SG/SM/6018

LE MONDE A BESOIN D'UNE AFRIQUE QUI GAGNE! D'UNE AFRIQUE QUI SE DEVELOPPE! D'UNE AFRIQUE QUI PARTICIPE, A PART ENTIERE, AUX DEFIS DU MONDE CONTEMPORAIN!

8 juillet 1996


Communiqué de Presse
SG/SM/6018


LE MONDE A BESOIN D'UNE AFRIQUE QUI GAGNE! D'UNE AFRIQUE QUI SE DEVELOPPE! D'UNE AFRIQUE QUI PARTICIPE, A PART ENTIERE, AUX DEFIS DU MONDE CONTEMPORAIN!

19960708

On trouvera ci-après le texte de l'allocution que le Secrétaire général, M. Boutros Boutros Ghali, a prononcé le 8 juillet 1996 à Yaoundé, Cameroun, au trente-deuxième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine :

Permettez-moi tout d'abord de dire toute la joie que j'éprouve à l'occasion de cette rencontre, que j'attends chaque année avec autant d'honneur que de fierté.

Honneur, parce que je suis profondément reconnaissant au continent africain de la confiance qu'il m'a accordée en faisant de moi son représentant à un niveau élevé de la hiérarchie internationale.

Fierté aussi, d'appartenir à ce vieux continent qui a vu le brassage des civilisations et des religions, appartenance qui impose de faire siennes les valeurs profondes qui sont le propre de chaque Africaine et de chaque Africain, fiers d'appartenir à l'Afrique et fiers de consacrer tous leurs efforts au service du progrès et de la prospérité de leur continent.

C'est pour moi un véritable privilège que de prendre la parole devant cette réunion au sommet des États d'Afrique.

Je tiens à remercier S. E. le Président Paul Biya et par sa personne, le Gouvernement et le peuple camerounais, de leur hospitalité. Monsieur le Président, nous attendons beaucoup de votre direction éclairée de l'Organisation de l'unité africaine. Votre expérience des affaires internationales, votre sagesse et vos talents de diplomate nous rassurent : l'Afrique est en bonnes mains.

- - SG/SM/6018 8 juillet 1996(à suivre) Permettez-moi aussi d'exprimer ma sincère gratitude au précédent Président de l'Organisation de l'unité africaine, S. E. M. Meles Zenawi, Premier Ministre de la République fédérale

démocratique d'Éthiopie. Tout au long de votre présidence, Monsieur, l'OUA a pu compter sur vos compétences politiques et votre souci constant des intérêts supérieurs de notre continent. En vous, l'OUA a trouvé un dirigeant avisé, et l'Organisation des Nations Unies, un ami approche.

Mais ce n'est pas tout. Je me dois aussi de rendre hommage au dévouement et à la compétence de S. E. M. Salim Ahmed Salim, Secrétaire général de l'OUA. Son dévouement et sa sagesse de dirigeant sont des exemples pour nous tous.

En tant qu'Africain et en tant que Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, j'ai souvent eu l'occasion de parler de l'importance de l'Afrique, de la nécessité impérieuse de renverser la tendance à la marginalisation de l'Afrique, de lui redonner la place qui lui revient dans la communauté internationale en tant que continent réputé pour sa richesse, sa sagesse et ses valeurs morales.

Plus que tout autre continent, l'Afrique a souffert des tendances au séparatisme ethnique qui ont marqué l'après-guerre froide. Plus que tout autre continent, l'Afrique a payé un lourd tribut à la mondialisation des échanges et des courants financiers internationaux. Plus que tout autre continent, l'Afrique a été laissée à l'abandon et a souffert de ce que j'ai appelé la "lassitude des donateurs".

Dans de nombreuses instances internationales et tout récemment à la réunion du Groupe des Sept à Lyon, j'ai lancé un appel en faveur d'une action internationale concertée en faveur de l'Afrique.

Je crois que l'Afrique peut apporter une contribution sans prix à l'avenir. Les Africains ont administré la preuve de leur intérêt et de leur compétence dans le contexte des importantes réflexions conduites par la communauté internationale. Ils ont en particulier participé de manière positive au large débat relatif au rôle et à la réforme du système des Nations Unies.

Comme vous le savez, j'ai participé personnellement à ces réformes, tant au niveau conceptuel que sur le plan structurel.

Au niveau conceptuel, j'ai préconisé une approche globale des questions mondiales ainsi qu'une stratégie globale pour faire face aux grands problèmes de l'heure. Dans ce contexte, l'ONU a organisé plusieurs conférences mondiales : à Rio, sur l'environnement; à Vienne, sur les droits de l'homme; au Caire, sur la population; à Copenhague, sur le développement social; à Beijing, sur les femmes et, tout récemment, à Istanbul, sur l'avenir de nos villes. Des Africains ont conduit l'organisation de trois de ces six conférences. Ce cycle de conférences et de sommets mondiaux a largement contribué à façonner un nouveau fondement et un nouveau cadre pour la coopération pour le développement. Conformément à cette approche, l'ONU a tenu des réunions d'importance vitale en Afrique : la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement à Midrand, en Afrique du Sud; et, il y a quelques mois, à Nairobi, au Kenya, la session du Comité administratif de coordination, réunion d'orientation générale de tous les chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies.

Cette grande réflexion sur l'avenir de notre société mondiale ne saurait être dissociée d'une réflexion sur le rôle de l'Organisation qui est censée la servir. C'est pourquoi j'ai entrepris une réforme de l'Organisation des Nations Unies afin d'adapter l'Organisation mondiale aux défis qui nous attendent. Là aussi, la contribution de l'Afrique aux ateliers consacrés à la réforme s'est révélée d'une valeur inestimable.

Sur le plan structurel, la réforme de l'Organisation des Nations Unies a été articulée autour de deux axes : consolidation et amélioration du rapport coût-efficacité. En simplifiant les structures, en réduisant le nombre de postes de rang élevé et les effectifs, j'entends améliorer

l'efficacité, la transparence et la responsabilité du Secrétariat. Ces changements d'ordre structurel devraient aussi avoir pour effet d'améliorer la cohérence des politiques en favorisant la coordination entre les programmes et fonds de l'Organisation.

Ces initiatives devraient être suivies de réformes au niveau intergouvernemental ainsi que d'un nouveau consensus concernant les politiques générales entre les gouvernements pour ce qui est de l'orientation des travaux de l'ONU. Je suis persuadé que l'OUA, en tant qu'élément clef du Groupe des 77, peut jouer un rôle moteur dans ce processus.

Au niveau des pays, je me suis surtout attaché au renforcement du rôle du Coordonnateur résident et à l'élargissement de la coopération avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Cette coopération revêt une importance capitale si l'on veut passer des secours au développement.

Je ne saurais insister assez sur l'importance d'une approche concomitante de problèmes de l'Afrique, aussi bien dans les domaines de l'économie et du choix des grandes options que dans ceux de la conduite des affaires publiques ou du renforcement de la société civile. Il ne saurait y avoir de développement sans paix, ni de paix durable sans développement.

A ce propos, je tiens à souligner l'importance de la coopération entre l'OUA et l'ONU.

Dans le contexte de la création de la communauté économique africaine, de la mise en valeur des ressources humaines et de l'information, du développement de la culture, de la science et de la technologie, de l'alphabétisation, de la mise en oeuvre du nouvel Ordre du jour des Nations Unies pour le développement de l'Afrique, du commerce et des investissements, de l'application d'Action 21, de l'aide aux réfugiés, aux rapatriés et aux personnes déplacées, ainsi qu'aux États touchés par ce problème, de la paix, de la sécurité et de la démocratie, l'ONU et l'OUA ont accompli de grands progrès.

Je tiens en particulier à mettre en relief notre coopération dans le domaine de la diplomatie préventive, par la création, en 1993, du Mécanisme de l'OUA pour la prévention, la gestion et la résolution des conflits et la participation de l'OUA aux opérations de maintien de la paix.

Toutefois, les opérations de maintien de la paix ne devraient pas se faire au détriment des efforts de développement à plus long terme. Au contraire, elles participent de notre volonté d'imprimer un nouvel élan à l'aide au développement et à la coopération pour le développement.

C'est dans cet esprit que j'ai voulu lancer, le 15 mars dernier, l'Initiative spéciale du système des Nations Unies pour l'Afrique. Depuis trop longtemps, les Africaines et les Africains attendent que l'Organisation mondiale leur accorde, enfin, une réelle priorité. Aujourd'hui, pour la première fois, le système des Nations Unies tout entier s'engage à soutenir le développement de l'Afrique!

Tous nos organes, toutes nos institutions devront travailler ensemble. S'il revient à la Banque mondiale de rassembler l'essentiel des ressources nécessaires à ce projet global, il reste que chaque institution y participe à sa manière. Et selon ses compétences.

Qu'il s'agisse des organes subsidiaires de l'ONU, tels que le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, le Programme des Nations Unies pour l'environnement, le Fonds des Nations Unies pour la population, le Programme alimentaire mondial ou le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés.

Qu'il s'agisse encore des institutions spécialisées, telles que l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, l'Organisation mondiale de la santé, le Fonds international de développement agricole ou l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel.

C'est la plus vaste action jamais coordonnée par l'Organisation mondiale. Car cette Initiative veut favoriser un partenariat actif, non seulement avec les pays donateurs, mais aussi avec les gouvernements et les institutions africaines, au premier rang desquelles l'OUA.

L'Initiative spéciale, faut-il le rappeler, s'inspire largement des grands thèmes d'intervention prioritaire que vous avez définis, l'an dernier, au Caire, et qui paraissent essentiels pour mener, avec détermination, l'Afrique sur le chemin du développement auquel elle aspire.

Comme vous, je suis convaincu qu'il faut enfin "donner une chance au développement". Comme vous, je suis convaincu qu'il faut "donner un espoir nouveau aux générations montantes". Comme vous, je suis convaincu du nécessaire "renforcement des capacités institutionnelles". Comme vous, enfin, je sais combien il faut insister sur ce que l'Initiative spéciale appelle si justement "l'urgence de la survie".

C'est la raison pour laquelle je me suis félicité que le Président de l'OUA ait pu participer au lancement de notre Initiative spéciale. Par son geste, il a ainsi fortement témoigné de l'intérêt et de l'appui que les dirigeants africains portent à ce projet.

Pendant les 10 années qui viennent, ce projet aura pour objectif non seulement d'encourager la paix et la stabilité du continent africain, mais aussi d'insuffler un nouvel élan à l'action internationale pour le développement de l'Afrique, et de permettre enfin à notre continent de jouer le rôle et de prendre la place qui lui reviennent dans l'économie mondiale.

Car - je veux, ici, fortement le répéter devant vous - la mondialisation de l'économie internationale n'est légitime que si elle se traduit par une répartition plus juste et plus équitable des richesses, et par une participation égalitaire de tous!

A cet égard, je veux, à nouveau, réaffirmer que la mise en oeuvre de cette Initiative spéciale doit s'appuyer sur le règlement de questions essentielles telles que la sécurité alimentaire, la diversification de l'économie africaine, l'accès des productions de l'Afrique aux marchés étrangers et l'impérieuse résolution du problème de la dette.

Tous ces facteurs sont interdépendants. Ils doivent être pris en charge de façon concomitante. Et c'est bien là, à mes yeux, l'un des avantages essentiels de l'Initiative spéciale!

Mais, je veux aussi dire, de frère à frère, de frère à soeur, que l'Afrique doit compter sur elle-même. Elle doit puiser en elle-même les forces de son renouveau. Elle doit avoir confiance en son potentiel et en la valeur de ses filles et de ses fils. Elle doit prendre en main son propre destin et être l'instrument de son propre progrès!

Le monde a besoin d'une Afrique qui gagne! D'une Afrique qui se développe! D'une Afrique qui participe, à part entière, aux défis du monde contemporain! Dans cette tâche, je veux vous dire, de la manière la plus solennelle, que l'Afrique peut compter sur moi et sur l'ensemble du système des Nations Unies!

Vive l'Organisation de l'unité africaine! Vive l'Afrique!

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