En cours au Siège de l'ONU

DH/G/474

LE COMITE CONTRE LA TORTURE CONCLUT LES TRAVAUX DE SA DIX-SEPTIÈME SESSION

25 novembre 1996


Communiqué de Presse
DH/G/474


LE COMITE CONTRE LA TORTURE CONCLUT LES TRAVAUX DE SA DIX-SEPTIÈME SESSION

19961125 COMMUNIQUE FINAL DH/G/474

Genève, 22 novembre -- Le Comité contre la torture a conclu, ce matin, les travaux de sa dix-septième session, qui se tient à Genève depuis le 22 novembre 1996.

Au cours de la session, le Comité a examiné les rapports présentés par le six États parties suivants: Algérie, Fédération de Russie, Géorgie, Pologne, République de Corée et Uruguay.

S'agissant du rapport de l'Algérie, le Comité salue l'engagement affirmé par l'Algérie en faveur de la protection des droits de l'homme. Il se félicite en particulier de la fermeture des centres de détention. Le Comité reconnaît que l'Algérie est confrontée à un phénomène de violence endémique et multiforme, mais rappelle qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture. Des mesures doivent être prises pour empêcher que les forces de sécurité ne prennent des décisions pouvant porter atteinte aux libertés individuelles. Le Comité s'inquiète de la recrudescence de la torture depuis 1991.

Le Comité se félicite de l'adoption, par la Fédération de Russie, d'un nouveau code pénal et estime que des mesures «dans la bonne direction» ont été prises, mais le processus est trop lent, de l'avis du Comité. La situation des droits de l'homme en Tchétchénie préoccupe vivement le Comité. Il recommande que soit établi un organe indépendant chargé d'enquêter sur les plaintes de torture qui auraient été commises par les membres des forces armées russes et par les séparatistes tchétchènes. Des mesures doivent aussi être prises pour lutter contre la surpopulation dans les prisons.

S'agissant de la Géorgie, le Comité salue la politique adoptée par le Gouvernement de mettre en oeuvre des réformes structurelles visant à aligner la législation avec les dispositions de la Convention et salue la création du poste de défenseur du peuple. Le Comité note toutefois l'absence de bonne volonté de la part de la bureaucratie pour appuyer les réformes. Le Comité exprime sa préoccupation devant le nombre important de plaintes pour torture et regrette l'incapacité des autorités à enquêter rapidement sur ces plaintes et à poursuivre les contrevenants. Le Comité est préoccupé par les conditions inadéquates qui règnent dans les lieux de détention.

Dans ses observations sur le rapport de la Pologne, le Comité note avec satisfaction les progrès accomplis par ce pays dans la lutte contre les différentes formes d'actes de torture, mais s'inquiète de certaines insuffisances des textes en vigueur pour combattre la torture. Le Comité déplore l'existence dans la législation polonaise de textes qui permettent l'utilisation de la force physique, notamment sur les mineurs. Il recommande que la période de détention préventive soit raccourcie et que la possibilité de la prolonger pendant deux ans soit abolie. Le Comité recommande d'entreprendre et de faire diligenter les enquêtes objectives sur les agissements des forces du maintien de l'ordre.

Le Comité salue les changements positifs intervenus en République de Corée depuis l'instauration d'un régime démocratique en 1993 et note des améliorations dans le respect des droits de l'homme. Il salue en outre l'amnistie accordée à de nombreux prisonniers mais exprime sa vive préoccupation en ce qui concerne les nombreuses informations en provenance d'organisations non gouvernementales selon lesquelles de nombreuses personnes soupçonnées de «crimes politiques» sont soumises à une «procédure de torture» pendant la période d'interrogation en vue d'obtenir des confessions ou des témoignages.

Le Comité salue, en ce qui concerne l'Uruguay, le projet relatif au «Crime de lèse humanité» et les propositions qui ont été faites dans le domaine de l'amélioration des conditions de détention dans les institutions pénitentiaires mais regrette la lenteur dans l'application effective des mesures législatives de prévention de la torture. Il déplore les atermoiements de l'État pour se conformer aux recommandations formulées par le Comité lors de l'examen du rapport initial. Le Comité demande en particulier à l'État partie d'abroger les dispositions qui reconnaissent le principe du devoir d'obéissance à un supérieur, dispositions qui sont incompatibles avec la Convention.

Une déclaration a par ailleurs été faite, le 19 novembre, par le Président du Comité contre la torture au nom du Comité après avoir examiné, en séance privée, les informations parues dans la presse faisant état d'une décision de la Cour Suprême d'Israël relative à l'usage de la force lors des interrogatoires de suspects. Le Comité rappelle que, dans les observations qu'il a adoptées après l'examen du rapport initial d'Israël, il avait estimé que le rapport de la Commission Landau, qui permettait l'emploi de «pressions physiques modérées» était inacceptable. Il estime par conséquent que la décision qui aurait été prise par la Cour suprême d'Israël est contraire aux observations adoptées par le Comité. Il rappelle que, aux termes de la Convention, nonobstant toute décision de justice, aucune circonstance ne peut justifier le recours à la torture.

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CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SUR LES RAPPORTS EXAMINÉS

Algérie

Dans ses observations et recommandations sur l'application de la Convention en Algérie, le Comité salue l'engagement affirmé par l'Algérie en faveur de la protection des droits de l'homme. Il salue certaines mesures législatives qui ont été adoptées récemment, notamment en ce qui concerne la limitation de la durée de la détention préventive. Le Comité se félicite de la création de l'institution du Médiateur de la République, ainsi que de la fermeture des centres de détention.

Le Comité reconnaît que l'Algérie est confrontée à un phénomène de violence endémique et multiforme, et constate que l'application effective de la Convention rencontre des obstacles. Il rappelle toutefois qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture. Des mesures doivent être prises pour empêcher que les forces de sécurité ne prennent des décisions pouvant porter atteinte aux libertés individuelles. Le Comité demande à l'Algérie de veiller à ce qu'il soit immédiatement procédé à une enquête objective lorsque qu'il existe des raisons raisonnables de croire que des actes de torture sont commis sur le territoire sous sa juridiction et à la publication des résultats.

Le Comité exprime sa préoccupation en ce qui concerne la possibilité de prolonger la garde à vue pour une durée pouvant aller jusqu'à 12 jours et s'inquiète des décrets de 1992 qui permettent d'ordonner des détentions administratives sans contrôle judiciaire. Tout en se félicitant qu'aucune exécution de la peine capitale n'ait été appliquée depuis 1993, le Comité exprime sa préoccupation devant les informations en provenance d'organisations non gouvernementales qui font état d'exécutions extrajudiciaires et des disparitions. Le Comité s'inquiète de la recrudescence de la torture depuis 1991 alors qu'elle avait pratiquement disparu entre 1989 et 1991.

Fédération de Russie

Le Comité salue le fait que la Constitution de la Fédération de Russie comporte les garanties concrètes nécessaires à la sauvegarde des droits de l'homme, y compris en ce qui concerne la sécurité de l'individu, la protection de son intégrité et l'interdiction de la torture. Le Comité se félicite de l'adoption d'un nouveau code pénal et estime que la création de la Commission présidentielle des droits de l'homme et de l'institution de l'ombudsman sont autant de mesures «dans la bonne direction». Il recommande toutefois la pénalisation de la torture et insiste sur l'importance de prévoir un châtiment sévère qui soit à la mesure du crime que constitue la torture. La «rupture avec le passé» a laissé un vide institutionnel difficile à combler, constate le Comité, qui note que l'appareil d'État résiste au changement. Le processus d'harmonisation entre la législation et les dispositions constitutionnelles dans le domaine des droits de l'homme est trop lent de l'avis du Comité.

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La situation des droits de l'homme en Tchétchénie préoccupe vivement le Comité, qui regrette que les allégations de violations n'aient pas été suivies de mesures concrètes. Il recommande que soit établi un organe indépendant chargé d'enquêter sur les plaintes de torture qui auraient été commises par les membres des forces armées russes et par les séparatistes tchétchènes.

Le Comité estime que l'allocation de ressources additionnelles pour l'amélioration des conditions de détention dans les prisons constitue un progrès. Des mesures doivent toutefois être prises pour lutter contre la surpopulation dans les prisons, qui est aggravée par les mauvaises conditions sanitaires. Le Comité exprime sa préoccupation devant les décrets présidentiels adoptés ces dernières années qui permettent la détention de suspect pour des période pouvant aller jusqu'à 30 jours. Une durée aussi longue de détention en garde à vue donne la possibilité d'abuser des droits des détenus, souligne le Comité, qui recommande que la garde à vue ne dépasse pas 48 heures.

Géorgie

S'agissant du rapport de la Géorgie, le Comité salue la politique adoptée par le Gouvernement de mettre en oeuvre des réformes structurelles visant à aligner la législation avec les dispositions de la Convention. Il salue notamment la création du poste de défenseur du peuple. Le Comité note toutefois l'absence de bonne volonté de la part de la bureaucratie pour appuyer les réformes. Le Comité regrette le «découplage» entre les règles de protection des droits de l'homme et leur mise en oeuvre.

Le Comité contre la torture exprime sa préoccupation devant le nombre important de plaintes pour torture. Il regrette l'incapacité des autorités à enquêter rapidement sur ces plaintes et à poursuivre les contrevenants. Les dispositions en matière d'indemnisation sont, de l'avis du Comité, insuffisantes. Le Comité est préoccupé par les conditions inadéquates qui règnent dans les lieux de détention, comme en témoigne l'importance du nombre de décès en cours de détention.

Parmi ses recommandations, le Comité demande notamment à la Géorgie d'incorporer dans son code pénal une définition de la torture qui soit conforme aux dispositions du Pacte. Il recommande que la durée de la détention au secret soit réduite. Des programmes sérieux de formation doivent être mis en oeuvre à l'intention des agents de police, des gardiens de prison, des juges, des procureurs, dans le but de prévenir la torture. Selon le Comité, davantage de ressources doivent être consacrées à l'amélioration des conditions de détention dans les prisons y compris en ce qui concerne un service médical adéquat.

- 5- DH/G/474 25 novembre 1996

Pologne

Dans ses observations sur le rapport de la Pologne, le Comité note avec satisfaction les progrès accomplis par ce pays dans la lutte contre les différentes formes d'actes de torture, mais s'inquiète de certaines insuffisances des textes en vigueur pour combattre la torture. Le Comité s'inquiète également que la législation polonaise permet des durées de la détention préventive qui pourraient se révéler excessives. Le Comité déplore l'existence dans la législation polonaise de textes qui permettent l'utilisation de la force physique, notamment sur les mineurs.

Le Comité recommande au Gouvernement de poursuivre ses efforts pour entreprendre d'autres réformes législatives et qu'un contrôle soit exercé sur la garde à vue et de la détention préventive. Il recommande que la période de détention préventive soit raccourcie et que la possibilité de la prolonger pendant deux ans soit abolie. Le Comité recommande d'entreprendre et de faire diligenter les enquêtes objectives sur les agissements des forces du maintien de l'ordre, pour établir la véracité des allégations d'actes de torture, et au cas où les résultats sont positifs, de faire traduire les auteurs devants les tribunaux.

Le Comité recommande que les déclarations obtenues directement ou indirectement sous la torture ne soient pas invoquées comme éléments de preuve devant les juridictions. Il recommande d'envisager l'abolition dès que possible des normes qui permettent l'usage de la force physique quel que soit le motif. Le Comité demande enfin que, pendant les 48 heures de garde à vue, les suspects aient facilement accès à un avocat, un médecin ou un membre de la famille.

République de Corée

Le Comité salue les changements positifs intervenus en République de Corée depuis l'instauration d'un régime démocratique en 1993 et note des améliorations dans le respect des droits de l'homme. Il salue en outre l'amnistie accordée à de nombreux prisonniers.

Le Comité exprime sa vive préoccupation en ce qui concerne les nombreuses informations en provenance d'organisations non gouvernementales selon lesquelles de nombreuses personnes soupçonnées de «crimes politiques» sont soumises à une «procédure de torture» pendant la période d'interrogation en vue d'obtenir des confessions ou des témoignages. Le Comité souligne que les allégations de mauvais traitements de prisonniers devraient être suivies d'enquêtes sérieuses afin de condamner les responsables de tels actes. L'État partie devrait revoir l'ensemble de sa législation en vue d'assurer sa compatibilité avec les instruments internationaux en matière de droits de l'homme.

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La nécessité d'une formation dans le domaine des droits de l'homme à l'intention des fonctionnaires de police et des juges, qui mette l'accent en particulier sur le caractère criminel des actes de torture, est soulignée par le Comité. Il recommande la création d'un organe indépendant chargé de l'inspection des lieux de détention. Il souhaite également que les cas de mauvais traitement qui ont été portés à son attention soient dûment suivis d'enquêtes dont les résultats devraient lui être transmis. La durée de la détention provisoire, qui peut s'étendre du 50 jours, est, de l'avis du Comité, trop longue et devrait être réduite à 48 heures, comme il est de coutume.

Uruguay

Le Comité constate que le rapport de l'Uruguay rend compte d'initiatives montrant la volonté des autorités d'harmoniser la législation afin de la rendre conforme aux dispositions de la Convention. Il salue en particulier le projet relatif au «Crime de lèse humanité» et les propositions qui ont été faites dans le domaine de l'amélioration des conditions de détention dans les institutions pénitentiaires.

Le Comité contre la torture regrette la lenteur dans l'application effective des mesures législatives de prévention de la torture. Il déplore l'interruption, en 1992, de l'accord technique entre le Centre pour les droits de l'homme et le Ministère des affaires étrangères dans le domaine de la promotion des droits de l'homme et de la formation des agents de l'État. Le Comité déplore également les atermoiements de l'État pour se conformer aux recommandations formulées lors de l'examen du rapport initial.

Dans ses recommandations à l'Uruguay, le Comité souligne qu'il est nécessaire d'introduire des modifications dans la législation pour que le droit interne soit conforme aux dispositions de la Convention. Il faut aussi déployer des efforts pour améliorer les mesures préventives et renforcer les mesures de protection en faveur des détenus. Le Comité demande en particulier à l'État partie de prévoir une définition de la torture en tant que délit spécifique, conformément aux dispositions de la Convention, et d'abroger les dispositions qui reconnaissent le principe du devoir d'obéissance à un supérieur, dispositions qui sont incompatibles avec la Convention.

Déclaration sur Israël

Dans une déclaration par le Président du Comité contre la torture, rendue publique à la suite d'une réunion privée au cours de laquelle il s'est penché sur une décision de la Cour Suprême d'Israël relative à l'usage de la force lors des interrogatoires de suspects, le Comité rappelle que, dans les observations qu'il a adoptées après l'examen du rapport initial d'Israël, il avait estimé que le rapport de la Commission Landau, qui permettait l'emploi de «pressions physiques modérées» était inacceptable. Le Comité estime par conséquent que la décision qui aurait été prise par la Cour suprême d'Israël

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est contraire aux observations adoptées par le Comité et rappelle que, selon la Convention, nonobstant toute décision de justice, aucune circonstance ne peut justifier le recours à la torture.

Communications

Le Comité a également examiné, au cours de séances à huis clos, les «communications» qui lui sont soumises par des particuliers qui se plaignent d'être victimes de la violation d'une ou plusieurs dispositions de la Convention par un État partie ayant expressément reconnu la compétence du Comité à cet égard. Au stade actuel, 36 pays, sur les 100 États parties à la Convention, ont reconnu la compétence du Comité en la matière. Les décisions du Comité concernant l'examen des communications seront rendus publiques ultérieurement.

États parties à la Convention

Les 100 États suivants ont ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants: Afghanistan, Albanie, Algérie, Allemagne, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Arménie, Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Bélarus, Bélize, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Bulgarie, Burundi, Cambodge, Cameroun, Canada, Cap-Vert, Chili, Chine, Chypre, Colombie, Costa Rica, Côte d'Ivoire, Croatie, Cuba, Danemark, Égypte, El Salvador, Équateur, Espagne, Estonie, États-Unis, Éthiopie, ex-République Yougoslave de Macédoine, Fédération de Russie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Guatemala, Guinée, Guyane, Hongrie, Islande, Israël, Italie, Jamahiriya arabe libyenne, Jordanie, Koweit, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, République de Moldova, Luxembourg, Malawi, Malte, Maroc, Maurice, Mexique, Monaco, Namibie, Népal, Norvège, Nouvelle-Zélande, Ouganda, Ouzbékistan, Panama, Paraguay, Pays-Bas, Pérou, Philippines, Pologne, Portugal, République de Corée, République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), République slovaque, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Sénégal, Seychelles, Slovénie, Somalie, Sri Lanka, Suède, Suisse, Tchad, Tadjikistan, Togo, Tunisie, Turquie, Ukraine, Uruguay, Venezuela, Yémen et Zaïre.

Composition du Comité

Le Comité est actuellement composé des 10 experts suivants: M. Peter Thomas Burns (Canada); M. Guibril Camara (Sénégal); M. Alexis Dipanda Mouelle (Cameroun); M. Alejandro Gonzalez Poblete (Chili); Mme Julia Iliopoulos-Strangas (Grèce); M. Ggorghios M. Pikis (Chypre); M. Mukunda Regmi (Népal); M. Bent Sorensen (Danemark); M. Alexander M. Yakovlev (Fédération de Russie) et M. Bostjan M. Zupancic (Slovénie).

Le Comité est présidé par M. Dipanda Mouelle. MM. Gonzalez Poblete, Sorensen et Yakovlev sont les Vice-Présidents. Le Rapporteur est Mme Iliopoulos-Strangas.

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