LA CONFERENCE DU DESARMEMENT POURSUIT SON DEBAT SUR LES QUESTIONS DONT ELLE DEVRA SE SAISIR EN 1997
Communiqué de Presse
CD/G/337
LA CONFERENCE DU DESARMEMENT POURSUIT SON DEBAT SUR LES QUESTIONS DONT ELLE DEVRA SE SAISIR EN 1997
19970123 Parmi les points de l'ordre du jour suggérés figurent le désarmement nucléaire, l'interdiction des matières fissiles et l'interdiction des minesGENEVE, le 23 janvier -- La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, les délégations de la France, de l'Autriche, de l'Allemagne, de l'Egypte, du Bangladesh et de la Belgique, qui ont présenté leurs vues sur les questions dont la Conférence du désarmement devrait se saisir au cours de sa session de 1997.
En effet, les consultations se poursuivent en ce qui concerne l'ordre du jour de la Conférence et son programme de travail, sur la base d'un projet proposé par le Président lors de la séance de mardi dernier, qui marquait l'ouverture de la session.
La France et l'Allemagne souhaitent que la Conférence du désarmement ouvre des négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires et autres dispositifs explosifs nucléaires. La France a notamment indiqué qu'elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser le lancement rapide de cette négociation et sa prompte conclusion. Elle estime en revanche que s'engager dans la voie qui conduit à la création d'un comité spécial sur l'ensemble des questions du désarmement nucléaire pose problème.
Le représentant de l'Egypte a également souhaité la négociation d'une convention sur les matières fissiles soulignant toutefois qu'une interdiction de la production de matières fissiles qui ne tiendrait pas compte des stocks accumulés par certains Etats ne serait qu'une «demi- mesure». Il a observé que les Etats dotés d'armes nucléaires ne se sont pas encore engagés en faveur d'un calendrier déterminé de désarmement nucléaire et que, en dépit de la volonté majoritaire de la communauté internationale, le désarmement nucléaire continue de progresser lentement, ce qui semble indiquer que les Etats dotés d'armes nucléaires estiment encore que les armes nucléaires ont un rôle à jouer dans les relations internationales.
Le Bangladesh a également rappelé que le Groupe des 21 (pays non alignés membres de la Conférence) accorde la priorité, sans équivoque, à la question du désarmement nucléaire et à la création d'un comité spécial chargé des négociations sur cette question.
La France et l'Allemagne ont en outre souhaité que la conférence soit chargée, dès à présent, de négocier un traité d'interdiction des mines terrestres antipersonnel. L'Egypte a, pour sa part, estimé qu'une telle négociation devra aller de pair avec des mesures concrètes d'assistance en matière de déminage et tenir compte des besoins de certains pays en matière de sécurité.
À cet égard, l'Autriche a attiré l'attention sur la réunion d'experts sur les mines terrestres antipersonnel qui se tiendra à Vienne du 12 au 14 février 1997 et qui fait suite à la Conférence d'Ottawa sur la question, qui s'est tenue en octobre 1996. L'Autriche présentera, à cette occasion, un projet de traité.
Pour sa part, la Belgique a souligné que le processus commencé à Ottawa sur l'interdiction des mines terrestres antipersonnel et l'examen de la question par la Conférence du désarmement sont parfaitement compatibles, à condition qu'elles se complètent et se renforcent mutuellement. Ainsi, la Conférence du désarmement pourrait être saisie à l'avenir afin d'élaborer par exemple un système de vérification. Il faut cependant éviter à tout prix que les travaux d'un processus, quel qu'il soit, ralentissent ou entravent les efforts qui sont entrepris ailleurs.
En fin de séance, la Conférence du désarmement a décidé d'autoriser le Népal et l'Arménie à participer à ses travaux à titre d'observateur.
La prochaine séance de la Conférence du désarmement aura lieu le jeudi 30 janvier. Elle entendra notamment, à cette occasion, les déclarations de M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, et du Ministre des affaires étrangères de l'Australie, M. Alexander Downer.
MME JOËLLE BOURGOIS (France) a souligné que l'«année qui s'ouvre doit être celle de nouvelles semailles». La Conférence du désarmement se trouve une fois de plus, comme en 1993, après la conclusion de la Convention d'interdiction des armes chimiques, au carrefour des chemins. À cet égard, la France mesure parfaitement les positions des uns et des autres en ce qui concerne l'ordre du jour et les respecte. Mais elle ne les juge pas a priori inconciliables. En effet, l'Assemblée générale a recommandé, en 1993, par consensus, que soit négocié dans l'instance la plus appropriée un traité non discriminatoire, multilatéral, internationalement et efficacement vérifiable, interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication des armes nucléaires. En mars 1995, la Conférence du désarmement a établi le mandat du Comité spécial chargé de négocier un traité sur la base de cette résolution. Pour sa part, la France a d'ores et déjà pris un certain nombre de mesures à titre national dans ce domaine. La France ne fabrique plus aujourd'hui de matière fissile qui soit utilisée dans les armes nucléaires. La France a réalisé un effort unique et sans équivalent dans la voie du désarmement nucléaire, qui s'inscrit dans le cadre d'une dissuasion fondée sur la stricte suffisance. Elle a donc déjà
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pris unilatéralement des engagements qui doivent faciliter l'heureux aboutissement de la négociation du traité sur les matières fissiles. Elle en attend autant des pays qui n'ont pas pris de tels engagements.
Mme Bourgois a estimé que seul un traité négocié à la Conférence du désarmement comme l'a été le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), pourra donner à ces engagements leur caractère universel. Un tel traité mettra fin à toute possibilité d'une relance quantitative de la course aux armements nucléaires, comme le TICE a mis un terme à la possibilité d'une relance qualitative. Si une négociation peut débuter sur les matières fissiles, la France fera ce qui est en son pouvoir pour favoriser son lancement rapide et sa prompte conclusion. En revanche, s'engager dans la voie qui conduit à la création d'un comité spécial en charge de l'ensemble des questions du désarmement nucléaire pose problème; la Conférence ne doit pas dupliquer les débats de la Première Commission et de ceux de la Commission du désarmement. En revanche, il existe une logique très claire dans la démarche qui consiste à faire de l'interdiction de matières fissiles la seconde négociation multilatérale de désarmement et de non-prolifération nucléaires après le TICE. C'est aujourd'hui la seule négociation susceptible de produire des fruits sur le double terrain du désarmement et de la non-prolifération. Il ne faut pas éluder cette «étape obligée», a déclaré Mme Bourgois.
Il appartient aussi à cette Conférence de s'interroger sur le second volet de sa mission, à savoir le volet conventionnel. Sur ce terrain également, la Conférence ne part pas de zéro et, là encore, les mesures prises à titre national par un certain nombre de pays dont la France signalent la voie à suivre. La France a adopté d'importantes mesures pour lutter contre le fléau que constituent les mines antipersonnel. Le 2 octobre 1996, la France renonçait à l'emploi des mines antipersonnel. La seule dérogation concerne le cas de nécessité absolue imposée par la sécurité des forces. La France souhaite un mandat explicite donné à la Conférence du désarmement pour négocier un accord sur les mines antipersonnel. Si la question comporte des aspects humanitaires, l'interdiction d'ensemble de ce type d'arme relève par nature de la Conférence du désarmement. La Conférence devra rechercher un accord progressif et par étapes, avec des mesures négociées l'une après l'autre, L'interdiction des transferts devrait constituer la première étape, car la plus aisée. La France préfère un traité efficace, même s'il est plus long à obtenir, qu'un accord rapide mais inutile. L'efficacité suppose en particulier qu'une place soit faite à la vérification. Seule la Conférence du désarmement possède l'expertise nécessaire pour répondre à ce défi. Elle doit mettre sur pied sans délai un comité spécial chargé de négocier une interdiction globale des mines antipersonnel dans le cadre d'une approche par étapes.
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M. HARALD KREID (Autriche) a rappelé qu'une réunion d'experts sur les mines terrestres antipersonnel se tiendra à Vienne du 12 au 14 février. Le Gouvernement autrichien a souhaité inviter les gouvernements à participer à cette réunion afin de contribuer à mettre fin à ce fléau qui cause tant de souffrances. Pour sa part, le Parlement autrichien a récemment adopté une loi interdisant l'utilisation, la production, le stockage et le transfert des mines terrestres antipersonnel par l'Autriche, qui a déjà détruit tous ses stocks en 1995. M. Kreid a encouragé les autres Etats à faire de même.
L'Autriche, qui appuie fermement le processus d'Ottawa, tient à souligner que la réunion de Vienne ne préjuge en rien de la position respective des Etats participants en ce qui concerne l'instance la plus appropriée pour l'examen de la question des mines terrestres antipersonnel.
M. Kreid a déclaré que, eu égard au succès limité de la Conférence d'examen de la Convention sur certaines armes classiques en 1996, l'Autriche estime urgent de parvenir à un accord international juridiquement contraignant interdisant l'utilisation, la production, le stockage et le transfert des mines. Convaincue, à la suite de la Conférence d'Ottawa en octobre dernier, que l'élaboration d'un tel traité est du domaine du possible, l'Autriche a préparé un premier projet qui a été accueilli avec intérêt à Ottawa. Un nouveau projet sera examiné à Vienne et l'Autriche estime que des discussions informelles sur une convention pourraient sauver du temps - et des vies humaines.
M. WOLFGANG HOFFMANN (Allemagne) s'est félicité que le projet d'ordre du jour proposé par le Président de la Conférence du désarmement comprenne les questions auxquelles la Conférence a porté beaucoup d'attention par le passé, notamment les questions relatives à la transparence dans les armements et les garanties négatives de sécurité, sur lesquelles la Conférence devrait se pencher sans plus tarder. Le représentant a estimé que l'ordre du jour proposé devrait permettre de parvenir rapidement à un accord sur le programme de travail de la session. L'Allemagne accorde un rang de priorité élevé à deux points de l'ordre du jour, à savoir, l'interdiction de la production des matières fissiles destinées à la production d'armes nucléaires et l'interdiction des mines terrestres antipersonnel. La Conférence du désarmement devrait commencer ses négociations de fond sur ces questions dès à présent.
En effet, la prochaine étape dans le domaine du désarmement doit concerner un traité multilatéral et effectivement vérifiable sur les matières fissiles visant à plafonner la quantité de matières fissiles disponibles pour la fabrication d'armes nucléaires. Un tel traité constituerait un complément nécessaire au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. L'Allemagne attache la plus grande importance au commencement immédiat de négociations sur un traité d'interdiction.
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En ce qui concerne la question des mines terrestres antipersonnel, l'Allemagne, qui, en avril 1996, a renoncé unilatéralement et sans conditions à l'utilisation de ces armes, a annoncé un programme dont l'objectif principal est l'interdiction internationale des mines terrestres antipersonnel. Le Gouvernement allemand est fermement attaché à la conclusion, dans les plus brefs délais, d'un instrument international juridiquement contraignant sur les mines terrestres antipersonnel. Il est disposé à y contribuer par tous les moyens et dans le cadre de toute instance appropriée. Il estime toutefois que la Conférence du désarmement, de par son caractère universel et l'expérience qu'elle a acquise en matière de négociation, doit être mise pleinement à contribution dans les efforts pour conclure une convention sur les mines. Les discussions devraient donc commencer dès à présent sur les meilleurs moyens d'y parvenir, comme le souhaite un grand nombre d'Etats. La conclusion d'une convention sur les mines est non seulement une urgence humanitaire, mais touche aussi aux questions de limitation des armements.
M. Hoffmann a par ailleurs estimé que le Groupe de travail sur les mesures de vérification de la Convention sur l'interdiction des armes biologiques devrait accélérer ses négociations pour parvenir à un protocole de vérification dès 1998. S'agissant de la composition de la Conférence du désarmement, le représentant allemand s'est dit favorable à son élargissement aux Etats qui en ont fait la demande.
M. MOUNIR ZAHRAN (Egypte) a souligné, dans le cadre des travaux de la Conférence en 1997, l'importance qu'accordent les Etats non dotés d'armes nucléaires, dont l'Egypte, à la question du désarmement nucléaire, qui est à l'étude depuis plusieurs années. La communauté internationale a su interdire les armes chimiques et les armes biologiques, mais pas les armes nucléaires qui sont sans doute les armes de destruction massive les plus dévastatrices de toutes. Le représentant égyptien a observé que les Etats dotés d'armes nucléaires ne se sont pas encore engagés en faveur d'un calendrier déterminé de désarmement nucléaire pour parvenir à l'objectif ultime déclaré d'un désarmement nucléaire complet. En dépit de la volonté majoritaire de la communauté internationale, le désarmement nucléaire continue de progresser lentement, ce qui semble indiquer que les Etats dotés d'armes nucléaires estiment encore que les armes nucléaires ont un rôle à jouer dans les relations internationales. Le représentant a rappelé que son pays a soumis le 8 août 1996, au nom du Groupe des 21, un «Programme d'action sur l'élimination des armes nucléaires», qui comprend des mesures concrètes à mettre en oeuvre par le Comité spécial.
Soulignant que les mesures prévues par le Traité sur la non-prolifération nucléaire sont insuffisantes pour garantir les Etats non dotés d'armes nucléaires contre l'emploi ou la menace nucléaire, du fait qu'elles ne sont pas juridiquement contraignantes, M. Zahran a fait valoir qu'une interdiction de la production de matières fissiles qui ne
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tiendrait pas compte des stocks accumulés par certains Etats ne serait qu'une «demi-mesure» de non-prolifération et ne constituerait pas un progrès vers le désarmement nucléaire. Sur cette base, l'Egypte souhaite la négociation d'une convention sur les matières fissiles dans le cadre du comité spécial dont la création a été demandée par le Groupe des 21.
En ce qui concerne la question des mines terrestres antipersonnel, l'Egypte estime que les mesures visant à réduire le nombre de mines devraient aller de pair avec des mesures concrètes pour aider les pays qui ne sont pas en mesure de le faire de procéder au déminage en leur fournissant un appui technique et financier. Les négociations dans ce domaine doivent aussi prendre en compte le droit légitime des Etats à assurer leur propre sécurité, en particulier s'agissant d'Etats qui ont des frontières qui traversent de vastes régions peu peuplées et qui doivent lutter contre la contrebande d'armes et de drogues dont le but est de miner la stabilité nationale et la sécurité en favorisant le terrorisme et les activités criminelles transfrontières.
M. IFTEKHAR CHOWDHURY (Bangladesh) a souligné que la Conférence du désarmement ne saurait aborder toutes les questions de son ordre du jour en même temps. Il a estimé que l'attention devrait être portée sur une ou deux questions à discuter dans le cadre de comités spéciaux, les autres pouvant être discutées en plénière en préparation à un examen futur.
Le Groupe des 21 accorde la priorité, sans équivoque, à la question du désarmement nucléaire et à la création d'un Comité spécial chargé des négociations sur cette question. L'engagement du Bangladesh en faveur du désarmement nucléaire a été démontré par son adhésion au Traité sur la non- prolifération nucléaire et au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires en dépit des lacunes qu'ils comportent et des préoccupations du Bangladesh en ce qui concerne les obligations financières des Etats parties en vertu de ces Traités.
Pour sa part, le Bangladesh ne ménagera aucun effort pour que la Conférence puisse se mettre d'accord sur un programme de travail et un ordre du jour.
M. CARL PEETERS (Belgique) a souligné le large consensus en faveur d'une interdiction globale des mines antipersonnel. La question qui doit préoccuper la Conférence du désarmement est de savoir comment parvenir dans les meilleurs délais à cette interdiction. Dès le début, la Belgique s'est activement engagée dans le processus commencé à Ottawa. C'est la raison pour laquelle elle s'est portée candidate pour organiser la Conférence de suivi à Bruxelles en juin 1997. Un certain nombre de pays ont souhaité récemment que l'élaboration de ce traité soit confiée à la Conférence du désarmement afin d'y associer le maximum d'Etats.
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La Belgique tient à souligner, quant à elle, que les deux méthodes de travail sont parfaitement compatibles, à condition qu'elles se complètent et se renforcent mutuellement, ou, en d'autres termes, à condition que chaque approche soit une approche constructive. La Belgique reconnaît que la Conférence du désarmement puisse être saisie à l'avenir afin d'élaborer par exemple un système de vérification. Il faut cependant éviter à tout prix que les travaux d'un processus, quel qu'il soit, ralentissent ou entravent les efforts qui sont entrepris ailleurs. Ceci nous éloignerait du but final à atteindre. Et même si chaque processus a sa propre façon d'aborder la question, notre objectif final reste le même : l'interdiction globale et universelle des mines antipersonnel. D'où l'importance qu'attache la Belgique au processus engagé à Ottawa dont l'objectif reste inchangé : obtenir à court terme un traité interdisant les mines antipersonnel.
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