DEBAT DU CONSEIL DE SECURITE: DIVERGENCES SUR LA NECESSITE D'INTEGRER L'ACTION HUMANITAIRE AUX ACTIVITES DE MAINTIEN DE LA PAIX
Communiqué de Presse
CS/1156
DEBAT DU CONSEIL DE SECURITE: DIVERGENCES SUR LA NECESSITE D'INTEGRER L'ACTION HUMANITAIRE AUX ACTIVITES DE MAINTIEN DE LA PAIX
20000309Le Conseil de sécurité a tenu aujourd'hui un débat public sur les aspects humanitaires des questions de maintien de la paix dont il est saisi. Le Conseil, lors de cette réunion, présidée par le Ministre des affaires étrangères du Bangladesh, M. Alhaj Abdus Samad Azad, a essayé d'identifier les domaines d'action qui pourraient être portés à son attention. Il a pris note des positions divergentes sur la question. Plusieurs délégations ont reconnu l'existence d'un lien indéniable entre les crises humanitaires et les conflits, et se sont ralliées à la notion de "culture de prévention" recommandée par le Secrétaire général. Ces délégations ont souhaité que le Conseil adopte une approche globale qui intègre la dimension humanitaire aux efforts de maintien de la paix. Dans ce contexte, les questions de la coordination des activités humanitaires et de maintien de la paix, de leur financement, de l'accès des organismes humanitaires aux zones de conflit et de la protection du personnel humanitaire ont été soulevées.
Le Secrétaire général a estimé que les problèmes humanitaires doivent se voir accorder une attention immédiate lors des négociations sur les accords de paix mais aussi lors des missions de maintien de la paix. Le Conseil peut renforcer son appui à l'action humanitaire de trois manières a-t-il suggéré: en faisant pression sur les Etats Membres pour qu'ils fournissent toutes les ressources nécessaires; en incluant dans les mandats de maintien de la paix des dispositions sur le financement de la phase initiale de reconstruction après le conflit et à plus long terme en évitant que les activités de consolidation de la paix après les conflits soient entravées par l'incapacité à maintenir un flux constant de ressources.
Des délégations ont remis en cause l'intitulé de la question qu'elles ont jugé trop vague. Elles ont soutenu que le maintien de la paix et l'action humanitaire représentaient deux questions différentes. D'aucuns se sont interrogés plus précisémment sur le rôle, les limites de l'action du Conseil et sa légitimité à entreprendre des actions humanitaires dans la mesure où ce terme n'a pas de définition précise et que la Charte n'en fait aucune mention. Il a été souligné que l'Assemblée générale et le Conseil économique et social ont la responsabilité de formuler les principes directeurs des activités des Nations Unies. D'autres intervenants ont mis le Conseil en garde contre certains effets pervers de l'action humanitaire, ajoutant qu'en aucun cas cette action ne devrait se substituer à l'action politique. L'action humanitaire doit se faire dans le respect des principes de la Charte des Nations Unies, à savoir le respect de la souveraineté des
Etats, la non-ingérence dans les affaires internes et l'assentiment des Etats concernés. Une délégation a jugé que le Conseil n'avait pas compétence pour s'occuper de l'aide humanitaire qui a été traitée amplement dans les Conventions internationales et autres instruments juridiques internationaux, et qu'il revenait par conséquent aux Etats de décider s'ils ont besoin ou non de l'aide humanitaire.
Les membres suivants du Conseil se sont exprimés : Canada, France, Etats-Unis, Jamaïque, Malaisie, Mali, Tunisie, Namibie, Fédération de Russie, Chine, Pays-Bas, Ukraine, Royaume-Uni et Argentine.
Le Conseil a également entendu la déclaration des pays suivants : Egypte, Bélarus, Portugal (au nom de l'Union européenne), Afrique du Sud, Norvége, Colombie, Pakistan, Autriche, Inde, Bulgarie, Brésil et République islamique d'Iran. L'Observateur de la Suisse est également intervenu lors du débat.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ: ASPECTS HUMANITAIRES DES QUESTIONS DONT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ EST SAISI
Remarques d'ouverture du Ministre des affaires étrangères du Bangladesh
M. ABDUS SAMAD AZAD, Ministre des affaires étrangères du Bangladesh, ouvrant le débat, a plaidé en faveur d'une approche plus large et plus active compte tenu des nombreux cas de violations du droit international à l'origine des conflits. Dans de nombreux cas, la situation s'est lentement aggravée et a débouché sur une crise humanitaire compliquant ainsi le rétablissement de la paix, puisqu'il faudrait résoudre d'abord les problèmes posés par la crise humanitaire. Dans notre monde d'aujourd'hui, les règles de la guerre ont changé. Nous avons vu récemment comment des violations massives des droits de l'homme n'ont fait que compliquer les conflits. La population civile, les femmes, les enfants et les personnes vulnérables ne sont plus à l'abri d'actes criminels les plus atroces. Les attaques commises à l'encontre du personnel humanitaire sont devenues fréquentes. Alors que le coût humain de la guerre se fait plus onéreux, les chances d'obtenir une paix durable s'amoindrissent. Le Conseil a la responsabilité de traiter des questions humanitaires qui se posent dans des situations de conflit et de prendre les décisions qui s'imposent. Le débat d'aujourd'hui vise à identifier les domaines d'action qui méritent l'attention du Conseil. Les questions de l'accès des Nations Unies, du personnel associé et humanitaire aux zones de conflit, ainsi que la coordination entre les différents acteurs et la question des ressources pourraient constituer des domaines de réflexion.
Déclarations
M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a observé qu'en ce moment précis, il est clair que le Mozambique représente un cas où l'aide doit être fournie de toute urgence. Toutefois le Mozambique n'est que l'exemple le plus immédiat des multiples crises auxquelles la communauté internationale a du faire face, ne serait-ce qu'au cours de l'année écoulée. Les besoins en aide humanitaire n'ayant jamais été aussi importants, nous devons nous demander si nous faisons assez. Aidons-nous ceux qui en ont le plus besoin ou ceux auxquels nous avons le plus facilement accès? L'aide que nous apportons? Est-elle adaptée à la situation, est-elle de nature à perpétuer le conflit au lieu d'y mettre fin ? A cet égard, le Secrétaire général a souligné la nécessité de renforcer la capacité des Nations Unies de fournir une aide aux victimes mais également de formuler des stratégies plus efficaces pour prévenir les situations d'urgence humanitaire. Il a rappelé qu'il a défendu cette idée dans son rapport annuel sur l'activité de l'Organisation et qu'il a initié un effort important pour développer à l'échelle du système des Nations Unies un cadre d'alerte précoce et d'action préventive.
L'aide humanitaire n'existe pas dans le vide, a affirmé M. Kofi Annan. Dans certains cas, comme au Mozambique, au Venezuela ou en Turquie, nous avons affaire à de véritables catastrophes naturelles. Dans d'autres, en revanche, nous sommes confrontés à des catastrophes orchestrées par l'homme qui tirent leur source de la tyrannie et de la guerre. Des Grands Lacs à la Bosnie, nous avons appris que si l'impératif humanitaire est sacré, il existe aussi un dilemme humanitaire. Ce dilemme a voulu que nous soyons contraints trop souvent à acheminer des vivres et des vêtements non seulement aux victimes des conflits mais également à leurs architectes. C'est ce dilemme qui permet trop souvent aux combattants d'exploiter à leur profit l'aide humanitaire et ses bénéficiaires. C'est toujours ce dilemme qui a parfois fait des camps de réfugiés des havres de paix pour les extrémistes. Une chose est claire : ces dilemmes n'ont fait que renforcer l'importance de notre mission humanitaire.
Il apparaît clairement que si les conflits et les guerres sont les principales causes des crises humanitaires, se traduisant par la violation des droits de l'homme et du droit humanitaire international et par le déplacement massif de population, de telles crises à leur tour perpétuent souvent l'instabilité. Il n'est pas d'exemple plus dramatique de ce cercle vicieux de la violence que les crises actuelles en Angola et en République démocratique du Congo. Il est donc clair que l'action humanitaire ne sert pas uniquement à éviter aux victimes des conflits de nouvelles pertes et de nouvelles souffrances, mais peut effectivement contribuer à maintenir la paix et la sécurité. Cette proposition se vérifie dans les deux sens. Par défaut, une trop faible mobilisation en faveur de l'action humanitaire peut se solder par des retards dans la réinsertion des réfugiés, par la fourniture d'une assistance inadaptée aux combattants démobilisés et par l'incapacité d'assurer aux populations de nouveaux moyens d'existence et de rebâtir leurs sociétés. A l'inverse, la mise en place d'une action humanitaire efficace à destination des populations civiles peut apporter un réel sentiment de stabilité, rétablir le respect des droits de l'homme et poser les fondements de la réconciliation.
Il est important également que les problèmes humanitaires se voient accordés une attention immédiate lors des négociations sur les accords de paix mais aussi lors des missions de maintien de la paix. Cela permet en effet de garantir la planification préalable qu'exigent les volets humanitaires des opérations de maintien de la paix et de mobiliser sans délai les ressources nécessaires. En outre, le succès d'un accord de paix dépend souvent, tout au moins en partie, des interventions humanitaires, et notamment de celles permettant le retour et la réinstallation des réfugiés et personnes déplacées, l'assistance aux combattants démobilisés, le rétablissement des sources de revenus des personnes touchées par la guerre et l'aide apportée aux combattants pour qu'ils trouvent de nouveaux moyens de subsistance. Nous devons aussi redoubler d'efforts pour assurer que les fondements juridiques et les grands principes sur lesquels se fonde l'action humanitaire soient maintenus, respectés et renforcés, a poursuivi le
Secrétaire général. L'objectif fondamental est de protéger les civils des répercussions de la guerre et lorsque cela n'est pas possible, au moins de satisfaire aux besoins et aux droits fondamentaux de toutes les victimes. "Nous devons nous attacher à faire mieux comprendre ce principe et à le faire appliquer dans le monde entier", a affirmé M. Annan.
De l'avis du Secrétaire général, le Conseil de sécurité peut renforcer son appui à l'action humanitaire de trois manières. Il peut tout d'abord faire pression sur les Etats Membres pour qu'ils s'engagent à fournir pleinement le soutien financier dont les programmes humanitaires ont besoin. Ensuite, le Conseil pourrait envisager d'inclure dans les mandats de maintien de la paix des dispositions au financement de la phase initiale de reconstruction après le conflit et de rétablissement de l'Etat de droit. Enfin, il devrait s'interroger sur le fait que les activités de consolidation de la paix après les conflits sont régulièrement entravées par l'incapacité à maintenir un flux constant de ressources, créant une discontinuité entre la phase de prestation directe d'assistance humanitaire et la phase de reconstruction et de développement à long terme. La triste vérité est que trop d'accords de paix signés échouent avant même d'être appliqués, en partie parce que les ressources nécessaires au redressement et à la stabilité post- conflit manquent. Le Conseil de sécurité se doit de trouver le moyen d'éviter cet enchaînement d'événements aussi tragique que peu rentable. C'est pourquoi le Secrétaire général espère qu'à partir d'aujourd'hui les questions humanitaires feront partie intégrante des efforts que le Conseil mènera pour favoriser la paix et la sécurité
M. ROBERT FOWLER (Canada) sest dit persuadé que loctroi dune protection et dune aide humanitaire aux populations touchées par la guerre revêt une importance fondamentale dans le cadre du mandat du Conseil de sécurité. La mise en oeuvre dune approche globale de la prévention des conflits est toujours le meilleur moyen de protéger les civils et de favoriser le développement durable. Cependant le Conseil doit être prêt à agir rapidement lorsque des populations sont gravement dans le besoin. Le représentant a observé que laction humanitaire ne porte pas sur les causes du conflit, mais plutôt sur les besoins des victimes. Il est donc indispensable dassortir les mesures humanitaires dune action permettant aux acteurs politiques et, en particulier, au Conseil de sécurité de faire face aux conflits et de les résoudre.
Le Canada est fermement convaincu que le Conseil doit rester vigilant et ferme surtout lorsquil demande à toutes les parties, notamment en négociant des accords spéciaux et des codes de conduite, dassurer un accès total, en toute sécurité et sans restriction, aux populations touchées, a ajouté le représentant. Lorsque la décision a été prise de lancer une opération de maintien de la paix ou de soutien à la paix, la coordination entre les secteurs politique, militaire, humanitaire et du développement au sein du système de lONU est essentielle. Le représentant a souligné que la pluralité des acteurs sur le terrain représente un défi de plus en plus difficile à relever, surtout lorsque ces acteurs appartiennent à des cultures
établies et différentes. La plus grande difficulté consiste à définir des structures de coopération qui favoriseront une action intégrée et efficace, tout en tirant parti des atouts des divers acteurs, a-t-il souligné en observant qu'il incombe au Conseil de sécurité de sassurer que les différents volets de ces missions complexes sont dotés de mandats clairs et disposent de ressources suffisantes pour atteindre leurs objectifs.
Le Canada est fermement acquis à lidée selon laquelle les considérations humanitaires doivent faire partie des négociations et des accords de paix. Il ne sagit pas uniquement des dispositions concernant les prisonniers de guerre mais aussi, entre autres, de celles qui ont trait au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion des anciens combattants et notamment des enfants soldats. M. Fowler a estimé quil est important de tenir compte de ces aspects à la lumière de nos expériences récentes, notamment en Amérique centrale, au Cambodge et au Mozambique. Nous adhérons à lidée selon laquelle il convient de favoriser totalement et le plus rapidement possible la transition entre les secours et le développement pour garantir une paix durable. Comme nous avons pu le constater en Sierra Leone, au Kosovo et au Timor oriental, il est important que les opérations soient mises en oeuvre rapidement et que la planification, ainsi que létablissement dun ordre de priorité entre tous les acteurs interviennent immédiatement et définissent clairement les responsabilités qui incombent à chacun dentre eux sur le terrain. Nous devons aussi identifier les capacités locales existantes, les utiliser et les renforcer. La participation des acteurs locaux est le garant dune paix et dun développement durables nous devons donc nous assurer quils peuvent faire entendre leur voix, a conclu le représentant.
M. ALAIN DEJAMMET (France) a indiqué qu'il s'associait à la déclaration du représentant du Portugal, en sa qualité de Président de l'Union européenne. Il a souscrit à la déclaration qui sera adoptée à l'issue du débat, car elle reprend, dans ses différents aspects, l'ensemble des questions d'ordre humanitaire dont le Conseil a déjà eu à traiter. Le Conseil, a-t-il rappelé, a la responsabilité première de se saisir des situations où les violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme menacent la paix et la sécurité internationales, comme au Timor oriental, et de continuer à se préoccuper de la situation humanitaire dans toutes les dimensions de son activité, comme par exemple en Iraq. Il est donc nécessaire de traiter dans cette enceinte les crises humanitaires de façon appropriée et en temps utile, sous peine de les voir dégénérer et d'en rendre la solution encore plus compliquée. Le représentant a pris pour exemple la situation dans l'est du Zaïre en 1996-1997 pour laquelle le Conseil n'a pas été en mesure de s'accorder finalement sur l'envoi d'une force de protection de l'assistance humanitaire aux réfugiés. Or aujourd'hui, on constate malheureusement que les développements dans la région imposent d'agir dans des conditions bien plus difficiles là où une intervention antérieure aurait peut-être permis d'éviter ces atteintes à la paix et à la sécurité internationales et d'épargner des vies humaines.
Le traitement humanitaire des crises n'est pas un substitut à l'action politique et au traitement des causes, a poursuivi le représentant français. Il convient de ne pas confondre ces deux choses car soulager les souffrances des populations civiles est une nécessité et c'est la tâche des agences des Nations Unies et des organisations humanitaires, mais cela n'est pas suffisant et ne doit pas dégager le Conseil de ses responsabilités. Parfois les crises humanitaires atteignent un tel degré de gravité que la réponse ne peut être que politique et, dans certaines circonstances, nécessiter le recours à la force pour mettre fin à des violations à grande échelle des droits de l'homme et du droit humanitaire international, a fait également observer M. Dejammet, avant de préciser que ce fut par exemple le cas au Kosovo. Par conséquent, la délégation française estime que le Conseil doit savoir exercer les responsabilités qui lui incombent au titre de la Charte.
M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis) a jugé que les objectifs du maintien de la paix et de l'aide humanitaire sont indivisibles et se renforcent mutuellement. Il est donc impératif que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour intégrer la dimension humanitaire aux efforts de planification et de résolution des conflits. Nous devons dans ce contexte évaluer conjointement les besoins des Casques bleus et ceux du personnel humanitaire. Les soldats de la paix doivent développer une connaissance du droit humanitaire et des droits de l'homme. Le représentant s'est dit profondément préoccupé par le niveau de protection accordé aux personnes déplacées intérieurement et il a demandé une réévaluation des structures institutionnelles prévues pour gérer ce type de situations. Il est inacceptable qu'en raison de l'absence d'une définition distincte entre "réfugié" et "personne déplacée", les deux types de camps prévus pour ces populations ne reçoivent pas le même niveau de protection. Les Casques bleus doivent intégrer les Principes directeurs relatifs aux déplacements internes à leurs activités opérationnelles à l'instar de ce que font les agents humanitaires.
Pour leur part, a ajouté le représentant, les organisations humanitaires doivent améliorer leurs modalités de définition, de communication et de coordination de leurs besoins en matière d'accès aux zones de conflit et de sécurité. Les Casques bleus et les agents humanitaires doivent être sensibles à la culture opérationnelle de l'autre. L'aide humanitaire doit conserver son caractère neutre et impartial. Abordant la question de la sécurité et de la neutralité des camps de réfugiés, le représentant a suggéré au Haut Commissariat pour les réfugiés d'utiliser dans certaines circonstances les forces de police civile locale pour faire régner la sécurité dans les camps et de mettre en place des programmes de formation à l'attention non seulement des forces de police locale mais également des réfugiés pour favoriser une certaine discipline communautaire. Le représentant a également plaidé en faveur de mesures visant une plus grande protection du personnel humanitaire tout en précisant que la responsabilité première de la protection de ce personnel incombe aux Etats. Il a demandé à ces derniers de mener des enquêtes et de traduire en justice les criminels. Il a demandé au Conseil de continuer d'étudier les propositions visant à réduire la vulnérabilité du personnel humanitaire et des réfugiés. Le représentant a précisé que la Déclaration présidentielle que le Conseil s'apprête à adopter reconnaît la relation directe entre la sécurité et les crises humanitaires.
Mme PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a observé que le Conseil doit se préoccuper de la question de limpunité en insistant sur lobligation des Etats de traduire en justice ceux qui prennent des civils pour cibles et de continuer à coopérer avec les tribunaux pénaux internationaux. Elle a jugé que le refus de laccès humanitaire par les parties en conflit est inacceptable et devra être sévèrement condamné. Si la responsabilité première de garantir la sécurité des civils et laccès sans entraves du personnel humanitaire appartient aux Etats, le Conseil a toutefois un rôle important à jouer dans linstauration dun environnement sûr. Ce faisant, il devrait sassurer que, dans lexécution des mandats, la nette distinction entre le maintien de la paix et lassistance humanitaire est respectée.
Au nombre des facteurs garantissant lefficacité de laction humanitaire, Mme Durrant a souligné que les négociations et les accords de paix doivent inclure une dimension humanitaire qui tienne compte des besoins et des circonstances particulières des populations civiles. Cette pratique peut contribuer à faire progresser le processus de réconciliation et réduire les souffrances humaines dont les effets se prolongent après la cessation des combats. Une action humanitaire qui nest pas appuyée par une solution diplomatique ou politique risque de saper lefficacité même de laction humanitaire et daggraver la situation.
Mme Durrant a fait part de son souhait de voir le Conseil renforcer ses efforts pour sattaquer aux causes des conflits à lorigine des grandes crises humanitaires, car cest la seule solution à long terme. Le Conseil doit redoubler ses efforts en faveur du déploiement dune présence préventive et accroître sa coopération avec les autres organes des Nations Unies pour adopter des approches intégrées dans la prévention et la gestion des conflits. Sinquiétant des effets des sanctions sur les populations civiles, Mme Durrant sest félicitée de lattention accordée par le Conseil à lexamen de la question des sanctions ciblées. La capacité de répondre de manière globale à la dimension humanitaire dun conflit repose en partie sur la rapidité avec laquelle on adopte des sanctions qui frappent les violateurs du droit international, assorties de mécanismes appropriés permettant de réduire leurs conséquences négatives sur les civils, a-t-elle déclaré.
M. HASMY AGAM (Malaisie) a déploré que, dans de nombreux conflits, des civils innocents soient utilisés par les combattants comme boucliers humains ou comme monnaie déchange. Dans dautres situations, notamment en Sierra Leone, les membres les plus vulnérables de la population civile, à savoir les enfants, ont été manipulés et utilisés par les forces rebelles comme des instruments de guerre, ce qui a eu des conséquences traumatisantes pour ces enfants soldats et leurs familles. Dans de tels cas, il est indispensable que la communauté internationale, et particulièrement le Conseil de sécurité, prennent immédiatement les initiatives appropriées en vue daméliorer la situation tragique de ces personnes, a souligné le représentant, qui a ajouté que le Conseil devrait assurer la protection des civils et lapport rapide de lassistance humanitaire, ainsi que leur retour sécurisé dans leurs villages et dans leurs foyers.
Le représentant a préconisé une surveillance étroite des situations de conflit et une reconnaissance précoce des manifestations de tragédies humanitaires. Les responsables de violations des droits de lhomme devraient être identifiés et sanctionnés de manière appropriée, chaque fois que cela est possible. Il ne faut pas quils puissent continuer à perpétrer en toute impunité leurs activités inhumaines. La mise en place de tribunaux adéquats habilités à examiner ces cas est une mesure concrète de dissuasion, susceptible de faire disparaître la culture de limpunité qui caractérise tant de situations de conflit. Il faut que les personnes soupçonnées d'avoir violé les droits de lhomme sachent quelles ne pourront échapper à la loi, même après la fin du conflit.
Le Conseil doit garantir laccès sécurisé et sans entraves de lassistance humanitaire aux populations civiles touchées par la guerre. Il doit garantir la sécurité et la liberté de mouvement du personnel des Nations Unies et du personnel humanitaire associé. De même, la question du financement adéquat des programmes humanitaires doit faire lobjet dun examen sérieux dans chaque discussion concernant les situations de conflit qui a lieu au Conseil. Le projet de Déclaration du Président réaffirme les responsabilités du Conseil conformément à la Charte et identifie plusieurs mesures quil pourrait prendre pour faire face à ces responsabilités.
M. MOCTAR OUANE (Mali) a rappelé lobligation des parties en conflit de permettre laccès sans condition du personnel humanitaire auprès de ceux qui sont affectés par les hostilités. Le Conseil devrait, encore une fois, souligner que les entraves à un tel accès constituent une violation du droit international humanitaire dont les responsables devraient répondre. Il importe que le mandat des missions soit défini avec clarté et précision et que les personnels des opérations de mantien ou de rétablissement de la paix disposent de tous les moyens nécessaires à laccomplissement de leurs missions. Il importe aussi que la communauté internationale supporte le coût financier de telles opérations car la paix et la sécurité internationales, qui constituent la responsabilité principale du Conseil, ne peuvent être déléguées, ni sous traitées par d'autres, y compris les organisations régionales désireuses de prendre des engagements importants en termes humains ou financiers.
Reconnaissant que la responsabilité première de la réglementation relative aux armes légères et de petit calibre est du ressort des Etats, il a estimé que le Conseil de sécurité a un rôle à jouer en la matière, notamment par limposition dembargos sur les armes. Il sest déclaré favorable à limposition dembargos sur les armes dans les situations où les civils et les personnes protégées sont visées par les parties en conflit ou lorsque lon sait que ces parties sont à lorigine de violations systématiques et généralisées du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de lhomme.
Insistant sur la nécessité dadopter une démarche globale et intégrée, il a observé quil conviendrait de réunir au sein dun seul cadre daction les intervenants issus des différents milieux qui concourent à laction et à laide humanitaire. A cet égard, le Mali appuie fermement les efforts de
coordination et de renforcement des organes pertinents dintervention de lONU, a-t-il ajouté, car lOrganisation y gagnerait si une coopération étroite pouvait sinstaurer en dehors du système des Nations Unies et qui engloberait les organisations non étatiques, la société civile, les organisations régionales et les organisations non gouvernementales.
M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) a estimé que les activités humanitaires sont indispensables dans les conflits armés en ce qu'il s'agit là d'un devoir irrécusable de la communauté internationale. De ce fait, l'ONU et la communauté internationale doivent assumer leurs responsabilités dans ce domaine. Le représentant a reconnu le mérite qu'il y a à intégrer la dimension humanitaire aux efforts visant à mettre un terme aux conflits. Le représentant a dit partager entièrement la nécessité d'une prise en charge réelle des aspects relatifs tant à l'accès du personnel humanitaire qu'au financement de cette assistance et à la nécessité de coordonner les activités des différents intervenants. Il existe en fait un besoin pour une stratégie concertée et coordonnée pour améliorer l'efficacité et l'impact des activités humanitaires et pour consolider le rôle et la finalité de l'assistance humanitaire en tant que facteur pouvant favoriser la normalisation rapide dans le cadre du processus de règlement d'un conflit, a ajouté le représentant. Il a précisé que la conduite des activités humanitaires doit se faire dans le respect de la souveraineté des Etats, de leur intégrité territoriale, de leur indépendance politique et de non-ingérence dans leurs affaires intérieures. Un autre facteur essentiel au succès des activités humanitaires porte sur la nécessité d'obtenir le consentement des parties concernées, en particulier des Gouvernements des pays touchés par les conflits. Le représentant a plaidé en faveur d'une plus grande collaboration entre les activités humanitaires des Nations Unies et les organisations régionales. Il a évoqué le caractère crucial du financement des activités humanitaires et a demandé une complémentarité accrue des efforts bilatéraux et multilatéraux
Mme SELMA NDEYAPO ASHIPALA-MUSAVYI (Namibie) a évoqué la situation tragique au Mozambique et s'est réjouie de l'initiative du Royaume-Uni et du Portugal d'annuler complètement la dette de ce pays. Elle a engagé les autres Etats créditeurs à en faire de même. Elle a indiqué que l'action humanitaire en direction des populations touchées par la guerre est devenue récemment partie intégrante des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. A cet égard, la représentante a souligné que l'autorisation tardive de déployer une mission disposant d'un mandat approprié ou encore l'insuffisance de ressources sont autant de facteurs qui limitent sérieusement l'efficacité du maintien de la paix, et conduisent à la poursuite des souffrances des civils innocents. C'est pourquoi, s'il est essentiel de considérer les aspects humanitaires lors d'une négociation de paix, il est aussi très important que lorsque des accords de paix ont été scellés, le Conseil de sécurité agisse rapidement pour favoriser la consolidation de la paix. De cette manière, on peut prévenir les catastrophes humanitaires et renforcer les activités de reconstruction après le conflit.
S'il est difficile de prévenir les catastrophes naturelles, on ne peut pas en dire autant de celles causées par l'homme, a poursuivi Mme Ashipala. C'est pourquoi, la Namibie estime que la prévention des conflits armés est un élément important que le Conseil doit considérer lorsqu'il aborde les questions humanitaires. L'alerte rapide est à cet égard la meilleure manière d'éviter des tragédies partout dans le monde. Le Conseil doit donc continuer de s'attacher à préserver la paix en tout moment sans jamais s'arrêter à sa fragilité et sans opérer de distinction géographique. Afin de prévenir les conflits, il faut également avoir une bonne compréhension des facteurs qui les sous-tendent. Il faut aussi renforcer les mécanismes de coordination entre les différents organes et agences des Nations Unies concernés, ainsi qu'entre tous les autres acteurs humanitaires. La Namibie reconnaît qu'il est nécessaire de garantir aux agences humanitaires l'accès libre et sans obstacle aux populations touchées par le conflit pour leur fournir promptement une aide. Toutefois, elle insiste sur la nécessité d'agir de manière absolument transparente et respectueuse de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Etat concerné. Les agences humanitaires doivent donc travailler en étroite coopération avec le gouvernement hôte qui a la responsabilité première de la fourniture de l'aide humanitaire et de la sécurité et de la protection des civils. Une telle approche ne permet pas seulement de favoriser le rétablissement de la confiance mais également de coordonner et de gérer plus efficacement les ressources mises à disposition. Sur ce dernier point, la représentante a souligné, qu'il est indispensable que les institutions humanitaires des Nations Unies bénéficient de toutes les ressources financières dont elles ont besoin et elle a déclaré que les appels consolidés des Nations Unies devraient être financés de manière égale sans distinction de la situation géographique des personnes qui en ont besoin.
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a soutenu "l'humanisation" des relations internationales qui constituera un élément important de la politique russe au vingt-et-unième siècle. Sans comparer les fonctions du Conseil de sécurité à celles des organisations humanitaires, les circonstances actuelles veulent que le Conseil apporte une aide active aux organismes humanitaires dont l'action doit reposer sur l'autorité du Conseil. L'intervention humanitaire, a souligné le représentant, ne doit pas être utilisée comme un instrument de pression politique sur l'une ou l'autre des parties. Elle doit se faire dans l'impartialité et le respect de la souveraineté des Etats concernés. Ceci constitue un principe indissociable de la coordination des efforts du système des Nations Unies. Nous soutenons le principe de l'élargissement des consultations du Conseil de sécurité aux organisations humanitaires comme le HCR dans la planification des opérations de maintien de la paix ayant une composante humanitaire. Le représentant a précisé qu'il ne fallait pas chercher à mettre un terme aux violations du droit humanitaire par des actions qui violent la Charte des Nations Unies. La Fédération de Russie est disposée à travailler à des actions de contraintes dans le cas de situations humanitaires extraordinaires mais toute action de ce type doit être prise collectivement et reposer sur la Charte des Nations Unies.
M. WANG YINGFAN (Chine) a estimé que le Conseil de sécurité doit accorder son attention aux facteurs humanitaires lorsqu'il assume sa responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a souligné que les bénéficiaires de l'action humanitaire proviennent le plus souvent de pays éprouvant des difficultés économiques, qui doivent faire face à une instabilité politique et à des conflits armés. Lors du déploiement de l'aide humanitaire, les réalités et les difficultés que rencontrent les pays en question doivent être pleinement prises en considération. Pour ce faire, les agents humanitaires doivent tenir compte des vues du pays d'accueil ou des parties et éviter toute politisation de leurs activités. Tous les acteurs des opérations du maintien de la paix doivent respecter pleinement les lois en vigueur et les coutumes d'un Etat souverain. Ils ne doivent en aucune façon s'ingérer dans les affaires internes d'un Etat souverain au nom de l'action humanitaire.
Plus important encore, a ajouté le représentant, l'action humanitaire ne doit pas servir de prétexte à l'imposition de la force à l'encontre d'un Etat. Le représentant a reconnu les contraintes financières qui ont fortement affecté la distribution de l'aide humanitaire. Il a demandé à la communauté internationale d'accorder la même importance aux conflits et aux crises indépendamment du lieu où ils se produisent. La communauté internationale doit aller plus loin, a estimé le représentant, et identifier les causes des crises humanitaires. Comme nous le savons, la pauvreté, les différends frontaliers et les conflits ethniques et religieux se trouvent à l'origine de nombreuses guerres. Il est donc essentiel que la communauté internationale élabore des mesures visant l'élimination de la pauvreté, le développement économique et la création d'un environnement extérieur favorable à la détente plutôt qu'à l'intensification des tensions.
M. ALPHONS HAMER (Pays-Bas) a indiqué qu'il s'associait à la déclaration faite au nom de l'Union européenne. Il a souligné la nécessité d'adopter une approche intégrée à l'égard des différents aspects de la question examinée par le Conseil de sécurité. L'un des premiers points à examiner est celui de la coordination des activités menées par l'Organisation et par toutes les institutions du système concernées ainsi que par les organisations internationales. C'est pourquoi le Conseil devrait s'attacher à élaborer des cadres stratégiques pour mobiliser plus efficacement la participation de tous les acteurs concernés. Ensuite, et comme l'a fait remarquer le Secrétaire général à plusieurs reprises, il faut s'attacher à promouvoir la réconciliation, qui est un préalable essentiel à une paix durable. Pour les Pays-Bas, il n'y a pas de réconciliation possible sans la responsabilité à l'égard des actes et atrocités commises. C'est pourquoi, il est indispensable de toujours mener des enquêtes complètes lorsqu'il y a des allégations de violations des droits de l'homme. Enfin, la situation de toutes les personnes déplacées est le troisième point à aborder en priorité pour la délégation néerlandaise. Il est en effet inacceptable que des civils se voient refuser protection et secours uniquement en raison de leur statut de personnes déplacées au plan interne. L'assistance ne doit pas se soucier de savoir si oui ou non les personnes dans le besoin ont franchi une frontière
internationale. Un accès suffisant doit être assuré à ces personnes, même si la responsabilité première de l'assistance revient au pays au sein duquel les personnes sont déplacées, a insisté M. Hamer, qui a ajouté que dans les cas où cela est nécessaire le Conseil doit lui-même considérer le meilleur moyen d'assurer les conditions d'accès de l'aide aux populations civiles.
M. VOLODYMYR YEL'CHENKO (Ukraine) a estimé que dans la mesure où il existe clairement un lien entre les crises humanitaires et les conflits, il est essentiel pour le Conseil de sécurité d'examiner les questions humanitaires comme partie intégrante de sa stratégie globale en faveur du rétablissement de la paix et de la sécurité dans les zones de conflit. En s'attachant à ces questions, le Conseil ne promeut pas seulement la protection des civils contre les effets négatifs des guerres mais contribue également à son objectif en matière de règlement des conflits, faisant ainsi progresser le maintien de la paix et de la sécurité. L'un des défis les plus ardus et les plus constants, s'agissant de l'accès aux populations touchées par la guerre, est le problème de la sécurité du personnel humanitaire international. C'est pourquoi, l'Ukraine, coparrain de la Convention des Nations Unies sur la sécurité du personnel de l'Organisation et du personnel associé, réitère son soutien à la proposition d'élaborer un protocole additionnel à cette Convention, qui fournirait ainsi un cadre légal de protection du personnel humanitaire du système et des organisations internationales actuellement non couvert.
Pour l'Ukraine, il est également très important de s'assurer que les préoccupations humanitaires seront pleinement prises en compte lors des négociations d'un accord de paix global. Il faut garantir que ces accords comportent les volets humanitaires pertinents, comme par exemple des dispositions relatives au retour et à la réinstallation des réfugiés, à l'aide à la réinsertion des combattants démobilisés, à la restauration de l'ordre public et de la sécurité et à l'établissement d'un système judiciaire efficace. M. Yel'Chenko a estimé qu'il serait très utile de faire le point de l'expérience obtenue en la matière au cours des dix dernières années écoulées et de réexaminer les accords de paix existants, afin de formuler des principes généraux d'approche permettant de préparer et de négocier les accords de paix à venir. Le représentant a rappelé que les conflits qui deviennent de plus en plus nombreux et brutaux sont pour une large part le résultat de la pauvreté et de la diminution des ressources qui se traduisent par des migrations massives, du chômage et l'augmentation du crime organisé. C'est pourquoi, il ne faut pas ignorer l'importance du rôle que le développement économique durable, la préservation du tissu social, l'éducation et d'autres éléments encore peuvent jouer dans l'élimination des causes profondes et la prévention des conflits. Au niveau du Conseil de sécurité, l'adoption d'une stratégie préventive à long terme peut être l'un des premiers pas concrets permettant de passer d'une culture de réaction à une culture de prévention.
M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) a déclaré que le lien entre les crises humanitaires et les conflits est indéniable et a été clairement mis en lumière dans les travaux récents du Conseil de sécurité. De l'avis du Royaume-Uni, le Conseil a raison d'examiner les aspects humanitaires de son travail car c'est seulement de cette manière qu'il pourra effectivement prendre en compte ce facteur dans ses efforts pour arrêter et tenter de prévenir les conflits. Sans
conteste, les crises humanitaires engendrent souvent des conflits, mais de manière tout aussi invariable les conflits engendrent des crises humanitaires et le Conseil se doit donc d'en tenir dûment compte. A cet égard, la déclaration qui sera adoptée à l'issue de la présente réunion énumèrent un certain nombre de questions humanitaires pratiques que le Conseil doit examiner. Qu'il s'agisse de la fourniture sans risque de l'aide humanitaire ou de l'intégration des questions humanitaires dans les accords de paix, tous ces éléments méritent d'être soulignés car ils sont les composantes essentielles d'une stratégie globale d'examen des causes et des conséquences des conflits par le Conseil. M. Eldon s'est associé à la déclaration prononcée par le Portugal au nom de l'Union européenne et a, en conclusion, exprimé sa compassion au peuple du Mozambique en invitant tous les Etats Membres et les agences humanitaires à continuer leurs efforts pour lui fournir assistance et soutien.
M. ARNOLDO LISTRE (Argentine) a estimé que par leur complexité et leur ampleur, les situations d'urgence humanitaires qui accompagnent de nombreux conflits ne peuvent être laissées de côté lorsque l'on envisage les questions relatives au maintien de la paix et de la sécurité. Les conflits et leurs effets dévastateurs sur les sociétés qu'ils affectent exigent que l'Organisation s'attaque à ces situations de manière globale, en prenant en compte aussi bien les aspects relatifs au maintien de la paix et de la sécurité que les vecteurs de l'assistance humanitaire et les efforts de redressement et de reconstruction des communautés dévastées après le conflit. Or, c'est au Conseil de sécurité, conformément à la Charte, que revient la responsabilité première de traiter de ces questions.
De l'avis de l'Argentine, les attaques et autres assassinats ou prises d'otages du personnel humanitaire et du personnel associé sont l'un des visages les plus atroces de la réalité des conflits. C'est pourquoi l'une des tâches importantes que peut réaliser le Conseil relève de la question de la sécurité du personnel des Nations Unies, du personnel associé mais également du personnel contracté sur place. Il faut donc formuler des mandats clairs et viables pour les opérations de maintien de la paix, en s'assurant notamment qu'ils contiennent des dispositions appropriées en faveur de la sécurité du personnel d'assistance humanitaire et prévoient également le libre accès de ce personnel aux populations touchées par le conflit. Il faudrait aussi accorder toute l'attention qu'elle mérite à la disposition de la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité 2000/4 qui propose d'envisager toutes les mesures appropriées relevant de sa compétence pour veiller à la sécurité du personnel humanitaire. Parallèlement, il faut renouveler les efforts pour continuer d'améliorer la coordination entre le Conseil de sécurité et les institutions et agences du système des Nations Unies, sans pour autant changer la mission de chacun. Il faudrait aussi explorer de nouveaux concepts permettant d'appréhender la protection juridique des populations touchées par les conflits. A cet égard, M. Listre a mis l'accent sur la tâche entreprise par le Groupe de travail du Conseil de sécurité chargé d'examiner les recommandations du Secrétaire général relatives à la protection des civils dans les conflits armés. De l'avis de l'Argentine, la gestion des conséquences humanitaires horribles des conflits est le plus grand défi moral que les Nations Unies doivent aujourd'hui relever.
M. ABDOUL GHEIT (Egypte), a estimé que l'intitulé de la réunion suggère un ensemble vaste de questions qui ne permet pas de s'exprimer de façon catégorique. Cet intitulé fait intervenir trop de notions conceptuelles. Le représentant a souligné l'importance qu'il y a à maintenir l'équilibre entre les fonctions et responsabilités des principaux organes des Nations Unies. Par conséquent, le débat d'aujourd'hui ne devrait pas être interprété comme une reconnaissance du Conseil de sécurité comme bras exécutif de l'ensemble des activités du système des Nations Unies. Le représentant a confirmé son attachement à la nécessité de distinguer le maintien de la paix de l'action humanitaire. Dans la cas contraire, a-t-il précisé, l'on supprimerait le caractère neutre de l'action humanitaire. Dans certains cas toutefois, le Conseil de sécurité peut décider d'intégrer la fourniture de l'aide humanitaire à une opération de maintien de la paix. Dans un tel cas de figure, il faudra que le Conseil prévoit dans le même mandat, les ressources appropriées à la fourniture d'une telle aide.
Le représentant a dénoncé les tentatives en cours visant à insérer des concepts vagues dans l'intitulé de cette réunion. Ces tentatives sont éloignées des notions conceptuelles établies du maintien de la paix. Ces tentatives peuvent entraîner l'érosion voire même la disparition de la notion pure et simple du maintien de la paix pour la remplacer par la notion de mission de "paix". Le représentant a souligné la nécessité d'une mise en oeuvre des opérations dans le respect des règles opérationnelles de secours qui comprennent l'assentiment et le respect des compétences du pays concerné. Les enfants et les femmes sont peut-être le groupe le plus touché par un conflit armé et dans ce cadre, il est essentiel de leur accorder une attention prioritaire lors de la mise en oeuvre des activités de relèvement des sociétés après les conflits. L'Assemblée générale, a-t-il estimé, est l'organe approprié pour la mise en oeuvre de tels programmes. Seule l'Assemblée générale peut redynamiser le rôle du système des Nations Unies dans le relèvement d'un pays et la mobilisation des ressources. Le Conseil de sécurité doit respecter les dispositions de la Charte et se conformer au rôle qui lui a été confié. Il faut ainsi faire preuve de circonspection lorsque l'on envisage d'élargir ses modalités de fonctionnement. Le représentant a appuyé l'idée de consultations permanentes entre le Conseil, l'Assemblée générale et l'ECOSOC qui, à son avis lui permettraient d'éviter les doubles emplois et de renforcer les fonctions et mandats de chacun.
M. ULADZIMIR VANTSEVICH (Bélarus) a déclaré que le facteur humain est l'élément central du rétablissement durable de la paix et de la sécurité. Le fait que le Conseil accorde son attention aux aspects humanitaires du maintien de la paix renforce encore davantage son rôle. Malheureusement, ce n'est pas un hasard s'il aborde aujourd'hui ces questions, les tragédies humanitaires sont de plus en plus de notre temps et l'actualité n'inspire guère d'optimisme, a déploré le représentant. C'est pourquoi, il convient de souligner les progrès importants réalisés par le Conseil de sécurité dans la définition de ses activités de maintien de la paix et notamment dans la définition des mandats des opérations qu'il déploie. Le Bélarus est convaincu que conjointement à d'autres instruments dont le Conseil dispose, parmi lesquels l'imposition de sanctions et d'embargos, les mesures récentes prises permettront d'améliorer sensiblement la sécurité du personnel humanitaire.
L'accès sans entrave du personnel humanitaire à toutes les personnes nécessiteuses est une autre tâche prioritaire des Nations Unies et le contrôle du respect de cette exigence doit être assuré par le Conseil de sécurité, a poursuivi M. Vantsévich. Dans ce contexte, le Conseil ne peut plus tolérer l'impunité des criminels dont les conséquences sont souvent tragiques. La question de la garantie juridique de l'activité humanitaire et la responsabilité juridique des individus qui violent les droits de l'homme et le droit humanitaire international doivent aussi être des questions prioritaires si l'on ne veut pas demeurer impuissant. Les sanctions imposées par le Conseil sont un instrument sérieux pour garantir la paix et la sécurité et le Bélarus est convaincu de leur efficacité incontestable, comme par exemple, en Angola. Parallèlement, on est parfois témoin de situations où l'imposition de sanctions a des effets contraires, comme par exemple, en Iraq, où il convient de souligner la rupture du devoir humanitaire. De l'avis du Bélarus, cette situation doit faire l'objet d'un examen détaillé du Conseil dans l'avenir le plus proche, pour que des mesures efficaces soient prises pour rectifier les choses. Récemment l'attention de la communauté mondiale a été attirée sur l'élaboration d'une conception nouvelle de l'intervention humanitaire. Or pour M. Vantsévich, les fondements de cette approche ne sont pas logiques et l'on ne saurait mettre fin à la guerre par la guerre. Il faut trouver un compromis et un équilibre réel entre la souveraineté des Etats et la sécurité des personnes. Cette recherche doit se fonder sur la Charte et pourrait trouver un cadre dans le développement futur d'un programme d'action pour la paix, a-t-il suggéré en conclusion.
M. ANTONIO MONTEIRO (Portugal au nom de l'Union européenne) a souhaité que ce débat donne lieu à l'identification de mesures visant à prévenir ou à mettre un terme à la violence exercée à l'encontre de la population civile et du personnel humanitaire. Nous espérons que les résultats obtenus jusqu'à présent mèneront le Conseil à identifier un nombre de mesures permettant de mettre en place une "culture de prévention". Le représentant a fait siennes les recommandations du Secrétaire général relatives à la protection de la population civile dans les conflits armés et a demandé qu'elles fassent rapidement l'objet d'un examen. Evoquant la nature changeante des conflits, le représentant a encouragé le Secrétaire général à faire plus souvent usage des prérogatives prévues à l'article 99 de la Charte des Nations Unies aux termes duquel il est invité à porter à l'attention du Conseil tout développement de nature à porter atteinte à la paix et à la sécurité internationales. Nous estimons à cet égard qu'il est indispensable d'améliorer les capacités du Secrétariat pour permettre au Conseil d'envisager la mise en oeuvre de moyens de surveillance des situations de conflit potentiel ou de violations massives des droits de l'homme. Ceci pourrait se faire notamment en utilisant les mécanismes existants comme par exemple la Commission internationale d'établissement des faits. Le représentant a proposé d'autres mesures permettant l'allègement des souffrances des populations civiles. Il a soutenu des actions visant à lutter contre l'accumulation excessive et la prolifération des armes légères et de petit calibre compte tenu de leur capacité à propager la violence aux populations civiles, à mettre un frein aux efforts de reconstruction et à réduire les perspectives du développement durable. L'Union européenne invite le Conseil de sécurité à envisager d'imposer des embargos sur les armes de façon plus vigoureuse lors des étapes initiales d'une crise. L'Union insiste sur la nécessité de garantir une mise en oeuvre rapide et entière de la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel. Le représentant a également rappelé que les Etats parties à la Convention de Genève sur la protection des populations civiles en temps de guerre ont l'obligation d'enseigner et de diffuser le droit humanitaire au sein de leurs forces armées qui, à leur tour, ont l'obligation de respecter ces principes et le droit humanitaire.
Le représentant a souligné l'importance qu'il y a à intégrer pleinement la dimension humanitaire à la planification des opérations de maintien de la paix pluridimensionnelles. Il a encouragé le Conseil à envisager des mesures visant à séparer, dans les camps de réfugiés, la population civile des combattants. Il est indispensable que l'on garantisse la nature humanitaire de ces camps et que l'on installe les réfugiés et les personnes déplacées à une distance raisonnable des zones de conflit et des frontières. Nous soutenons dans ce contexte une utilisation large des Principes directeurs relatifs aux déplacements internes et l'inclusion de ses dispositions dans le mandat des opérations des Nations Unies. Nous encourageons le Conseil de sécurité à continuer à protéger et garantir le respect des droits de l'enfant dans les négociations de paix et tout au long des processus de consolidation de la paix. Nous recommandons l'inclusion des questions relatives au bien- être de l'enfant dans les agendas pour la paix qui ont été adoptés ou sont en cours d'élaboration comme c'est le cas au Burundi, au Soudan et en Sierra Leone.
L'union encourage le Secrétaire général à développer les modalités de mise en oeuvre des corridors humanitaires. Pour ce qui est de l'édification de la confiance des sociétés touchées par les conflits, le représentant a plaidé pour que les Nations Unies renforcent leurs capacités de diffusion de l'information à l'attention du public lors des phases initiales des opérations de maintien de la paix et d'imposition de la paix. Il est également important d'améliorer la coordination stratégique des différents acteurs qui interviennent sur le terrain, y compris une meilleure mise en oeuvre des responsabilités des Coordinateurs résidents et des Représentants spéciaux du Secrétaire général. Le représentant a jugé que les appels consolidés constituent des instruments importants de planification stratégique. Il a demandé aux départements pertinents de renforcer les liens entre les appels interinstitutions et le Cadre des Nations Unies pour l'aide au développement.
M. DUMISANI S. KUMALO (Afrique du Sud) a observé que le Conseil de sécurité a indéniablement un rôle à jouer en appui des activités humanitaires. Dans le cadre de ses décisions et de ses déclarations présidentielles, a précisé le représentant, le Conseil fait référence aux situations humanitaires et aux difficultés inhérentes. Le représentant, tout en reconnaissant l'autorité du Conseil de sécurité en la matière, a souligné la nécessité de respecter les principes d'impartialité. Il a précisé que son pays envisage l'action humanitaire du Conseil de deux manières: premièrement, le Conseil doit accorder une attention particulière aux conséquences humanitaires des conflits. Dans ce contexte, nous estimons que la dimension humanitaire doit être intégrée lors de la phase initiale de formulation du mandat d'une opération de maintien de la paix. Il faudra également s'attacher à distinguer les activités de maintien de la paix de celles à caractère humanitaire. Deuxièmement, le Conseil doit traiter davantage de la question de la sécurité du personnel humanitaire. Le représentant a recommandé au Conseil de déployer un effort concerté permettant de recevoir les assurances que le personnel humanitaire aura un accès libre aux zones de conflit; d'établir un système de vérification d'un tel accès et des activités criminelles à l'encontre du personnel humanitaire et de développer des mesures strictes et des mécanismes crédibles pour pénaliser les auteurs de crimes contre le personnel humanitaire. Le représentant a observé que le Conseil pouvait contribuer à obtenir la mobilisation financière de la communauté internationale.
M. LEIV LUNDE (Norvège), reconnaisant que laction humanitaire ne saurait se substituer à laction politique, sest déclaré favorable à lattention renouvelée que le Conseil accorde à la prévention. Il a demandé au Conseil dexaminer avec attention la possibilité dun déploiement préventif sur le terrain et a exhorté le Secrétaire général à utiliser lArticle 99 de la Charte pour porter à lattention du Conseil de sécurité toute situation qui menace le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pour ce faire, il importe détablir des mécanismes dalerte rapide, a-t-il ajouté. Laction humanitaire, a-t-il poursuivi, doit saccompagner defforts pour instaurer la paix, le respect des droits de lhomme, la démocratie et le développement. Il faut renforcer les systèmes de gouvernance qui sont transparents et responsables et qui encouragent la
participation de la société civile. Le Conseil doit être en mesure de contribuer à mettre fin à la violence contre les civils et le personnel humanitaire par une action coercitive appropriée.
Selon M. Lunde, les Nations Unies gagneraient à élaborer une approche commune aux violations des droits de lhomme et aux crises humanitaires, car cela permettrait de répondre aux besoins humanitaires et de dissuader déventuels violateurs. De la même manière, il importe également de sassurer que les auteurs de crimes de guerre seront traduits en justice. A cet égard, il a souhaité que le Statut de la cour pénale internationale entre en vigueur rapidement et que cette nouvelle institution soit acceptée par le plus grand nombre dEtats. Si les Etats partagent la responsabilité de garantir le respect des principes du droit international humanitaire, le Conseil doit aussi prendre toutes les mesures appropriées pour garantir laccès sans entraves à l'aide humanitaire à ceux qui en ont besoin et assurer la sécurité du personnel humanitaire. Dans ce domaine, il a recommandé que le Conseil examine les recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport sur la protection des civils. Le Conseil devra envisager les moyens pour restreindre le trafic darmes légères et de petit calibre et devra continuer à rechercher le moyens dappliquer des sanctions plus ciblées afin de minimiser leurs conséquences humanitaires.
M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie) a déclaré que les situations d'urgence humanitaire représentent un défi à la solidarité humaine et exigent des réponses appropriées. Cependant, la Colombie estime que le Conseil ne pourra pas s'acquitter efficacement de sa mission de préservation de la paix et de la sécurité internationales si, en marge de la Charte, il assume également la fonction d'orienter la réponse de l'ensemble du système des Nations Unies en matière d'urgence humanitaire. L'attention portée aux crises humanitaires liées à un conflit doit s'inscrire au-delà des opérations de maintien de la paix et se refléter également dans les actions menées en faveur du développement économique et social et qui relèvent des autres organes du système, notamment l'Assemblée générale et le Conseil économique et social. Le représentant a rappelé que conformément à la résolution 46/182 de l'Assemblée générale, l'action humanitaire menée par les Nations Unies doit répondre aux critères d'humanité, de neutralité et d'impartialité et intervenir avec le consentement de l'Etat bénéficiaire. Pour la Colombie, les crises humanitaires ne nécessitent d'ailleurs pas seulement le consentement de l'Etat qui la reçoit, mais également sa coopération. C'est pourquoi, toute réaction du Conseil de sécurité dans ce domaine doit tenir compte de plusieurs facteurs. Il faut tout d'abord examiner chaque situation de manière séparée, et identifier ensuite si la crise résulte de l'action de l'Etat dans lequel elle a lieu ou plutôt des agissements d'acteurs non étatiques. Il faut enfin établir une distinction claire entre les Etats qui coopèrent avec la communauté internationale pour surmonter ces crises et ceux qui ne le font pas.
M. Valdivieso a estimé qu'il convient de se demander si la communauté internationale porte une responsabilité particulière lorsqu'elle se montre indifférente à des situations d'urgence humanitaire pourtant claires. En effet, certaines crises semblent davantage mobiliser l'attention et les ressources que d'autres et ce, pas toujours en raison de l'ampleur de la crise mais plutôt de la région où elle a lieu ou de la publicité médiatique qu'elle reçoit.
La Colombie estime que pour renforcer les mécanismes actuels de réponse aux crises humanitaires, il convient de mener le débat dans un forum où tous les Etats Membres des Nations Unies participent. Sans cela, les actions du Conseil pourraient générer une certaine confusion et même aviver certains conflits actuels; preuve en est le débat sur les conséquences humanitaires des sanctions imposées par le Conseil. C'est pourquoi en conclusion, le représentant a exprimé le souhait de voir l'Assemblée générale débattre également de cette question.
M. SHAMSHAD AHMAD (Pakistan), évoquant la recommandation du Secrétaire général au sujet d'une action préventive internationale dans le cadre des situations d'urgence humanitaire, a souligné que de telles initiatives doivent se faire dans le respect des principes de la souveraineté des Etats, de la non-ingérence et de la non-intervention dans les affaires internes des Etats. Pour que l'action humanitaire soit acceptée de tous, elle doit reposer sur les dispositions de la Charte des Nations Unies et doit être mise en oeuvre avec l'accord du Conseil après qu'il eut été établi qu'une menace à la paix et à la sécurité internationales est apparue. Le rôle central de l'Assemblée générale doit être maintenu et même renforcé. Le Conseil de sécurité ne doit pas empiéter sur les prérogatives des autres organes des Nations Unies.
L'action humanitaire comme mesure de prévention, a ajouté le représentant, doit être mise en oeuvre sans discrimination pour être crédible. Le Conseil de sécurité, qui a la responsabilité première pour ce qui est du maintien de la paix et de la sécurité internationale, n'a pas toujours agit sur la base d'une évaluation objective de la situation. Ceci est vrai dans les cas de la Bosnie, du Kosovo, du Rwanda ou encore du Jammu-Cachemire. La sélectivité qui régit la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité remet en question sa crédibilité. Toutes les résolutions du Conseil doivent recevoir le même degré d'importance et être mises en oeuvre sans discrimination. Les progrès réalisés au Timor oriental devraient être une source d'inspiration pour le règlement de la question du Jammu-Cachemire. Les Nations Unies ont souvent été critiquées pour leur incapacité à répondre aux situations de crise. Nous devons élaborer une stratégie uniforme et renforcer la capacité des Nations Unies à prévenir les crises et régler les différends mais également à répondre rapidement aux situations de crise où qu'elles se produisent. Le représentant a estimé que les organisations régionales ne peuvent jouer qu'un rôle limité dans le cadre de la prévention des conflits, conformément au Chapitre VIII de la Charte même si leurs relations avec les Nations Unies méritent d'être améliorées.
M. JENO C.A. STAEHELIN (Suisse) a rappelé que si les interventions internationales comportent une composante humanitaire, cette dernière ne peut ni ne doit être confondue avec les aspects militaire et politique du mandat. Sans solution politique assurant les bases dun avenir stable, il est à craindre que laction humanitaire napporte que des réponses immédiates et provisoires, a-t-il ajouté. Il importe que lensemble des acteurs présents pendant et après le conflit soient prêts à gérer le passage de la phase durgence à la période de reconstruction et de réhabilitation. Pour assurer
une approche globale qui tient compte des divers aspects dune crise, il a suggéré que la dimension humanitaire soit intégrée dès le début de la planification et de la création dune opération de maintien de la paix.
Lattention et les ressources de la communauté internationale doivent être mobilisées en termes comparables non seulement en situation de crise mais pendant la période de transition vers la reconstruction solide et durable des sociétés affectées par un conflit. Ainsi, le mécanisme des appels consolidés est un moyen important de planification. Il convient également de chercher de nouveaux moyens pratiques dexercer une pression accrue sur les parties à un conflit pour prévenir les violations du droit humanitaire et lutter contre limpunité de leurs auteurs. Tout dabord, les Etats parties aux Conventions de Genève et à leurs Protocoles additionnels se doivent dassumer pleinement leurs obligations de répression au niveau national et de coopérer sans restriction avec les tribunaux pénaux internationaux pour lex-Yougoslavie et pour le Rwanda.
Il a souligné limportance du respect des principes dhumanité, dimpartialité, de neutralité et dindépendance pour que lassistance durgence atteigne les personnes dans le besoin. Il est impératif que toutes les parties à un conflit, quil soit de caractère interne ou international, autorisent un accès sans entraves aux victimes et garantissent la sécurité du personnel humanitaire. Une large diffusion du droit et des principes humanitaires peut apporter une contribution tangible et positive à la promotion dune culture de la paix, a-t-il suggéré.
M. GERHARD PFANZELTER (Autriche), en sa qualité de membre du bureau du président en exercice de lOrganisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a souligné la nécessité de combler le fossé entre alerte rapide et action rapide. Il a donné lexemple de la stratégie globale employée par lOSCE et a indiqué que son pays avait mis laccent sur des problèmes centraux comme la prolifération des armes légères et de petit calibre, limpact des conflits armés sur les enfants et la situation des personnes déplacée à lintérieur de leur pays. Il a mentionné le Programme REACT (Rapid Expert Assistance and Cooperation Teams), mis en place par lOSCE afin didentifier, de sélectionner et de déployer rapidement des experts civils pour aider les Etats en ce qui concerne la prévention des conflits, la gestion des crises et la réhabilitation après le conflit. Une équipe spéciale a été chargée de rendre ce programme opérationnel dici à la fin de lannée, a-t-il précisé.
Il a fait part des initiatives de lOSCE en vue de faciliter la coopération avec les organisations humanitaires et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et les organisations non gouvernementales (ONG), comme par exemple, louverture dun centre de ressources pour le développement d0NG au Kosovo. En conclusion, il a rappelé les efforts de Mme Benita Ferrero-Walder, président en exercice de lOSCE, pour renforcer la coopération entre lOSCE et lONU.
M. SATYABRATA PAL (Inde) a rappelé que le thème initialement choisi pour la discussion actuelle était le maintien de la paix et de la sécurité : laction humanitaire et le Conseil de sécurité. Il a fait remarquer que le thème retenu est devenu le maintien de la paix et de la sécurité : aspects humanitaires des questions dont le Conseil de sécurité est saisi, ce qui démontre que la question est controversée.
Le représentant a observé que toutes les questions qui ont à voir avec les personnes humaines comportent un aspect humanitaire. Il sest demandé si cela autorise le Conseil à entreprendre une action humanitaire. Le terme daction humanitaire na pas été défini et on ignore encore lutilité des actions qualifiées dhumanitaires par ceux qui en étaient à lorigine. Le représentant a poursuivi en soulignant que la Charte définit la responsabilité du Conseil de sécurité dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Sur ce sujet, la Charte ne fait nulle mention de laction humanitaire, a souligné le représentant.
Il a ajouté que le débat qui a eu lieu à lAssemblée générale, lannée dernière, a démontré quil ny a aucun consensus sur la définition de laction humanitaire et le rôle du Conseil. Il est ressorti clairement du débat que les partisans de laction humanitaire estiment quelle devrait être utilisée dans trois grands cas de figure : pour agir contre les violations massives du droit humanitaire international, pour mettre un terme aux abus graves et généralisés et pour alléger les souffrances humaines prononcées. Le Conseil a-t-il un rôle à jouer dans ce contexte? sest interrogé le représentant.
M. Pal a déclaré que le droit humanitaire est codifié par les Conventions de Genève de 1949. Nous sommes signataires des Conventions, nous nous y conformons et estimons quelles doivent être universellement respectées, a-t-il souligné. Il est vrai que de terribles violations ont été commises, y compris au Bangladesh, en 1971, mais les conventions comportent des dispositions pour faire face aux infractions et aux abus. Aucune de ces dispositions nappelle à une action du Conseil de sécurité.
On assiste également à une codification croissante des droits de lhomme, a ajouté le représentant. Aucun des instruments du domaine des droits de lhomme, qui représentent une contrainte juridique pour les pays qui y sont parties, ne requiert une action du Conseil de sécurité, même en cas de violations massives de leurs dispositions. Au cours du processus préparatoire de la Conférence mondiale sur les droits de lhomme qui sest tenue à Vienne en 1993, le lien entre droits de lhomme et maintien de la paix a été examiné en tant que tel, et rejeté.
Etant donné quil nexiste pas de cadre légal pour les secours humanitaires, on peut considérer quil sagit dune zone de flou, mais qu'il ressort du droit souverain dun Etat de décider sil a besoin dune assistance humanitaire ou non. Si un Etat décide de sen passer, il ne peut être forcé par le Conseil, ou tout autre organe, à demander ou accepter cette aide. La coercition et lusage de la force seraient condamnables en vertu du droit et une violation de lArticle 2.3 de la Charte.
Le droit international, comme toutes les autres branches du droit, change et évolue. Cependant, dans le contexte actuel, si le Conseil entreprenait une action humanitaire, il violerait le droit international, au lieu de lélargir. Le Conseil devrait être dissuadé de prendre cette voie car ce nest pas sa fonction de modifier, débranler ou de développer le droit international. Ce nest pas son rôle et la Charte ne lui a pas conféré ce pouvoir. En outre, sil venait à décider dentreprendre une action humanitaire ou à lautoriser, le Conseil dirait qu'il a agit au nom de la communauté internationale. Toutefois, la composition du Conseil nest pas représentative, et ses méthodes de travail naccordent pas de place aux opinions de lensemble des Etats Membres.
Invoquant largument selon lequel la communauté internationale ne peut rester passive face à des souffrances humaines intolérables, et quelle a le droit dentreprendre une action humanitaire pour sauver des vies et alléger des souffrances, le représentant a demandé si le Conseil va exiger des pays développés quils respectent leur engagement de consacrer 0,7% de leur PIB à laide au développement, afin datténuer les terribles souffrances liées au sous-développement et à la pauvreté. Le représentant a demandé si le Conseil, considérant le VIH/sida comme une menace pour la sécurité de lhumanité, et les sociétés pharmaceutiques vendant les traitements contre ce virus à des prix exorbitants grâce aux coûts de patentes élevées, un Etat ravagé par ce virus aurait le droit de saisir de force ces médicaments, en vertu de son devoir humanitaire de protéger ses citoyens. Le Conseil de sécurité va-t-il décider, en vertu du Chapitre VII, que le système commercial concernant la propriété intellectuelle ne sapplique pas aux médicaments qui traitent le VIH/sida, a demandé le représentant.
Le représentant a ajouté que, dans plusieurs pays, du fait que lon soupçonne laide humanitaire davoir des motivations politiques et les participants à cette aide de choisir un camps ou un autre, les parties au conflit se sont attaquées aux travailleurs humanitaires ou à ceux qui les emploient, ou ont refusé de leur accorder un accès. Laide humanitaire doit être de nouveau perçue comme apolitique et neutre, et fournie à la demande. Suite à leur réunion du 23 septembre 1999, les ministres des affaires étrangères du Mouvement des non-alignés ont été catégoriques : l'intervention humanitaire n'existe pas en droit. Il sagit de la position collective des pays qui représentent les deux tiers des membres des Nations Unies.
Le représentant a regretté que la communauté internationale concentre son action sur les problèmes immédiats et non pas sur les effets à long terme. Dans ce contexte, lampleur, la complexité et la durée de laction humanitaire soutenue auraient tôt fait de vider les caisses des Nations Unies et lobligerait à un retrait rapide. Cela aggraverait à la fois la situation des populations touchées et des Nations Unies, a conclu le représentant.
M. VLADIMIR SOTIROV (Bulgarie) sest félicité de linitiative du Secrétaire général d'examiner l'ensemble des opérations de maintien de la paix des Nations Unies qui tiennnent compte de la dimension humanitaire. Rappelant quil sest associé à la déclaration faite par le Portugal au nom de lUnion européenne, il a indiqué que les progrès réalisés au cours des 50
dernières années dans le développement de laction humanitaire, la protection des réfugiés et des droits de lhomme, ainsi que dans létablissement dune base légale pour la protection du personnel humanitaire, demeurent insuffisants. A cet égard, il a estimé que les directives élaborées par lAssemblée générale et lECOSOC, ainsi que le processus en cours dadoption de nouveaux instruments internationaux, contribueront de manière significative à combler le vide existant.
M. Sotirov a rappelé quil appartient au Conseil dévaluer lampleur des crises humanitaires et leurs implications sur la paix dans la région concernée. En outre, il ne faut pas sous-estimer le rôle préventif et, en quelque sorte, dissuasif des actions humanitaires, a-t-il ajouté. Ainsi, laction humanitaire devrait faire partie intégrante des accords de paix sil lon ne veut pas que la détérioration de la situation humanitaire ait des conséquences sur la situation politique et conduise à la réouverture dun conflit. A cet égard, il a cité en exemple les évenements récents au Kosovo qui témoignent de la nécessité dun engagement renforcé de la communauté internationale pour assurer la transition dune action humanitaire durgence à un processus de réhabilitation et de reconstruction. Pour pallier aux problèmes récents de manque de coordination, de la fatigue des donateurs et des situations oubliées, il conviendrait de renforcer la coopération entre le Conseil de sécurité, lECOSOC, les organes et organisations spécialisés des Nations Unies, les organisations régionales et les ONG, a-t-il suggéré en rappelant limportance des Principes directifs pour la coordination de laide humanitaire durgence de 1991 et des récentes conclusions de lECOSOC. Insistant sur limportance dune meilleure coopération entre le Conseil de sécurité et lECOSOC, il a rappelé que lArticle 65 de la Charte dispose que lECOSOC peut assister le Conseil de sécurité, si celui-ci le demande.
M. GELSON FONSECA (Brésil) a déclaré que seule la coordination permettra aux Nations Unies d'améliorer l'efficacité de l'aide humanitaire. Le représentant s'est également demandé quel est le rôle du Conseil dans ce contexte et quelles sont ses limites et contraintes. Pour répondre à ces questions, a précisé le représentant, il faut tenir compte de l'interdépendance entre un vaste éventail de problèmes. Les efforts de résolution des conflits doivent être couplés à des programmes d'aide à court terme et des programmes de réhabilitation et de développement à long terme. Les conditions nécessaires à une coopération efficace des organes et institutions des Nations Unies chargées des questions humanitaires reposent sur la clarté des objectifs et la coordination efficace des activités. L'interrelation entre les questions humanitaires et les questions de sécurité ne doit pas mener automatiquement à ce que le Conseil soit saisi de la question.
Le représentant a reconnu que les opérations mandatées par le Conseil de sécurité peuvent contribuer à améliorer la sécurité du personnel humanitaire mais les soldats de la paix et les membres de la police civile ne peuvent pas se substituer aux organismes humanitaires. Le rôle du Conseil de sécurité est de contribuer aux efforts des organes principaux des Nations Unies et des institutions sans s'y substituer. L'Assemblée générale et l'ECOSOC ont la
responsabilité de fournir des principes directeurs aux activités des Nations Unies, a estimé le représentant. Il a évoqué divers moyens, notamment l'usage de la diplomatie, les embargos sur les armes, les tribunaux spéciaux et l'imposition de "sanctions intelligentes" grâce auxquelles le Conseil pourrait contribuer à trouver des solutions aux problèmes humanitaires.
M. HADI NEJAD HOSSEINIAN (République islamique d'Iran) a rappelé que son pays s'est déjà prononcé en faveur d'une action résolue contre les personnes coupables de crimes humanitaires. Il a précisé que toute action internationale en la matière, surtout si elle implique le recours à la force, doit émaner du Conseil de sécurité, organe ayant la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales, qui doit agir en stricte conformité avec la Charte des Nations Unies. La communauté internationale n'a pas d'autre instrument aussi largement accepté pour répondre aux actes injustifiables de violence qui menacent la paix internationale. L'action préventive rapide est l'un des facteurs clés qui permet de traiter ces crises de manière pacifique et les Nations Unies devraient agir pour résoudre les conflits avant qu'il ne soit nécessaire de recourir à la force. Faire progresser l'action humanitaire ne doit pas pour autant se traduire par la destruction du fondement juridique des Etats, a insisté le représentant, avant de mettre en garde contre la tendance croissante à nier les principes de la souveraineté nationale, qui est pourtant l'un des principes fondateurs de l'Organisation. C'est pourquoi, même pour les situations où les civils sont pris pour cibles et où l'aide est délibérément bloquée, le Conseil doit s'acquitter de sa tâche dans la limite des obligations que lui impose la Charte et en conséquence n'intervenir que lorsque la paix et la sécurité sont menacées.
Le représentant a insisté sur la nécessité d'éviter d'appliquer la politique de deux poids deux mesures, s'agissant du droit humanitaire international. La communauté internationale doit accorder la même attention à toutes les situations de conflit et de catastrophes humanitaires où qu'elles se produisent en refusant de prendre en compte les considérations politiques des uns ou des autres. A cet égard, M. Hosseinian a regretté que le Conseil se soit parfois montré trop lent à réagir dans des conflits en Afrique ou dans d'autres régions du monde et qu'il se soit montré fort peu généreux dans les ressources allouées pour régler ces problèmes. Pour mieux s'acquitter de sa lourde responsabilité, le Conseil de sécurité devra être plus transparent, plus démocratique et il devra rendre compte à un plus grand nombre d'Etats Membres.
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