dans les offensives militaires des Taliban ne fait aucun doute. Leur recrutement se fait en public, en plein jour, avec la complicité des autorités pakistanaises. L'arrestation de mercenaires de Chine populaire est également inquiétante.
Le représentant de l'Afghanistan auprès des Nations Unies a conclu que la Commission et le Haut Commissariat aux droits de l'homme doivent faire face à leurs responsabilités, qu'il ne peut y avoir de compromission sur le rétablissement de l'état de droit, de tous les droits. Nous voulons vivre en paix avec nos voisins, tous nos voisins, à condition qu'ils respectent notre intégrité territoriale et notre indépendance, a déclaré le représentant.
Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo (E/CN.4/2000/42), le Rapporteur spécial sur la question, M. ROBERTO GARRETÓN, a souligné qu'en décidant de répondre favorablement à ses demandes de visite au mois de février et en août-septembre 1999, le gouvernement a levé l'interdiction qui lui était faite pendant deux ans de se rendre en République démocratique du Congo. Au cours de ses deux missions de 1999, le Rapporteur spécial s'est entretenu avec les plus hautes autorités de l'État, notamment avec le Président Kabila, et a rencontré les autorités du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). M. Garretón a ajouté que le Gouvernement de la République démocratique du Congo l'a invité à se rendre à nouveau dans le pays avant la tenue de la présente session de la Commission. Le Rapporteur spécial n'a toutefois pas disposé de suffisamment de temps pour effectuer cette visite, l'invitation ne lui étant parvenue que le 6 mars.
Depuis le 2 août 1998, a poursuivi M. Garretón, la République démocratique du Congo est le théâtre d'une guerre qui a été déclenchée par le RCD, qui est soutenu militairement par les armées du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi, *ðpays non invités+ð pour reprendre la terminologie du Conseil de sécurité. Un autre mouvement rebelle, le Mouvement de libération du Congo (MLC) est également engagé dans la lutte contre les autorités de Kinshasa, qui ont reçu l'assistance des armées de cinq pays (Zimbabwe, Tchad, Soudan, Angola et Namibie). La présence de neuf armées régulières et de nombreux groupes armés, et en particulier les anciens miliciens interahamwe ainsi que les Mai Mai, a créé et continue de créer un climat de violence et d'extrême insécurité dans le pays. M. Garretón a rappelé que dans son dernier rapport, il avait qualifié le conflit armé en République démocratique du Congo de conflit interne avec la participation de forces étrangères. Les affrontements directs entre les armées rwandaiseS et ougandaise sur le territoire congolais au mois d'août 1999 ou plus récemment ceux entre les ethnies Lendu et Hema dans la région de l'Ituri contrôlée par l'armée ougandaise, au cours desquels près de 5 000 personnes auraient été tuées, ont conduit le Rapporteur spécial à repenser la qualification de ce conflit. *ðLa République démocratique du Congo est selon moi confrontée non plus à un seul conflit mais à plusieurs, certains ayant des dimensions internes, d'autres un caractère international+ð, a constaté M. Garretón.
De nombreuses atteintes au droit humanitaire international ont été commises par toutes les parties, a déclaré le Rapporteur spécial. Il a précisé que du côté des forces loyalistes, les actes les plus graves ont été les bombardements de plusieurs localités. Le RCD et ses alliés n'ont quant à eux pas hésité à massacrer des civils sans défense dans plusieurs localités en représailles à des attaques menées contre leurs positions par les interahamwe et les Mai Mai. Parmi les violations les plus graves commises dans les territoires sous contrôle du gouvernement, figurent certainement la poursuite de l'application de la peine de mort. Les autres violations sont l'existence de la Cour d'ordre militaire; les atteintes multiples à l'exercice du droit à la liberté d'expression; la torture, la pratique des enlèvements et des disparitions. Dans les territoires contrôlés par le RCD règne un véritable climat de terreur et les atteintes au droit à la vie sont nombreuses, les libertés publiques étant systématiquement bafouées. Toute dissidence ou opposition est présentée comme une *ðtentative de génocide+ð. Sur toute l'étendue de la République démocratique du Congo, la répression demeure implacable contre les membres des organisations non gouvernementales des droits de l'homme et la société civile qui sont considérés, tant par le gouvernement que par le RCD, comme des militants politiques.
M. Garretón a rappelé que la Commission l'avait mandaté, en 1999, pour conduire, avec deux autres collègues, une mission d'enquête conjointe sur les allégations de massacres et autres violations commises entre 1996 et 1997. Cette enquête n'a pu être menée étant donné la précarité de la situation sécuritaire. Aucune des dispositions contenues dans les Accords de paix de Lusaka n'a été respectée, a souligné le Rapporteur spécial. Aussi, a-t-il recommandé la stricte application sans délai, par toutes les parties, des accords de Lusaka et de son nouveau calendrier. Le gouvernement devrait, entre autres, imposer un moratoire immédiat sur les exécutions et autoriser le fonctionnement des partis politiques et des organisations non gouvernementales. Le RCD et ses alliés devraient permettre
l'exercice des droits à la liberté d'expression, d'opinion et de réunion; autoriser sans délai le retour de l'Archevêque de Bukavu; donner des instructions à leurs troupes afin qu'elles épargnent les populations civiles lors des opérations militaires et s'abstenir de toute initiative ou mesure qui pourrait être perçue comme un signe de partition voire de scission du pays. Il conviendrait que la communauté internationale impose un embargo sur les ventes d'armes et fournisse un appui indéfectible à la Mission des Nations Unies au Congo. La convocation d'une conférence internationale sur la paix dans la région des Grands Lacs pourrait fournir un cadre approprié pour qu'une véritable discussion soit initiée entre les différents pays de cette région, afin de promouvoir durablement le respect des droits de l'homme et mettre fin au cycle de l'impunité qui a trop longtemps régné dans cette partie du monde.
M. FRANÇOIS MUKUNDI (République démocratique du Congo) a affirmé que depuis plus de 12 mois, son pays collabore franchement avec le Rapporteur spécial, malgré la guerre imposée par une coalition rwando-ougando-burundaise. Le représentant s'est dit satisfait que les institutions des Nations Unies reconnaissent de plus en plus clairement l'existence d'une agression menée contre la République démocratique du Congo par ses trois voisins de l'Est. Le représentant a affirmé que des massacres, imputables aux agresseurs, sont actuellement perpétrés dans l'Est du pays. Ces actes, a-t-il souligné, sont systématiques et planifiés. Ils atteignent dans certains cas un degré d'inhumanité invraisemblable. Partant, la République démocratique du Congo demande que des enquêtes internationales soient menées sur cette situation.
Le représentant a déclaré que les populations congolaises continueront d'exercer leur droit légitime de résistance face à l'agression. En même temps, la République démocratique du Congo s'efforce de parvenir à la paix. S'agissant des violations des droits de l'homme mentionnées par le Rapporteur spécial dans son rapport, le représentant a souligné que le pays est en état de guerre. Il a toutefois assuré que les civils ne sont pas déférés devant la Cour d'ordre militaire. Il a par ailleurs indiqué que le pays est engagé dans une dynamique abolitionniste et précisé que 80% des personnes exécutées sont des militaires.
Le représentant de la République démocratique du Congo a exprimé la volonté de son pays de voir s'ouvrir une ère nouvelle marquée par la restauration de l'État et de la démocratie. Malheureusement, a-t-il affirmé, ce calendrier a été interrompu par l'agression. Soulignant que les efforts déployés par son pays en matière de droits de l'homme sont sans précédent, le représentant a exigé le retrait des troupes d'agression du territoire national.
M. ANDREAS MAVROMMATIS, Rapporteur spécial sur la question de la violation des droits de l'homme en Iraq, présentant son rapport (E/CN.4/2000/37), a précisé que sa nomination tardive ne lui permet pas de présenter un rapport complet à la Commission des droits de l'homme. Cependant, le Rapporteur spécial a décidé de présenter un bref résumé de ses activités et observations initiales et prie les membres de la Commission de se référer au rapport du Rapporteur spécial précédent (A/54/466) sur la période février-octobre 1999. Début mars, le Rapporteur spécial a demandé à l'Iraq de l'autoriser, le plus rapidement possible, à se rendre en Iraq afin de pouvoir étudier sur place la situation des droits de l'homme.
Le Rapporteur spécial a signalé que depuis deux mois, il a entendu de nombreux témoignages et communications d'individus et organisations multiples, nationales et internationales, non-gouvernementales, sur les violations des droits de l'homme en Iraq, relatives à des cas de détention arbitraires, d'exécutions, de tortures, de disparitions et de discriminations religieuses ainsi qu'aux situations humanitaires des groupes vulnérables, des femmes et des enfants.
Le Rapporteur spécial a déclaré son intention de réaliser une étude approfondie de la situation de droits de l'homme en Iraq, y compris en cherchant les preuves et évidences concernant la véracité de toutes ces allégations et de soumettre un rapport à la prochaine session de l'Assemblée générale et un rapport complet devant la Commission à sa prochaine session.
M. SAAD HUSSAIN (Iraq) a souligné que son pays a pris des dispositions positives à la suite de la désignation de M. Mavrommatis au poste de Rapporteur spécial, notamment en organisant deux entretiens avec lui. Le représentant iraquien a exprimé l'espoir que le rapport de M. Mavrommatis sera le signe précurseur d'une nouvelle méthodologie neutre du Rapporteur spécial reflétant la réalité des droits de l'homme en Iraq et les conséquences, pour le peuple iraquien, des sanctions iniques que le Conseil de sécurité a imposées à l'encontre de l'Iraq. Les attaques des États-Unis et du Royaume-Uni continuent d'être menées contre un certain nombre d'installations iraquiennes, a rappelé le représentant. L'Iraq se félicite de la visite prochaine de M. Mavrommatis en Iraq, a-t-il dit.
Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme au Burundi (E/CN.4/2000/34, à paraître), MME MARIE-THÉRESE KÉITA-BOCOUM, Rapporteuse spéciale, a rappelé que son rapport couvre la période du 15 août au 15 novembre 1999 et concerne la situation générale au Burundi et, en particulier, la question des droits de l'homme, la condition de la femme, les droits de l'enfant et l'importance de la société civile dans le processus de promotion et de respect des droits de l'homme au Burundi.
Mme Kéita-Bocoum a indiqué que la visite qu'elle a effectuée au Burundi du 8 au 22 octobre 1999, a été marqué par plusieurs événements graves : le décès de l'ancien Président tanzanien Julius Nyerere, médiateur des négociations d'Arusha; les attaques armées à Bujumbura rural et Bujumbura Mairie; la multiplication des camps de regroupement dits *ðsites de protection+ð, spécialement dans la province de Bujumbura rural; et l'assassinat de deux membres du système des Nations Unies, Luis Zuñiga, représentant de l'UNICEF au Burundi, et Saskia von Meijenfeldt, responsable de la logistique au Programme alimentaire mondial, ainsi que de sept Burundais au moment où ils effectuaient une mission humanitaire à Rutuna.
La situation des droits de l'homme s'est nettement dégradée comparativement aux mois précédents où la situation était déjà préoccupante, a poursuivi Mme Kéita-Bocoum. En fait, la population de plusieurs provinces a vécu un niveau élevé de violence depuis le début de l'année 1999. Les événements observés lors de sa mission traduisent une escalade du conflit. Il apparaît ainsi que les positions des différentes parties se sont radicalisées et que l'extrémisme s'est généralisé. Il en résulte que les violations des droits de l'homme sont imputables aussi bien aux rebelles qu'à l'armée régulière. Dans le courant du mois de janvier encore, les exactions se poursuivaient, a souligné Mme Kéita- Bocoum.
La Rapporteuse spéciale a indiqué que, sur le plan national, ses recommandations sont liées au respect des droits de l'homme et au besoin d'aide des populations affectées par la guerre civile ; au comportement des parties en conflit et à la protection des civils; aux négociations dans le cadre du processus de paix d'Arusha et à la conclusion d'un cessez-le-feu; à la politique de déplacement forcé des populations et aux mesures de sécurité indispensables au renouvellement de l'aide humanitaire. Mme Kéita-Bocoum a recommandé aux autorités d'accroître les moyens octroyés au ministère de l'action sociale et de la promotion de la femme et de veiller à la promulgation des textes favorisant la promotion et l'épanouissement des femmes pour lutter contre les inégalités de fait et permettre une meilleure participation des femmes au développement et à la prise de décisions politiques.
La Rapporteuse spéciale recommande à la communauté internationale d'intensifier son aide au processus de paix et de reconsidérer son attitude ainsi que celle des bailleurs de fonds face à l'aide au développement. Elle a demandé que les programmes et les initiatives visant à lutter contre l'impunité et les irrégularités en matière de justice soient maintenus et encouragés. Elle a sollicité le maintien de l'aide humanitaire d'urgence dans la mesure où des conditions de sécurité sont assurées. Elle a lancé un appel à la communauté internationale et en particulier aux États de la sous-région afin qu'ils prennent des mesures contre le trafic d'armes et de munitions et soutiennent l'idée d'une conférence internationale portant sur la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs. Mme Kéita-Bocoum a par ailleurs insisté sur la nécessité d'une politique équilibrée dans le domaine des droits de l'homme pour favoriser l'émergence d'une culture des droits de l'homme. Relevant que l'on assiste à un assouplissement de la politique de regroupement du gouvernement, qui a entrepris de démanteler les camps ainsi qu'il l'avait annoncé, la Rapporteuse spéciale a estimé qu'il serait souhaitable que ce démantèlement soit accéléré.
M. ALVARO MENDONÇA E MOURA (Portugal, au nom de l'Union européenne et des pays associés) a déclaré que l'Union prendra des initiatives sur les situations des droits de l'homme en République Démocratique du Congo, Soudan, Iran, Iraq et au Myanmar.
Le représentant s'est dit vivement préoccupé par la situation en Tchétchénie et se félicite de la décision de la Fédération de Russie de recevoir le Haut- Commissaire aux droits de l'homme et attend avec impatience d'entendre son rapport. L'Union européenne est préoccupée par le manque de progrès réalisés en République fédérale de Yougoslavie en ce qui concerne les droits de l'homme et la démocratisation. Le représentant a rappelé que l'Union européenne est très attachée à l'application de la résolution 1244 du Conseil de sécurité sur le Kosovo, entend continuer à soutenir la KFOR et la UNMIK et appelle toutes les parties concernées à coopérer pleinement avec leurs objectifs. M. Mendonça e Moura a exprimé des inquiétudes en ce qui concerne la manque de progrès dans plusieurs domaines essentiels à la protection des droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine et souligne la nécessité de réformer la police. Elle salue l'évolution de la situation en Croatie et les réformes en cours.
L'Union européenne déplore l'absence de droits civils et politiques au Bélarus, en particulier les détentions arbitraires, les disparitions et les restrictions à la liberté d'expression et d'assemblée. Elle se félicite que les pourparlers pour une solution juste et durable à Chypre aient repris et demande le plein respect des droits de l'homme sur toute l'île. Elle se félicite également de l'évolution positive de la situation en Turquie mais reste préoccupée d'informations faisant encore état de mauvais traitements et de torture, l'exécutions extrajudiciaires , de restrictions à la liberté d'expression. Elle demande à ce pays de respecter les normes des droits de l'homme y compris dans sa lutte contre le terrorisme.
L'Union européenne suit avec une grande attention la situation des droits de l'homme en Chine et reste vivement préoccupée, en dépit de certains progrès en faveur d'un système légal et des droits socio-économiques, du peu de progrès en ce qui concerne les droits civils et politiques. Elle déplore les peines sévères imposées aux membres de la secte Falun Gong et est vivement préoccupée par la situation des droits de l'homme au Tibet et au Xinjiang. L'Union attache une grande importance à son dialogue avec la Chine mais souligne qu'il est fondamental que les autorités chinoises fassent preuve de leur volonté de discuter des questions de droits de l'homme et qu'elle s'accompagne d'actions concrètes et effectives. L'Union européenne est préoccupée par les violations incessantes et répandues des droits de l'homme en Afghanistan et reste convaincue que le conflit dans ce pays n'a pas de solution militaire, la meilleure contribution aux droits de l'homme dans ce pays serait un cessez-le feu immédiat. L'Union européenne a appelé le Pakistan à protéger le droit des minorités religieuses et d'abolir la peine de mort pour blasphème. L'Union européenne a déploré le déni de la liberté d'expression, d'assemblée et d'association en Syrie et condamné la répression des activistes des droits de l'homme et la discrimination affectant la minorité kurde dans ce pays.
L'Union européenne a également passé en revue la situation en ce qui concerne les droits de l'homme au Turkménistan, en Ouzbékistan et au Kirghizistan, ainsi qu'en Arabie saoudite, au Jammu-et-Cachemire, en Inde, au Sri Lanka, en République démocratique populaire de Corée, au Timor oriental, en Malaisie, au Cambodge, au Laos, au Rwanda, au Burundi, en Ouganda, en République du Congo, en Algérie, au Tchad, en Côte d'Ivoire, au Nigéria, en Érythrée et en Éthiopie, en Guinée équatoriale, en Sierra Leone, en Somalie, en Angola, à Cuba, en Haïti, au Guatemala, au Mexique et au Pérou. M. Mendonça e Moura a souligné que l'Union européenne n'est pas motivée par une approche de confrontation avec tous les pays mentionnés mais souhaite offrir sa coopération afin d'aider à réduire les tensions et promouvoir le dialogue.
M. CARLOS AMAT FORES (Cuba) a déclaré que la Commission doit choisir entre la coopération et la confrontation. Malheureusement, certaines puissances continuent d'utiliser la Commission comme instrument de domination sur les pays les plus pauvres et ont de plus en plus souvent recours à la manipulation de la coopération internationale en matière des droits de l'homme pour assurer la légitimation idéologique de leur politique hégémonique. De toute évidence, ces pays puissants s'efforcent d'imposer aux pays du Sud un modèle démocratique unique qu'ils prétendent être universel et qui, pourtant, subit une crise profonde comme en témoigne l'incapacité de ce modèle à apporter des réponses aux problèmes les plus aigus de la société.
La répétition des accusations contre Cuba pour de prétendues violations des droits de l'homme s'inscrit le cadre d'un exercice consistant à imposer deux poids deux mesures dont tout le monde, au sein de cette Commission, sait qu'il procède d'une grossière manipulation politique des États-Unis contre Cuba, d'une vulgaire calomnie par laquelle les États-Unis tentent de justifier leurs agressions. Bien que la République tchèque et la Pologne compromettent leur dignité et leur indépendance en présentant un projet de résolution qui leur est dicté par d'autres, le véritable responsable de cet exercice anticubain à la Commission est bien connu de tous. Si le moindre doute subsistait encore pour certains, la Secrétaire d'État des États-Unis s'est chargée de les dissiper lors de son intervention devant la Commission, a fait remarquer le représentant cubain.
Les États-Unis sont le pays du racisme et de l'inégalité, a poursuivi M. Amat Fores. Il y a dans ce pays davantage de jeunes noirs dans les prisons que dans les universités. L'application de la justice tout comme l'action politique y sont empreints de racisme. Les États-Unis sont le pays dans lequel les populations autochtones ont été soumises à des politiques de nettoyage ethnique et sont condamnées à vivre dans les pires conditions de pauvreté dans des *ðréserves autochtones+ð. À la frontière mexicaine, les immigrants sont assassinés. Les États-Unis sont le pays du système pénitentiaire le plus répressif où une personne sur six exécutées est innocente, où la peine de mort est appliquée à des mineurs et à des personnes handicapées et où se multiplient les cas de brutalités policières qui restent impunis. Les États-Unis sont le pays où ne cessent d'augmenter les cas de torture et d'humiliations sadiques et sexuelles infligés aux prisonniers, où les prisonniers sont détenus pendant des années sans jugement et où les prisonniers politiques et de conscience purgent de longues peines, souffrent de mauvais traitements et manquent de soins médicaux.
Le blocus imposé par les États-Unis contre Cuba constitue la principale violation des droits de l'homme contre le peuple cubain, a rappelé M. Amat Fores. Il a souligné que Cuba vit dans des circonstances de guerre non déclarée et que la prétendue dissidence n'est autre qu'une *ðcinquième colonne annexionnistes+ð. Ce sont les États-Unis qui donnent les instructions à ces p