En cours au Siège de l'ONU

PI/1165

LA CREATION D'UNE VERITABLE CHAINE DE TELEVISION DES NATIONS UNIES EST SUGGEREE LORS DE L'OUVERTURE DU FORUM MONDIAL DE LA TELEVISION

18 novembre 1999


Communiqué de Presse
PI/1165


LA CREATION D'UNE VERITABLE CHAINE DE TELEVISION DES NATIONS UNIES EST SUGGEREE LORS DE L'OUVERTURE DU FORUM MONDIAL DE LA TELEVISION

19991118

Des appels en faveur de la création d'une véritable chaîne de télévision des Nations Unies ont marqué l'ouverture ce matin, par M. Kensaku Hogen, Secrétaire général adjoint aux communications et à l'information, du quatrième Forum mondial de la télévision. Jugeant provocateur le thème du Forum "Miroir ou influence: l'impact de la télévision sur la paix et le développement", M. Jean-Pierre Elkabbach, chroniqueur et éditorialiste d'Europe 1, a estimé que la télévision, dans sa forme actuelle, se soucie peu de la paix et du développement. Elle se nourrit, au contraire, d'images sombres et de la mise en scène des misères de nos contemporains. La paix et le développement demandent du temps et de la patience alors que la télévision n'accorde la primauté qu'à l'immédiat et à l'irrationnel. Qu'est-ce qui empêche les Nations Unies, ferment du rapprochement entre les hommes, de créer une télévision à vocation planétaire et humaniste qui diffuserait la culture de l'Organisation? La création d'une "télévision civique internationale" constituerait un hymne à la paix en mouvement pour le prochain millénaire. Cette proposition a rallié le soutien de nombreux intervenants, notamment celui de M. Tom Brokaw, présentateur et rédacteur en chef de NBC Nightly News, et celui de Mme Charlayne Hunter-Gault, Chef du Bureau de CNN à Johannesburg.

Répondant à cette proposition depuis Istanbul par moyens vidéo, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, a indiqué que cette initiative mérite réflexion, même si son coût se chiffrait à des millions de dollars. Il s'est prononcé en faveur d'un partenariat renforcé avec les médias dans la lutte que mènent les Nations Unies contre la guerre et la pauvreté. Vous pouvez nous aider et aider les peuples des pays ravagés par les guerres en maintenant simplement votre couverture médiatique, a déclaré le Secrétaire général. La puissance des images de la télévision et leur capacité à influer sur la société et à l'inciter à agir ont été également relevées par le Président de l'Assemblée générale, M. Theo-Ben Gurirab, et par le Président du Conseil économique et social, M. Paolo Fulci.

Les personnalités suivantes ont également pris la parole: M. Roberto Zaccaria, Président de Radiotelevisione Italiana (RAI); M. Fedele Confalonieri, Président de Mediaset; M. Albert Scharf, Président de European Broadcasting Union et Directeur général de Bavarian Broadcasting en Allemagne, M. Robert Ottenhoff, World Broadcasting Unions (WBU); Ahmet Oren, TGRT Turquie, au nom du Conseil international de l'Académie nationale des arts de la télévision et des sciences (NATAS); M. Yoshinori Imai de Nippon Hoso Kyokai (NHK); M. Reinhard Keune de Friedrich Ebert Stiftung; M. Giuliano Berretta, Directeur général de l'Organisation européenne de Télécommunications par satellite (EUTELSAT).

L'après-midi sera consacrée à différents ateliers organisés sur les thèmes de "établissement d'un agenda: l'actualité télévisée comme acteur et non pas spectateur"; "le télévision comme tuteur: de l'apprentissage à distance au loisir éducatif"; "la communication comme vecteur de changement social: la responsabilité sociale et le rôle de la télévision". D'autres ateliers de travail auront lieu vendredi 19 novembre. Ils porteront sur la télévision et les échanges commerciaux, la télévision et les événements sportifs; le reportage de guerre, l'équilibre entre les programmes éducatifs et les programmes de divertissement pour enfants; le développement; mythes et réalités. La séance de clôture se fera le même jour à 15 heures.

Le Forum rassemble les dirigeants de l'industrie de la communication télévisuelle du monde entier. Il a pour objectif de promouvoir la réflexion sur le rôle central de la télévision dans l'examen des questions essentielles de notre temps. Près de 800 participants de 90 pays se sont inscrits pour participer au quatrième Forum, parmi lesquels 64 présentateurs et conférenciers. Le Forum est organisé par le Département de l'information des Nations Unies avec l'appui des missions permanentes de l'Italie et du Japon auprès de l'Organisation. Les trois Forums précédents avaient traité de la mondialisation (1996), du nouvel environnement multimédia (1997) et de l'avenir de la mémoire audiovisuelle (1998). A la suite du premier Forum en 1996, l'Assemblée générale a déclaré le 21 novembre Journée mondiale de la télévision.

QUATRIEME FORUM MONDIAL DE LA TELEVISION DES NATIONS UNIES SUR LE THEME "MIROIR OU INFLUENCE?: L'IMPACT DE LA TELEVISION SUR LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT"

Déclaration de bienvenue du Secrétaire général adjoint aux communications et à l'information

M. KENSAKU HOGEN a noté qu'il s'agit de la quatrième année consécutive qui voit la convocation du Forum mondial de la télévision. Il porte sur les défis majeurs auxquels doit faire face l'industrie de la télévision au niveau mondial et sur le rôle essentiel qu'elle joue dans le traitement des questions critiques actuelles. Le fait que l'Assemblée générale ait proclamé le 21 novembre Journée mondiale de la télévision, suite au premier forum en 1996, témoigne de l'importance qu'accorde la communauté internationale au rôle de la télévision, a-t-il poursuivi. Au cours des dernières années, le Forum a traité de sujets tels que la mondialisation, le nouvel environnement multimédia et l'avenir de la mémoire audiovisuelle. Le thème du Forum de cette année s'intitule "Miroir ou influence?: l'impact de la télévision sur la paix et le développement". Nous nous accordons tous pour dire que la télévision contribue considérablement à façonner les forces sociales, politiques et économiques qui animent les activités de l'homme. Ces mêmes forces, à leur tour, façonnent le contenu télévisuel. Et tenant compte du lieu où se tient ce Forum, en l'occurrence le siège des Nations Unies, il donne une occasion rare aux dirigeants et aux professionnels de la télévision de toutes les régions du monde de s'entretenir sur l'avenir du contenu des programmes audiovisuels et sur la façon dont ceux-ci traitent de la mission principale des Nations Unies, la paix et le développement de la famille humaine. M. Hogen s'est félicité que ce Forum représente encore plus cette année le monde actuel, notant avec satisfaction que le nombre de participants et leur représentation géographique n'ont jamais été aussi importants. Le Forum a accueilli cette année près de 800 participants venus de 90 pays.

Déclarations liminaires

M. THEO-BEN GURIRAB, Président de l'Assemblée générale, a constaté avec satisfaction la présence de nombreuses personnalités de l'industrie de la télévision et de la diffusion en ce quatrième Forum mondial de la télévision. Leur seule présence, a-t-il poursuivi, atteste du vif intérêt qu'elles portent à l'objectif de cette rencontre, à savoir l'examen de l'impact des programmes de télévision sur les conflits, la paix et le développement. Rappelant la décision de l'Assemblée générale, suite au premier Forum, de déclarer le 21 novembre Journée mondiale de la télévision, M. Gurirab a fait remarquer que celle-ci constitue une autre décision opportune et judicieuse des Nations Unies dans le domaine télévisuel.

Ayant à l'esprit le fait que la majorité de la population mondiale vit dans une pauvreté abjecte, pour laquelle la seule idée de posséder un poste de télévision semble relever de la folie, on est en droit de se demander dans quelle mesure les programmes de télévision peuvent avoir un impact de façon positive et continue sur la guerre, la paix et le développement dans des lieux où la télévision n'existe pas. De même que l'on peut se demander philosophiquement comment, quand un arbre tombe dans une forêt, celui-ci peut faire du bruit s'il n'y a personne pour l'entendre, comment le meilleur programme de télévision peut-il avoir un impact sur des personnes qui ne le verront jamais? s'est interrogé le Président de l'Assemblée générale. Si par la diffusion de programmes éducatifs et de formation, la télévision pouvait avoir un impact sur la vie de ceux qui vivent dans le monde en développement, à savoir plus de la moitié de la population mondiale, la télévision connaîtrait un succès sans précédent dans l'histoire de l'humanité. La puissance qu'ont les images transmises par la télévision et leur capacité à influencer sur la société et à l'inciter à agir est sans pareil. C'est là un fait que nous constatons régulièrement étant donné la réaction rapide de la communauté internationale à faire face aux nombreuses catastrophes humanitaires qui secouent la planète, à l'image de celles qui se sont produites au Timor oriental ou au Kosovo. Or, un grand nombre de conflits sanglants et de crises humanitaires graves, tels que le conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée, que le Haut Commissariat pour les réfugiés qualifie de guerre la plus meurtrière de cette année, ou encore les crises humanitaires qui sévissent en Angola, en République démocratique du Congo ou au Burundi, sont pratiquement oubliées car aucune équipe de télévision n'est sur place pour couvrir les carnages et les supplices.

Il ne fait aucun doute que les images et sons que transmet la télévision façonnent à bien des égards nos perceptions et l'opinion publique. En tant que facteur puissant de la vie moderne, l'immense potentiel de la télévision devrait être exploité pour le bénéfice de tous. La télévision devrait constituer plus qu'un moyen de divertissement en informant, instruisant et en formant les gens partout dans le monde, notamment en leur transmettant un savoir qui améliorerait leurs conditions de vie. Les professionnels de la télévision peuvent contribuer de plusieurs manières à influencer positivement l'audience mondiale. Il convient naturellement de poursuivre la tenue de forums mondiaux, tels que le présent Forum mondial des Nations Unies de la télévision qui permet de mettre en exergue les thèmes d'intérêt commun que partagent l'Organisation et les dirigeants de l'industrie de la télévision. Dans le même temps, il nous faut transformer en actions concrètes les enseignements tirés de ces forums. Dans les écoles, la télévision peut, grâce à des programmes diffusés en langue locale, transmettre des connaissances nécessaires au développement. Mais soyons réalistes: le meilleur programme de télévision aura bien peu de sens tant que les personnes qui en ont le plus besoin - à savoir celles qui vivent dans les pays en développement - manqueront d'équipement et de moyens logistiques adéquats. Ces personnes ont besoin, en premier lieu, de postes de télévision ainsi que d'un transfert de technologie adapté.

La télévision a souvent été accusée de ne pas avoir atteint son plein potentiel en raison de sa sur-commercialisation. L'utiliser dans le but de promouvoir le changement social, les progrès et la sécurité des hommes permettrait de rétablir sa réputation quelque peu ternie, a préconisé le Président de l'Assemblée générale avant d'encourager les professionnels de la télévision à intensifier leurs coproductions avec la Télévision des Nations Unies. Avec des ressources pourtant limitées, celle- ci est parvenue à expliquer l'histoire des Nations Unies. Imaginez l'ampleur que pourrait gagner la diffusion de ce message si les personnes qui sont laissées pour compte avaient l'accès à un poste de télévision pour voir ces programmes. En lançant ces défis, M. Gurirab a souhaité que les participants au Forum y réfléchissent pendant ces deux jours de discussions, qu'ils examinent l'impact de la télévision sur la paix et le développement afin de parvenir à des solutions réalisables. 43 jours exactement nous séparent aujourd'hui de la fin du millénaire et, pour que les sociétés puissent vivre en paix, il nous faut oeuvrer en faveur du développement et de l'élimination de la pauvreté, processus dans lequel nous devons être tous participants et bénéficiaires. Avec l'aide des médias, nous pourrons construire un monde qui verra s'amenuiser la division Nord-Sud et dans lequel personne ne sera laissé pour compte. En conclusion, le Président a engagé les participants au Forum à s’interroger sur les questions suivantes: "Si je ne fais rien, qui d'autre le fera? Si je ne peux apporter mon aide, qui d'autre le pourra?". M. Gurirab s'est dit fermement convaincu que les participants au Forum pourront faire la différence en donnant aux programmes de télévision une orientation qui soit bénéfique à l'ensemble de l'humanité.

M. PAOLO FULCI (Italie), Président du Conseil économique et social, a rappelé que la promotion de ce Forum par les Nations Unies et l'Italie, il y a quatre ans, visait à explorer les différentes formes de coopération entre les médias et les représentants de la communauté internationale et à travailler à un développement plus harmonieux d'une société de l'information mondiale. A l'issue de la première édition de ce Forum, la journée du 21 novembre a été déclarée Journée mondiale de la télévision, conformément à une résolution qui a été parrainée par 128 Etats Membres. Chaque édition du Forum voit la participation d'acteurs du monde de la télévision toujours plus nombreux, ce qui témoigne de la vitalité et de le pertinence de cet événement. Qui aurait cru alors que le Forum est né d'une simple question soulevée par l'ambassadeur du Burundi qui se demandait pourquoi le monde en développement est toujours en marge des réflexions sur le rôle de la télévision.

Cette année, le Forum articulera sa réflexion autour de la relation entre la télévision et deux des objectifs principaux des Nations Unies, à savoir la paix et le développement. Les activités des Nations Unies en matière de développement économique et social ainsi que celles de promotion des droits de l'homme et des libertés fondamentales représentent 70% des ressources humaines et financières de l'ensemble du système des Nations Unies. Cette réalité est souvent occultée par les activités plus prestigieuses d'autres organes des Nations Unies comme le Conseil de sécurité.

Au cours de la première édition du Forum, il y a quatre ans, a rappelé M. Fulci, le Ministre des affaires étrangères de l'Italie, M. Lamberto Dini, a évoqué la nécessité de combler le fossé entre le Nord et le Sud, non seulement au niveau économique mais également au niveau des médias. La télévision et les médias sont des instruments puissants au service de la paix et du développement ainsi que dans la lutte contre la pauvreté en ce qu'ils fournissent des informations essentielles à la prise de conscience des peuples. Ces thèmes sont devenus prioritaires pour le Conseil économique et social.

M. Fulci a estimé que sans une éthique de communication, la télévision peut être à l'origine de vecteurs de déstabilisation de pays qui se trouvent à une étape vulnérable de leur histoire. Placée en des mains manquant d'intégrité, la télévision amplifie la discorde sociale et politique ainsi que les différences culturelles. Elle est vecteur de conflit et de confrontation plutôt qu'un instrument de paix et de réconciliation. Vous avez donc tous la responsabilité de faire en sorte que les informations que vous diffusez sont constructives et non pas destructrices et qu'elles apportent leur contribution à la recherche de la paix et du développement.

Dialogue entre le Secrétaire général des Nations Unies M. Kofi Annan et des personnalités de la télévision sur le thème "la télévision et les Nations Unies"

M. KOFI ANNAN, qui participe au Forum depuis Istanbul par moyens vidéos, s'est réjouit du thème choisi à l'occasion du quatrième Forum mondial de la télévision "le rôle de la télévision dans la paix et le développement". La paix et le développement constituent les objectifs principaux des Nations Unies même s'ils ne relèvent plus exclusivement de la responsabilité des gouvernements ou des organisations intergouvernementales. La mondialisation a accru l'influence des acteurs non gouvernementaux, et, notamment, des médias internationaux, bien que des millions d'individus du monde en développement restent isolés. Il nous revient donc à nous, Nations Unies, de trouver de nouveaux partenaires dans notre lutte contre la guerre et la pauvreté. Vous les médias, êtes en tête de liste. Je vous demande donc: est-ce que la télévision peut servir d'arme dans la lutte pour la liberté? Est-ce que la télévision peut contribuer à faire la différence entre la paix et la guerre? Est-ce qu'elle peut engendrer une intervention dans un conflit, sans pour autant que cela signifie l'emploi de la force mais plutôt une forme d'action qui préviendrait la violence, la pauvreté et toute forme de souffrance?

Lors du Forum mondial de la télévision qui s'est tenu il y a quelques années, j'ai demandé aux journalistes de réfléchir au concept de "journalisme préventif". Cela ne signifie pas que vous devriez vous éloigner de votre priorité qui est de rendre compte des événements. Je voulais également dire par là que votre intégrité professionnelle pourrait trouver une amélioration dans une plus grande prise de conscience des conséquences de vos reportages.

En mettant en lumière les abus ou conflits potentiels au bon moment, vous pouvez donner à la communauté internationale l'opportunité d'intervenir avant que des abus ou conflits potentiels ne deviennent de véritables conflits. Le choix du conflit que vous allez couvrir est tout autant important que la manière dont vous en rendez compte. En accordant une attention particulière aux victimes de conflits dans des pays éloignés "insignifiants", vous pouvez les aider à recevoir une aide plus importante. Bien souvent, les Nations Unies font de leur mieux pour atténuer les souffrances et aider à reconstruire une société ravagée par des années de conflit. Mais une fois que ce pays ne fait plus la une des journaux télévisés, les ressources financières et le soutien politique tendent à s'amenuiser. Vous pouvez nous aider et aider les peuples de ces pays en maintenant simplement votre couverture médiatique. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que les peuples du monde aient une meilleure compréhension des Nations Unies.

M. TOM BROKAW, Présentateur et rédacteur en chef de NBC Nightly News (USA), a estimé que cette rencontre avec les médias est importante dans la mesure où elle ouvre un dialogue de portée mondiale. Cependant, c'est un mythe que de dire que la télévision se désintéresse de la pauvreté dans le monde. En fait, notre expérience montre le contraire, nous assurons une couverture constructive et non destructrice dans ce domaine. Nous avons, par exemple, consacré une couverture importante à ce qui se passe en Tchétchénie. De même, la Bosnie a bénéficié d'une couverture très importante aux Etats-Unis comme en Asie. D'autres exemples récents le montrent. Lorsque nous avons réduit notre couverture en Somalie, une catastrophe militaire a éclaté. La couverture télévisée a encore beaucoup à faire, il est vrai, face aux conflits en Afrique. Mais il ne suffit pas de présenter des images, il est également important que les organismes internationaux tels que l'Organisation des Nations Unies et les ONG répondent et réagissent à ce que font les professionnels de la télévision. M. Brokaw a estimé qu'il est important que tous les membres de la société aient accès aux nouvelles technologies et aux informations et mettre un poste de télévision dans chaque foyer du monde n'est peut-être pas la seule solution. Avec l'accès aux chaînes câblées et à l'Internet, de nouvelles perspectives s'ouvrent et les Nations Unies devraient penser à établir leur propre chaîne de télévision.

JEAN-PIERRE ELKABBACH, chroniqueur et éditorialiste d'Europe 1/France, a jugé que le thème de ce Forum est provocateur dans la mesure où la télévision, telle qu'elle est présentée, ne s'intéresse pas à la paix et au développement. La télévision se nourrit d'images sombres et de la mise en scène des misères de nos contemporains. Elle montre les guerres et les fléaux comme des malédiction qui finissent par lasser. La paix exige la durée et la patience alors que la télévision n'accorde la primauté qu'à l'immédiat et à l'irrationnel. La mondialisation, quant à elle, mène à la concentration et à la diffusion des mêmes techniques et des mêmes programmes. Les écrans de télévision diffusent les mêmes films avec les mêmes héros d'un bout à l'autre de la planète. La télévision est de plus en plus frappée du même syndrome au détriment de l'information.

Les télévisions publiques sont contraintes d'adopter les armes de leurs concurrents et accordent ainsi peu de place aux programmes de formation et d'éducation. La télévision tisse une toile d'araignée grâce à ses satellites mais elle ne profite pas à tous de la même manière. Un tel diagnostique peu paraître sans illusion mais les forces de rébellion sont déjà à l'oeuvre. La télévision peut être un outil prodigieux. Elle peut témoigner, révéler, dénoncer, culpabiliser et provoquer des actes de solidarité ainsi que des prises de conscience. Le monde est sourd et aveugle sans la télévision. Des tragédies n'existent pas sans la télévision. La paix et la guerre naissent avec la télévision. Elle n'est cependant plus la seule magicienne de l'information compte tenu du développement des nouvelles techniques de communication comme les médias virtuels.

L'ONU a fait l'objet de nombreuses critiques qui pour la plupart sont injustes. Aujourd'hui le monde a besoin de l'ONU comme le ferment du rapprochement entre les hommes. A qui s'adresser sinon à l'ONU. Pourtant, on lui reproche sa lenteur et l'on voudrait un règlement instantané des crises. Qu'est-ce qui empêche les Nations Unies de créer une télévision à vocation planétaire et humaniste qui exprimerait les ambitions de tous les système des Nations Unies? Cette télévision informerait les autres organisations internationales sur la manière de mettre en oeuvre leurs activités. Elle informerait les peuples de leurs activités, de leurs buts et de leurs objectifs. La création d'une télévision civique internationale constituerait un hymne à la paix en mouvement pour le prochain millénaire.

Mme CHARLAYNE HUNTER-GAULT, Chef du Bureau de CNN à Johannesbourg, a déclaré que, dans les médias, nous sommes en proie à définir notre rôle dans la période de l'après guerre- froide et ce type de forum nous est fort utile à cette fin. L'ONU joue à cet égard un rôle important, notamment en Afrique du Sud où elle a été la première à documenter le problème des orphelins atteints du virus du sida ou encore le problème des enfants de 9 ans au Rwanda qui se retrouvent chefs de foyers car leurs parents sont morts dans le génocide. Mme Hunter-Gault a exprimé son appréciation face aux efforts des Nations Unies pour emmener les journalistes dans des zones peu accessibles, notamment en Angola, pour qu'ils parlent des victimes de la guerre dont personne ne parle. Mais sur le continent africain, rien n'est simple. Nous devons tous apprendre à voir ce que nous n'avons pas encore appris à voir. La transition démocratique de l'Afrique a longtemps retenu l'attention de la communauté internationale mais à l'heure actuelle cet intérêt s'est évaporé. Un nombre important de gouvernements en Afrique ont des ordres du jour qui ne sont pas toujours conformes aux impératifs des médias et trop de collègues journalistes encore se trouvent actuellement emprisonnés car ils ont essayé de dire la vérité.

Le Secrétaire général, M. KOFI ANNAN, résumant les commentaires des journalistes, a fait remarquer que la télévision peut servir à des fins utiles tout comme à des fins négatives. Mais qui a le choix?, s'est-il interrogé. Ce n'est pas la télévision qui prend en soi les décisions mais les organisations comme celle des Nations Unies. Il semble cependant que nous n'employons pas toujours tous les moyens à notre disposition pour rendre le public attentif aux crises émergentes. Mais est-ce le devoir seul de la télévision? La télévision en soi ne suffit pas, nous devons tous être engagés et travailler de concert. Ce qui a également retenu l'attention du Secrétaire général, c'est l'appel lancé pour l'établissement d'une chaîne de télévision des Nations Unies. Bien que cette initiative coûterait des millions de dollars, c'est là un défi qui mérite réflexion, a-t-il estimé.

Réponses aux questions des participants au Forum

M. BROKAW a évoqué les difficultés qu'il y a à mobiliser l'intérêt du public d'où la nécessité pour les Nations Unies de travailler à la diffusion de programmes attractifs sur un vrai écran de télévision.

M. ELKABBACH a indiqué qu'une "télévision civique internationale" pourrait disposer d'un statut juridique autonome. De part la présence des Nations Unies dans le monde, elle disposerait déjà du matériel et des hommes. Les parrains tant privés que publics ne manqueraient pas. L'objectif d'une telle chaîne de télévision ne serait pas de capter l'audience des grandes chaînes publiques. En effet, celles-ci, lors des réunions, par exemple, du Conseil de sécurité, ne diffusent que leur point de vue national. Il faut créer une chaîne qui exprime le point de vue et la culture des Nations Unies. Il ne s'agit pas de faire de l'audience à tout prix. Les Nations Unies disposent déjà du noyau et des moyens de mettre en place une telle entreprise.

Mme HUNTER-GAULT a évoqué un programme sur les droits de l'homme qu'elle anime et qui pourrait servir de modèle à une télévision des Nations Unies. Elle a expliqué qu'un tel programme fonctionne à partir de reporters sur le terrain munis de petites caméras vidéo. Cela nous a permis de capter tout un auditoire d'étudiants et d'universitaires. Une télévision des Nations Unies ne nécessite pas nécessairement de moyens de production onéreux.

M. BROKAW a expliqué que l'on ne peut résoudre les conflits du monde par des contacts personnels uniquement mais le fait est que nous vivons à une époque où les moyens de communication détiennent un grand pouvoir. Le réseau Internet est doté d'une extraordinaire capacité à faire communiquer les gens sur toute la planète. Dans l'avenir le grand écran sera cependant moins important que le petit écran, à savoir l'ordinateur, pour la communication entre les personnes.

M. ELKABBACH a estimé qu'il faudrait que certains pays, dont les gouvernements posent toujours des obstacles à l'accès aux nouvelles technologies, changent d'attitude. M. Elkabbach a évoqué des statistiques telles que le taux d'accès à Internet qui est de 0,5% dans la région sub-saharienne alors qu'il est de plus de 50% aux Etats-Unis. De même l'achat d'un ordinateur correspond à moins d'un mois de salaire aux Etats-Unis alors qu'il faudrait huit années de salaire à un habitant du Bangladesh pour acheter un tel appareil. M. Elkabbach a remercié le Secrétaire général de la confiance qu'il accorde à la presse et a assuré qu'il souscrit pleinement au journalisme de prévention que préconise l'ONU. Souvent, a-t-il indiqué, ce sont les journalistes qui mettent le doigt sur des faits avant qu'ils ne se transforment en souffrance et en sang. Nous, professionnels de la télévision, pouvons prévenir et alerter avant qu'il ne soit trop tard.

M. ANNAN a tiré un bilan des interventions qu'il vient d'entendre en indiquant que la télévision se doit de bien présenter les informations et de refléter la diversité des cultures. Concernant un système d'informations des Nations Unies, une étude est en cours. L'idée d'établir des relations avec d'autres centres d'informations est la bienvenue. Il est important pour les Nations Unies d'établir des relations de confiance avec les journalistes. Lorsque l'on parle de technologie moderne, il nous faut combler la lacune qui existe entre les pays riches et les pays pauvres. Il nous faut un réseau si l'on veut que chacun puisse profiter des moyens d'éducation à notre disposition. Se référant à la transformation du Conseil de tutelle, M. Annan a souligné qu'il ne faut pas attendre cette transformation pour collaborer étroitement avec les professionnels de la télévision.

Remarques des parrains du Forum

M. ROBERTO ZACCARIA, Président de la RAI, a expliqué qu'en plus des programmes traditionnels, la RAI diffuse des programmes qui ne reflètent pas forcément les intérêts du Gouvernement mais plutôt les différentes opinions et tendances. La guerre est le sujet le plus controversé car les principes fondamentaux qui régissent les sociétés sont remis en cause. La télévision a une responsabilité importante envers les citoyens. Le problème majeur est d'avoir accès pendant les guerres à des sources d'information diversifiées et fiables et d'échapper à la censure. La guerre au Kosovo a beaucoup touché les téléspectateurs en Italie. La RAI a pénétré directement au coeur du conflit, ce qui a généré une demande accrue de la part des téléspectateurs, non pas du point de vue quantitatif mais qualitatif. Nous savions pendant cette guerre qu'il serait difficile d'avoir accès à l'information. Grâce à notre bureau situé à Belgrade, nous avons pu développer une meilleure compréhension du conflit. L'avènement de la paix risque de mettre un terme à l'information. Il est possible que la paix censure les guerres oubliées. La paix marque la reprise du dialogue et le début des efforts de reconstruction. C'est alors aux médias qu'il incombe de tenir le public informé des besoins des populations touchées par les conflits.

Nous devons également dénoncer en des termes les plus vigoureux les enfants enrôlés dans les conflits. L'Internet a joué un rôle important en ce qu'il a permis de recueillir des points de vues variés. Cette guerre a consacré le triomphe du multimédia. Le Président a proposé que le Forum mondial de la télévision de l'an 2000 examine les règles relatives à l'Internet et son impact. Son rôle est d'une importance considérable pour la défense de la liberté de l'information comme nous l'avons vu au cours de la guerre au Kosovo.

M. FEDELE CONFALONIERI, Président de Mediaset, a déclaré que la RAI et Mediaset, qui ont soutenu le Forum des Nations Unies sur la télévision dès son commencement, peuvent se féliciter de ses apports positifs. 1999 restera une année mémorable pour de nombreuses raisons, a-t-il indiqué. Pour les Européens, l'année 1999 est celle qui a vu la guerre qui n'a cessé de hanter le continent, donnant une impression émouvante de déjà-vu. Nous devons admettre que la télévision a montré la guerre du Kosovo dans toute sa terreur et le message qu'elle s'est efforcée de transmettre est qu'il n'y a pas de gagnant ou de perdant. Beaucoup de journalistes ont en fait risqué leur vie pour donner un point de vue différent sur la guerre. La télévision a un rôle didactique à jouer et doit permettre aux spectateurs de développer une sensibilité critique en ce qui concerne les événements traités. Il nous faut refléter les signaux, même s'ils sont faibles, du changement, ce que l'Internet ne peut atteindre car il tend plutôt à diviser le public. Les sites Internet sont en effet consultés et explorés mais sur la base de besoins purement personnels. Il convient enfin de souligner que la télévision a été un élément formidable dans le processus de mondialisation en transformant le public en spectateurs mondiaux. Nous travaillons actuellement avec l'Espagne et l'Allemagne à la création d'un programme qui serait diffusé simultanément dans nos trois pays afin de promouvoir des sensibilités communes.

M. ROBERT OTTENHOFF, a déclaré au nom de World Broadcasting Unions, que ce Forum est important en ce qu'il suscite la réflexion. Le sujet choisit, à savoir l'impact de la télévision sur la paix et le développement est une source d'inspiration. La télévision doit être davantage informative et plus crédible. Nous avons besoin de votre aide pour qu'elle soit libre de toute influence et de toute contrainte, si l'on veut qu'elle joue un rôle constructif dans nos sociétés.

M. AHMET OREN, Président de TGRT (radio-télévision turque), a déclaré, au nom du Conseil international de l'Académie nationale des arts et des sciences de la télévision, que depuis les années 80, la Turquie est passée à une économie de marché grâce en partie au développement du secteur de la télévision. Son impact sur l'économie est énorme. Notre radio et notre télévision sont devenues la fenêtre du monde. La télévision divertit mais également informe de façon. Elle apporte dans les foyers les joies mais également les malheurs de l'humanité. La TGRT a formé une alliance avec deux chaînes de télévision grecques pour coopérer dans la couverture médiatique des tremblements de terre. Nous sommes heureux, dans ce contexte, d'avoir pu fournir des informations objectives.

M. YOSHINORI IMAI, représentant de Nippon Hoso Kyokai - NHK, a estimé que les avantages découlant des nouvelles technologies doivent permettre de rehausser les niveaux de vie, et il convient pour cela de tenir compte des différences culturelles. Notre service digital commencera ses activités en l'an 2000 avec des capacités multifonctionnelles. La télévision à haute définition (TVHD) est le résultat des recherches que nous avons entamées en 1964 et, à présent, près de 2 millions de foyers au Japon ont accès à la TVHD. Nous projetons également de diffuser les prochains jeux olympiques, grâce à cette nouvelle technologie. Plus tard, ce mois-ci, nous allons diffuser des images en direct des récifs coralliens d'Australie. Nous envisageons aussi d'équiper la station spatiale avec de nouvelles caméras à haute définition pour donner des images plus claires de la terre. Les rêves auxquels donne lieu la télévision à haute définition, on le voit, sont infinis. Il faut que la télévision devienne une source publique à laquelle tout le monde puisse avoir accès pour obtenir des informations fiables et nous devons faire de notre mieux pour mettre en place des programmes qui fassent la promotion du bien-être mondial.

M. REINHARD KEUNE, Fondation Friedrich Ebert Stiftung, a évoqué la collaboration entre la Fondation et les Nations Unies. A la demande expresse du Secrétaire général des Nations Unies et en collaboration avec le Département des opérations de maintien de la paix, nous avons élaboré une étude sur le rôle de l'information dans le cadre des opérations de maintien de la paix et de la reconstruction des sociétés.

M. GIULIANO BERRETTA, Directeur général de l'Organisation européenne de télécommunication par satellites (EUTELSAT), a expliqué que l'Organisation se développe constamment. Elle possède actuellement 15 satellites en orbite et 10 stations orbitales ce qui place l'Organisation au troisième rang mondial pour sa flotte de satellites. Six satellites sont sur le point d'être placés sur orbite. Il a soutenu la proposition de M. Elkabbach au sujet de la création d'une chaîne de télévision des Nations Unies. EUTELSAT serait le meilleur véhicule de transport de la chaîne des Nations Unies. Evoquant la disparition des chaînes en langues serbe et albanaise, il a proposé la création d'une chaîne d'information dans ces deux langues. EUTELSAT a joué un rôle important dans le domaine des innovations technologiques. Nous avons été les premiers à introduire la télévision numérique et à offrir Internet via les satellites de communication. Nous travaillons actuellement à la micro-télévision permettant de transmettre directement dans les foyers à partir d'émetteurs de toute petite taille. EUTELSAT accroît ses services. Un satellite couvre les Etats-Unis depuis un mois, à partir du Canada. Nous allons ouvrir la route Marco Paolo vers l'Asie et la route Vasco de Gama vers l'Amérique du Sud, ce qui nous permettra de devenir un opérateur de portée mondiale.

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