AG/COL/141

LE PRIX NOBEL DE LA PAIX, M. RAMOS HORTA, PROPOSE L'OUVERTURE D'UN BUREAU DU HAUT COMMISSARIAT AUX DROITS DE L'HOMME AU TIMOR ORIENTAL

30 juin 1998


Communiqué de Presse
AG/COL/141


LE PRIX NOBEL DE LA PAIX, M. RAMOS HORTA, PROPOSE L'OUVERTURE D'UN BUREAU DU HAUT COMMISSARIAT AUX DROITS DE L'HOMME AU TIMOR ORIENTAL

19980630 Le Comité spécial chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a entamé cet après-midi l'examen de la question du Timor oriental. Il a dans ce cadre procédé à l'audition de pétitionnaires qui ont fait entendre des points de vue divergents sur l'évolution de la situation dans le territoire, à la lumière des changements politiques récents en Indonésie et sur le processus de décolonisation du Timor oriental. Ainsi, certains pétitionnaires ont qualifié d'encourageant le mouvement de réforme politique en Indonésie, consacré par la démission de l'ancien Président indonésien, et la proposition indonésienne visant à accorder un statut d'autonomie locale au Timor oriental. D'autres en revanche ont estimé que ce statut spécial reviendrait à imposer une situation ingérable au peuple timorais. Ainsi, aux yeux du co-lauréat du prix Nobel de la paix, M. Jose Ramos Horta, les Timorais, ni la communauté internationale, ne sauraient accepter d'effacer un acte illégal d'invasion et admettre la récente proposition du Président indonésien. Le Prix Nobel a plaidé en faveur de la libération de tous les prisonniers politiques et de la cessation de la torture. Il a proposé qu'un Bureau du Haut Commissariat aux droits de l'homme soit ouvert au Timor oriental, pour y assurer non seulement des fonctions d'enquête, mais aussi de médiation et de formation aux droits de l'homme des représentants de la loi. M. Ramos Horta a également estimé qu'à titre de mesure transitoire, les est-timorais devraient avoir le droit de gouverner leur pays; la question la plus compliquée, celle du statut politique du territoire, pouvant être tranchée ultérieurement.

Le Comité spécial a ainsi entendu les représentants des associations et organismes suivants : East Timor Action Network, Fondation timoraise pour la réconciliation et le développement, Timorese Youth for Reconciliation, Association socialiste du Timor (AST), SOS-Associaçao de Defesa dos Angolanos, Conseil national de la résistance timoraise et Coalition Asie-Pacifique pour le Timor oriental. Un membre de l'Université de Londres s'est également exprimé.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Sao Tomé-et- Principe, Indonésie et Portugal.

Dans le cadre de l'examen de la question sur le Sahara occidental, le Comité avait en début de séance entendu le représentant du Front POLISARIO.

Le Comité poursuivra l'audition de pétitionnaires sur la question du Timor oriental demain mercredi premier juillet à 15 heures.

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Question du Sahara occidental

Documentation

Le document de travail établi par le Secrétariat sur le Sahara occidental (A/AC.109/2118) évoque les efforts intensifs, notamment les activités de bons office du Secrétaire général, entrepris pour sortir de l'impasse dans laquelle se trouvait depuis décembre 1995 le processus d'identification des électeurs en vue du référendum d'autodétermination. La série de pourparlers directes entre le Royaume du Maroc et le Front POLISARIO tenue sous les auspices des Nations Unies ont mené aux accords de Houston du 16 septembre 1997 et ont permis la reprise de l'opération d'identification le 3 décembre 1997.

Ainsi, les premiers contacts officiels entre le Maroc et la Front POLISARIO ont eu lieu à Lisbonne le 23 juin 1997. L'identification des électeurs issus des trois groupements tribaux (désignés par H41, H61 et J51/52 dans le recensement espagnol de 1974) qui constituait le principal obstacle à la mise en oeuvre du plan de règlement, a été abordée. Les liens de ces groupements tribaux avec le territoire avaient en effet été contestés par le Front POLISARIO. La seconde série de pourparlers s'est tenue les 19 et 20 juillet 1997 à Londres. Aux termes de l'accord conclu, les parties ne parraineraient ni ne présenteraient directement ou indirectement aux fins d'identification aucun membre des groupement tribaux, à l'exception des personnes figurant dans le recensement espagnol de 1974. La troisième série de pourparlers directs entre les parties a eu lieu à Lisbonne les 29 et 30 août 1997 au cours de laquelle un accord a été conclu sur le cantonnement des forces marocaines et des forces du Front POLISARIO. Puis, à l'issue de la quatrième série de pourparlers qui a eu lieu du 14 au 16 septembre 1997 à Houston au Texas, les parties sont parvenues à un accord relatif au code de conduite pour la campagne référendaire et au pouvoir de l'ONU pendant la période de transition.

La Mission des Nations Unies pour l'organisation du référendum au Sahara occidental (MINURSO) a repris l'opération d'identification le 3 décembre 1997 comme prévu. Selon le calendrier contenu dans le rapport du Secrétaire général en date du 24 septembre 1997, l'identification des personnes ayant demandé à participer au référendum devait s'achever le 31 mai 1998, la période de transition devait commencer le 7 juin 1998 et le référendum devait se tenir le 7 décembre 1998. Dans son rapport en date du 15 janvier 1998, le Secrétaire général a indiqué qu'au cours des sessions d'identification pour les groupements tribaux H41, H61 et J51/52, 13035 personnes qui n'avaient pas été convoquées s'étaient présentées d'elles-mêmes. Le Front POLISARIO avait protesté déclarant que le Maroc agissait en contravention des accords de Houston sur le parrainage des personnes non convoquées. Le Secrétaire général avait alors décidé de donner pour instruction à la MINURSO d'identifier dès que possible les personnes qui , sans avoir été convoquées, s'étaient présentées pendant les journées de convocation. Le Représentant spécial, M. Dunbar, nouvellement désigné en remplacement de M. James Baker III, est arrivé

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dans la zone de la mission le 9 février 1998. A la même époque un accroissement perceptible de la tension entre les deux parties est apparue. Le Maroc et le Front Polisario avaient en effet émis des réserves quant, notamment, aux décisions contenues dans le rapport du Secrétaire général du 15 janvier 1998 au sujet des centres d'identification au Maroc et de l'identification des groupements tribaux contestés.

Dans son rapport du 13 avril 1998, le Secrétaire général a indiqué que si le nombre total de personnes identifiées avait atteint 101 772, il était toutefois peu probable que la date du 31 mai 1998 prévue pour l'achèvement du processus d'identification pourrait être respectée. Les mois de mais et de juin seraient déterminant pour l'achèvement avant la fin du mois de juillet de l'identification de tous les requérants qui restaient à convoquer et le règlement des questions liées à l'identification des demandeurs provenant des trois groupes tribaux pré-cités. Si des progrès substantiels sont réalisés dans ces domaines avant la fin du mois de juillet, le Secrétaire général recommanderait une révision du calendrier d'exécution du plan de règlement. Dans le cas contraire, il recommanderait au Conseil de sécurité de réexaminer la viabilité du mandat de la MINURSO.

Le document de travail établi par le Secrétariat fait état des résolutions adoptées par l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité sur la question du Sahara occidental. Aux termes de la résolution 1163 adoptée le 17 avril 1998, le Conseil de sécurité décidait de proroger le mandat de la MINURSO jusqu'au 20 juillet 1998. Soumise à examen dans le cadre du débat général de la Quatrième Commission de l'Assemblée générale relatif à l'Application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, la question du Sahara occidental a fait l'objet d'un projet de résolution adoptée sans vote. selon ce texte, l'Assemblée générale priait le Comité spécial des 24 de continuer d'examiner la situation au Sahara occidental. Tout en maintenant ses réserves traditionnelles au sujet de la compétence des Nations Unies sur la question, la délégation marocaine avait appuyé le projet de résolution et avait souligné que son gouvernement continuerait de coopérer pleinement avec l'ONU à la mise en oeuvre du plan de règlement.

Déclaration

M. MOULUD SAID (Front POLISARIO) a déclaré que la dernière fois que ce comité a examiné la question du Sahara occidental, des négociations directes entre les parties se déroulaient sous l'égide du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. James A. Baker III. Ses efforts de médiation ont abouti à la signature des accords de Houston. Leur application a suscité l'optimisme de la communauté internationale et du peuple du Sahara occidental. L'accord reconnaissait le droit des personnes figurant dans le recensement espagnol de 1974 d'être identifiées. Il était également demandé aux parties de ne pas parrainer des personnes ne figurant pas dans cette liste. Lors de la reprise du processus d'identification, le Maroc a commencé à imposer ses propres conditions. L'identification des demandeurs des tribus

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contestées a été encouragée par le Maroc qui a organisé des convois d'autobus sous escorte policière, en violation des accords de Houston. En outre, le Maroc a autorisé ces personnes à envahir le centre d'identification, entravant le travail de ce dernier.

Le Maroc saisit toutes les occasions pour retarder le processus d'identification. L'opposition du Maroc à l'ouverture d'un centre d'identification en Mauritanie a également freiné le processus. La campagne de presse contre la MINURSO n'est qu'une preuve supplémentaire de la volonté du Maroc d'utiliser la politique du chantage. Les attaques du Maroc contre la Mission des Nations Unies pour l'organisation du referendum au Sahara occidental a atteint un point critique en juin dernier quand le Maroc a confisqué les documents officiels de la mission. Les Gouvernements de la Suède et du Pakistan ont offert des contingents du génie militaire pour l'aide au déminage. Malheureusement, le contingent suédois s'est vu refuser par le Maroc de droit d'atterrir au Sahara occidental. Le Maroc ne permet pas non plus aux représentants du Haut Commissariat pour les réfugiés de se rendre dans le territoire. Le fait que le Maroc refuse l'aide au déminage et une assistance pour le rapatriement des réfugiés laisse à penser qu'il entend mettre un terme au processus avant la période transitoire. La police marocaine multiplie ses actes de répression. Un grand nombre de personnes ont disparu récemment. Nous lançons un appel au Maroc pour qu'il coopère et pour que nous allions main dans la main vers le référendum.

Question du Timor oriental

Documentation

Selon le document de travail établi par le Secrétariat sur le Timor oriental (A/AC.109/2111), l'Indonésie maintient toujours sa présence militaire au Timor oriental tandis que les Timorais ont continué de résister à la domination indonésienne. Une recrudescence de la violence a eu lieu au moment des élections indonésiennes du 29 mai 1997. Le chef de la guérilla, M. David Alex, a succombé à ses blessures le 25 juin 1997 à la suite d'échanges de feu avec les soldats indonésiens. Les années 1997 et 1998 ont été marquées par une série de manifestations, d'affrontements, d'arrestations et de nombreuses demandes d'asile dans des ambassades étrangères. A l'issue de la réunion qui s'est tenue à Lisbonne du 23 au 27 avril 1998, des groupes de la résistance timoraise se sont alliés pour établir un front uni pour l'avenir du Timor oriental. Cette réunion qui a vu la participation de 208 représentants de plus d'une douzaine de partis politiques, a également donné lieu à la création d'un conseil de la résistance timoraise. Ce conseil est présidé par M. Xanana Gusmao, chef de la résistance qui purge actuellement une peine de vingt ans de prison. Les participants ont approuvé une charte des principes intitulée "Grande charte des libertés, des droits, des devoirs et des garanties du peuple du Timor oriental".

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Evaluant la situation des droits de l'homme, le document explique que les forces de sécurités stationnées au Timor oriental ont dès le début 1997 lancé des campagnes de harcèlements et procédé à de nombreuses arrestations à la suite des manifestations de soutien au lauréat du prix Nobel de la paix, Mgr Belo. Pendant les élections parlementaires de mai 1997 et la période qui a suivi, les attaques de la guérilla se sont faites plus meurtrières, tant parmi la population civile que parmi les forces de sécurité. Le Gouvernement a été accusé de faire appel à des bandes de jeunes organisés et encadrés par l'armée pour intimider les opposants. Ce type de groupes paramilitaires auraient souvent participé aux attaques nocturnes qui se sont produites à Dili en 1991. Selon le rapport annuel du Département d'Etat américain sur les droits de l'homme, aucun progrès n'auraient été réalisés pour identifier les personnes disparues à la suite des émeutes de Dili. Par ailleurs, si le Gouvernement indonésien a autorisé quelques journalistes à se rendre au Timor oriental, il a refusé l'accès du territoire à toutes les organisations non gouvernementales étrangères qui s'occupent des droits de l'homme à l'exception du Comité international de la Croix Rouge. Des source crédibles ont confirmé qu'en 1997, plusieurs détenus étaient morts en cours de détention et il arrive régulièrement que des civils soient arrêtés pour interrogatoire par les militaires. En septembre 1997, l'organisation Human Right Watch a publié un rapport sur le Timor oriental et l'Indonésie qui confirme les rafles massives de civils par l'armée auxquels l'on fait subir toute sorte de mesures d'intimidation et de torture. Il semblerait même que la torture soit devenue une source de revenus pour certains officiers du Timor oriental qui montrent au plus offrant des photographies, voir des enregistrements d'interrogatoires. Il existe bien une Commission nationale des droits de l'homme mais les observateurs ont émis des doutes quant à son efficacité. Son bureau au Timor se trouve en effet à proximité du quartier général de l'armée indonésienne et il se compose essentiellement de fonctionnaires habilités à recevoir les plaintes uniquement.

Il est également apparu selon le Département d'Etat américain que le Gouvernement indonésien a relancé son programme de migration. Certains prétendent que ce programme est utilisé à des fins politiques pour "indonésier" le Timor oriental. Le 7 juillet 1997, le bureau local des transmigrations a annoncé que 560 familles originaires des îles indonésiennes et du Timor oriental seraient réinstallées au Timor oriental. Selon le gouvernement indonésien, 6 484 familles (28 950 colons) vivent sur le territoire.

De 1961 à 1982, l'Assemblée générale a examiné tous les ans la question du Timor oriental et a adopté des résolutions sur cette question. Depuis sa trente-huitième session, l'Assemblée générale reporte l'examen de la question. Depuis 1983, le Secrétaire général procède à des pourparlers tripartites avec l'Indonésie et le Portugal et à des consultations avec les représentants timorais. Son dernier rapport intérimaire présenté lors de la cinquante- deuxième session de l'Assemblée générale a été publié sous la cote A/52/349. Les 19 et 20 juin 1997, le Secrétaire général s'est entretenu à New York avec les Ministres indonésiens et portugais des affaire étrangères qui ont accepté

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la proposition de poursuivre les pourparlers au niveau opérationnel. La réunion des hauts fonctionnaires a commencé en août 1997 et des séries de pourparlers ont eu lieu en octobre et novembre 1997 et à nouveau en mai 1998. La troisième dialogue entre toutes les parties timoraises a eu lieu en Autriche du 20 au 23 octobre 1997 et a débouché sur l'adoption par consensus de la Déclaration de Krumbach. Aux termes de ce texte, les participants ont réaffirmé, entre autres, leur confiance dans le dialogue actuellement engagé entre tous les timorais orientaux et les Gouvernements de l'Indonésie et du Portugal sous les auspices du Secrétaire général des Nations Unies. Le texte intégral de cette déclaration se trouve en annexe du document de travail.

Déclarations

M. DOMINGOS AUGUSTO FERREIRA (Sao tomé-et-Principe) s'est félicité des changements intervenus récemment en Indonésie et a formulé l'espoir que le dialogue entre le Portugal et l'Indonésie, mené sous les auspices des Nations Unies, pourra se poursuivre de manière à parvenir à un règlement de la question du Timor oriental. Pour ce faire, tous les Timorais, sans exception, doivent être impliqués dans les négociations dont l'objectif principal doit être de parvenir à une solution d'ensemble acceptable sur le plan international et conforme aux dispositions de la résolution 37/30 de l'Assemblée générale. Le représentant s'est réjoui de la première réunion, en avril dernier au Portugal, de la Convention nationale timoraise en exil et de son adoption de la Carta Magna, qui décrit le sentiment de la majorité de la population du Timor oriental. Les Timorais s'y déclarent disposés à suivre les règles internationales en vue de construire un pays où les droits de l'homme seront respectés, la paix promue et l'intégration économique à l'ANASE, au Forum du Pacifique Sud et à l'ACEP, réalisée. Cela ne pourra toutefois être possible que si, dans de brefs délais, le Comité spécial et la communauté internationale sont les témoins d'un changement dans la stratégie du principal protagoniste lors des prochaines négociations, a mis en garde M. Ferreira.

Le représentant a fait observer que la Déclaration universelle des droits de l'homme n'est pas respectée par le Gouvernement indonésien et que la population souffre de violations quotidiennes de ses droits. Il a appelé les autorités indonésiennes à pleinement respecter les engagements qu'elles ont pris lors de la dernière réunion de la Commission des droits de l'homme. La première action à prendre par l'Indonésie pour démontrer sa bonne volonté serait de libérer tous les prisonniers politiques, a-t-il suggéré. L'occupation illégale du Timor oriental par les forces indonésiennes ne donne nullement le droit au Gouvernement indonésien d'exploiter les gisements de pétrole et de gaz de la nation timoraise. Il s'agit là d'une violation des résolutions des Nations Unies et du droit international, a affirmé le représentant.

M. TITO DOS SANTOS BAPTISTA (Indonésie) a exprimé une fois de plus l'objection très ferme de sa délégation à l'inclusion de la question du Timor oriental à l'ordre du jour du Comité spécial car le peuple timorais a déjà

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exercé son droit à l'autodétermination voilà 23 ans. Au cours du processus de décolonisation, les autorités des Nations Unies sont, de plus, restées informées des développements, a fait observer le représentant, ajoutant qu'il est évident que le rôle de l'Indonésie contribue nettement au développement du Timor oriental. Cette région est partie prenante du territoire indonésien et a donc cessé depuis longtemps d'être une question de décolonisation pour le Gouvernement indonésien. Poursuivre l'inclusion de cette question à l'ordre du jour est néfaste au dialogue tripartite en cours et c'est pourquoi l'Indonésie demande le retrait de la question du Timor oriental des travaux du Comité spécial.

M. NEVES (Portugal) a renvoyé le représentant de l'Indonésie à la résolution 3730 du Conseil de sécurité de 1982. Si les choses étaient telle que le dit l'Indonésie, cette question ne serait pas inscrite à l'ordre du jour de ce Comité depuis 22 ans. Dans le cadre des négociations tripartite conduites sous l'égide du Secrétaire général des Nations Unies, les deux autres parties ne pensent pas que l'examen de cette question par le Comité gênerait la poursuite des négociations

M. BAPTISTA (Indonésie) a dit ne pas vouloir gêner les travaux du Comité en prolongeant le débat sur ces questions mais il a insisté pour que sa position figure dans le compte-rendu de séance.

Audition des pétitionnaires

M. ERIC GUSTAFSON (East Timor Action Network) a estimé que l'élimination pacifique de la dictature du Président Soharto offre la possibilité d'instaurer un espace démocratique, rendant possible le règlement de la question du Timor oriental, ajoutant toutefois que la transition sera difficile et risquée. Les Nations Unies ont la responsabilité de préserver les droits de l'homme de la population du Timor oriental, qui en a besoin aujourd'hui et maintenant et sans doute plus que jamais. Le Timor oriental est un point noir dans l'histoire des Nations Unies car l'occupation militaire indonésienne se maintient malgré de nombreuses résolutions et les démarches de plusieurs Secrétaire généraux. Le nouveau Président indonésien comprend que cette question est un problème pour son pays et il a récemment déclaré qu'il pourrait accorder un statut spécial au Timor oriental et libérer le chef de la résistance timoraise si la communauté internationale reconnaît la domination indonésienne. Ces déclarations encourageantes sont malheureusement contredites par les signaux envoyés par les militaires indonésiens, et on note une recrudescence de la violence et de la répression contre les civils. Le statut politique du Timor oriental doit faire l'objet de la décision de la population timoraise elle-même et ne peut pas être négocié par le Portugal, l'Indonésie, les Nations Unies ou même un petit nombre de Timorais. Les élections doivent être précédées du retrait des troupes indonésiennes pour que le règne de la terreur prenne fin. Le Gouvernement indonésien a récemment organisé des manifestations en faveur de l'intégration à l'Indonésie et les Nations Unies doivent condamner fermement de telles pratiques. Par ailleurs,

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le chef de la résistance timoraise demeure en prison et il faut mettre immédiatement fin à son incarcération pour qu'il participe au processus de paix, a déclaré M. Gustafson. Pour l'instant, la population du Timor oriental n'a pas encore observé de changements importants dans sa situation. Elle est même au contraire parmi les plus durement frappée par la crise financière qui frappe l'Asie depuis plusieurs mois.

M. Gustafson a ensuite abordé les mesures adoptées par les Etats-Unis et il a évoqué une loi récente qui signale pour la première fois le Timor oriental comme un entité distincte de l'Indonésie. Washington a été également scandalisé par les voyages réguliers entrepris par des "marines" en vue de former des militaires indonésiens à la guérilla urbaine. Les Nations Unies et le Comité spécial sont la quille qui permettra au peuple du Timor oriental de maintenir le cap vers l'autodétermination, a-t-il conclu.

Mme RODICA PINTEA-AUSTIN (Membre de l'Université de Londres) a estimé que les divisions profondes qui divisaient le Timor oriental en 1975 étaient considérées comme un héritage colonial. La fuite du gouvernement portugais a en fait éliminé le Portugal de toute participation future au sort de son ancienne colonie et l'histoire ne donne jamais de deuxième chance. La partition de l'île du Timor était imposée par les puissances occidentales qui luttaient pour leur part du butin. Vingt ans plus tard, l'absence d'unité sociale et politique est une caractéristique de la société timoraise. Il n'existe pas d'opposition crédible et l'appel à un référendum est tout aussi futile qu'il y a vingt ans. Si le Portugal ne s'en était pas allé, le peuple du Timor ne serait pas resté dans un vide politique pendant plus de vingt ans. Dès leur départ en effet, les anciens maîtres du Timor se sont retranchés dans une guerre avec l'Indonésie, délaissant le population timoraise. Ne serait- il pas temps pour le Portugal de s'en aller et de lancer des négociations sous une perspective nouvelle. L'importance stratégique de la région reste une réalité politique à laquelle le Timor oriental ne peut pas échapper. L'avenir pourrait voir une île unifiée et prospère qui enterrerait son passé colonial. Seule un langage marqué par des intentions communes nous apprendra à marcher avant de courir.

M. ABILIO ARAUJO (Fondation timoraise pour la réconciliation et le développement) a déclaré que sa présence dans ce forum prouve l'existence d'un mouvement fort et croissant en faveur d'une solution négociée dite de la "Troisième voie". La Fondation pour la réconciliation et le développement a ainsi rassemblé des dirigeants timorais partisans de l'intégration comme de l'indépendance. Il a transmis au Gouvernement indonésien les encouragements de sa fondation pour ses efforts concrets en vue du développement du Timor oriental et les mesures juridiques prises pour lutter contre les violations des droits de l'homme.

La question du Timor oriental est une nouvelle fois matière à débat, mais cette fois-ci il se déroule dans un contexte de changements importants, a estimé M. Araujo. Une délégation du mouvement de la Troisième voie s'est rendue récemment en Indonésie pour engager des négociations avec les

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autorités. Cette délégation a été reçue au plus haut niveau de l'Etat. Les représentants de la Troisième voie pensent qu'en repoussant les propositions du nouveau Président de l'Indonésie, on risque de fermer définitivement la porte à un règlement pacifique de la question. Le dialogue est le seul instrument possible pour résoudre le conflit et la fondation est opposée à un référendum qui envisagerait de répondre aux questions seulement par oui ou par non. Elle est en revanche favorable à l'établissement d'un Forum permanent de consultation entre les dirigeants timorais et le Secrétaire général des Nations Unies pour parvenir à un accord acceptable par toutes les parties concernées. Dans le cas d'un tel accord, le mouvement de la Troisième voie serait alors prêt à envisager la création d'un mécanisme de consultation de la population timoraise, afin qu'elle ait le dernier mot sur ce point.

M. ROGERIO PEREIRA (Timorese Youth for Reconciliation) a fait part de la confiance de son association dans le soutien constant des Nations Unies qui permettra de trouver une solution au Timor oriental qui soit acceptable pour l'Indonésie et pour le Portugal ainsi que pour le peuple Timorais. Nous, Timorais, devons avoir le courage de participer à un dialogue ouvert et démocratique. Aujourd'hui, après de nombreuses réunions tenues à Londres entre autres, les Timorais sont devenus des partisans convaincus du processus de réconciliation dans lequel réside notre seul espoir. L'expérience nous a appris que le choix véritable est la fraternité ou la guerre civile. Personne ne peut nier que le Timor a bénéficié des efforts de l'Indonésie pour développer le territoire et d'aucun ont soutenu que nous n'avions plus besoin de l'Indonésie. Mais il convient de reconnaître qu'il serait stupide de remplacer une situation imparfaite par une situation impossible. La dichotomie qui caractérise ce conflit oppose Timorais et Timorais mais il est inutile de chercher à savoir qui a raison et qui a tort. Nous devons tous oeuvrer de concert à la recherche d'une solution. Les marques de division sont pourtant tenaces. Sans une atmosphère de confiance et de respect, nous sombrerons dans l'erreur. Il est merveilleux de rêver d'indépendance mais, dans la pratique, nous serions forcés de jouir d'un soutien extérieur et cela ne fera qu'alimenter les dissensions et par voie de conséquence une guerre civile encore plus sanglante. Aujourd'hui en Indonésie, la corruption et la collusion sont interdites. Cette nouvelle ouverture représente un avantage énorme que tous les Timorais doivent exploiter pour obtenir la réconciliation nationale.

Le pétitionnaire a demandé au Comité d'encourager le Gouvernement indonésien à assumer ses responsabilités envers le Timor oriental et à tenir compte des liens uniques culturels du Timor oriental avec le Portugal. Il faut également que le Comité encourage l'Indonésie à comprendre la position portugaise et à trouver une troisième voie qui soit acceptable par la communauté internationale. Le Comité devrait également encourager le Gouvernement du Portugal à mettre en oeuvre une politique qui soutienne le processus de réconciliation inter-timorais et à comprendre la position du Gouvernement indonésien. Le pétitionnaire a également demandé au Comité d'encourager le Secrétaire général des Nations Unies à établir des consultations parallèles avec les personnalités timoraises, à reconnaître le

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geste positif du nouveau gouvernement indonésien visant à entendre les voix des dirigeants timorais et à demander aux gouvernements du Portugal et de l'Indonésie d'accélérer le processus de négociation. Il a par ailleurs demandé à la population timoraise de s'abstenir de tout acte de provocation, d'accorder un soutien plus actif aux efforts déployés, de comprendre que la proposition du Gouvernement indonésien d'accorder un statut spécial au Timor oriental est une occasion en or et une solution acceptable au conflit, d'être disposés à participer à un dialogue ouvert et démocratique avec les divers groupes timorais.

M. AZANCOT DE MENEZES (Association socialiste du Timor, AST) a rappelé que l'AST, parti politique fortement implanté au Timor oriental, défend le droit inaliénable des timorais à l'autodétermination. Cette position correspond à la volonté de la grande majorité de la population timoraise et annule la proposition d'un statut autonome spécial faite par le ministre indonésien Ali Alatas. L'AST rejette toute solution allant dans le sens de l'autonomie sous la souveraineté indonésienne. Cette position se fonde sur les résolutions des Nations Unies et sur la Constitution de la république portugaise, qui garantit le droit à l'autodétermination et à l'indépendance du Timor oriental. L'autonomie sous la souveraineté indonésienne ne peut être acceptée car elle constituerait la reconnaissance officielle de l'intégration à l'Indonésie. Les derniers événements politiques en Indonésie indiquent clairement que le peuple indonésien aspire à la liberté. L'insatisfaction généralisée de la population est évidente, tout comme l'est la capacité des étudiants indonésiens à s'organiser et à protester. Dans le même temps au Timor oriental, le FALINTIL (Forces armées de libération nationale du Timor oriental) intensifie son action car il est grand temps de changer. Le nouveau Président de l'Indonésie tente de faire croire au reste du monde qu'il entreprend une réforme politique. Cela est un leurre, a affirmé M. de Menezes. La question du Timor ne sera pas réglée avec la libération de Xanana Gusmao et des autres prisonniers politiques, la question fondamentale étant en effet l'autodétermination et l'indépendance du Timor. C'est pourquoi l'AST demande le retrait total des forces indonésiennes et la mise en place du Gouvernement provisoire du FALINTIL qui organiserait des élections et constituerait une assemblée constituante pour que le peuple timorais décide du sort de la nation.

M. ANTONIO TAVARES (SOS-Associaçao de defesa dos Angolano) a fait état des violations quotidiennes des droits de l'homme au Timor oriental. L'arrivée du Président Habibie ne garantira jamais une solution au problème du Timor oriental, c'est à dire le droit à l'autodétermination et à l'indépendance. La communauté internationale et la diaspora timoraise suivent de près les changements politiques et économiques en Indonésie ainsi que les libérations de prisonniers qui semblent malheureusement insignifiants. Nous demandons à l'Indonésie la libération de tous les prisonniers politiques timorais. Le pétitionnaire a par ailleurs rejeté la proposition du Gouvernement de l'Indonésie d'accorder un statut spécial d'autonomie au territoire en faisant remarquer que dans ce cas, le Timor oriental ne tomberait plus sous la juridiction du Portugal. Il a réaffirmé son attachement

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au Gouvernement du Portugal et à la poursuite du dialogue entre le Portugal et l'Indonésie, les Nations Unies, le Conseil national de la résistance timoraise et l'association socialiste timoraise.

M. JOSE RAMOS HORTA (Conseil national de la résistance timoraise et co- lauréat du Prix Nobel de la paix de 1996) a réaffirmé que le recours à la force n'a jamais réussi à vaincre la volonté des peuples. Le Timor oriental demeure, après trois décennies, le seul territoire anciennement portugais à ne pas avoir atteint l'indépendance. Le Gouvernement indonésien doit appliquer pleinement les résolutions pertinentes des Nations Unies. Or, tant que les troupes indonésiennes demeureront sur le sol timorais, il ne pourra y avoir de processus d'autodétermination. Le Portugal n'est pas la seule entité à avoir des responsabilités face au Timor oriental, car il ne s'agit pas d'un problème bilatéral, mais d'une question qui implique les Nations Unies, le Portugal, la population du Timor oriental et l'Etat tiers qu'est l'Indonésie. Après le départ du Président Suharto, il semble désormais plus facile de reprendre le dialogue productif sur la question du Timor. A cet égard, M. Ramos Horta s'est félicité de la libération de certains prisonniers politiques timorais et il a appelé le Gouvernement indonésien à libérer tous les Timorais qui demeurent incarcérés pour la seule raison qu'ils combattent en faveur de la liberté.

Même si l'on note une amélioration sensible du comportement des autorités indonésiennes, ce qui aurait été impensable il y a seulement un an, des incidents très graves continuent cependant de survenir. Il est regrettable que les autorités indonésiennes refusent encore d'engager le dialogue avec Xanana Gusmao, le dirigeant timorais. La mission de l'Union européenne qui vient de s'achever au Timor oriental témoigne de l'importance que la communauté internationale, attache à cette question. Les Timorais, ni la communauté internationale ne sauraient accepter d'effacer un acte illégal d'invasion et admettre la récente proposition du Président indonésien d'accorder un statut spécial assorti d'un certain degré d'autonomie locale. Pour que des progrès soient accomplis, l'Indonésie doit renoncer à imposer l'annexation illégale, préalable à l'octroi de l'autonomie du territoire, a déclaré M. Ramos Horta. La présence indonésienne au Timor oriental doit être réduite à un niveau minime. Il est étrange que l'Indonésie qui continue de critiquer le comportement colonial du Portugal au Timor oriental ait aujourd'hui une présence armée au-moins cinq fois supérieure à celle du Portugal à l'époque de la colonisation, a fait observer M. Ramos Horta, d'autant qu'à écouter les autorités indonésiennes, les Timorais sont heureux de faire partie de l'Indonésie. La torture doit cesser, les prisonniers doivent être libérés et un Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme devrait être créé au Timor oriental. Il n'aurait pas seulement une fonction d'enquête, mais également de formation en matière des droits de l'homme et une fonction de médiation. A titre de mesure transitoire, les Est-Timorais devraient avoir le droit de gouverner leur pays. La question la plus compliquée, celle du statut politique du territoire pourrait être tranchée ultérieurement. Personne n'est exempt de responsabilités à l'égard de la tragédie du peuple timorais, a affirmé M. Ramos Horta, ajoutant qu'il est vain

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de faire plus de reproches à une partie ou à l'autre. Dans quelques années, le droit devrait prévaloir en Indonésie, ce qui laisse espérer que le Timor oriental pourrait accéder à l'indépendance. Le peuple du Timor oriental pourrait alors tout autant décider, mais cette fois sans qu'il y soit contraint, de faire partie de l'Indonésie ou de constituer un accord avec le pouvoir colonial. Quel qu'il soit, le résultat d'un référendum d'autodétermination supervisé par les Nations Unies serait alors respecté par tous, a conclu M. Ramos Horta.

M. AUGUSTO N. MICLAT (Asia Pacific Coalition for East Timor) a fait état de pressions exercées sur le Comité pour que celui-ci retire de son ordre du jour la question du Timor oriental. Il a rendu hommage à l'intégrité du Comité qui n'y a pas cédé. La formation du Conseil de résistance timoraise marque un jalon qui dénote la volonté du peuple du Timor de s'unir pour exercer son droit à l'autodétermination. Le pétitionnaire a rendu hommage aux efforts résolus et constants déployés par le Secrétaire général des Nations Unies. Grâce à cela, des principes ont été négociés et les différents groupes ont décidé de laisser leurs intérêts politiques immédiats de côté pour se préoccuper du bien-être du peuple timorais. Alors que la démocratie devient de plus en plus probable, est-ce que l'Indonésie est véritablement libre, s'est demandé le pétitionnaire? L'homme fort de Jakarta a maintenu sa mainmise sur son peuple et sur une autre nation souveraine qu'il a occupé il y a plus de vingt ans. La sortie honteuse de Suharto confirme la non- reconnaissance par les Nations Unies de cette annexion. Il nous faut maintenant accélérer le démantèlement de l'empire de Suharto. La nomination de son fils spirituel n'est pas de bon augure. Il reste encore des prisonniers politiques alors que le Président actuel avait promis la libération de tous les prisonniers.

L'autodétermination viendra même si des pays comme le Royaume Uni continuent de vendre des armes à l'Indonésie, trahissant la cause timoraise. Les gouvernements de l'ANASE commencent à céder sous la pression populaire et cette attitude nouvelle s'étend jusqu'au Japon et à l'Australie. Le Comité peut accélérer le processus d'autodétermination en faisant appliquer les résolutions pertinentes. Nous demandons donc aux Nations Unies de mettre en place un groupe de travail permettant de définir les bases du processus d'autodétermination, d'établir un bureau permanent du Haut Commissariat pour les droits de l'homme à Dili, d'élargir le mandat du dialogue inter-timorais pour que tous les Timorais puissent y participer, d'étendre les pourparlers entre l'Indonésie et le Portugal sous l'égide des Nations Unies aux dirigeants timorais reconnus, d'envoyer une équipe de surveillance des droits de l'homme, d'évaluer la situation à la lumière des famines et de la sécheresse et de fournir une aide humanitaire.

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