LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU KIRGHIZISTAN
19990122
La détérioration des conditions socio-économiques des femmes kirghizes est portée à l'attention des expertes
La présentation du rapport initial du Kirghizistan, ce matin, a fourni aux 23 expertes indépendantes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes un nouvel exemple de la situation particulière des femmes dans les Etats confrontés au passage à une économie de marché.
Conduisant la délégation de l'Etat partie, Mme Sagyn Ismailova, Présidente de la Commission gouvernementale pour la famille, les femmes et la jeunesse, a expliqué, en présentant le rapport, que l'accession à l'indépendance de son pays en 1991 s'est accompagnée d'une aggravation de la situation des femmes avec notamment une recrudescence de la pauvreté et de la violence à leur égard. Une discrimination cachée liée à la persistance des stéréotypes continue à être pratiquée dans le pays.
Même si elles disposent d'un bon niveau d'éducation, les femmes kirghizes, en raison des difficultés économiques du pays, ont beaucoup de mal à trouver un emploi. Lorsqu'elles ont un travail, elles sont, le plus souvent, cantonnées à des postes subalternes. En matière de santé, le recours très fréquent à l'avortement et la forte mortalité maternelle par complications suite à un avortement ont poussé les pouvoirs publics, en coopération avec le Fonds des Nations Unies pour la population, à développer la distribution de moyens de contraception.
A l'avenir, a souligné la représentante, il faudra systématiser la mise en oeuvre de nos programmes nationaux et renforcer le partenariat entre les structures d'Etat et le mouvement associatif, notamment dans le domaine de la lutte contre la violence qu'il faut déclarer hors-la-loi. Mme Ismailova a annoncé que dans le domaine de l'éducation, l'année 1999 devrait être marquée par la création d'organes de recherche et la formation de spécialistes pour garantir la parité entre les sexes.
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Dans leurs observations générales, les membres du Comité ont salué la volonté politique démontrée par le Kirghizistan, en prenant pour preuve le nombre important de textes internationaux sur les droits de l'homme qu'il a déjà ratifiés. Ils ont néanmoins estimé que l'intégration de ces textes à la législation nationale, si elle est une bonne base de départ, est nettement insuffisante, compte tenu des difficultés économiques du pays et de la prégnance de certains préjugés. Le Comité s'est montré particulièrement préoccupé par les répercussions négatives sur les conditions de vie sanitaires et sociales des femmes du passage à une économie de marché.
Lors de la prochaine réunion du Comité, cet après-midi, à partir de 15 heures, les expertes poseront à la délégation kirghize des questions sur chaque article de la Convention.
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RAPPORT INITIAL DU KIRGHIZISTAN (CEDAW/C/KGZ/1)
La République Kirghize a souscrit à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes le 10 février 1997. L'acquisition de l'indépendance en 1991 s'est caractérisée par un processus très complexe de passage d'un état à un autre. La brusque détérioration du développement socio-économique de la population a entraîné une baisse du taux de natalité. Les taux élevés de mortalité des femmes pendant la grossesse, l'accouchement ou la période postnatale et des enfants de moins de un an sont particulièrement préoccupants. En 1997, plus de 80 femmes (81 pour 100 000 naissances) et environ 3 000 enfants de moins d'un an sont décédés dans ces conditions. La transformation de la société s'est accompagnée d'une baisse du niveau de vie des groupes sociaux. Lors de son accession à la souveraineté, la République Kirghize a adhéré à 22 instruments internationaux dont la Convention sur les droits de l'enfant, la Convention sur les droits politiques de la femme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur la nationalité de la femme mariée.
La Constitution interdit la discrimination à l'égard des femmes dans les domaines politique, économique, social, culturel et civique. Néanmoins, la République Kirghize n'échappe pas à une forme de discrimination pratiquée sous forme couverte. Les femmes représentent 58 % des chômeurs recensés. Depuis la fin du régime soviétique, la participation des femmes à la prise de décisions a considérablement diminué. Devant la brusque aggravation de la situation des femmes pendant la période de transition, le Gouvernement a créé en 1997 des centres régionaux d'initiative féminine qui sont chargés d'exécuter le programme national "Ayalzat". Celui-ci repose sur le programme d'action de Beijing et les mesures prévues pour la période 1997-2000 s'articulent autour de 11 thèmes comme la protection de santé des femmes, la lutte contre la pauvreté, la lutte contre toutes les formes de violence, les femmes en milieu rural. Sur le plan juridique, la Commission gouvernementale exécute un projet d'analyse de la législation kirghize sous l'angle de l'équité entre les sexes.
Parce qu'il existait une disparité professionnelle entre les hommes et les femmes, celles-ci se sont trouvées marginalisées par la privatisation des biens sociaux et le partage des terres. Seul un petit nombre d'entre elles sont devenues propriétaires d'entreprises industrielles ou agricoles, d'outillages ou de banques privées. Une majorité écrasante de femmes a une activité commerciale qui suppose de longs voyages. Il faut créer des conditions leur permettant de mettre sur pied des entreprises dans les collectivités locales pour leur éviter de s'éloigner trop longtemps de leurs enfants et de leurs familles et surtout pour les protéger contre les risques des voyages commerciaux. Les mesures prévues dans le programme national de lutte contre la pauvreté prévoient de porter à 40 % la proportion de femmes occupant des postes de prise de décision dans les organes gouvernementaux d'ici l'an 2000.
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Les femmes sont victimes de 450 à 500 crimes chaque année. Leur recrudescence s'accompagne d'une cruauté et d'un cynisme sans précédent. Les nombre de viols collectifs et de viols avec coups et blessures est en augmentation. Les femmes sont en outre systématiquement victimes de voies de fait, de coups et blessures, d'humiliation psychologiques et de violences domestiques. Cette criminalité est néanmoins cachée car la plupart des victimes s'abstiennent de saisir la justice. En 1997, le parquet a enquêté sur 286 cas de viols commis sur les femmes et impliquant la responsabilité de 374 personnes.
En comparaison avec certains pays d'Asie centrale, les femmes kirghizes jouissent d'une relative liberté. Ceci s'explique par la vie nomade qu'elles ont menée depuis des temps immémoriaux et le partage des travaux sur un pied d'égalité avec les hommes. Ceci a créé une situation favorable pour elles et leur a permis d'obtenir le droit de vote, de ne pas avoir à porter le voile ni de vivre confinées dans une partie séparée du logement. Il est néanmoins nécessaire d'introduire dans les programmes scolaires des matières et des manuels axés sur la promotion de l'égalité des droits et des chances entre hommes et femmes. Il faut également s'employer au niveau de la famille à faire disparaître les disparités. Bien que la polygamie soit interdite par la loi, ce phénomène n'a pas complètement disparu. La polygamie est passible d'une peine allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Les jeunes femmes issues de familles traditionnelles ont beaucoup de mal à s'adapter aux nouvelles conditions et les tentatives visant à éliminer les stéréotypes finissent par tourner au désavantage des femmes. Il importe que les autorités lancent un programme visant à fournir un soutien moral aux femmes kirghizes pour les aider à assumer leur nouveau rôle. La République Kirghize n'est pas épargnée par la prostitution. Des articles de presse ont fait état de jeunes filles kirghizes se rendant à l'étranger, principalement dans les pays de l'Asie du Sud-Ouest, tels que les Emirats arabes ou la Turquie, pour se livrer à la prostitution. Un décret promulgué en mars 1996 oblige tous les organismes touristiques d'assurer le retour en temps voulu des touristes et la durée maximale des séjours touristiques à l'étranger a été fixé à 12 jours.
L'élaboration de la nouvelle procédure électorale de l'Etat kirghize indépendant a influé sur l'effectif des parlementaires femmes qui était régi par un système de quotas à l'époque soviétique. En 1985, le Parlement comptait 127 femmes et 5 en 1996. Dans l'administration, les femmes cadres occupent 29% des postes. On compte 11 femmes parmi les 102 personnes occupant des postes de responsabilité au niveau de la République. Les femmes ne sont pas représentées parmi les juges de province. Sur les 60 chefs d'administration de district, il n'y a qu'une seule femme. En 1997, le système judiciaire comptait 66 femmes soit 28,7 % des effectifs. En 1990, une femme a été nommée pour la première fois Présidente de la Cour constitutionnelle. A l'heure actuelle, plus de 50 % des membres des syndicats sont des femmes, dont 25 % de cadres. La Fédération des syndicats reçoit constamment des plaintes de femmes
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pour irrégularités en matière de licenciement ou de transfert. La principale préoccupation des syndicats reste néanmoins la protection de la santé des femmes et des familles.
La Constitution garantit à chacun le droit à l'éducation qui s'applique à tous, indépendamment du sexe. L'analphabétisme féminin et la discrimination en matière d'éducation sont quasiment absents du Kirghizistan. L'analphabétisme touche 4,5% des femmes de plus de 15 ans. L'enseignement élémentaire est obligatoire et gratuit et à quelques exceptions près, les écoles sont mixtes. Les femmes sont majoritaires dans l'enseignement et la recherche scientifique, mais l'enseignement technique n'a pas de programme particulier d'enseignement pour les professions dominées par les hommes.
Dans toutes les branches de l'activité économique, les femmes occupent des postes mal rémunérés et peu prestigieux aux échelons les plus bas de la hiérarchie. La cherté de la vie et leur formation professionnelle insuffisante les contraignent à travailler dans des conditions difficiles. De plus, les femmes employées dans l'industrie travaillent avec du matériel qui ne répond pas aux normes de sécurité. Les travailleuses ont droit à un congé de maternité et en cas de besoin à un congé parental. La législation interdit toute réduction du salaire au motif du sexe, de l'âge, de la race ou de l'appartenance nationale. La charge hebdomadaire de travail est infiniment plus lourde pour les femmes que pour les hommes (78,6 heures, toutes activités confondues, contre 64,7 heures). Par le biais des centres régionaux d'action féminine, la Commission d'Etat exécute des programmes visant à renforcer l'activité féminine. En 1997, des fonds nationaux leur ont été octroyés pour accorder des microcrédits aux femmes sans ressources. Pour obtenir un prêt ou un crédit, la femme n'est pas tenue d'obtenir au préalable l'autorisation de son père ou de son mari.
La Constitution garantit à tous les citoyens des soins médicaux gratuits. Il existe un déséquilibre entre les villes et les campagnes sur le plan de l'accès aux services de santé, notamment en ce qui concerne le nombre de médecins disponibles. L'avortement a été légalisé à la suite de la Conférence du Caire. Par l'intermédiaire du FNUAP, le pays est approvisionné en moyens de contraception. Un programme de protection de la santé a aussi été mis en oeuvre dans le sud du pays. Grâce à ces initiatives, le nombre des avortements diminue globalement, 19,6 pour 100 femme en 1997 contre 48,2 en 1992. Toutefois jusqu'à 20% des femmes meurent de complications par septicémie consécutive à un avortement. Les services dispensés par les établissements médicaux spécialisés dans la planification familiale sont en partie à la charge des usagers (excepté pour les familles à faibles revenus). De manière générale, la proportion de femmes et d'enfants qui ont un état de santé satisfaisant ne dépasse pas 25%. En ce qui concerne la toxicomanie, la situation est très préoccupante et le nombre de femmes consommant épisodiquement des stupéfiants ne cesse d'augmenter. La réinsertion des toxicomanes est fortement compliquée par la situation socio-économique difficile et par le niveau élevé du chômage.
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L'économie du Kirghizistan est restée essentiellement agricole. Une proportion importante de femmes travaillent dans le secteur de l'agriculture où elles sont souvent en contact avec des substances toxiques, ou encore souffrent du climat très rude réduisant leur espérance de vie. La situation des femmes rurales est aggravée par l'absence d'infrastructure et de débouchés pour les produits agricoles, l'augmentation de la violence familiale et la montée de l'alcoolisme. C'est pourquoi l'accent est mis sur leur participation aux structures agricoles nouvellement créées. Le Gouvernement mène avec la Banque mondiale, un projet pilote qui vise à apporter un soutien aux groupes les plus vulnérables de la société et des spécialistes des questions féminines travaillent dans les administrations régionales. Au total, la proportion de femmes qui sont à la tête d'entreprises agricoles est de 15%.
Selon le Code du mariage et de la famille, les femmes et les hommes ont les mêmes droits personnels et réels dans les relations familiales. Toutefois, les traditions des fiançailles et de la dot persistent, voire se renforcent. Mais le mariage forcé est un acte sanctionné par le Code pénal et peut être annulé. La loi ne reconnaît pas les mariages religieux et aussi bien les hommes que les femmes ont le droit d'entamer une procédure de divorce.
Présentation du rapport par l'Etat partie
Mme SAGYN ISMAILOVA, Présidente de la Commission gouvernementale pour la famille, les femmes et la jeunesse, a expliqué qu'une commission spéciale avait été créée en 1997 pour la rédaction de ce rapport. L'évolution du Kirghizistan, pays marqué par une culture nomade, est liée aux modifications des valeurs de l'Est et de l'Ouest. Ce n'est qu'avec l'acquisition du statut d'Etat que le pays a pu réellement se développer. Le passage à une économie de marché s'est accompagné de nombreuses difficultés. On a assisté à une aggravation de la pauvreté des femmes, de la violence domestique à leur égard et d'une forme de discrimination cachée. Depuis l'indépendance du pays en 1991, des modifications ont été apportées à la législation nationale pour promouvoir l'égalité des femmes et des hommes. La Constitution et autres textes sur le mariage et la famille, sur la santé, le Code civil et le Code pénal garantissent les droits des femmes et protègent leurs intérêts. La représentante a évoqué la création de nombreux organes de promotion de l'égalité de la femme ainsi qu'une série de mesures et programmes comme le Programme national Ayalzat. Elle a également mentionné l'action de 97 organisations non gouvernementales de femmes qui sont surtout présentes en milieu urbain tandis que c'est le modèle patriarcal qui domine en milieu rural. Il a y trois types d'ONG féminines, a-t-elle expliqué. Une première catégorie d'organisations appelées "Comités de femmes" est héritée de l'époque soviétique. Ces Comités bénéficient de beaucoup d'expérience et de contacts. La deuxième catégorie peut s'apparenter à des clubs de femmes que l'on retrouve aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural. Enfin, une troisième catégorie d'association est apparue dans le milieu professionnel et
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universitaire et se caractérise par l'apport d'idées nouvelles. Les femmes membres font partie de l'intelligentsia du pays. Pour l'élaboration du programme national Ayalzat, l'opinion de ces organisations a été largement prise en compte en particulier pour l'élaboration du programme de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Il existe maintenant 10 centres de crise dans le pays. Pour mener à bien leurs activités, les ONG de femmes doivent néanmoins tenir compte des traditions et de la pluralité des opinions du pays.
Abordant ensuite le détail des articles de la Convention, Mme Imailova a rappelé que la Constitution interdit formellement toute discrimination fondée sur le sexe et affirme l'égalité entre les hommes et les femmes. Il n'y a que peu de femmes qui portent plainte devant les tribunaux pour discrimination. La violence sexuelle est passible d'une peine d'emprisonnement de 3 à 8 ans, aggravée s'il y a récidive, mort accidentelle de la victime ou transmission d'une maladie vénérienne. La polygamie et le mariage forcé sont punis par le Code pénal.
1998 a été déclarée Année nationale de la renaissance des villages et de la lutte contre la pauvreté. Dans le cadre du programme de cette Année, une aide sociale est fournie aux femmes défavorisées sous la forme de possibilités d'emploi, d'une assistance humanitaire ainsi que de microcrédits. Depuis l'indépendance, il n'y a plus de quotas fixant la participation des femmes au Parlement. La République kirghize a néanmoins pris un certain nombre de mesures positives, notamment depuis 1996 qui avait été déclarée Année de la femme.
Un des problèmes, a expliqué Mme Ismailova, est la persistance de forts stéréotypes, ramenant toujours la femme au rôle subalterne. La femme est en fait perçue comme "l'assistante" de l'homme. Pour inverser les stéréotypes, plusieurs conférences et colloques ont eu lieu dans le pays auxquels les journalistes et membres des médias ont été largement associés. En raison de l'héritage soviétique, il n'y a pas de discrimination pour l'accès à l'éducation, et il est du devoir des parents de donner une bonne éducation à leurs jeunes filles, dont le niveau moyen d'éducation est assez élevé. En octobre 1996, une grande conférence internationale sur "l'éducation et les femmes" a été organisée.
Abordant l'article 11 de la Convention sur la discrimination dans le domaine de l'emploi, la représentante a rappelé les dispositions de la législation en vigueur et a ajouté qu'au premier janvier 1998, les femmes ayant mis au monde trois enfants au moins et les ayant élevés jusqu'à l'âge de huit ans ont droit à une pension, sous certaines conditions, à partir de 45 ans. Un programme de formation a été mis en place pour adapter la population aux conditions du marché. On a proposé d'exclure la loi sur l'interdiction faite aux femmes enceintes de travailler.
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Pour ce qui est des femmes réfugiées qui sont au nombre de 7 509, la représentante a expliqué que celles-ci reçoivent les prestations de l'Etat. Cela étant, le faible niveau d'éducation et les coutumes patriarcales rendent la situation de ces femmes difficile. Chez les réfugiées, le taux de chômage est élevé; elles ont besoin aussi de meilleures connaissances en matière de planification familiale. La réintégration des réfugiés dans la société a fait l'objet de programme spécifiques. Au sujet de l'article 12 sur la discrimination dans le domaine de la santé, la représentante a indiqué que l'avortement avait été officiellement légalisé. Le Fonds des Nations Unies pour la population a aidé à partir de 1993 à la distribution de moyens de contraception ce qui a entraîné une baisse des avortements. Malheureusement la mortalité maternelle touche 20 % des femmes ce qui entraîne parfois la poursuite judiciaire des responsables médicaux. La représentante a fait état de l'augmentation de l'utilisation de l'alcool et des drogues qui devient un problème important. Un programme de lutte contre la narcomanie pour la période 1998-2000 a été adopté.
Au sujet de l'article 13 sur la discrimination dans d'autres domaines de la vie sociale et économique, la représentante a indiqué que le 11 février 1998, le Parlement a adopté une loi sur les aides d'Etat. Elle a souligné que les femmes kirghizes participent librement aux activités sportives. Pour ce qui est des femmes rurales (article 14), elle a expliqué que celles-ci représentent 36,1 % des personnes employées dans l'agriculture. La culture du tabac, à cause du contact avec des substance toxiques, a entraîné des malformations à la naissance, tandis que l'environnement inhospitalier de l'élevage à la montagne a pour conséquence un vieillissement prématuré et aussi une augmentation du taux de mortalité et morbidité. La situation dans les villages et à la montagne ne s'améliore pas. Des centres régionaux d'initiatives de femmes ont été créés pour résoudre ces problèmes.
Au sujet de l'article 15 sur l'égalité de la femme et de l'homme devant la loi, la représentante a expliqué que la Constitution garantit cette égalité. L'analyse de la législation existante montre que la femme a le droit de saisir les tribunaux pour faire respecter ses droits et libertés. Au sujet de l'article 16, elle a expliqué que les hommes et les femmes jouissent des mêmes droits personnels dans le cadre familial. Un mariage forcé peut être annulé par les tribunaux. Obliger ou empêcher une femme de se marier est sanctionné par le Code pénal. Le mariage est interdit avec une personnes qui n'est pas d'âge nubile, c'est à dire qui n'a pas 18 ans. La tradition des fiançailles et de la dot persiste voir se renforce et il est difficile de changer ce phénomène surtout ancré dans les régions montagneuses. La bigamie est en augmentation.
La mise en oeuvre des programmes nationaux ne pourra être réalisé que par une approche systématique, a souligné la représentante. Dans notre pays, le programme national Ayalzat vise à améliorer la condition féminine et à donner une base juridique au respect de leurs droits. Le travail du Groupe interagences devra se poursuivre par le biais d'enquêtes et la publication de
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statistiques. Au niveau exécutif, il faut renforcer la Commission gouvernementale pour les affaires familiales et il nous faut continuer de développer un partenariat avec les structures d'Etat et les ONG. Dans le domaine de l'éducation, nous envisageons à partir de 1999 de créer une base scientifique en mettant en place des laboratoires de recherche, des observatoires, des départements dans les universités et la formation de spécialistes pour assurer la parité entre les sexes. Dans le domaine de la lutte contre la violence, il faut déclarer la violence hors la loi, définir des sanctions adaptées, élaborer des mesures avec un projet de loi sur la défense de l'honneur des filles et des femmes et aider les institutions sociales qui traitent de ces questions.
Observations générales et questions des expertes
Mme AYSE FERIDE ACAR de la Turquie a félicité la délégation du Kirghizistan pour la promptitude avec laquelle elle a présenté son rapport, alors que le pays connaît des conditions économiques difficiles. Ceci démontre à quel point le pays est engagé à respecter les traités internationaux. L'intégration de ces textes à la législation nationale donne une bonne base juridique. Toutefois, la mise en oeuvre de la Convention demande davantage que l'adoption de lois. Il faut notamment que les préjugés et les stéréotypes soient éliminés. L'experte a demandé si des programmes ont été mis en place à cet effet et si l'on sait quel a été leur impact. Souvent lorsque l'on cherche à protéger la culture, la famille ou d'autres valeurs, cela se traduit par une perte d'autonomie pour les femmes notamment dans une société de culture patriarcale. C'est pourquoi, le Kirghizistan doit être particulièrement vigilant vis-à-vis de la condition des femmes. Les traditions nomades sont la source de l'égalité entre les sexes et l'experte s'est inquiétée, qu'au moment où l'on cherche à définir l'identité nationale, l'accent ne soit pas davantage mis sur ce point.
Pour sa part, Mme CHARLOTTE ABAKA, du Ghana, a reconnu qu'un Etat jeune et en transition comme le Kirghizistan se heurte à des difficultés particulières, mais elle a estimé que la dégradation des conditions sanitaires et sociales entraînant une hausse de la mortalité des femmes et des enfants est particulièrement inquiétante. Elle a regretté que le rapport n'évoque aucune des recommandations générales du Comité qui fournissent d'excellentes directives quant à la mise en oeuvre de la Convention. Elle a également noté qu'aucune mention n'est faite du Programme d'action de Beijing.
Mme SAVITRI GOONESEKERE du Sri Lanka s'est réjouie que le Kirghizistan ait pu si rapidement ratifier autant de textes internationaux. Elle a fait observer que les défis du passage à l'économie de marché s'accompagnent d'une rupture des structures de services sociaux et publics qui a une influence néfaste sur la condition des femmes. A cet égard, il aurait été utile que le rapport fournisse plus d'informations sur les problèmes spécifiques que rencontrent les femmes suite à la transition économique et indique quelles sont les réponses apportées par l'Etat. Les organisations non
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gouvernementales chargées de la protection des femmes ont-elles été consultées au moment de la rédaction du rapport? Abordant la question de l'image des femmes dans les médias, l'experte a demandé s'il existait un Code de bonne conduite pour assurer le respect des femmes.
Mme YOLANDA FERRER, experte de Cuba, a souligné que l'Etat partie a ratifié la Convention sans aucune réserve. Notant que la détérioration des conditions sociales et économiques avait eu un impact très important sur la famille et les femmes, puisque 40% des familles vivent en-deçà du seuil de la pauvreté et que 58% des chômeurs sont des femmes, elle a demandé des précisions sur le programme de lutte contre la pauvreté jusqu'en 2005, évoqué dans le rapport. Elle a également demandé à savoir qu'elles sont les catégories de population qui ont droit à des soins médicaux gratuits. Il y a manifestement des pressions sociales visant à renvoyer les femmes dans leurs foyers et l'experte a demandé si le Gouvernement entreprend quelque chose pour endiguer ce phénomène.
Mme AHOUA OUEDRAOGO, du Burkina Faso, a salué l'objectivité du rapport ainsi que le processus adopté par les pouvoirs publics pour sa rédaction, puisque la société civile et les ONG y ont été associées. Elle a encouragé le Gouvernement kirghize à continuer dans cet élan de concertation et à diffuser largement la Convention ainsi que les commentaires du Comité. En revanche, elle s'est montrée fort préoccupée par la montée de la pauvreté, et par l'augmentation de la consommation d'alcool et de substances psychotropes, qui sont traditionnellement des facteurs de dégradation de la condition des femmes. Il y a urgence et l'Etat doit prendre des mesures draconiennes, telle l'augmentation des taxes de douanes sur l'alcool, ainsi que des mesures d'information du grand public. Elle a demandé si des enquêtes ont été menées pour connaître exactement la cause des nombreuses violences, dont le viol collectif, dont les femmes sont victimes.
Prenant ensuite la parole, l'experte de l'Afrique du Sud, Mme MAVIVI MYAKAYAKA-MANZINI, a estimé que le rapport ne donnait pas suffisamment le tableau de la situation en 1991, au moment de l'accession à l'indépendance. Cette lacune rend difficile l'évaluation des progrès réalisés, a-t-elle déclaré, ajoutant que la situation semble en fait s'être dégradée. Elle a demandé également à connaître combien d'ONG ont réellement participé à la rédaction du rapport et a souligné à quel point la participation des ONG était essentielle à l'amélioration de la condition des femmes.
Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l'Allemagne, a relevé un certain écart entre ce que les pouvoirs publics entendent faire et les détails de ce qui est effectivement réalisé. Notant la prégnance du rôle des donateurs internationaux, elle a mis en garde contre un manque de cohérence et a insisté sur la nécessité d'élaborer une politique générale à long terme assortie de tous les mécanismes appropriés. Pour ce qui est de la Commission interinstitutions chargée de suivre les textes et conventions internationales
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ratifiés par le pays, Mme Schopp-Schilling a demandé combien de femmes en faisaient partie et elle a rappelé que tous les textes auxquels le Kirghizistan est Partie ont une composante sexo-spécifique. Elle s'est par ailleurs inquiétée du fait que les questions relatives aux femmes, à la famille et aux jeunes relèvent de la compétence d'un même Ministère. Il est en effet facile de considérer alors que le rôle des femmes se limite à s'occuper de la famille et à élever les enfants. Un projet de créer une Commission chargée uniquement des femmes est-il en cours?
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