AG/COL/159

COMITE DE LA DECOLONISATION : LE PORTUGAL ET L'INDONESIE COMMENTENT LA SITUATION AU TIMOR ORIENTAL AVANT LE SCRUTIN D'AUTODETERMINATION

23 juin 1999


Communiqué de Presse
AG/COL/159


COMITE DE LA DECOLONISATION : LE PORTUGAL ET L'INDONESIE COMMENTENT LA SITUATION AU TIMOR ORIENTAL AVANT LE SCRUTIN D'AUTODETERMINATION

19990623 Signataire de l'Accord du 5 mai, avec l'Indonésie et le Secrétaire général des Nations Unies, sur l'organisation d'un scrutin concernant un projet de cadre constitutionnel d'autonomie du Timor oriental, le représentant du Portugal a invité " la nouvelle démocratie indonésienne" issue des derniers développements politiques à renouer avec les valeurs démocratiques et de respect des droits de l'homme au Timor oriental. Le représentant s'exprimait, cet après-midi, devant le Comité spécial chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Le représentant a rappelé que l'Accord de New York du 5 mai établit un cadre approprié pour l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple est-timorais. Il engage les parties à la neutralité et l'Indonésie au maintien de la paix et de la sécurité pour assurer la tenue d'un scrutin juste et pacifique. Le représentant a donc dénoncé la connivence de l'armée indonésienne avec les milices armées, le maintien en prison de plusieurs prisonniers politiques et l'incapacité de nombreux dirigeants indépendantistes à travailler ouvertement.

Pour sa part, le représentant de l'Indonésie s'est déclaré surpris du fait que le Portugal se considère toujours comme le champion de l'autodétermination du Timor oriental. Il a précisé que son Gouvernement n'épargnera aucun effort pour parvenir à une solution juste au Timor oriental. Le représentant a regretté que l'on continue à diffuser de fausses informations. Le Gouvernement indonésien a pris une initiative audacieuse en offrant une autonomie large au peuple du Timor oriental. Cette solution permettrait une véritable réconciliation. Il a rappelé que son Gouvernement cherchait avant tout à respecter les droits de la population du Timor oriental.

Les deux représentants ont exercé leur droit de réponse.

Auparavant, le Comité spécial avait entendu des pétitionnaires s'exprimant au nom des entités suivantes : Forum Nusantara; LANSIA, une association de personnes agées indonésiennes; Association australienne pour le Timor oriental; et Conseil national de résistance timoraise. Un pétitionnaire est également intervenu à titre individuel.

Au cours de sa prochaine réunion, qui aura lieu demain à partir de 10 heures, le Comité entendra les deux derniers pétitionnaires sur la question du Timor oriental.

Audition de pétitionnaires sur la question du Timor oriental

M. SOENARTO ATMOJO, Forum Nusantara, a déclaré que, malgré les vérités déformées concernant les viols, les génocides et les pillages, le peuple du Timor a bénéficié d'être une province de l'Indonésie. Le concept de la tolérance et de la prospérité a pu être renforcé. L'Indonésie a proposé une autonomie étendue à la province du Timor oriental. La consultation populaire permettra de clore le dernier chapitre du colonialisme. C'est uniquement au peuple de la province qu'il appartient de choisir. Il faut une conclusion rapide et juste de la question du Timor oriental.

M. PRATONO, au nom de LANSIA, une association de personnes agées indonésiennes à New York, a déclaré que l'Indonésie a essayé de trouver une solution durable. La conclusion de l'Accord du 5 mai est un événement important. Il faut savoir que cela fait 16 ans que des efforts sont entrepris pour régler la question du Timor oriental. C'est la souplesse du nouveau Gouvernement indonésien qui a donné naissance à un processus de négociation. La proposition d'autonomie élargie est novatrice. La population du Timor oriental aurait le droit d'élaborer ses propres lois et d'avoir son propre système politique. L'Indonésie reste engagée à trouver une solution à la question du Timor oriental malgré la campagne de désinformation. Des factions favorables à l'indépendance essaient de forcer la population timoraise à rejeter l'autonomie étendue. Bon nombre de médias sont tombés dans le piège des fausses informations qui leur ont été communiquées. L'Indonésie a prouvé sa souplesse et sa coopération en facilitant la mise en oeuvre de l'Accord. M. Pratono a estimé que les critiques faites à l'égard de l'Indonésie tendent à dévoyer le processus dans un but politique.

M. JOHN MILLER, Association australienne pour le Timor oriental, a estimé que le problème actuel réside dans le fait que les forces armées indonésiennes et les groupes intégrationnistes sont en train d'orchestrer une campagne de terreur, d'intimidation et de corruption pour forcer l'intégration du Timor oriental à l'Indonésie, et ce en complète violation de l'Accord tripartite du 5 mai 1999. Dans ces circonstances, il est difficile d'imaginer la tenue d'un scrutin libre et régulier. Le processus électoral devant se poursuivre, il est urgent de mettre fin à l'action de l'armée indonésienne et de son gouvernement et d'assurer des résultats électoraux conformes aux voeux de la population. Pour cela, les Nations Unies doivent renforcer leur Mission sur le terrain.

Mme TRACY MOAVIERA, Conseil australien pour l'aide d'outre-mer, a dénoncé le climat de violations des droits de l'homme au Timor oriental. 28 d'entre elles ont été perpétrées par les milices indonésiennes à l'encontre de civils. Il est clair, a dit la pétitionnaire, qu'il existe aujourd'hui au Timor oriental, une action réfléchie contre les civils susceptibles de se prononcer pour l'indépendance du territoire. Décrivant, par ailleurs, la crise humanitaire qui sévit en ce moment, la pétitionnaire a lancé un appel au Comité spécial pour que des programmes de sensibilisation des populations au scrutin soit mis en oeuvre. Elle a également souhaité que les Nations Unies

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mettent en place des mécanismes de coordination avec d'autres acteurs comme les organisations non gouvernementales. Le climat propice au bon déroulement du scrutin n'existant pas, la pétitionnaire a appelé le Secrétaire général à renforcer la Mission des Nations Unies pour faire respecter l'Accord du 5 mai par l'Indonésie. La pétitionnaire a terminé en plaidant pour l'affectation de ressources aux programmes relatifs aux droits de l'homme, au renforcement de la société civile et à l'aide humanitaire.

M. JUVENCIO DE JESUS MARTINS a rendu hommage aux efforts entrepris par le Secrétaire général pour trouver une solution à la question du Timor oriental. En 1975, le Timor a été envahi par l'armée indonésienne. Le prétexte utilisé par l'Indonésie était de sauver les Timorais de la répression. Cette invasion militaire était plutôt un crime aberrant contre l'humanité. Il y a eu un génocide culturel systématique. Bon nombre de Timorais se sont enfuis dans les montagnes. M. de Jesus Martins a déclaré qu'il avait passé 4 ans dans la jungle, avait été capturé et avait eu un lavage de cerveau. En 1991, il a été de nouveau arrêté avec d'autres résistants timorais. Il a été incarcéré pendant 6 mois et a été victime de tortures psychologiques. Les prisonniers n'avaient pas le droit de communiquer avec leurs familles. Le 5 mai dernier, un Accord historique a été signé qui a rendu l'espoir au Timor oriental. Le Gouvernement de l'Indonésie est réticent à accepter l'Accord et mène une politique à deux niveaux. Officiellement, il dit respecter les termes de l'Accord. Pourtant, les forces armées indonésiennes continuent de fausser la situation. Des milices, soutenues par les militaires indonésiens, perpètrent des actes barbares à l'encontre de la population du Timor oriental. Ces actions sont menées en toute impunité et les Nations Unies doivent prendre des mesures pour les arrêter. Le statu quo ne doit pas être maintenu. Le Secrétaire général doit prendre de nouvelles mesures pour défendre les aspirations légitimes du peuple timorais.

M. CONSTANCIO PINTO, Conseil national de la résistance timoraise, s'est félicité des efforts entrepris par le Secrétaire général pour trouver une solution à la question du Timor oriental. Le tableau politique au Timor oriental est différent de ce qu'il était il y a un an. L'Accord signé à New York a donné de grands espoirs aux Timorais. Les Timorais ont connu une vie tragique. Plus de 200 000 Timorais, soit un tiers de la population du Timor oriental, ont trouvé la mort. Le comportement des militaires indonésiens au Timor oriental est un crime contre l'humanité. La position du Conseil national de la résistance timoraise est une position de tolérance et de réconciliation. Tous les Timorais ont été victimes de ces 24 années d'occupation indonésienne. Il ne doit pas y avoir de perdants au Timor oriental. M. Gusmao a appelé à un cessez-le-feu. La MINUTO fait face à une situation difficile au Timor oriental. Le Gouvernement de l'Indonésie doit coopérer pleinement avec les Nations Unies, conformément à l'Accord signé à New York. Tous les Timorais vivant à l'étranger doivent être autorisés à revenir au Timor oriental. La préparation de la consultation populaire donne à l'Indonésie l'occasion de montrer sa bonne foi.

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M. FERNANDO NEVES (Portugal) a estimé qu'à la fin de la Décennie pour l'élimination du colonialisme, le Comité spécial s'approche de la solution au problème du Timor oriental. Le droit à l'autodétermination du peuple est- timorais n'est plus remis en question et l'Accord de New York du 5 mai 1999 vient d'établir un cadre approprié pour l'exercice de ce droit. Pour sa part, le Secrétaire général a été chargé de mener une consultation populaire par le biais d'un scrutin direct et universel pour prendre la mesure des voeux de la population est-timoraise. En sa qualité de Puissance administrante, le Portugal a toujours veillé à remplir son devoir qui consiste à informer le Comité spécial de la décolonisation de la situation au Timor oriental, et ce, en vertu de l'article 73 e) de la Charte des Nations Unies. Dans ce contexte, le représentant a déclaré qu'il ne fait aucun doute qu'au cours de l'année dernière, la situation des droits de l'homme ne s'est pas améliorée au Timor oriental. Le mode de violations a peut-être changé mais le peuple est- timorais continue de subir un degré de violence cruel et dénué de sens. La présence de la Mission des Nations Unies au Timor oriental (MINUTO) a certes eu un effet stabilisateur, en particulier à Dili, mais en dehors de la capitale, la peur et l'intimidation sont monnaie courante. Pourtant, l'Accord du 5 mai établit clairement que "l'Indonésie assume la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité au Timor oriental, afin de s'assurer que la consultation populaire soit menée de manière juste et pacifique, dans une atmosphère dénuée d'intimidation, de violence et d'ingérence de la part de qui que ce soit".

Il a été établi clairement, a poursuivi le représentant, que l'armée indonésienne guide, voire dirige, l'action des milices intégrationnistes qui agissent en complète impunité. Il revient donc aux autorités indonésiennes, conformément à l'Accord, de mettre un terme à ces violations et de prendre des mesures pour encourager les personnes déplacées, dont le nombre est estimé à 35 000, à retourner dans leur village pour prendre part au scrutin. Toujours aux termes de l'Accord du 5 mai, les parties se sont engagées à respecter le principe de neutralité. Ce principe implique que les autorités indonésiennes mettent fin à la campagne de désinformation qu'elles mènent, en violation flagrante des dispositions pertinentes. Alors que les groupes intégrationnistes jouissent d'une pleine liberté d'action dans tout le territoire est-timorais, de nombreux prisonniers politiques est-timorais sont toujours incarcérés et d'autres leaders indépendantistes demeurent incapables de travailler ouvertement.

Pour sa part, a déclaré le représentant, le Portugal réitère sa position de ne soutenir aucune option. Sa conviction a toujours été et sera toujours que c'est aux est-timorais eux-mêmes de déterminer librement leur avenir, qu'il soit dans un cadre d'autonomie ou dans un cadre d'indépendance. Le représentant a continué sa déclaration pour souhaiter que "la nouvelle Indonésie démocratique" qui a émergé de l'évolution politique actuelle soit vue comme un pays respectueux du droit international et des valeurs de liberté et des droits de l'homme. Ceci implique le respect de ces valeurs au Timor oriental, respect qui permettra à l'Indonésie d'entrer dans la catégorie des plus grandes démocraties du monde. Cela implique aussi une coopération avec

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les Nations Unies pour créer, conformément à l'Accord du 5 mai, un environnement dénué de violence et d'autres forces d'intimidation, condition préalable à la tenue d'un scrutin juste et libre. Pour le représentant, la pleine mise en oeuvre de l'accord de New York fera prendre au Comité spécial un tournant important puisqu'elle aura pour conséquence le retrait du Timor oriental de la liste des territoires non autonomes.

M. ARIZAL EFFENDI (Indonésie) a déclaré que c'est avec regret que sa délégation note que le représentant du Portugal reprend un débat qui n'a plus lieu d'être. Il est surprenant que le Portugal se considère toujours comme le champion de l'autodétermination du Timor oriental. Le Gouvernement indonésien n'épargnera aucun effort pour parvenir à une solution juste au Timor oriental. La première chose qui doit être faite est de respecter les droits de tous les Timorais et ce, quelque soit leur opinion. Les Timorais ont des droits égaux pour déterminer leur futur. Malheureusement des informations fausses continuent à être diffusées. Des discours tendancieux sont prononcés par des personnes qui ne sont pas des Timorais orientaux. Il ne faut pas être partial. Cela ne servira à rien et ne permettra pas de résoudre les problèmes du Timor oriental. Le Gouvernement de l'Indonésie a pris une initiative audacieuse en offrant une large autonomie au peuple du Timor oriental. Cette solution est positive et permettrait une véritable réconciliation. L'Indonésie a entrepris des efforts importants pour favoriser la préparation du scrutin. Elle a notamment déployé son personnel malgré un manque de ressources. Sur la question de la sécurité, on ne peut nier les actes de violence qui ont été commis. Il faut toutefois préciser que ceux-ci ont été perpétré par des groupes pro-indépendantistes. Il n'y a pas eu de conflits ouvert entre les deux factions depuis que la police indonésienne protège les Timorais. La MINUTO a reconnu l'impartialité de la police indonésienne. Le représentant a précisé que sur 22 rapports faisant état de violations, la police n'en a vérifié que 3. Le reste des rapports ne correspondaient en fait pas à la réalité.

Droits de réponse

Le représentant du Portugal a regretté les paroles insultantes de l'Indonésie qui a "évoqué la position du Portugal par des traits ridicules". Il invite l'Indonésie qui semble montrer une volonté de panser les plaies, à cesser d'infliger de nouvelles blessures au peuple est-timorais en niant des faits évidents qui ont été confirmés par des témoins tous impartiaux. Les forces armées indonésiennes appuient des milices armées qui répandent la terreur, a souligné le représentant en rappelant à l'Indonésie que "la démocratie ne fonctionne pas ainsi et que "la nouvelle démocratie indonésienne mérite mieux que cela".

Le représentant de l'Indonésie a quant à lui regretté que le caractère positif de sa déclaration n'ait pas empêché le Portugal d'adopter un ton de polémiques. Il a maintenu sa déclaration. * *** *

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