COMMISSION JURIDIQUE: EN DEHORS DE SA COMPETENCE EXCLUSIVE, LA COUR NE DEVRAIT ETRE QU'UN SUPPLEANT AUX JURIDICTIONS NATIONALES
Communiqué de Presse
AG/J/218
COMMISSION JURIDIQUE: EN DEHORS DE SA COMPETENCE EXCLUSIVE, LA COUR NE DEVRAIT ETRE QU'UN SUPPLEANT AUX JURIDICTIONS NATIONALES
19971022 La limitation de la compétence de la cour facilitera son acceptation universelleRéunie sous la présidence de M. Peter Tomka (Slovaquie), la Sixième Commission (Commission juridique) a poursuivi ce matin l'examen de la question relative à la création d'une cour criminelle internationale. Dans ce cadre, elle a entendu les représentants des pays suivants : Autriche, Finlande, Jordanie, Suède, Liechtenstein, Vietnam, Indonésie, Croatie, Iran et Liban.
Les délégations ont insisté sur l'importance de la question de la complémentarité. Le statut de la cour devrait inclure des dispositions claires sur le principe de complémentarité, sur la base du principe de la souveraineté des Etats. A cet égard, de nombreuses délégations ont souligné qu'il incombe en premier lieu aux Etats de prévenir les violations du droit international et d'en réprimer les auteurs. Le recours à la compétence de la cour ne devra se faire qu'en cas d'absence ou de défaillance des juridictions nationales. Certains intervenants ont fait remarquer que la limitation de la compétence de la cour à un noyau de crimes exceptionnellement graves facilitera son acceptation universelle et accélèrera l'entrée en vigueur de son statut.
La Sixième Commission reprendra ses travaux demain, jeudi 23 octobre à partir de 10 heures.
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M. GERHARD HAFNER (Autriche) s'est félicité des progrès remarquables accomplis par le Comité préparatoire au cours de ses deux sessions de 1997, en parvenant à un consensus sur la définition des crimes, la saisine, la compétence inhérente, la complémentarité et certaines questions de procédure. On ne peut ignorer les progrès réalisés dans le domaine de la définition des crimes bien qu'il soit encore nécessaire d'approfondir la question. Concernant la question de la complémentarité, le représentant a reconnu que la délimitation entre la compétence des juridictions nationales et de la compétence de la future cour criminelle internationale est une question très complexe. Elle vise à établir un équilibre entre la compétence pénale traditionnelle et les nouvelles formes de compétence qui répondent aux attentes légitimes de l'humanité. La délégation autrichienne appuie le texte sur la complémentarité dans son état actuel, en dépit de sa nature complexe, car des améliorations peuvent toujours y être faites. Il est recommandé de simplifier et de rendre sa structure plus claire. M. Hafner s'est félicité par ailleurs du consensus concernant la création d'une chambre d'accusation au sein de la cour.
Mme MARJA LEHTO (Finlande) a subordonné le succès de la conférence diplomatique de Rome au respect de deux conditions : conserver le même esprit de coopération qui a prévalu jusqu'ici, et résister à la tentation d'alourdir le statut de la future cour avec trop de détails. Il serait souhaitable de se cantonner à de grands principes directeurs pour l'élaboration de son statut et de confier le soin de la préparation détaillée des dispositions à la cour elle-même ou à une conférence des pays parties à la cour. La conférence diplomatique pourrait servir à approfondir les questions de procédure, a ajouté M. Lehto.
Son Altesse royale, ZEID RAAD ZEID AL HUSSEIN (Jordanie) a déclaré que la création d'une cour criminelle internationale - entreprise la plus saine depuis la création de l'Organisation des Nations Unies elle-même - constitue un défi profond à la "stupidité humaine". En juin 1998, nous aurons l'occasion non seulement de prouver que la "stupidité générale" n'est pas invincible mais vulnérable, mais également qu'il est possible mettre en place un organe judiciaire compétent pour connaître du génocide ou d'autres crimes très graves, aussi bien pour établir les faits que pour rendre justice aux victimes. La Jordanie se félicite de ces efforts et, en particulier, des progrès réalisés par le Comité préparatoire au cours de sa session d'août dernier. Estimant par ailleurs qu'il est essentiel de parvenir à un consensus sur un instrument qui appliquera le principe de la complémentarité, M. Zeid al Hussein a expliqué qu'il ne faudrait pas renforcer les garanties visant à protéger les juridictions nationales. Un tel renforcement ferait perdre un temps considérable à l'Etat partie qui saisit la cour alors que la seule solution réaliste ne consisterait qu'à faire intervenir le Conseil de sécurité. Cela pourrait compromettre l'équilibre recherché entre l'indépendance de la cour et les obligations établies du Conseil de sécurité.
M. PER SALAND (Suède) s'est rallié à la déclaration du représentant des Pays-Bas, qui s'est exprimé au nom de l'Union européenne. Se félicitant des progrès réalisés cette année dans de nombreux domaines, le délégué a précisé
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qu'une approche novatrice est nécessaire pour combler les disparités entre différents systèmes légaux. Quand les différences ne sont pas très importantes, a poursuivi M. Saland, nous devons alors nous poser la question de savoir comment faire avancer efficacement le projet de création de la cour Cette façon de travailler a déjà donné d'excellents résultats pour différentes questions de procédure. Plusieurs propositions méritent notre attention et celle de Singapour, par exemple, concerne le pouvoir de blocage de l'action de la cour par le Conseil de sécurité. Celle des Etats-Unis d'autre part, porte sur l'authenticité des plaintes déposées par les Etats et par le Conseil de sécurité. La proposition de la France concerne la question de l'admissibilité, et celle de l'Allemagne, la définition de l'agression. Enfin, la délégation suédoise considère que la compétence de la cour doit se limiter à un noyau de crimes exceptionnellement graves et que son statut doit être allégé.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a déclaré que les travaux accomplis par le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale au cours de sa dernière session sont encourageants. Le Liechtenstein réitère qu'il est nécessaire que la cour criminelle internationale soit indépendante des organes politiques et en particulier du Conseil de sécurité. Elle pourra ainsi fonctionner sur la base du droit international, dont le renforcement est après tout l'objectif ultime des travaux en cours. La compétence de la cour devrait être limitée à un noyau dur de crimes, à savoir le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Sa compétence doit être fondée sur le principe de complémentarité. Une liste exhaustive des crimes relevant de la compétence de la cour devrait également assurer que tous les Etats acceptent la compétence exclusive de la cour sur ces crimes, lorsqu'ils deviennent parties au statut de la cour. Concernant les modalités de la conférence diplomatique, qui se tiendra à Rome en juin 1998 pour adopter le statut de la cour, M. Wenaweser a souhaité que le projet de résolution sur la question devra tenir compte de l'importance des questions en suspens et des intérêts de tous les participants au processus de création de la cour. En outre, le projet de résolution devrait également envisager la pleine participation des organisations non gouvernementales actives dans ce domaine.
M. PHAM TRUONG GIANG (Vietnam) considère que le concept de complémentarité est à la base du projet de cour criminelle internationale. Il estime aussi que la cour ne devrait pas se situer à un niveau supérieur aux juridictions nationales, ni les remplacer, son but étant de fournir des moyens différents pour punir les crimes exceptionnellement graves. La primauté des juridictions nationales devrait être garantie. La cour ne devrait initier sa procédure que lorsque la juridiction nationale aura échoué et avec l'accord des Etats qui l'auront créée.
Le Vietnam considère qu'un autre élément essentiel est la définition du noyau de crimes, instruits et jugés devant la cour. L'accord général des Etats créateurs sera nécessaire. La cour devra pouvoir juger certains crimes, au niveau international, sans faire double emploi avec les juridictions nationales.
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Le Vietnam soutient l'initiative visant à établir un fonds d'aide aux pays les moins avancés pour participer au processus de codification et de création de la cour.
M. ARIZAL EFFENDI (Indonésie) s'est félicité des travaux accomplis par le Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale et par les groupes de travail pertinents. Les délibérations au sein de ces organes ont permis de parvenir à un consensus sur des questions très complexes. Toutefois, il subsiste des questions qui exigent un examen approfondi en vue d'éliminer les divergences. La délégation indonésienne espère que les sessions du Comité préparatoire qui se tiendront en décembre 1997 et en avril 1998 contribueront largement à trouver un consensus sur les questions de la définition des crimes, le principe de la complémentarité, de la compétence, du rôle du Conseil de sécurité et de la saisine de la cour. Le succès de la conférence diplomatique de 1998 dépendra du consensus sur ces questions.
M. IVAN SIMONOVIC (Croatie) a estimé que la cour criminelle internationale devrait être un organe de dissuasion et contribuer à renforcer l'ordre juridique international. La Croatie estime que la cour devrait être créée par un traité international en tant qu'institution indépendante dotée de la personnalité juridique. L'indépendance de la cour contribuera certainement à son acceptation universelle et au renforcement de son autorité. A cette fin, le statut devrait refléter tous les systèmes juridiques importants. Les notions et normes juridiques dont le statut s'inspire devraient être harmonisées avec le droit international existant, afin d'éviter toute incompatibilité. L'autorité de la cour ne pourrait être efficace que si le statut lui garantit une entière indépendance vis-à-vis des organes politiques. De l'avis de M. Simonovic, il incombe en premier lieu aux Etats de prévenir les violations de droit international et de réprimer les auteurs de ces violations. En conséquence, le recours à la compétence de la cour ne devrait se faire qu'en cas d'absence ou de défaillance des juridictions nationales.
M. SAEID MIRZAEI YENGEJEH (Iran) considère que la limitation de la compétence de la cour facilitera aussi bien son acceptation par le plus grand nombre de pays que l'entrée en vigueur du statut. L'Iran souhaiterait toutefois que la cour soit compétente pour le génocide, les violations des lois et coutumes régissant les conflits armés internationaux, les manquements graves aux Conventions de Genève et l'agression. De plus, sa compétence devrait être limitée aux situations où les procédures nationales sont absentes ou inefficaces. Il faudrait également éviter les conflits de compétence. Enfin, la responsabilité du Conseil de sécurité de déterminer ce qui constitue un acte d'agression ne devrait pas influencer la cour. Celle-ci devrait être complètement indépendante du Conseil de sécurité et devrait pouvoir intervenir en cas d'agression quand bien même le Conseil de sécurité n'aurait pas réagi.
M. HICHAM HAMDAN (Liban) s'est félicité des progrès réalisés par l'élaboration du projet de statut de la future cour criminelle internationale. La Sixième Commission devrait insister sur une participation plus active de
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toutes les délégations, notamment les petits pays en développement. La cour criminelle internationale ne devrait pas s'ingérer dans les affaires intérieures des Etats. Aussi, est-il impératif de définir avec précision sa compétence. Le statut devrait mentionner le mécanisme de révision. Le représentant a mis l'accent sur la nécessité d'éviter un parallélisme des réunions sur la question afin de garantir une meilleure efficacité des travaux préparatoires et une participation plus active des petites délégations.
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