LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LE MINISTRE DE L'EDUCATION DE LA TUNISIE ET LE VICE-MINISTRE DE LA JUSTICE DU VIET NAM
Communiqué de Presse
DH/G/1279
LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LE MINISTRE DE L'ÉDUCATION DE LA TUNISIE ET LE VICE-MINISTRE DE LA JUSTICE DU VIET NAM
20000328Elle poursuit son débat sur le droit au développement
Genève, le 28 mars 2000 -- La Commission des droits de l'homme a entendu, ce matin, le Ministre de l'éducation de la Tunisie et le Vice-Ministre de la justice du Viet Nam. Dix représentants de gouvernements et 14 représentants d'organisations non gouvernementales sont intervenus dans le cadre du débat sur le droit au développement.
M. Sadok Chaabane, Ministre de l'enseignement supérieur de la Tunisie, a notamment souligné que l'ouverture politique engagée par la Tunisie est un choix réel et surtout, courageux, dans la mesure où cette orientation risquait à une époque de servir la cause des extrémistes. La Tunisie appuie les principes des droits de l'homme dont les vertus sont universelles. Il faut s'inspirer de ces principes en demeurant ouverts à toutes les contributions, tout en rejetant toute forme de diktat politique ou économique.
Le Vice-Ministre de la justice du Viet Nam, M. Ha Hung Cuong, a rappelé que, depuis le début de la politique de renouveau engagée en 1986, l'Assemblée nationale de son pays consacre une grande partie de ses travaux à l'élaboration d'un système juridique à même de favoriser le développement durable, d'éradiquer la pauvreté et de renforcer les droits de l'homme.
La Commission, poursuivant son débat général sur le droit au développement, a entendu les représentants des pays suivants : Malaisie, Égypte, République islamique d'Iran, Algérie, Paraguay, Uruguay, Afrique du Sud, Jordanie, Pays-Bas, Érythrée et Yémen. Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole : Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques, Earth-Justice Legal Defense Fund, Human Rights Advocates, Nord-Sud XXI, Franciscain international, Association of World Citizens, Société pour les peuples en danger, Centre on Housing Rights and Evictions, Centre Europe-tiers monde, Pax Romana, Université spirituelle internationale des Brahma-Kumaris, Organization for Defending Victims of Violence, Confédération internationale des syndicats libres et Libération.
La Commission achèvera, cet après-midi, son débat sur le droit au développement et entamera son débat relatif à la question des droits de l'homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine.
Déclarations
M. HA HUNG CUONG, Vice-Ministre de la justice du Viet Nam, a déclaré que, depuis que le pays s'est engagé, en 1986, dans un *ðprocessus de renouveau+ð, le Viet Nam s'est concentré sur l'élaboration et la consolidation du système juridique national. Nombre de lois et d'ordonnances ont été adoptées par l'Assemblée nationale vietnamienne qui visent le renforcement de la protection des droits de l'homme. Afin d'assurer l'efficacité du système judiciaire, un effort particulier a été fait pour favoriser la participation démocratique au niveau communautaire par l'adoption d'un programme national d'éducation juridique à l'intention du public.
Le Vice-Ministre a souligné que le Viet Nam est un pays pauvre qui doit assumer l'assistance à des millions de victimes de la guerre. Dès le début de la politique de renouveau, la priorité a été accordée au développement économique et social et à l'éradication de la pauvreté. Le Vice-Ministre de la justice a rappelé que selon le rapport annuel des Nations Unies, les indicateurs de développement humain concernant le Vietnam sont élevés au regard de son faible revenu national. Le nombre de pauvres est passé de 30% en 1992 à 15,7% en 1998. Le taux d'alphabétisation s'élève à 93% et l'espérance de vie est passée à 66 ans. M. Cuong a également affirmé que son pays accorde une grande importance aux discussions sur le droit au développement et aux questions touchant à l'éradication de la pauvreté.
M. SADOK CHAABANE, Ministre de l'enseignement supérieur de la Tunisie, a déclaré que son pays a choisi une démarche pondérée qui a contribué à instaurer un environnement favorable, caractérisé par la quiétude sociale et le développement durable. Convaincu que la liberté a besoin de développement, la Tunisie met en oeuvre une stratégie fondée sur l'interdépendance du politique et de l'économique. Le pays est parvenu à un taux de croissance soutenu de 5% sur 10 ans. La classe moyenne tunisienne s'est renforcée pour atteindre 80% de la population. Car la croissance économique de la Tunisie n'a jamais été réalisée au détriment de la croissance sociale, a souligné le ministre, qui a, notamment indiqué que la Tunisie a préservé les acquis de la libéralisation de la femme et a renforcé tous ses droits. La présence de la femme tunisienne au sein du Parlement s'élève aujourd'hui à 12% et sa présence au sein des conseils municipaux atteindra, très prochainement, un taux de 20%.
L'élimination des poches de pauvreté et la lutte contre la marginalisation constituent aujourd'hui, dans la politique de la Tunisie, des moyens de nature à éliminer les tensions politiques et la renaissance des mouvements d'intolérance. Le programme de solidarité mis en oeuvre par le gouvernement a permis de dégager des ressources qui ont contribué à briser le carcan de l'isolement pour plus de 1000 agglomérations et leur insertion dans le circuit de développement.
Le ministre tunisien a affirmé que l'ouverture politique engagée par la Tunisie est un choix réel et, surtout, courageux, dans la mesure où cette orientation risquait à une époque de servir la cause des extrémistes. La Tunisie a ainsi promulgué un arsenal législatif devenu une référence pour les pays de la région : loi sur les partis politiques, code sur l'enfance très progressiste,
nouveaux programmes d'enseignement expurgés de toute pensée rétrograde et extrémiste. Nous avons besoin aujourd'hui plus que jamais, a dit M. Chaabane, d'accepter l'autre, ses besoins, ses services, ses investissements, ses idées ainsi que ses immigrés, ses symboles et ses traditions. La Tunisie est bien avancée dans sa marche vers l'instauration de la démocratie, processus continuellement en mouvement et non pas une oeuvre définitivement accomplie, a affirmé M. Chaabane, faisant valoir que le Président tunisien a réussi là où les autres ont échoué : il a pu éviter à la Tunisie toutes formes de dérivés et d'affrontements durant la dernière décennie, extirper les racines de la pensée fanatique et assécher les sources dans lesquelles ce courant vient puiser sa raison d'être. Nous partageons tous les principes des droits de l'homme dont les vertus sont universelles et nous devons nous inspirer de ces principes en demeurant ouverts à toutes les contributions tout en rejetant toute forme de diktat politique ou économique, a conclu M. Chaabane.
Suite du débat sur le droit au développement
M. HASNUDIN HAMZAH (Malaisie) a rappelé que la Déclaration sur le droit au développement a permis à la communauté internationale de remettre en question l'idée que l'objectif premier de toute activité économique est l'amélioration des indicateurs économiques et financiers. En effet, les être humains sont les sujets et les principaux bénéficiaires du développement. Le représentant a donc salué les efforts visant à établir des indicateurs permettant d'évaluer le degré de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier du droit au développement. Le représentant malaisien a toutefois estimé que ces indicateurs ne doivent pas servir à comparer les pays entre eux, tant il est vrai que les situations diffèrent d'un pays à l'autre. Pour sa part, le Gouvernement malaisien a récemment publié un rapport sur la qualité de la vie qui rappelle que le progrès dans le pays est essentiellement mesuré à l'aune de l'amélioration de la qualité de vie de la population. Le représentant a également souligné l'importance du rôle des organisations non gouvernementales dans les efforts de développement.
MME FAYZA ABOULNAGA (Égypte) a souligné que le droit au développement est une priorité pour son pays depuis une vingtaine d'années. Elle s'est félicitée de l'intérêt manifesté par la Haut-Commissaire pour la question du droit au développement. La représentante a insisté pour que le Groupe de travail sur le droit au développement puisse remplir son mandat et a demandé à toutes les délégations d'accorder tout leur intérêt à ses travaux. Cet intérêt doit se manifester par des mesures concrètes. L'Égypte a entendu avec attention les propos tenus hier par le représentant de la Banque mondiale et se félicite de son engagement à lutter contre la pauvreté. La solidarité est l'essence du droit au développement, a fait valoir la représentante égyptienne. Il est nécessaire que la communauté internationale renforce sa solidarité vis à vis des pays en développement. Le processus de mondialisation représente un obstacle de plus en plus infranchissable pour la réalisation du droit au développement de nombreux pays en développement. En outre, ces pays sont confrontés au paiement de la dette alors qu'ils s'efforce de développer leur économie.
M. FARHAD MAMDOUHI (République islamique d'Iran) a regretté le peu de progrès réalisé dans la mise en oeuvre de la Déclaration sur le droit au développement de 1986. Il a précisé qu'il reste encore de nombreux obstacles à surmonter, d'autant que de nouvelles entraves ne cessent de surgir. Le représentant a estimé qu'une approche globale est nécessaire pour surmonter ces obstacles, une approche intégrée et multidimensionnelle. Le développement humain relève de la responsabilité collective de la communauté internationale toute entière, a-t-il ajouté. Le processus économique international ne saurait répondre aux besoins de la majorité mondiale si les pays en développement sont laissés en marge du développement. Le développement durable ne saurait se fonder sur le seul principe de relations économiques libres. Le représentant iranien s'est félicité de la proposition du rapporteur indépendant en faveur de l'organisation d'un forum, sous l'égide de la commission, pour échanger des vues entre les représentants gouvernementaux et institutions financières internationales, mais regrette que le groupe de travail ne se soit pas réuni alors qu'il aurait pu faire certaines propositions constructives.
M. MOHAMED BENCHERI (Algérie) a rappelé que la situation du sous-développement trouve l'une de ses origines dans le poids de l'histoire et que ce n'est pas un hasard si la totalité des pays en développement sont des pays qui, pendant de longues périodes, ont été sous domination coloniale. Aujourd'hui, les pays en développement réclament, à juste titre, un droit à la solidarité pour pouvoir réaliser le développement de leurs sociétés. Cette solidarité doit se manifester essentiellement par une coopération effective, harmonieuse et équilibrée et par des actions concrètes de la communauté internationale en direction des pays en développement. Si la globalisation et la mondialisation ont permis jusqu'à aujourd'hui la libre circulation des marchandises et des capitaux, elles n'ont pas encore engendré en parallèle une diffusion du progrès et du développement pour l'ensemble de l'humanité. Il est prouvé désormais qu'à elle seule la loi du marché sans contrepoids social et humain n'est pas en mesure d'apporter les réponses adéquates aux attentes des populations des pays en développement. Le sous-développement est un facteur majeur d'instabilité et une menace réelle pour la paix et la sécurité internationales.
Le représentant algérien a souligné que la protection de l'environnement mondial, le trafic illégal de stupéfiants, le crime transnational organisé et l'exode transfrontalier des populations liés à la situation critique du monde, et tout particulièrement celle des pays en développement, constituent autant d'exemples de phénomènes globaux à partir desquels il importe plus que jamais de bâtir des solidarités nouvelles.
M. LUIS RAMÍREZ BOETTNER (Paraguay) a expliqué que son pays s'est doté en 1992 d'une constitution visant le développement humain grâce à la mise en place d'institutions démocratiques. Pour le représentant, les difficultés rencontrées par son pays dans la promotion du droit au développement sont essentiellement d'ordre économique. Le manque de ressources, obstacle principal à la réalisation de ce droit, vient du fait que le pays a beaucoup de difficultés à écouler sa production agricole sur les marchés extérieurs, a-t-il expliqué. Le Paraguay s'efforce de dialoguer avec les pays développés afin qu'ils ouvrent davantage leurs marchés. Le pays a lui-même ouvert son marché et se demande pourquoi les pays développés n'agissent pas de la même façon. Pourquoi, a-t-il poursuivi, alors que
les pays développés tiennent un discours favorable au droit au développement, ces mêmes pays empêchent-ils des pays comme le Paraguay d'obtenir de meilleures conditions commerciales ? Certes, a reconnu le représentant, la coopération et l'aide internationale ont joué par le passé un rôle important pour le développement. Mais cette aide a diminué. Les promesses de consacrer 0,7% du PIB à l'aide au développement ont été oubliées. Partant, le représentant a appelé de ses voeux une ouverture des marchés internationaux aux produits des pays en développement.
M. CARLOS SCARBI (Uruguay) a rappelé que le Secrétaire général des Nations Unies accorde lui-même, dans son programme de travail, une importance capitale au thème du développement. Le représentant de l'Uruguay a exprimé l'espoir que le projet de résolution dont la Commission sera saisie au cours de la présente session au titre du droit au développement pourra être adopté par consensus et que le Groupe de travail sur le droit au développement pourra sans plus tarder commencer ses travaux. Il a souligné que son pays a pris des mesures nationales en faveur du développement humain, en déployant des efforts en particulier en direction de l'éducation et de la santé. L'Uruguay accorde 10% de son PIB au secteur de la santé et, dernièrement, le taux de mortalité infantile a pu être sensiblement réduit, ce qui a entraîné une hausse notable de l'espérance de vie. Le représentant uruguayen a par ailleurs rappelé l'attachement de son pays à l'agriculture et a indiqué que, pour l'Uruguay, le secteur agricole doit absolument rester incorporé dans les règles et procédures de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
M. KEVIN BRENNAN (Afrique du Sud) a souligné qu'à tort ou à raison, le droit au développement a été le sujet de tensions entre le Nord et le Sud. Il en est résulté une faiblesse des efforts de mise en oeuvre de ce droit qui, dans une large mesure, reste un droit théorique. La conceptualisation du droit au développement offre un cadre général dans lequel peuvent s'épanouir tous les autres droits de l'homme. Pour sa part, le Gouvernement sud-africain fait en sorte que 60% des dépenses publiques soient consacrés à satisfaire les besoins économiques et sociaux des personnes qui en ont le plus besoin. La grande majorité des pays reconnaissent qu'il incombe avant tout aux gouvernements de s'engager en faveur de la promotion des droits de l'homme, a rappelé le représentant sud-africain. Bien entendu, a-t-il poursuivi, aucun gouvernement ne peut s'acquitter seul de sa tâche en la matière, en particulier dans un monde caractérisé par une réduction du pouvoir de l'État, par la mondialisation, par le poids des dettes extérieures, par l'application de politiques d'ajustement structurel et par une aide publique au développement toujours plus réduite. En tant que pays assurant la présidence du Mouvement des pays non alignés, l'Afrique du Sud espère que la Commission parviendra à un consensus sur le droit au développement et estime que ses initiatives sur la question doivent se concentrer, cette année, sur les expériences nationales visant la réalisation pratique de ce droit.
M. SHEHAB MADI (Jordanie) a estimé que le droit au développement est un droit de l'homme universel qui complète tous les autres droits. Il a estimé qu'il faudrait mettre en place une structure adéquate pour garantir ce droit et permettre aux peuples du monde entier d'en jouir. Ce droit doit permettre de réduire le chômage et les inégalités sociales, et d'éradiquer la pauvreté. M. Madi a suggéré qu'il faudrait renforcer le rôle des organisations internationales afin qu'elles partagent leur expertise et leurs connaissances dans le domaine de la réalisation su droit au développement. La mise en oeuvre du droit au développement doit viser le bien-être des peuples et, par conséquent, mettre l'accent sur l'élément humain. Il faut également renforcer le concept de développement durable. Par ailleurs, la Jordanie salue les efforts de la Commission en vue de mettre en oeuvre les principes relatifs au droit au développement.
M. BAREN VAN DER HEIDEN (Pays-Bas) s'est félicité de l'analyse faite par l'Expert indépendant sur le droit au développement, qui suggère de se concentrer sur les droits à l'alimentation, à l'éducation primaire et aux soins de santé primaire. Les Pays-Bas souhaitent l'élaboration d'un nouveau modèle de développement, en coopération avec tous les acteurs concernés, notamment les institutions internationales compétentes. Pour les Pays-Bas, dont le montant de l'aide au développement dépasse le seuil de 0,7% du PIB, la coopération internationale et l'aide internationale ne sont pas la seule méthode pour réaliser le droit au développement. Partant, ils souhaitent que l'on se penche sur la définition d'un ensemble de mesures en faveur du développement.
M. AMARE TEKLE (Érythrée) a rappelé que la paix est une condition essentielle du développement. S'il est vrai que la coopération internationale toujours promise n'a jamais atteint le niveau qu'elle aurait dû avoir, il n'en demeure pas moins que les causes profondes des entraves au développement de l'Afrique résident dans chaque pays africain. Aussi, la responsabilité première pour résoudre les problèmes africains incombe-t-elle aux gouvernements africains eux-mêmes. Rappelant que les conflits, tant au sein des États qu'entre États, constituent la principale cause de détérioration des conditions économiques, le représentant de l'Érythrée a souligné que la Corne de l'Afrique est une région agitée par des troubles. En outre, il n'est pas possible de se développer lorsqu'une catastrophe écologique régionale majeure se produit en raison des incendies qui touchent des parcs nationaux, lorsqu'un pays expose 13% de sa population à la famine et lorsqu'il existe plus de mouvements de libération dans un seul pays que dans le reste du monde.
M. AMHED HASSAN (Yémen) a déclaré que son pays est très attaché à la réalisation du droit au développement, question cruciale pour un pays parmi les moins développés comme le Yémen. Le Yémen exprime ses remerciements au Haut- Commissariat aux droits de l'homme ainsi qu'aux organisations internationales qui ont participé à l'atelier sur le droit au développement qui s'est tenu à Saana en février dernier. Il a ajouté que la visite de Mme Mary Robinson au Yémen a eu des résultats positifs pour la coopération en matière des droits de l'homme. Le
représentant a précisé que son pays est bien engagé sur la voie de la promotion des droits de l'homme par le biais des réformes qui sont engagées mais rencontre des difficultés financières et administratives pour leur mise en place. C'est pourquoi le pays lance un appel en faveur de davantage de soutien de la part de la communauté internationale pour mener à bien ces réformes.
M. PIERRE MIOT (Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques - FIMARC) a insisté sur le fait que la mondialisation doit avoir un visage humain. Il a émis l'espoir que le programme de développement humain répondra aux besoins fondamentaux des populations rurales, avant de répondre aux exigences des marchés. Les mouvements ruraux et organisations de paysans sont préoccupés par la logique des marchés et par la loi des puissantes multinationales agro-alimentaires qui pèsent sur l'avenir des petits producteurs. Les mouvements de la FIMARC en appellent aux États pour que, dans les politiques de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), des critères sociaux, culturels et environnementaux soient pris en compte dans toute nouvelle négociation. Les États doivent intervenir afin de répondre aux demandes de la société civile qui exige des normes plus strictes de transparence et de démocratie dans les modes de fonctionnement de l'OMC.
M. YVES LADOR (Earth-Justice Legal Defense Fund) a attiré l'attention de la Commission sur le projet de développement de la vallée de Narmada, dans le centre de l'Inde, qui vise la construction de près de 3000 petits barrages, 135 barrages de taille moyenne et 30 gros barrages. Il a indiqué que dans le cadre de la réalisation de ce projet, plus de 100 000 personnes ont déjà été déplacées sans être réinstallées de manière adéquate. Le plus important de ces barrages, celui de Sarda Sarovar, aura 138 mètres de hauteur et devrait officiellement entraîner le déplacement de 200 000 personnes. D'autres observateurs estiment que la construction de ce barrage se soldera par le déplacement de deux fois plus de personnes que ce que prévoit l'estimation officielle. L'expérience prouve qu'il n'y aura pas suffisamment de terres et d'infrastructures pour reloger un si grand nombre de personnes et que ces victimes, qui sont essentiellement des autochtones et des intouchables, iront donc grossir les bidonvilles les plus pauvres des grandes villes. La Commission doit se saisir de telles situations créées par des activités de développement, non pas seulement en raison de l'ampleur des violations auxquelles donnent lieu ces situations mais aussi parce que des projets d'une telle envergure ne peuvent exister qu'avec l'appui d'intérêts étrangers : institutions internationales, aide bilatérale, sociétés privées.
MME REBECCA THORNTON (Human Rights Advocates) a estimé qu'afin de faire progresser le droit au développement, une approche intégrée est nécessaire. La représentante a rappelé que l'environnement n'est pas un domaine à distinguer des droits de l'homme puisque les êtres humains dépendent d'un environnement propre et sain pour survivre. Quand l'environnement est dégradé, la santé et le bien-être des individus sont compromis, son impact sur les populations pauvres est crucial puisque leur survie dépend des ressources naturelles. La Commission doit donc prendre en compte l'aspect environnemental dans la notion de droits de l'homme.
M. JOAQUIN MBOMIO (Nord-Sud XXI) a rappelé que le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) de septembre 1998 montre que depuis 1990 *ðle nombre des pauvres n'a fait qu'augmenter, tandis que le niveau de l'aide internationale baissait+ð. Ce rapport illustre la nécessité de transformer en conventions contraignantes les Déclarations de Vienne de 1993 et de la Déclaration de Copenhague de 1995. La Commission des droits de l'homme, a estimé le représentant, doit tirer toutes les conséquences des données contenues dans le rapport du PNUD. Elle doit intégrer ce rapport parmi ses documents fondamentaux de travail. Le représentant a déploré le fait que le droit au développement soit non seulement refusé aux pays du sud, mais encore que ses fondements sont de plus en plus contestés dans les pays développés au nom de la logique libérale de la mondialisation. Pour le représentant, il faut inscrire la lutte pour les droits de l'homme dans le contexte social et économique.
M. JOHN QUIGLEY (Franciscain international) a rappelé que son organisation, en collaboration avec Dominicans for Justice and Peace et Fédération luthérienne mondiale, a organisé au Palais des Nations, les 7 et 8 septembre 1999, un séminaire sur le thème de *ðla mise en oeuvre du droit au développement+ð. Cette réunion, a-t-il rappelé, avait pour objet de stimuler la réflexion et d'aider la communauté diplomatique en lui faisant bénéficier de l'expérience et des contributions de divers experts du développement provenant de divers pays. Le séminaire a permis de souligner qu'il est absolument nécessaire d'assurer la participation des bénéficiaires du droit au développement dans les processus de planification et de mise en oeuvre des projets de développement. À cet égard, la mise en oeuvre du droit au développement ne saurait se réduire à des discussions sur l'assistance économique. La transparence et l'obligation de rendre des comptes sont des conditions essentielles pour assurer la protection contre toute corruption et mauvaise utilisation des fonds destinés au développement. Les femmes doivent par ailleurs être davantage impliquées dans la planification et l'exécution des programmes.
M. RENE WADLOW (Association of World Citizens) a estimé qu'il est temps de quitter l'étape conceptuelle du droit au développement pour enfin laisser place à l'action. L'Expert indépendant sur le droit au développement propose des programmes alimentaires, de santé et d'éducation élémentaires. Aux institutions et organisations de traduire ces programmes en actions. M. Wadlow est convaincu que ces propositions sont viables et que leur application établirait un droit au développement vraiment dynamique. Mais ce qui est nouveau, c'est la montée des mécontents, des gens marginalisés par les institutions financières telles que la Banque mondiale et le FMI. Les marginalisés et les sans-abris ne manqueront pas de montrer au monde, lors de Genève 2000 en juin prochain (session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au suivi du Sommet social), qu'ils sont encore là. Et si 10 000 personnes en colère affluent dans les rues de Genève, que quelques centaines d'entre elles bloquent les routes de l'aéroport et que quelques dizaines de hackers s'introduisent dans les ordinateurs des banques génevoises, *ðla ville n'aura plus qu'à fermer boutique et les propositions du professeur sembleront alors bien peu de chose+ð.
MME ESTER JUSUF (Société pour les peuples en danger) a rappelé que le droit au développement n'est pas seulement une question de bien-être économique individuel mais aussi une question de développement collectif. Ceci est vrai tout particulièrement pour les diverses minorités ethniques du sud du Soudan qui, depuis plus de 30 ans, vivent dans des zones de guerre civile, de famine et de génocide. Leurs terres contiennent d'énormes réserves de pétrole mais à aucun moment, la population locale n'a été associée aux décisions concernant l'extraction du pétrole et la distribution des revenus. Les compagnies pétrolières internationales qui opèrent dans la région n'emploient pas de personnel local, ce qui serait pourtant un moyen de réduire le chômage. Le Gouvernement soudanais utilise des bombardiers Antonov et des hélicoptères pour bombarder les villages et les campagnes et la population locale est obligée de fuir. Au lieu de bénéficier de la construction de nouveaux hôpitaux, de nouvelles écoles ou de nouvelles routes grâce aux revenus du pétrole, les habitants de la région sont arbitrairement exécutés ou enlevés et réduits à l'esclavage. Le Gouvernement soudanais doit assurer la libre circulation, dans la zone concernée, des organisations de secours et de droits de l'homme ainsi que des journalistes. Il convient d'autoriser les réfugiés à retourner dans leurs villages. Le gouvernement soudanais devrait mettre un terme aux graves violations des droits de l'homme dans la région et les compagnies pétrolières internationales devraient cesser d'extraire le pétrole jusqu'à ce que soit signé un traité de paix accepté par toutes les parties.
MME LEILA FARHA (Centre on Housing Rights and Evictions) a déclaré qu'à l'heure actuelle, des millions de personnes à travers le monde sont jetées hors de leurs maisons et de leurs terres. En Afrique, 14 millions de personnes sont réfugiées ou déplacées du fait des conséquences de la guerre. Ailleurs, dans bien des régions, des hommes, des femmes, des jeunes personnes, des enfants sont expulsés de leurs foyers à cause de projets de développement, de plans d'amélioration des villes, d'événements et conférences internationaux. En fait un tiers de l'humanité n'a pas accès à l'eau potable, et la moitié de la population mondiale n'a pas de logement décent. À cet égard, les femmes sont les plus affectées. Les femmes sont en fait les plus exclues de tous les aspects du processus du droit au développement. Mme Farha a recommandé à la Commission d'adopter le projet de résolution du Mexique en faveur du droit des femmes à la propriété, de celle présentée par l'Allemagne sur les droits économiques, sociaux et culturels et de nommer un rapporteur spécial sur ce thème et d'encourager tous les gouvernements à adopter des législations qui visent la protection et la promotion des droits des femmes à la propriété.
M. MALIK OZDEN (Centre Europe-tiers monde, CETIM; au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, MRAP) a relevé que les politiques néolibérales continuent à être présentées, aux pays du Sud, comme un modèle unique et incontournable du développement alors que le succès de ses recettes est loin d'être évident. Le CETIM et le MRAP estiment que le rapport de l'Expert indépendant sur le droit au développement, M. Arjun Sengupta, demeure très en-deçà des véritables enjeux de société soulevés par cette question. Elles regrettent en particulier l'insuffisance de l'analyse des causes de la situation actuelle et l'absence de propositions pour une stratégie politique de promotion du droit au développement. Le système économique et social est régi par les principes de l'accumulation du profit, de la demande solvable et de la concurrence
généralisée dans les rapports entre les sociétés et au sein même des sociétés. Ces principes sont ceux de l'économie de marché. Le représentant a mis en garde contre la transformation de ces principes en règles quasi-absolues de l'organisation sociale aux dépens de toute autre considération d'intérêt général, telles que les soucis d'équité, de sécurité ou de durabilité écologique. Il est urgent d'affirmer aujourd'hui le droit des collectivités à choisir les caractéristiques de la société qu'elles veulent promouvoir. Cela signifie qu'il faut admettre la possibilité du pluralisme en matière de stratégies de développement et le CETIM et le MRAP suggèrent que le Groupe de travail sur le droit au développement identifie des orientations alternatives.
M. JERALD JOSEPH (Pax Romana) a rappelé que le fardeau de la dette pèse sur le potentiel des pays en développement et leur croissance. Outre l'annulation de la dette, d'autres mécanismes de financement en faveur du développement devraient être instaurés pour de nombreux pays qui ont besoin d'aide pour faire décoller leur économie. Le représentant a estimé que la bonne gouvernance manque cruellement dans de nombreux pays, ce qui freine leur développement, que bien des pays consacrent encore trop de ressources aux budgets militaires, notamment le Myanmar, la Chine et l'Inde. Il a réaffirmé la nécessité d'une action collective des organisations intergouvernementales, l'État et la société civile.
MME THERESA KLEIN (Université spirituelle internationale des Brahma-Kumaris) a affirmé que le droit au développement est partie intégrante du droit à la vie. Assurer l'essor du développement dans la vie de chacun, c'est mener une vie en pleine conscience de sa responsabilité sur terre. Le phénomène planétaire de globalisation exige de la part de chacun un élan de coopération, de solidarité et de fraternité, ouvrant de nouveaux horizons. Pour la représentante, il est de la responsabilité de tous, y compris des gouvernements, de garantir le droit au développement pour chaque individu, afin de leur donner un but et un espoir dans la vie.
M. SAED NESHAT (Organization for Defending Victims of Violence) a souhaité la mise en place de mécanismes permettant de garantir à tous les pays un avenir meilleur. L'élargissement du fossé entre pays en développement et pays développés constitue un grand obstacle pour la mise en oeuvre du droit au développement, tout