En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6699

LE SECRETAIRE GENERAL MET EN GARDE CONTRE LE CYNISME QUI TERNIT NOTRE FOI EN CE QUE NOUS FAISONS

18 septembre 1998


Communiqué de Presse
SG/SM/6699


LE SECRETAIRE GENERAL MET EN GARDE CONTRE LE CYNISME QUI TERNIT NOTRE FOI EN CE QUE NOUS FAISONS

19980918 On trouvera ci-après le texte de la déclaration du Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l'occasion du déjeuner annuel du Fonds des bourses Dag Hammarskjöld, le 15 septembre :

Merci, Sanaa et Ted, pour vos paroles aimables. C'est pour moi un grand plaisir de vous retrouver cette année encore. Permettez-moi, pour commencer, d'accueillir les trois nouveaux lauréats du Fonds : Severious Kale Levy, Stella Lee et Vahid Reza Naimi, venant du Ghana, de Chine et d'Iran. Mes félicitations à tous les trois. La concurrence a été rude : je sais moi-même ce que c'est et je vous félicite très sincèrement de votre succès.

J'espère que vos collègues vous feront eux aussi bon accueil. Je crois que l'on a toujours besoin de talents nouveaux, surtout quant il s'agit de comprendre le monde de la diplomatie et de le décrire en des termes compréhensibles pour tous dans nos pays. Je vous souhaite bonne chance et vous promets d'être aussi clair que possible dans les semaines à venir pour vous aider de mon mieux dans votre entreprise.

Le développement technologique a modifié les règles de la diplomatie. Aujourd'hui, l'écheveau serré des relations internationales est tributaire des nouveaux moyens de communication qui ont, du jour au lendemain, rendu notre monde plus petit que celui qu'habitaient les générations qui nous ont précédés.

Nous avons désormais parfaitement conscience qu'il suffit de quelques heures aux forces armées pour atteindre les régions reculées du globe et que les considérations de stratégie classiques fondées sur l'éloignement géographique ne comptent plus guère.

Les nouvelles nous parviennent de tous les coins du monde aussi vite que si nous étions les témoins directs des événements. La douleur d'une blessure est ressentie immédiatement dans le corps de l'humanité.

Ces mots ne sont pas les miens : ils ont été prononcés il y a 45 ans par mon prédécesseur, en l'honneur de qui a été nommé ce fonds à l'action méritoire.

- 2 - SG/SM/6699 18 septembre 1998

Si Dag Hammarskjöld nous voyait aujourd’hui, il constaterait que ce qu'il voyait comme le pouvoir des médias en 1953 est plus fort que jamais en 1998. Dag Hammarskjöld se retournerait-il dans sa tombe? Je ne sais pas, mais j'en doute. Dag Hammarskjöld avait, à l'évidence, un exceptionnel don de prémonition. Ce que je sais, en revanche, c'est que le pouvoir exercé par les médias vous donne d’extraordinaires possibilités mais aussi, oserai-je dire, des responsabilités immense.

Dans ce jeu d'allées et venues internationales, beaucoup d’entre nous sont tentés par le cynisme, qu'ils aient fait choix d’une carrière internationale de fonctionnaire ou de journaliste.

Nous voyons tant de choses et nous rencontrons tant de gens que nous pensons parfois n'avoir plus rien à apprendre. Il se pourrait même que le moment où nous sommes les plus cyniques soit celui où, diplomates, nous parlons des journalistes, et où, journalistes, nous parlons des diplomates. Comme l'a dit un jour un de vos collègues : "Un correspondant diplomatique est quelqu'un qui attend dans les couloirs pour recueillir des mensonges".

Pourtant, je me risquerai aussi à dire qu'en chacun de nous sommeille un idéaliste ou, tout au moins, un être qui croit. J'entends par là quelqu'un qui croit que ce qu'il fait est important et peut changer quelque chose.

Que nous soyons sur le terrain ou ici, au Siège, nous sommes donc véritablement privilégiés.

Nous avons en effet chaque jour une chance de traiter de problèmes qui touchent la vie de l'humanité. Nous ne devrions jamais tenir ce privilège pour acquis. Je pense qu'il est de notre devoir de le reconnaître de temps à autre, et je crois que c'est aussi pour nous une incitation à mieux faire notre travail.

Je suis heureux de pouvoir dire qu'à la différence de ce qui se passe dans la plupart des institutions, le service de presse de l'ONU et l'ONU elle- même fonctionnent dans une atmosphère de confiance et de transparence remarquables. Les correspondants qui couvrent les activités de l'Organisation se tiennent admirablement bien informés de ce que nous faisons et leur travail nous apporte souvent un soutien très précieux en présence des critiques formulées ici ou là à notre égard, critiques parfois justifiées mais souvent aussi fondées sur des malentendus, voire sur des mythes purs et simples.

Nous vivons des temps compliqués. Notre monde change chaque jour et avec lui les conditions dans lesquelles nous travaillons. Les moteurs de la mondialisation, constamment activés par les apports des technologies nouvelles, bouleversent tout autant que la nôtre les organisations auxquelles vous appartenez. Nous ressentons tous ces effets de la même manière et nous devons nous y adapter ensemble.

- 3 - SG/SM/6699 18 septembre 1998

Je suis convaincu que la session en cours de l'Assemblée générale examinera de près le processus de mondialisation et je ne doute pas que vous suivrez attentivement ses débats. Je me garderai d'en prédire ou d'en préjuger la teneur, mais je dirai ceci : s'élever contre la mondialisation serait aussi vain et décevant, et aurait pour finir des conséquences aussi destructrices, que de faire la guerre au mauvais temps. Ne jouons pas les Don Quichotte : notre devoir est au contraire de bâtir sur du solide.

Notre devoir est d'exploiter au mieux les avantages de la mondialisation dans l'intérêt de ceux qui en ont le plus besoin.

Nous ne pouvons pas modifier la trajectoire des tempêtes, mais nous pouvons construire des logements pour les millions de personnes qui en subissent les conséquences de manière disproportionnée. Nous ne pouvons pas échapper aux ouragans, mais nous pouvons essayer de construire des maisons plus solides qui résisteront aux ouragans dans l'avenir.

Il y aura 37 ans vendredi, Dag Hammarskjöld périssait dans un accident d’avion. Cette année, les fonctionnaires de l’ONU ont encore perdu de nombreux collègues dans des crashs aériens. Nous avons beaucoup souffert.

C’est peut-être ici plus qu’ailleurs que réside ce que nous avons en commun : la conviction que ce que nous faisons vaut la peine de prendre les risques que nous prenons. Ne laissons pas le cynisme ternir cette conviction, car il s’agit d’un don : elle est notre force d’agir, elle fait l’intégrité de notre profession, elle donne un sens à notre mission. Elle nous donne une raison de nous lever chaque jour de notre existence. Chérissez-la. Elle n’a peut-être rien à voir avec nos trésoriers, mais elle est le meilleur avocat de notre personnalité.

Merci, et bonne chance à tous.

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