LE COMITE DE LA DECOLONISATION ACHEVE L'AUDITION DE PETITIONNAIRES SUR LA QUESTION DU TIMOR ORIENTAL
Communiqué de Presse
AG/COL/144
LE COMITE DE LA DECOLONISATION ACHEVE L'AUDITION DE PETITIONNAIRES SUR LA QUESTION DU TIMOR ORIENTAL
19980702 Le Comité spécial chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a achevé cet après-midi l'audition des pétitionnaires sur la question du Timor oriental. Les efforts de médiation du Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, la nomination pour la première fois de son Représentant spécial sur le Timor oriental et la poursuite du dialogue tripartite placé sous l'égide des Nations Unies ont été accueilli comme un signe positif de la part de la communauté internationale. Néanmoins, des allégations de violation des droits de l'homme au Timor oriental ont à nouveau été avancées. Le représentant de Human Right Watch/Asie a appelé le Gouvernement indonésien à faire toute la lumière sur les actes de torture et les disparitions. Il a estimé que la réduction des troupes militaires au Timor oriental est la clef de la diminution des violations des droits de l'homme. Il a suggéré au Comité spécial d'exiger une enquête complète sur les disparitions des activistes indépendantistes.Le Comité a décidé de poursuivre l'examen de ce point à sa prochaine session, sous réserve des directives pertinentes que pourrait lui donner l'Assemblée générale lors de sa cinquante-troisième session.
Les pétitionnaires des organismes suivants ont pris la parole : Human Rights Watch/Asia, Institut catholique pour les relations internationales, Japanese Catholic Council for Justice and Peace, Forum Nusantara, Australian Coalition for East Timor, Ireland Solidarity Committee, Indonesian Students Association, Subcomittee on International Operations and Human Rights, East Timor Support Center of Darwin (Australia) et National Resistance of East Timorese Students (RENETIL).
Le Comité spécial a également entendu un membre du Parlement portugais, ainsi qu'un membre de l'Université du Timor oriental.
Les représentants du Brésil est intervenu au nom de la communauté des pays lusophones. Le représentant du Portugal a également pris la parole. En fin de séance, le représentant de l'Indonésie et du Portugal ont exercé leur droit de réponse.
La prochaine réunion du Comité aura lieu Lundi 6 juillet à partir de 10 heures. Le Comité devrait entamer la question des îles Falkland (Malvinas).
Question du Timor oriental
Déclaration
M. CELSO AMORIM (Brésil) s'exprimant au nom de la communauté des pays lusophones (Angola, Cap-Vert, Guinée-Bissau, Mozambique, Portugal et San Tomé et Principe) a évoqué la déclaration du Conseil des ministres des pays lusophones, tenu en juillet 1997 à Salvador (Brésil), dans laquelle ils réaffirment leur soutien à l'autodétermination de la population est-timoraise et se prononcent en faveur d'une solution internationalement acceptable. Presqu'un an après l'adoption de cette déclaration, la perspective d'une solution de la question du Timor oriental a considérablement changé. Le décret signé par le nouveau Président Habibie pour la libération de 15 prisonniers politiques est particulièrement encourageant, à cet égard. Le représentant a mis l'accent sur les nouvelles opportunités de paix et de compréhension qui ont récemment surgi, ajoutant qu'il faut néanmoins demeurer conscient de multiples obstacles qui doivent encore être surmontés. Une attention toute particulière doit être maintenue en ce qui concerne la protection des droits de l'homme et le respect des libertés fondamentales au Timor oriental. M. Amorim a vivement déploré les actes de répression qui sont récemment venus ternir la tendance positive nouvelle. Il a réitéré l'engagement des pays lusophones en faveur du droit à l'autodétermination du Timor oriental.
Audition de pétitionnaires
M. JOAO CERVEIRA CORREGEDOR DA FONSECA (Membre du Parlement, parti communiste) a estimé que la décolonisation, la démocratie et le développement étaient au rang des priorités du nouveau Gouvernement portugais qui était né de la révolution démocratique de 1974. Au cours de l'année 1975, les anciennes colonies portugaises de l'Angola, de la Guinée-Bissau, du Mozambique et de Saint-Tomé-et-Principe ont assumé leur pleine indépendance, contrairement au Timor oriental dont le processus de décolonisation fut interrompu par l'intervention des troupes d'occupation indonésiennes. Depuis lors, a ajouté le pétitionnaire, le peuple du Timor oriental est devenu la victime des militaires indonésiens qui ont assassiné plus d'un tiers de la population. Alors que nous célébrons les cinquante ans de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la communauté internationale semble être plus attentive à la question du Timor oriental, abandonnant une certaine indifférence qui l'avait caractérisée jusqu'à présent. Actuellement, a reconnu le pétitionnaire, le cadre politique de l'Indonésie a changé. Même si des mouvements populaires ont réussi à écarter le dictateur Suharto, la question du Timor oriental est toujours d'actualité. En effet, l'Indonésie maintient toujours une présence militaire et des conditions de vie difficiles sont offertes à la population qui se trouve marginalisée.
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Dans ce contexte, le pétitionnaire s'est dit heureux de la position assumée par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, qui joue un rôle plus actif. La nomination pour la première fois d'un Représentant personnel du Secrétaire général en la personne de M. Jasheed Marker, pour suivre la question du Timor oriental est un engagement plus positif. Une solution juste doit comporter le retrait des troupes d'occupation, la promotion du droit à l'autodétermination et à l'indépendance, la libération sans condition préalable de Xanana Gusmao et des prisonniers politiques, la préservation de l'identité culturelle et religieuse du Timor oriental. Le pétitionnaire a appuyé le processus de dialogue tripartite mené sous l'égide du Secrétaire général des Nations Unies. Il a néanmoins estimé que les dernières propositions proposées par le nouveau Gouvernement indonésien visent à bloquer les négociations. Dans ce cadre, a-t-il ajouté, nous saluons la première grande convention qui a réuni tous les partis politiques et personnalités du Timor et le Conseil National de Résistance. L'union des habitants du Timor oriental renforce de manière décisive la défense politiques de leurs revendications légitimes.
M. TOM KELLOGG (Human Rights Watch/Asia) a rappelé que Human Rights Watch ne prend aucune position sur le statut politique du Timor oriental. Il a estimé que, pour l'heure, les destins du Timor oriental et de l'Indonésie sont liés pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, dans la mesure où le climat actuel d'ouverture à Jakarta offre une chance de changement au Timor oriental; le pire car si l'Indonésie ne peut pas concrétiser une réforme politique complète, le Timor oriental aura aussi à en supporter les conséquences. Il a exprimé son désaccord avec le Ministre des affaires étrangères indonésien qui estime qu'un référendum ne réussirait qu'à diviser la population timoraise. La population timoraise ne peut en effet pas être plus divisée qu'elle ne l'est actuellement, à la suite de la politique appliquée par l'Indonésie, a-t-il affirmé. Il est indispensable que le Gouvernement indonésien agisse plus activement qu'il ne l'a fait, notamment pour résoudre le mystère des personnes disparues. Pour que les Timorais se sentent libre de participer à une consultation politique, il faut que toute la lumière soit faite sur les actes de torture et les disparitions. Le Gouvernement agit de manière systématique pour diviser la population en entraînant militairement des groupes de jeunes qui participent ensuite à des manifestations orchestrées par les autorités. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'opposition à l'indépendance, ou que les groupes indépendantistes sont exempts de pratiques violentes, a reconnu M. Kellogg, mais il est certain que la réduction des troupes militaires au Timor oriental est la clef de la diminution des violations des droits de l'homme. Le Gouvernement indonésien a fait quelques gestes positifs ces dernières semaines et il faut l'encourager à aller encore plus de l'avant. Le Comité spécial pourrait jouer à cet égard un rôle fondamental en l'enjoignant de libérer Xanana Gusmao et les autres prisonniers politiques et de pleinement respecter les résolutions des Nations Unies. Il pourrait également exiger une enquête complète sur les disparitions des activistes indépendantistes et l'engagement solennel du Président Habibie de réduire le nombre des personnels militaires présents au Timor oriental.
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SOEUR MARY THERESA PLANTE, intervenant au nom de Catholic Institute For International Relation, a fait état d'une nouvelle ère pour l'Indonésie et a exprimé l'espoir que le Président Habibie respectera les aspirations de la population du Timor oriental. Nous condamnons la violence qui a été utilisée contre des manifestants pacifiques en juin dernier et nous espérons que le Gouvernement actuel signera la Convention des Nations Unies contre la torture. Il est également souhaitable que l'Indonésie invite le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture à se rendre au Timor oriental. Nous demandons à l'Indonésie de libérer tous les prisonniers politiques qui se comptent par centaine et de commencer à travailler à l'organisation d'un référendum sous supervision internationale. Nous demandons également aux Puissances mondiales de reconnaître les aspirations légitimes des Timorais pour lesquels l'autonomie proposée par le Gouvernement d'Habibie ne représente pas une solution viable. Nous demandons à l'Union européenne de respecter la position commune sur la question telle que définie en 1996. La paix est possible au Timor oriental et 1998 offre plus de possibilités que par le passé. Avec des actions plus ciblées et plus coordonnées nous pouvons mettre un terme à la violence.
S'exprimant cette fois au nom de l'Evêque Ohtsuka Yoshinao, Président de Japanese Catholic Council for Justice and Peace, la pétitionnaire a loué la contribution des Timorais à la démocratie indonésienne. Elle a ajouté que jusqu'à présent, les organisations internationales, y compris les Nations Unies, n'ont pas réellement tenu compte des aspirations au droit à l'autodétermination du peuple timorais. A l'aube de la démocratisation de l'Indonésie, les organisations internationales qui travaillent avec le Gouvernement du Président Habibie devraient réexaminer leurs relations avec ce dernier et les améliorer. La pétitionnaire a fait part de son appréciation au Président Habibie pour les mesures qu'il a prises et a reconnu que son programmes de réforme comporte des élément de justice et de vérité. Nous vous demandons de faire preuve du même sens du jugement pour le règlement de la question du Timor oriental. La pétitionnaire a par ailleurs appelé au respect des résolutions de 1975 et de 1976 qui demandent le retrait immédiat des troupes indonésiennes et celle adoptée à huit reprises par l'Assemblée générale sur le droit à l'autodétermination des Timorais. La pétitionnaire a demandé également la libération de Xanana Gusmao tout en rejetant la proposition visant à libérer le chef de la résistance timoraise en échange de la reconnaissance internationale de la souveraineté de l'Indonésie sur le Timor oriental.
M. FILOMENO DE JESUS HORNAY, Doyen de la faculté d'agronomie de l'Université du Timor oriental, s'est déclaré profondément outré d'entendre les mensonges prononcés ces deux derniers jours. Comment des gens qui ne sont jamais même venus au Timor oriental peuvent-ils présenter de manière aussi fausse la situation du peuple timorais, s'est exclamé le pétitionnaire. Il a demandé aux membres du Comité spécial de ne pas se laisser leurrer. La population du Timor oriental est fière d'avoir mis fin à la colonisation et de ne pas avoir céder à la pression d'un parti minoritaire, le FRETILIN. Les Timorais se sont prononcés librement et ont décidé en faveur de l'intégration
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à l'Indonésie. La question du Timor oriental est utilisée une fois de plus par M. Ramos Horta, a estimé le pétitionnaire. Les accusations selon lesquelles plus de 200 000 Est-Timorais auraient été tués par les autorités indonésiennes sont totalement fausses et le fait qu'elles soient constamment répétées n'en fait pas une vérité. Les membres du Conseil national de la résistance timoraise n'ont pas la légitimité pour participer aux pourparlers tripartites sur le Timor oriental, car, au nombre de 200, ils sont loin de représenter la majorité de la population. Cette majorité silencieuse veut maintenir un Timor oriental intégré, pacifique et stable. Elle a d'ailleurs dernièrement participé à des manifestations en faveur de l'intégration bien plus importantes que celles organisées par les indépendantistes, qui ont de plus eu recours à la violence. Le pétitionnaire a affirmé sa légitimité en arguant que, contrairement aux indépendantistes du FRETILIN en exil, il vit et travaille au Timor oriental. Il a déploré la mort de Herman das Soares et a précisé que l'auteur de cet acte a été puni de 15 ans de prison. Il a ajouté que le référendum n'est pas un objectif car la population du Timor oriental s'est déjà prononcée sur son sort. L'objectif est bien plus d'édifier un Timor oriental fort et prospère. Il faut cesser de créer des différences et saisir les possibilités qui s'offrent aujourd'hui avec le climat de réforme qui s'est installé en Indonésie. C'est pourquoi il faut accepter la proposition d'autonomie offerte par le Président Habibie.
M. SOENARTO ATMODJO (Forum de Nusantara) a estimé que la question du Timor oriental a fait l'objet de campagnes de désinformation continue de la part du FRETILIN dans le but de tromper les membres de ce Comité. L'abandon par le gouvernement portugais en 1975 l'a privé de tout droit à revendiquer ce territoire, d'autant que l'intégration du Timor oriental à l'Indonésie est déjà intervenue. Les progrès de facto réalisés par le peuple timorais est une réalité que l'on ne peut plus ignorer. Il faut que le Comité se rende à l'évidence devant le développement économique et social important du territoire au cours des vingt dernières années. La question qui se pose au Comité est de savoir pendant combien de temps les demandes injustifiées du FRETILIN auront cours. La meilleurs manière de servir les intérêts des Timorais est d'enterrer une fois pour toute les fantômes du passé.
M. ELIOT HOFFMAN (Australian Coalition for East Timor) a déclaré que l'Indonésie persiste à vouloir faire croire que la population timoraise a exercé son droit à l'autodétermination. La grande majorité des Timorais, plus de 90%, aspire à l'indépendance, ainsi que le confirme le grand nombre d'exilés timorais vivant en Australie. L'inflation imputable à la crise financière de l'Indonésie place une grand nombre de denrées alimentaires hors de prix pour la population timoraise. De plus, des agriculteurs timorais ont été chassés de leurs terres pour y installer des cultivateurs indonésiens alimentant les marchés de Jakarta et cela a entraîné de graves pénuries. En conséquence, le niveau de santé public se détériore gravement. Pour étouffer toute réaction de la population à ces conditions de plus en plus difficiles, la présence militaire a été renforcée, associée à l'utilisation de la contraception forcée et à l'envoi de migrants indonésiens. La défaillance des Nations Unies a permis que cette situation de pillage continue, a affirmé le
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pétitionnaire, ajoutant que cette injustice ne pourra être résolue qu'en accordant à la population son droit inaliénable à l'autodétermination. Il est plus essentiel que jamais que les organisations non gouvernementales puissent être présentes sur le terrain et les Nations Unies doivent faire pression en ce sens. Si l'ONU échoue, elle devra assumer une part de responsabilité dans les déboires de la population timoraise.
M. FRANK FITZGERALD (East Timor-Ireland Solidarity Committee) a tiré un parallèle entre la situation au Timor oriental et celle qui prévaut en Irlande et qui oppose des concitoyens. Beaucoup ici vont parler de routes construites, de lignes de téléphones posées, tentant ainsi de légitimer le rejet du droit international. Ces dernières semaines, d'énormes problèmes qui paraissaient insolubles ont été réglés en Irlande et l'Indonésie se trouve aussi à la croisée des chemins. Nous demandons au Gouvernement indonésien de créer une nouvelle république indonésienne qui respecte la règle du droit et qui entende la voix de ceux qui demandent la justice pour pouvoir prendre place au sein du concert des Nations.
M. AHMAD Z. HADI WAYARABI, Indonesian Students Association, a estimé que la situation des droits de l'homme en Indonésie n'est pas parfaite, tout comme dans beaucoup de pays. Il a donnée l'assurance que son association s'engage à suivre la situation et à se faire entendre pour que des violations ne se reproduisent pas. Un dialogue ouvert et constructif est nécessaire pour faire avancer les choses, or jusque là trop de mensonges ont été entendus dans cette assemblée, a-t-il déploré, affirmant que le peuple indonésien est prêt à un dialogue sur les droits de l'homme avec toutes les parties intéressées. Il n'est pas constructif pour les Indonésiens de faire constamment l'objet de critiques dans le domaine des droits de l'homme. Selon son expérience personnel, M. Wayarabi a fait observer que l'Indonésie s'efforce de garantir que ses lois ne favorisent pas un groupe de citoyens plutôt qu'un autre. Et si des violations ont pu avoir lieu, ce qui est inévitable lorsque l'on gouverne un territoire rassemblant plus de 16 000 îles, on ne peut pas accepter les allégations selon lesquelles elles résultent d'une véritable politique organisée des autorités indonésiennes. Avec le climat actuel de réforme, la promotion des droits de l'homme n'a jamais autant retenu l'attention. Le Président Habibie a ainsi proposé récemment la ratification d'un certain nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Le pétitionnaire a conclu que les critiques dont l'Indonésie fait l'objet sont diffusées par des éléments partiaux.
M. GROVER JOSEPH REES (au nom de Christopher Smith, Président de Subcommittee on International Operations and Human Rights) a qualifié les événement politiques en Indonésie de tournant exceptionnel. La question qui se pose maintenant est de savoir si cet esprit de réforme entraînera la volonté du Gouvernement indonésien de réexaminer la question du Timor oriental. Les déclarations du Président Habibie ne décrivent pas réellement quel type d'autonomie est proposée. Mais il n'est pas nécessaire de décider d'avance quel statut adopter pour le Timor oriental mais plutôt de faire en sorte que les Timorais exercent leur droit à l'autodétermination. Ceux-ci en
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effet ne partagent pas l'histoire des habitants des îles indonésiennes. La population du Timor oriental possède en fait toutes les caractéristiques d'un peuple souverain. Aux yeux du pétitionnaire, la démilitarisation du Timor oriental et la libération de tous les prisonniers politiques ouvriront la voie aux négociations. Il a appelé toutes les parties à répondre au geste de réconciliation du Gouvernement indonésien.
M. JOHN MILLER (East Timor International Support Center Darwin, Australia) a indiqué que le Timor est un cas relativement simple en matière de droit international, pourtant il continue de figurer à l'ordre du jour de la communauté internationale. Il est clair que le peuple timorais a le droit à l'autodétermination et avec les événements récents, il semble que ce droit pourra bientôt être exercé. Dans un tel cas, le résultat serait fort probablement l'indépendance. Si l'économie du Timor oriental est encore fragile, l'indépendance serait cependant économiquement viable, grâce notamment aux ressources du pétrole et du gaz. En ce qui concerne les ressources humaines, l'enseignement indonésien semble avoir été de mauvaise qualité, se fondant sur l'apprentissage mécanique et non la réflexion et l'expression personnelle. Toutefois la manière dont la résistance timoraise a survécu au long de ces 23 années laisse présager que les Timorais ne sont pas dépourvus de ressources et savent s'adapter, même s'il est nécessaire d'apporter au Timor oriental une aide extérieure. M. Miller a estimé que les inimitiés, inévitables dans tout pays, ont été exacerbées par les autorités indonésiennes pour provoquer la division et mieux régner. Avec l'aide du temps, le Timor oriental saura développer ses capacités et assurer son autonomie, d'autant qu'en qualité d'Etat indépendant, il recevrait davantage d'aide extérieure. Dans l'immédiat, il faut mettre fin aux pénuries alimentaires, à la malnutrition, aux épidémies de malaria et de tuberculose et améliorer les soins de santé. Si l'occupation s'arrêtait, la population serait capable de reprendre immédiatement en mains les outils de production et de parvenir à l'autosuffisance. Il y a donc des raisons pratiques pour que le Timor oriental soit libéré le plus rapidement possible de l'Indonésie.
M. CONSTANCIO DIAS PINTO (National Resistance of East Timorese Students) a évoqué l'invasion indonésienne quand il était âgé de 12 ans, les actes de torture que lui ont fait subir les autorités indonésiennes et le massacre de Dili de 1991 qui a constitué un véritable génocide du peuple timorais. En envahissant le Timor oriental, l'Indonésie a violé les normes fondamentales du droit international, a souligné le pétitionnaire. Les Nations Unies ont condamné l'invasion de l'Indonésie à 10 reprises et ont toujours rejeté l'intégration du Timor oriental. Le pétitionnaire a salué l'offre du Président Habibie d'accorder un statut d'autonomie au Timor et a rappelé que toute négociation doit associer le Conseil national de la résistance timoraise. Le pétitionnaire a proposé d'établir un Bureau des droits de l'homme des Nations Unies au Timor oriental et de lancer une mission d'enquête sur les assassinats et disparitions. Il a demandé en outre le retrait immédiat des troupes militaires et la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques.
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Déclaration
M. FERNANDO NEVES (Portugal) a regretté qu'en cette dernière année de la décennie internationale pour l'élimination du colonialisme, la décolonisation de plusieurs territoires et notamment du Timor oriental, occupé illégalement par l'Indonésie, n'ait pu être réalisée. La position de l'Indonésie quant à l'autodétermination exercée par le peuple du Timor oriental, repose sur une fiction constituée de 37 personnes non élues. Par conséquent la déclaration de Balibo ne saurait représenter l'opinion de l'ensemble du peuple timorais. Les événements récents en Indonésie indiquent clairement qu'il n'y a pas de libertés et que la population n'est pas satisfaite. L'Indonésie entre dans une ère nouvelle dans laquelle les principes démocratique de base et le respect des droits seront des éléments clefs. Il est encourageant que le nouveau Président indonésien ait reconnu le besoin d'une réforme politique importante, toutefois cette réforme ne sera pas complétée tant qu'elle ne touchera pas le Timor oriental. Des conditions inhumaines continuent de prévaloir au Timor oriental comme en témoignent de nombreuses sources dignes de foi. Privés de leurs droits fondamentaux, les Timorais orientaux continuent de lutter.
Il est temps que l'Indonésie reconnaisse que sa démarche sécuritaire au Timor oriental a échoué et qu'une solution définitive ne peut venir que du peuple timorais, dont la vaste majorité considère qu'elle n'a pas eu le droit d'exercer sa légitime autodétermination. Une nouvelle attitude, sans préjugés du Gouvernement indonésien préparerait la voie vers une solution acceptable par toutes les parties concernées. Les différences d'opinions exprimées dans ce forum détruisent le mythe selon lequel l'intégration est un processus accepté qui ne saurait être inversé. Quel que soit le Gouvernement au pouvoir en Indonésie, sa crédibilité internationale va dépendre de la question du Timor oriental et il faut commencer par prendre des mesures d'instauration de la confiance, en réduisant la présence militaire indonésienne, en libérant les prisonniers politiques et en respectant les droits fondamentaux de l'homme. Or, au moment même où le Comité spécial se réunit, l'Indonésie a fait distribuer un document de travail confidentiel sur les pourparlers tripartites menés sous l'égide des Nations Unies et elle le fait passer pour une solution définitive à la question, appuyée par les Nations Unies. Un tel comportement ne fait confirmer que la volonté de l'Indonésie de saboter ces pourparlers sur la question, a dénoncé le représentant.
Droits de réponse
Le représentant de l'Indonésie a rejeté l'accusation selon laquelle le Portugal n'a pas pu exercer son contrôle sur le Timor oriental. Cette allégation fait partie d'une campagne de désinformation et l'allégation selon laquelle le Portugal est la Puissance administrante est un affront fait à l'histoire. Nous ne pouvons qu'exprimer notre dégoût pour cette réthorique. Les attaques contre l'Indonésie paraissent nécessaires à la Puissance coloniale pour apaiser sa conscience mais elle devrait plutôt réfléchir à son passé colonial. Une évaluation objective du processus de décolonisation doit
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être placée dans un cadre historique juste. La délégation du Portugal, en parlant de génocide, a effectué une déformation affreuse des faits. Les tentatives répétées de ce pays d'exploiter la réalité doivent être condamnées. Nous ne pouvons pas ignorer que le Portugal va à l'encontre du dialogue tripartite mené sous l'égide du Secrétaire général des Nations Unies qui demandait notamment de s'abstenir de prendre toute mesure qui envenimerait la situation.
Le représentant a par ailleurs expliqué que la question des droits de l'homme doit être abordée au sein de la Commission des droits de l'homme et non pas au sein de ce Comité. Le fait que certain détenus sont maltraités ne reflète pas la position du gouvernement au regard des droits de l'homme dont le respect a été renforcé. Il ne faut pas se servir des droits de l'homme comme un moyen de promouvoir un programme politique mais plutôt se rappeler que la promotion des droits de l'homme vise avant tout la protection de la vie. Le représentant a estimé que le Comité spécial devrait une fois pour toute éliminer la question du Timor oriental de son programme de travail. Il a toutefois souligné que l'Indonésie a la volonté inébranlable de collaborer avec le Secrétaire général pour trouver une solution internationalement acceptable à la question du Timor oriental.
Le représentant du Portugal a regretté que le représentant de l'Indonésie ait choisi de parler de 5 pays membres souverains dont la décolonisation s'est fait conformément à la Charte des Nations Unies dans des termes peu respectueux. Il est vrai que le Portugal soutient la diaspora timoraise résistante tout comme le Gouvernement indonésien soutient de son côté les parties intégrationnistes.
Le représentant de l'Indonésie a déclaré qu'à la différence de certains pays, l'Indonésie lorsqu'elle doit faire face à certains défis et certaines critiques, ne part pas en abandonnant ses colonies et en s'enfuyant comme l'a fait le Portugal. Il a donné l'assurance solennelle que sa délégation n'a pris connaissance des informations sur les pourparlers tripartites mentionnées par le Portugal que ce matin. La délégation indonésienne comptait sur l'attitude raisonnable du Portugal pour ne pas en parler en public avant que chacun ait pu étudier en détail la situation et pour ne pas mettre en péril les négociations. Il faudrait éviter de gagner de petites batailles en faisant des déclarations irresponsables, a ajouté le représentant. Il s'agit d'une question fort délicate et la délégation indonésienne aurait préféré ne pas voir cette question soulevée en public. Le représentant a réaffirmé l'engagement de son pays en faveur du processus de négociation tripartite. Il a toutefois réitéré l'opposition de principe de son pays à ce que la question du Timor oriental soit traitée par le Comité spécial.
Le représentant du Portugal a vivement critiqué le Gouvernement indonésien pour avoir divulgué un document confidentiel rédigé à l'issue des pourparler tripartites et qui contient une proposition du Secrétaire général des Nations Unies. * *** *
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