FEM/1085

LA VIOLENCE A L'EGARD DES FEMMES ET L'IMPACT DE LA MONDIALISATION PROPOSES COMME QUESTIONS PRIORITAIRES DU PROCESSUS ôBEIJINGE5ö

6 mars 2000


Communiqué de Presse
FEM/1085


LA VIOLENCE A L’EGARD DES FEMMES ET L’IMPACT DE LA MONDIALISATION PROPOSES COMME QUESTIONS PRIORITAIRES DU PROCESSUS “BEIJING+5”

20000306

La question de la violence contre la femme doit être la priorité de l’ordre du jour du processus d’évaluation de la mise en oeuvre du Programme d’action adopté à Beijing en 1995 lors de la quatrième Conférence internationale sur les femmes. C’est ce qu’a estimé le Haut Commissaire pour les droits de l’homme, Mme Mary Robinson, qui s’est exprimée, ce matin, devant la Commission de la condition de la femme, agissant en tant que Comité préparatoire de la session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée “Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle” qui se réunira du 5 au 9 juin prochains. Mme Robinson a stigmatisé la violence comme principal obstacle de l’exercice par les femmes de leurs droits. Qu’elle soit domestique, liée à une situation de conflit armé, qu’elle ait la forme de lois discriminatoires ou de pratiques permettant l’exploitation, la violence est ce qui continue d’empêcher la femme de revendiquer le respect de ses droits. Soulignant le caractère unique de la Conférence de Beijing en ce qu’elle a été la première conférence à établir le lien crucial entre la promotion de la femme et le développement, Mme Robinson a souhaité que le processus « Beijing+5 » soit l’occasion de rappeler à la communauté internationale son engagement à intégrer la perspective sexospécifique dans tous les domaines. Ce faisant, le processus doit aboutir à l’adoption d’une approche fondée sur les droits de l’homme et la participation des femmes et à l’élaboration d’indicateurs pour évaluer de quelle manière les Etats s’acquittent de leurs obligations.

L’allocution de Mme Robinson a été suivie d’une Table ronde d’experts qui se sont exprimés sur “L’avenir de l’égalité entre les sexes, du développement et de la paix au-delà de l’an 2000”. Ainsi, Mme Yoriko Meguro, Professeur de sociologie à l’Université Sophia de Tokyo a centré son exposé sur les questions de population, de fertilité et de développement du point sexospécifique. Elle a préconisé le réexamen des données existantes du point de vue de l’égalité entre les sexes; de telles analyses permettent d’établir les effets secondaires des politiques sectorielles sur d’autres domaines, par exemple, l’impact de l’éducation des femmes sur le taux de fertilité. Sur cette base, de nouvelles stratégies peuvent également être élaborées qui permettent d’utiliser les espaces de pouvoir dont les femmes disposent déjà pour renforcer leur pouvoir de manière générale et en acquérir dans d’autres domaines. L’Experte a cité comme exemple la relation entre la baisse de la fertilité et la participation accrue dans le milieu du travail. Commentant les aspects sexospécifiques de la mondialisation

et de la pauvreté, Mme Rosalba Todaro, Economiste et chercheur au Centre d’études des questions féminines de Santiago, Chili, a expliqué la manière dont la concurrence née de la mondialisation a porté préjudice à la situation de la femme dans l’appareil productif. Au niveau gouvernemental, elle a proposé la prise de mesures de compensation pour atténuer l’effet social de la mondialisation sur les femmes, ainsi que des mesures d’intégration de la dimension sexospécifique dans la structure économique mondiale.

A son tour, Mme Carolyn McAskie, représentant le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, s’est exprimée sur la question de l’assistance humanitaire et du règlement des conflits du point de vue sexospécifique. Elle a abondé dans le sens de Mme Robinson en réclamant aussi un rang de priorité élevé pour la question de la violence à l’égard des femmes. Elle a insisté pour que les femmes aient une voix égale à celle des hommes dans les processus de paix. Le dernier exposé a porté sur l’égalité entre les sexes et les droits de l’homme dans le contexte des démocraties en transition. Il a été fait par Mme Krisztina Morvai, Professeur de droit à l’Université Eötvös Loránd de Budapest qui a expliqué la manière dont sont perçus le Programme d’action de Beijing et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans les démocraties nouvelles. Faisant appel à l’histoire pour expliquer la réticence que peuvent susciter de tels instruments, Mme Morvai a appelé les Nations Unies à intensifier leurs efforts de sensibilisation dans ces pays, en particulier auprès des gouvernements. Le dialogue qui a suivi les exposés a surtout été dominé par les questions de la mondialisation et de la violence à l’égard des femmes.

Poursuivant, à partir de cet après-midi, ses travaux en séances officieuses, le Comité préparatoire examine, dans le cadre d’un premier Groupe de travail, présidé par Kirsten Mlacak (Canada), un projet de document final de la session extraordinaire de l’Assemblée générale. Un deuxième Groupe de travail, présidé par Rasa Ostrauskaité (Inde), se penchera sur l’organisation des travaux de cette session extraordinaire.

Il est prévu que le Comité préparatoire termine ses travaux, en séance officielle, le vendredi 17 mars.

Allocution du Haut Commissaire aux droits de l’homme

Mme MARY ROBINSON, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a estimé que l'on pouvait tirer satisfaction du fait que certaines mesures ont été prises en faveur des droits des femmes depuis la quatrième Conférence mondiale sur les femmes qui s'est tenue à Beijing en 1995. Il faut néanmoins reconnaître qu'il reste un long chemin à parcourir avant de pouvoir dire que les droits des femmes sont universellement respectés. Qu'elles soient dirigeantes, femmes autochtones, femmes migrantes, victimes du trafic de femmes, qu'elles travaillent pour la paix, pour le développement de leur communauté ou qu'elles soient femmes d'affaires, toutes évoquent le problème continu de la violence dont elles font l'objet. Leurs préoccupations vont de la violence domestique à la violence dans les conflits, en passant par la discrimination et l'exploitation des femmes vulnérables. Les femmes sont également préoccupées devant les stéréotypes traditionnels et nouveaux qui ont pour conséquence une augmentation de cette violence. La question de la violence contre les femmes doit donc constituer une priorité de l'ordre du jour du processus « Beijing+5 ». Cet ordre du jour est d'ailleurs vaste. Le fait est que les droits des femmes continuent d'être violés jour après jour. Dans un nombre écrasant de pays, des lois qui perpétuent la discrimination à l'égard des femmes sont toujours en vigueur. Ce n'est pas seulement l'existence de ces lois, mais la discrimination dans leur mise en œuvre, le déni d'opportunités égales dans l'éducation et l'emploi, de déni du droit à la propriété et à l'héritage, l'exclusion des femmes de la représentation politique, la privation des droits sociaux et de reproduction et le recours aux forces sociales et à la violence physique pour les intimider et les assujettir, qui constituent autant de violations fondamentales de leur droit à l'égalité. Le manquement au respect des droits économiques et sociaux des femmes provoque de profondes inégalités et a un impact négatif sur leur capacité d'affirmer d'autres droits. Il les rend plus vulnérables aux abus violents ce qui exacerbe davantage les barrières qui les empêchent de participer à la vie publique et politique. Il faut s'assurer que tous les droits des femmes soient défendus.

Beijing a été un jalon dans la lutte pour les droits des femmes. La Conférence de Vienne sur les droits de l'homme a réaffirmé le principe selon lequel tous les droits de l'homme sont interdépendants et doivent être exercés tant par les hommes que les femmes. Le Programme d'action stipule que la pleine participation des femmes à tous les niveaux et dans tous les secteurs et l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes sont des objectifs prioritaires. Au Caire, lors de la Conférence sur la population et le développement, les gouvernements ont validé les droits de reproduction et le droit à l'information et aux services de contraception. Le Sommet social de Copenhague a attiré l'attention sur la situation désavantageuse des femmes en ce qui concerne la pauvreté. Mais c'est à Beijing que les liens cruciaux entre la promotion des femmes et le développement ont été mis en avant le plus clairement. La Communauté internationale s'y est engagée à intégrer une perspective sexospécifique dans tous les domaines et à intégrer pleinement les femmes dans la vie sociale, politique et culturelle. Le défi aujourd'hui est de bâtir sur les fondements de Beijing. Il s'agit d'établir et de définir des jalons, des objectifs clairs et des mécanismes de contrôle pour vérifier la mise en œuvre par les gouvernements des engagements pris il y a cinq ans. Il faut notamment chercher de nouveaux moyens pour modifier les attitudes sexistes, lutter contre le trafic de femmes, la violence à leur encontre, prendre des mesures en faveur des femmes dans les conflits. Cela signifie que les budgets

doivent être révisés par les gouvernements pour mettre en œuvre les engagements pris. L'adoption du Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes constitue un instrument puissant sur la voie de la promotion des femmes.

Mme Robinson a souligné le fait que le processus « Beijing+5 » offre une occasion de réfléchir à la manière de mettre en œuvre une approche basée sur les droits de l'homme et la participation des femmes. C'est aussi une occasion de souligner l'importance de mettre en œuvre des normes de performance permettant de mesurer dans quelle mesure les Etats s'acquittent de leurs obligations. La liberté est constituée de toute une palette de droits qui doivent tous être pris en compte et respectés. Il faut réaffirmer notre engagement à mettre en œuvre tous les droits de l'homme stipulés dans les douze domaines critiques du Programme d'action de Beijing.

Commentaires des ONG

La représentante de Center for Women a estimé que 25 ans après la première Conférence sur les femmes à Mexico, il faut reconnaître que les femmes ont acquis de nombreux droits grâce notamment aux Nations Unies et à leurs conférences. Elle a toutefois souligné que deux tiers des analphabètes dans le monde sont des femmes tout comme le sont 75% des pauvres dans le monde. Allons-nous continuer à parler des droits des femmes pendant 25 ans encore. Non, a répondu la représentante en estimant que le Programme d’action de Beijing permet de traduire en mesures concrètes les droits de la femme. Il faut agir sans tarder, en particulier les Nations Unies, les Gouvernements et les ONG. Les Nations Unies ont un double rôle à jouer, celui de vecteur des changements multidimensionnels et de contrôleur des progrès. Il faut contraindre les Etats Membres à rendre des comptes et à prouver qu’ils ont mis en œuvre des lois favorables à la promotion de la femme et promulgué des lois permettant de poursuivre les responsables de violations des droits de la femme. En la matière, l’éducation à la promotion de la femme s’avère essentielle, qu’il s’agisse d’éducation formelle ou informelle. Elle doit commencer à la petite enfance jusqu’à l’âge adulte, a insisté la représentante.

La représentante de Human Rights Caucus/Centre pour le leadership des femmes, a jugé essentiel que le processus « Beijing+5 » réaffirme l’engagement pris lors de la quatrième Conférence sur les femmes. Pour elle, le Programme d’action est crucial en ce qu’il englobe les principes d’indivisibilité et d’universalité des droits de la femme. Elle a appelé à des mesures vigoureuses contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Pour la représentante, la réalisation majeure de ces cinq dernières années a été l’adoption du Protocole à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le défi sera maintenant de travailler à la ratification universelle de la Convention ainsi qu’à celle du Protocole. La représentante a appelé à l’abrogation rapide de toutes les lois discriminatoires et à la promulgation de lois offrant aux femmes un recours juridique en cas de violation de leurs droits. Pour la représentante, le manque de ressources en la matière traduit en fait un manque de volonté politique de faire de l’égalité entre les sexes une priorité. Plaidant pour l’intégration de la dimension sexospécifique dans toutes les politiques, elle a estimé que la future Conférence internationale sur la lutte contre le racisme devra fournir un bon exemple de cette intégration. Avant de conclure, la représentante a souligné

l’importance qu’il y a à convoquer une nouvelle conférence sur les femmes pour, a- t-elle expliqué, évaluer les progrès, établir de nouveaux objectifs et surtout maintenir la pression sur les gouvernements.

Débat d’experts et dialogue sur le thème : « Avenir de l’égalité entre les sexes, du développement et de la paix au-delà de l’an 2000 »

Mme YORIKO MEGURO (Japon), Professeur au Département de sociologie à la "Sophia University" de Tokyo, a parlé des liens entre la population, la fertilité et le développement d'une perspective sexospécifique. Elle a fait observer que lorsque l'on cherche à élaborer des stratégies, il est essentiel d'identifier les faits qui sous-tendent le problème que l'on veut surmonter. Ainsi, il y a aujourd'hui des changements démographiques qui exigent des changements des systèmes sociaux. Dans la plupart des sociétés, les femmes vivent plus longuement que les hommes. Le problème du vieillissement est donc un problème des femmes. L'introduction du droit à la santé reproductive a entraîné un changement de priorité dans les analyses démographiques passant d'une approche macro à une approche micro en vue d'intégrer une perspective sexospécifique dans les politiques démographiques. Ce qu'il faut en réalité, c'est relier les deux approches, vu le contexte plus vaste dans lequel vivent les individus.

Mme Meguro a cité deux types de stratégies possibles, qu'elle a appelé les résultats non intentionnels des analyses de "sous-produits" et l'identification du pouvoir de négocier des femmes. De nombreuses politiques n'ont pas pour but l'égalité entre les sexes, mais peuvent y contribuer par accident. Ces politiques devraient être étudiées pour voir ce qui pourrait devenir un "sous-produit" qui contribuerait à l'amélioration de l'égalité entre les sexes. Il en est ainsi du lien entre l'éducation et la mortalité infantile, en particulier dans les pays en développement. L'éducation des femmes a également un effet sur leur fertilité et sur la mortalité maternelle. Il faut donc identifier les composantes de l'éducation qui ont une influence sur ces variables.

S'agissant du pouvoir de négociation des femmes, Mme Meguro a expliqué que, puisque les femmes doivent négocier avec ceux qui exercent le pouvoir pour changer les systèmes existants qui sont discriminatoires, tout pouvoir dont elles disposent peut être utilisé en tant que ressource pour obtenir davantage de pouvoir ou un pouvoir différent. Dans ce contexte, elle a évoqué le lien entre la fertilité et les réponses sociales dans les pays industrialisés. Dans ces pays, les taux de fertilité sont tombés en dessous du taux de remplacement dans les années 60. L'accès aux contraceptifs, la légalisation de l'avortement, l'éducation des femmes et l'accès au travail rémunéré, ainsi que la sécularisation des valeurs, la tendance croissante à accepter la cohabitation et la reproduction au sein de couples non mariés, l'âge de plus en plus tardif du mariage et de la naissance du premier enfant, ont causé un changement révolutionnaire qui a provoqué une baisse des taux de fertilité. Pourtant, dans certains pays, comme la Suède et les Etats-Unis, où la participation des femmes au marché du travail est chose commune, ces taux sont revenus à leur niveau précédent. Si l'on examine le lien entre la fertilité et la participation des femmes au marché du travail, on constate que la réponse sociale à l'entrée des femmes sur le marché du travail est la variable à prendre en compte. Ainsi, en Suède, des efforts ont été faits pour mettre en place un système équilibré des secteurs économiques et de la reproduction sur la base de l'égalité entre les sexes. Aux Etats-Unis, on a assisté à une "révolution des sexes" lorsque des efforts ont été faits pour accepter les femmes sur le marché du travail et les hommes ont commencé à assumer davantage de responsabilités familiales. Il est évident que des pays avec un taux faible de fertilité comme l'Italie et l'Espagne ont connu un niveau plus faible de participation des femmes au marché du travail. La réponse sociale réussie, que ce soit des politiques gouvernementales ou des mesures du secteur privé ou des individus, est fondée sur l'égalité entre les sexes en tant qu'idéal, ainsi que sur une méthode réaliste de faire face au problème. Ces exemples montrent la nécessité de réexaminer les données d'une perspective sexospécifique. Une analyse macrodémographique ne suffit pas puisque les variables diffèrent en fonction des contextes. Les études fondées sur les pays et sur les communautés sont essentielles pour identifier les variables clés dépendant des contextes. De telles études permettent d'obtenir des données sur la base desquelles des analyses plus générales et systématiques peuvent être faites. La force de ces stratégies est qu'elles nous permettent de nous rendre compte de ce dont nous disposons déjà et des ressources qui sont à notre portée pour faire davantage de progrès, a conclu Mme Meguro.

Mme ROSALBA TODARO, Economiste et Chercheur au Centre d’études des questions féminines de Santiago au Chili, s’exprimant sur les aspects de la sexospécificité dans la mondialisation et la pauvreté, a souligné le lien entre sexes et économie, à savoir la façon dont l’organisation des relations entre les sexes influe sur la production économique, en particulier dans le contexte de la mondialisation. La réduction des dépenses sociales et du coût du travail ainsi que la nouvelle organisation du travail, rendues nécessaires par la concurrence effrénée née de la mondialisation, ont eu des conséquences très variées, augmentant souvent la pauvreté et le fossé entre riches et pauvres. La question aujourd’hui doit être de savoir comment réaliser le processus d’intégration de tous à l’économie mondialisée. Les positions du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) montrent que cette question a fini par acquérir un rang prioritaire. Il est évident que les femmes ont été les plus marginalisées non seulement parce qu’elles appartiennent aux secteurs les plus vulnérables de la société mais surtout du fait de leur place dans la structure du travail. Les responsabilités familiales les conduisent, en effet, à prendre plus facilement un travail précaire, à moindre revenu. Mais il ne faut pas sous-estimer le rôle du travail même précaire dans la promotion de la femme, il a permis aux femmes d’affermir leur voix au sein de la famille. Aujourd’hui, il revient aux gouvernements de mettre en œuvre deux sortes de politiques. Les premières doivent comprendre des mesures de compensation de façon à atténuer l’effet social de la restructuration économique tandis que les deuxièmes doivent accélérer l’intégration de la dimension sexospécifique dans le système économique mondial.

Mme CAROLYN MCASKIE, Chef par interim du Bureau de la coordination des affaires humanitaires et Coordinateur adjoint des secours d'urgence, a indiqué que c'est dans le rôle d'avocat que le Bureau pouvait être le plus actif en faveur des droits des femmes. En 1998 et 1999, le débat humanitaire du Conseil économique et social a traité de la question de l'intégration d'une perspective sexospécifique dans les activités humanitaires. C'est dans le domaine des conflits que nous avons la plus grande tâche à accomplir. Au sein du Comité interinstitutions, il existe un groupe permanent sur les sexospécificités qui analyse les questions sur lesquelles il faut travailler en priorité. Par le biais des coordonnateurs résidents, il est également possible d'avoir une influence sur le système des Nations Unies en matière d'intégration d'une perspective soucieuse d'égalité entre les sexes.

Les civils, et de plus en plus fréquemment, les travailleurs humanitaires, sont aujourd'hui devenus les cibles de la guerre. Dans les périodes de conflits armés, 80% des réfugiés et des personnes déplacées sont des femmes et des enfants. Cette situation a un impact énorme sur les relations entre les sexes. Les femmes sont déplacées loin de leur foyer et de tout système d'appui traditionnel. Tous les droits des femmes sont gravement affectés par les conflits. Leur intégrité physique est menacée. Mme McAskie a notamment cité, dans ce contexte, les sévices physiques et les viols, estimant que ce type de violence contre les femmes doit figurer tout en haut de l'ordre du jour. Elle a souligné la situation dramatique des femmes violées qui se voient rejeter par leur communauté. L'assistance humanitaire peut atténuer les effets négatifs sur les hommes et les femmes si l'on tient compte des sexospécificités. Les femmes autant que les hommes doivent avoir une voix égale dans les processus de paix. Il faut faire davantage pour qu'elles soient à la table de négociation et participent aux négociations de paix. Il faut mettre à profit les possibilités qui s'offrent aujourd'hui dans ce domaine.

Mme KRISZTINA MORVAI, Professeur de droit à l’Université Eötvös Loránd à Budapest en Hongrie, parlant des droits de l’homme dans le contexte de la transition démocratique, a estimé que pour analyser la manière dont le Programme d’action peut être mis en œuvre de façon plus efficace, il faut d’abord identifier les responsables de cette mise en œuvre. Conformément à la Déclaration de Beijing, les destinataires principaux sont les gouvernements, la société civile et la communauté internationale alors que le Programme d’action donne une liste plus détaillée de destinataires incluant les organisations intergouvernementales, les institutions spécialisées des Nations Unies et même les policiers dans le domaine de la violence contre les femmes, par exemple. Or, le problème est que la plupart des destinataires comme les policiers dans le cas de violence contre les femmes, n’a jamais eu vent des textes de Beijing et des autres instruments pertinents. Que peut-on faire au niveau des gouvernements ? Avant de répondre à cette question, l’Experte a d’abord rappelé que la signature de la plupart des instruments internationaux relève de l’autorité du Ministère des affaires étrangères. La question est donc de savoir si le contenu de ces instruments est diffusé auprès des responsables désignés de la mise en œuvre. Pour l’Experte, il est nécessaire que les documents internationaux soient non seulement signés comme documents diplomatiques mais aussi par toutes les branches du gouvernement, y compris les gouvernements locaux. C’est déjà le cas dans les domaines de l’économie et des questions relatives à la santé, a insisté l’Experte. Pour elle, l’information et la communication semblent être les éléments-clés de la mise en œuvre des instruments des droits de l’homme.

L’Experte a poursuivi en soulevant la question de la mise en œuvre d’instruments internationaux sans une pleine compréhension du contexte dans lesquels cette mise en œuvre est sensée s’effectuer. Elle a ainsi expliqué que dans les pays d’Europe centrale et orientale, la question de l’égalité entre les sexes tout comme celle de l’égalité entre les classes était une partie intégrante de l’idéologie officielle de l’Etat socialiste. Contrairement aux pays d’Europe occidentale où le concept d’égalité entre les sexes est parti de la base vers les gouvernants, les pays d’Europe centrale et orientale considéraient ce concept comme un élément venant d’”en haut”. Aujourd’hui, cette question est donc vue par une large part de la société comme faisant partie du passé communiste. Dans les démocraties occidentales, du fait de l’”évolution organique” des mouvements de promotion des droits de la femme, même les politiciens les plus conservateurs, ont une idée du contexte des “questions de la femme”. Dans ces démocraties, les questions féminines font partie du discours social et politique alors que ce n’est pas le cas dans les pays d’Europe centrale et orientale. Les documents internationaux tombent donc dans un certain vide.

De plus, a poursuivi l’Experte, les nouvelles démocraties ont une relation d’amour-haine avec les organisations internationales des droits de l’homme. Si du fait de l’histoire, la pression extérieure pour le changement des normes a été vue comme “étrangère et indésirable”, il est évident qu’aujourd’hui ces démocraties se rendent bien compte qu’elles n’ont d’autres choix que de joindre la communauté internationale et d’accepter ses normes. L’Experte a donc proposé que les Nations Unies envisagent la possibilité d’organiser des formations, des campagnes et des visites officielles pour sensibiliser les gouvernements aux efforts en matière de promotion de la femme. Le prestige d’une visite d’un haut fonctionnaire des Nations Unies, la couverture médiatique qui découlerait d’une campagne des Nations Unies ou même la formation de fonctionnaires des gouvernements pourrait représenter une contribution efficace à la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing et des autres instruments pertinents, a estimé l’Experte.

Ouvrant le dialogue, la représentante du Yémen a souligné que s'il existe un lien entre l'éducation et la santé reproductive des femmes, la pauvreté constitue un autre facteur influençant leur fertilité. Ainsi, au Yémen, la fertilité est plus grande chez les femmes analphabètes et pauvres. 70% des pauvres et 60% des analphabètes sont des femmes. Cette situation montre clairement le lien existant entre fertilité et pauvreté. Dans les zones rurales, les femmes se marient très jeunes. Prévenir les mariages précoces et renforcer l'éducation des femmes contribueraient à l'égalité entre les sexes. La représentante a demandé, par ailleurs, quelles seraient les mesures que la communauté internationale pourrait prendre pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, en particulier les viols dont elles sont victimes dans les situations de conflit. Abordant également cette question, la représentante du Ghana a estimé que la situation des femmes enceintes à la suite d'un viol devrait faire l'objet de recommandations spécifiques. Les violations des droits des femmes dans les conflits armés constituent des violations des droits de l'homme. Pourtant les conflits, en particulier en Afrique, retiennent insuffisamment l'attention de la communauté internationale, a regretté la représentante de la République démocratique du Congo. En République démocratique du Congo, l'ennemi n'hésite pas à utiliser des soldats contaminés par le sida comme arme de guerre et 15 femmes ont récemment été enterrées vivantes dans l’indifférence de la communauté internationale. Elle a estimé que, face à de telles situations, il fallait encourager les mouvements pacifistes locaux et promouvoir une véritable culture de la paix, des droits de l'homme et de la tolérance.

Pour la représentante de l'ONG, Caucus sur les femmes dans les conflits armés, la guerre représente le plus grand obstacle à la réalisation des droits des femmes. Dans toutes les régions du monde, il existe des conflits et des femmes qui font la paix, a-t-elle souligné. Elle a appelé les gouvernements à réduire leurs dépenses militaires et à allouer les ressources dégagées à des activités de développement. Il faut assurer la participation égale des femmes à tous les niveaux de prévention des conflits, d'établissement et de maintien de la paix. Il faut, en particulier, insister pour qu'elles participent de façon égale à toutes les négociations de paix. Enfin, il faut assurer la protection et l'accès aux services de base pour toutes les femmes dans les conflits armés.

Il ne peut y avoir impunité pour les crimes commis contre ces femmes, a-t-elle encore souligné. Elle a noté la nécessité de disposer de repères clairs pour suivre les changements et évaluer les progrès dans ces domaines.

La représentante de la Jordanie a, pour sa part, estimé que le plus grand défi aujourd'hui était l'impact de la mondialisation qui prive certains gouvernements d'avoirs précieux qui pourraient être mis au service de programmes sociaux. Elle a souhaité que la session extraordinaire ne se limite pas à des recommandations mais décide de mesures concrètes et prenne des engagements financiers. Elle a plaidé en faveur de l'effacement de la dette de certains pays en développement. Evoquant à son tour les conséquences de la mondialisation, la représentante de la Malaisie a attiré l'attention sur la situation des femmes migrantes, à la recherche de meilleures conditions de vie, qui sont doublement vulnérables à l'exploitation et aux violations de leurs droits. Elle a demandé que des mesures appropriées soient prises en leur faveur. La situation des migrantes illégales qui ne bénéficient pas des soins de santé de base doit également être examinée.

Répondant aux commentaires et questions des délégations, l'Experte du Japon a précisé que, pour ce qui est du lien entre éducation et fécondité, il est important de revoir les données existantes en vue de définir précisément quels facteurs agissent sur quoi. Chaque société a son propre contexte et de nombreux facteurs influent sur l'impact qu'a l'éducation sur la fertilité. Dans le contexte de la société rurale, il est clair qu'il faut tenir compte de la pauvreté. Précisant sa pensée quant à l'impact de la mondialisation sur la situation des femmes, l'Experte du Chili a réaffirmé que les mesures qui ont été prises pour restructurer l'économie n'ont généralement pas tenu compte de l’interaction entre les diverses politiques. Il importe de continuer de souligner la nécessité de tenir compte de l'interdépendance de tous les éléments et d’élaborer des politiques transversales et intersectorielles. Le rapport entre les politiques économiques et l'égalité entre les sexes n'est pas toujours pris en compte. Les femmes qui sont sorties du secteur agricole faute de possibilités et qui ont trouvé du travail ailleurs, ont amélioré leur situation, en dépit de la précarité de leur emploi. Il faut donc tenir compte de ces nouvelles possibilités et du processus général de développement. L'Experte hongroise a appelé, pour sa part, à tenir compte des destinataires des programmes. Ceux qui ont des responsabilités dans le cadre de l'application des Programmes d'action nationaux doivent être particulièrement conscients de cette nécessité, a-t-elle souligné.

Répondant aux préoccupations des délégations sur la question de la violence à l'égard des femmes dans les situations de conflit, la représentante du Bureau de la coordination des affaires humanitaires a préconisé une double approche, estimant qu'il faut à la fois élaborer des mesures pour protéger les femmes dans ce type de situation et chercher les moyens de prévenir les conflits. Il faut, en premier lieu, faire un véritable travail de plaidoyer. Dans ce contexte, un énorme progrès a déjà été enregistré en ce qui concerne la violence domestique, la même chose doit être faite en ce qui concerne le viol. L'éducation, dès le début de la vie, est particulièrement importante, a-t-elle souligné. Elle a rappelé que le Conseil de sécurité débat de toute une série de recommandations en vue d’assurer la protection des civils dans les conflits armés et qu'un rapport du Secrétaire général a été soumis au Conseil en septembre 1999 sur la question. Un débat aura lieu le mois prochain au Conseil sur ce thème. L'adoption du Statut de la Cour pénale internationale constitue une autre avancée dans ce domaine. Elle a préconisé, par ailleurs, d'aider les communautés à se protéger elles-mêmes. Reprenant la série de questions, la représentante du Mali a mis l’accent sur le dilemme - imposé par les institutions financières internationales - auquel sont confrontés de nombreux pays en développement, à savoir donner la priorité à l’amélioration de la situation macroéconomique et laisser au rouge les indicateurs microéconomiques. Quelle stratégie adopter pour aider les femmes à moins de subir les effets des programmes d’ajustement structurel ? A ce sujet, la représentante de la République de Corée a souligné qu’aucune mesure compensatoire ne pourra se révéler efficace sans une pleine intégration de la perspective sexospécifique dans les plus hautes sphères gouvernementales. Pourquoi, a estimé la représentante du Malawi, ne pas saisir l’occasion de la mondialisation pour mener des campagnes afin d’encourager des formes de coopération multilatérale dans l’ensemble des pays en développement. Ces pays, étant donné leurs avantages comparatifs en matière de coûts des matières premières et du travail, ont tout intérêt à renforcer cette coopération.

Comment mesurer la valeur du travail non rémunéré pour évaluer sa contribution au développement économique, a demandé, pour sa part, la représentante de la République dominicaine. S’arrêtant sur la question de la violence contre les femmes, la représentante de Soroptimist International a appelé à l’intensification de la coopération internationale pour éliminer le trafic des femmes, punir les responsables et porter assistance aux victimes. Quelle forme de coopération peut-on mettre en place avec les ONG en la matière, a-t-elle souhaité savoir.

Répondant à la série de questions sur l’impact de la mondialisation sur les femmes, l’Experte du Chili a souligné la nécessité d’étudier la spécificité des situations et d’éviter, comme cela a été fait jusqu’à aujourd’hui, de “soigner toutes les maladies avec un médicament unique”. Il faut étudier la situation particulière des pays en matière d’éducation, de développement technologique ou encore de rang économique, pour prendre des mesures efficaces en faveur de la promotion de la femme. Il faut d’abord analyser les politiques des Etats et étudier leurs effets négatifs sur la femme. C’est ce qu’il faut entendre par “intégration de la sexospécificité dans les politiques”.

Entamant une nouvelle série de questions, le représentant de la Guinée a rappelé que dans son pays, la mise en œuvre du Programme d'action souffre de l'impact négatif de la présence massive de réfugiés dans le pays, dont 60% sont des femmes. La persistance des conflits aux frontières du pays et les incursions armées aux frontières ont été accompagnées d'enlèvements de femmes et d'enfants. Il a demandé ce qui pouvait être faits pour que les femmes du Nord soient mieux informées des situations de conflit dans le Sud afin qu'elles puissent agir davantage pour leurs sœurs du Sud. La représentante d'Israël a insisté sur la nécessité vitale que les gouvernements voient ce qui se passe sur le terrain. Les responsables doivent savoir ce qui se passe dans les camps de réfugiés, ce qu'est véritablement la violence contre les femmes. Les mesures qui doivent être prises pour lutter contre toutes les formes de violence doivent être assorties d'engagements financiers adéquats, a-t-elle souligné. Elle a plaidé en faveur du lancement de programmes d'éducation visant à promouvoir l'égalité entre les sexes et à renforcer la confiance des fillettes. La représentante de la Zambie a averti des risques de voir les progrès des pays en développement renversés par les impacts négatifs de la mondialisation. Les programmes d'ajustement structurels ont déjà des conséquences néfastes pour la situation des femmes. Si des mesures ne sont pas prises, on risque de se retrouver dans une situation encore pire dans cinq ans.

Outre les violences physiques, il faudrait aussi parler des violences psychologiques qui sont commises contre les femmes, a-t-elle estimé. Le plaidoyer a fait sa part dans nos pays. Il est temps de prendre d'autres mesures. Ce que les femmes des pays en développement n'ont pas, c'est le pouvoir économique, une situation qui résulte des politiques de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. La représentante a souligné qu'à côté des conflits entre pays, il y a aussi des situations de conflit entre le Gouvernement et la société civile. Or, la paix civile est une condition primordiale pour le succès des politiques en faveur des femmes. La représentante de la Croatie a indiqué qu'en Europe centrale et orientale, la transition vers l'économie de marché et la démocratie avait provoqué une forte diminution de la participation des femmes aux processus de décisions. Les élections récentes en Croatie ont permis de rectifier quelque peu la situation mais on est encore loin des objectifs fixés à Beijing. Or, les femmes doivent avoir leur mot à dire dans les programmes qui les concerne. C'est en assurant leur participation aux affaires publiques que l'on donnera l'élan nécessaire à la promotion de l'égalité entre les sexes. Partant, elle a interrogé les expertes sur les moyens qui permettraient de réaliser les objectifs de Beijing dans ce domaine. La représentante du Sri Lanka a insisté sur l'importance de la coordination des activités humanitaires.

Evoquant la question de la violence contre les femmes, l'Experte de la Hongrie a plaidé en faveur d'un dialogue intense entre les ONG et les autres partenaires sur la situation actuelle. Elle a fait observer que la question de la violence contre les femmes n'était pas encore bien comprise par les hommes. Les femmes, elles-mêmes, ne sont pas toujours sensibilisées à la question de l'égalité entre les sexes. La situation est fort diverse selon les pays et les régions du monde. C'est pourquoi, l'échange d'informations et d'expériences est important. Cela pourrait être la base d'un document établissant des normes minimales communes dans ce domaine. L'Experte du Chili a estimé que la détermination politique pouvait apporter les changements attendus en ce qui concerne le contrôle des effets négatifs de la mondialisation. Certaines politiques sociales ont permis de compenser certaines inégalités sociales. C'est sur cette base qu'il faut avancer, a-t-elle dit. L'Experte du Japon a estimé qu'il fallait réexaminer les programmes existants en vue d'y intégrer une perspective sexospécifique.

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