CIJ/669

L'ECOSOC DEMANDE UN AVIS CONSULTATIF A LA CIJ CONCERNANT L'APPLICABILITE DE LA CONVENTION SUR LES PRIVILEGES ET IMMUNITES AU CAS DE M. DATO'PARAM CUMARASWANY

10 août 1998


Communiqué de Presse
CIJ/669


L'ECOSOC DEMANDE UN AVIS CONSULTATIF A LA CIJ CONCERNANT L'APPLICABILITE DE LA CONVENTION SUR LES PRIVILEGES ET IMMUNITES AU CAS DE M. DATO'PARAM CUMARASWANY

19980810 La Haye, le 10 août 1998 - Le Conseil économique et social (ECOSOC), l'un des six organes principaux des Nations Unies, a demandé le 5 août 1998 à la Cour internationale de Justice (CIJ) de donner un avis consultatif au sujet d'un différend opposant l'Organisation des Nations Unies au Gouvernement malaysien sur l'interprétation ou l'application de la Convention du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies.

La Convention vise notamment à protéger différentes catégories de personnes au service de l'ONU y compris les "experts en mission", contre toutes les formes d'intervention des autorités nationales.

La présente affaire concerne M. Dato'Param Cumaraswany, un juriste malaisien qui a été nommé rapporteur spécial chargé de la question de l'indépendance des juges et des avocats en 1994 par la Commission des droits de l'homme, un organe de l'ECOSOC.

Selon une note adressée le 28 juillet 1998 à l'ECOSOC par le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, M. Cumaraswany fait actuellement l'objet de quatre procès intentés contre lui devant des tribunaux malaisiens par des demandeurs différents. Des dommages et intérêts lui sont réclamés pour un montant total de 112 millions de dollars des Etats-Unis. Les procès font suite à un entretien accordé par M. Cumaraswany, en novembre 1995, à la revue International Commercial Litigation (publiée au Royaume-Uni mais également diffusée en Malaisie) au cours duquel il a commenté certaines affaires qui avaient été portées devant les tribunaux malaisiens. Les demandeurs, parmi lesquels des entreprises commerciales et un avocat cité dans l'article, affirment que les propos de M. Cumaraswany sont diffamants.

Après que le premier procès eut été engagé, le Conseiller juridique de l'ONU, M. Hans Corell, agissant au nom du Secrétaire général, a étudié les circonstances de l'entretien et les passages controversés de l'article, et il a conclu que M. Cumaraswany s'était exprimé en sa capacité officielle de rapporteur spécial. Il a indiqué qu'en conséquence, conformément à la section 22 de l'article VI de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies, M. Cumaraswany bénéficiait de l'immunité de juridiction. Le 15 janvier 1997, le Conseiller juridique a adressé une note verbale au Représentant permanent de la Malaisie auprès de Nations Unies priant les autorités malaisiennes compétentes "d'aviser sans délai les tribunaux malaisiens que le rapporteur spécial bénéficiait de l'immunité de juridiction".

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Le 7 mars 1997, le Secrétaire général a publié une note dans laquelle il confirmait que " les termes sur lesquels le demandeur fondait sa plainte dans cette affaire avaient été employés par le rapporteur spécial dans le cadre de sa mission" et que M. Curmaraswany "jouissait de l'immunité de juridiction à cet égard". Des documents identiques certifiant que l'immunité du rapporteur spécial ont été publiés lorsque de nouveaux procès ont été engagés. Toutefois, selon le Secrétaire général, ces notes n'ont pas conduit le Gouvernement malaisien à intervenir comme il convient auprès des tribunaux malaisiens pour faire respecter l'immunité de M. Cumaraswany; elles n'ont pas davantage été prises en considération par ces tribunaux.

Le 7 novembre 1997, M. Annan a informé le Premier ministre de Malaisie de ce qu'un différend semblait opposer les Nations Unies et le Gouvernement malaisien, et il a évoqué la possibilité d'en saisir la Cour internationale de Justice. Il a alors nommé un Envoyé spécial, Maître Yves Fortier (Canada), qui a effectué deux visites officielles à Kuala Lumpur pour parvenir soit à un règlement négocié, soit à une présentation commune de l'affaire à la Cour. A l'issue de sa deuxième visite, du 25 juillet au 28 juillet 1998, Maître Fortier a conclu que le Gouvernement malaisien n'était disposé à participer à aucun des efforts et il a recommandé de porter l'affaire devant l'ECOSOC afin qu'il sollicite un avis consultatif de la Cour.

La section 30 de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies stipule que si un différend surgit entre les Nations Unies, d'une part, et un Etat membre d'autre part, un avis consultatif sera demandé à la CIJ. L'avis de la Cour sera accepté par les parties comme décisif.

Le 5 août 1998, l'ECOSOC a adopté une résolution demandant à la Cour de donner, à titre prioritaire, un avis consultatif : "sur le point de droit concernant l'applicabilité de la section 22 de l'article VI de la Convention que les privilèges et immunités des Nations Unies au cas de Dato'Param Cumaraswany, en tant que rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme chargé de la question de l'indépendance des juges et des avocats, en tenant compte des paragraphes 1 à 15 de la note du Secrétaire général et sur les obligations juridiques de la Malaisie en l'espèce".

La demande d'avis consultatif a été reçue le 10 août 1998 par télécopie au Greffe de la Cour, venant du Secrétaire général de l'ONU. Le Gouvernement malaisien a déjà indiqué qu'il ne s'opposait pas à ce que l'affaire soit portée devant la Cour et qu'il présenterait lui-même ses observations à la CIJ.

Dans sa note du 28 juillet 1998, M. Annan a dit qu'il "importe au plus haut point" de reconnaître le principe selon lequel il n'appartient qu'au Secrétaire général de déterminer, de façon décisive, si un expert en mission s'est exprimé oralement ou par écrit ou a accompli un acte dans le cadre de sa mission. Il a affirmé que si les tribunaux nationaux devaient déterminer si un expert jouit de l'immunité, cela "ne manquerait pas de nuire à l'indépendance des fonctionnaires et experts, qui auraient ainsi à craindre

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qu'à tout moment, qu'ils soient encore en fonction ou qu'ils aient quitté leur service, ils puissent être appelés à rendre compte, au civil comme au pénal, devant un tribunal national pas nécessairement dans leur pays, d'actes accomplis (y compris leurs paroles et leurs écrits) en tant que fonctionnaire ou expert".

L'ECOSOC a été autorisé en 1946 par l'Assemblée générale à demander à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques se posant dans le cadre de son activité. C'est la deuxième fois qu'il fait usage de cette autorisation.

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