ECOSOC/288

LE CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL DISCUTE DE LA COOPERATION INTERNATIONALE EN MATIERE DE STUPEFIANTS

25 juin 1996


Communiqué de Presse
ECOSOC/288


LE CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL DISCUTE DE LA COOPERATION INTERNATIONALE EN MATIERE DE STUPEFIANTS

19960625 MATIN ECOSOC/288

Les orateurs appellent à l'élaboration d'une stratégie véritablement mondiale et transnationale de lutte contre les drogues

Réuni depuis hier à New York, le Conseil économique et social consacre les journées des 25, 26 et 27 juin au thème de haut niveau de la "coopération internationale contre la production, l'offre, la demande, le trafic et la distribution illicites de stupéfiants et de substances psychotropes et les activités connexes".

En ouvrant les discussions sur le thème du débat de haut niveau du Conseil, son Président, M. Jean-Marie Kacou Gervais (Côte d'Ivoire), a déclaré qu'en consacrant ses délibérations à ce thème, le Conseil économique et social répond à un besoin. Car, la menace que les trafiquants font peser sur l'ordre économique mondial est d'une poignante réalité. Nombre d'états en subissent les effets au point de voir leurs équilibres internes et leur cohésion sociale quasiment rompus. En outre, la masse des ressources accumulées par les réseaux de trafics illicites constitue autant de capitaux détournés et perdus pour la société puisqu'ils ne s'investissent pas dans des secteurs légaux de l'économie dont ils sapent, cependant, les fondements et compromettent les perspectives, a affirmé M. Kacou. "Face à ce danger, il n'est plus possible, ni de se résigner, ni de rester indifférent, ni d'agir de manière fragmentaire", selon le Président.

Le Président du Conseil a noté que des fonctions de plus en plus larges découlant de la Convention des Nations Unies de 1988 contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes ont été confiées au Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID); il est aujourd'hui difficile au PNUCID de s'en acquitter pleinement, faute de ressources adéquates. Le Président a lancé un appel aux Etats, leur demandant de porter attention à l'analyse de la situation financière du PNUCID et à l'examen des solutions à lui apporter. S'agissant de l'Afrique, sa pauvreté attise la convoitise des grands trafiquants qui, grâce aux immenses ressources dont ils disposent, y établissent des relais. L'appui de la communauté internationale pour renforcer le contrôle et éduquer la jeunesse africaine est donc plus que nécessaire. (à suivre - 1a) - 1a - ECOSOC/288 25 juin 1996

Du 25 au 28 juin, à l'initiative du Président du Conseil, une série de discussions est organisée, dans le cadre desquelles les ministres représentés et les chefs de secrétariat et organes de l'ONU examineront tous les aspects de l'action internationale contre la production, le trafic, l'offre et la demande de stupéfiants. Ainsi, le Conseil a décidé que le débat de haut niveau se composera de six séances officielles. Du mardi 25 juin au mercredi 26 juin dans la matinée, trois séances seront consacrées à un débat formel; puis, du 26 juin dans l'après-midi au jeudi 27 juin, à un dialogue interactif entre les gouvernements, les hauts fonctionnaires des organismes de l'ONU et d'autres organisations intéressées. Ce dialogue interactif informel devrait s'ouvrir par des interventions des ministres représentés. Trois sous-thèmes ont été retenus. Le premier, "les effets du trafic, de la vente et de la consommation de drogues sur l'économie mondiale, et le renforcement du rôle de l'ONU dans la lutte contre la drogue", sera discuté dans l'après-midi du 26 juin. Les "répercussions de l'abus des drogues sur les sociétés et les moyens de renforcer l'action des Nations Unies", objet du deuxième thème de discussion, seront examinées dans la matinée du jeudi 27 juin. Enfin, la dernière séance de l'après-midi du 27 juin, permettra au Conseil de récapituler ses travaux.

Dans un exposé introductif, M. Giorgio Giacomelli, Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID), a déclaré qu'en premier lieu, la communauté internationale devrait axer ses efforts sur des objectifs à court terme. Mais pour garantir le succès de ces efforts, il faudrait assurer la participation active de tous les éléments de la société civile. Il est important d'évaluer l'étendue, la nature et la gravité du problème et de réfléchir sur des solutions appropriées. Depuis sa création, le PNUCID a conduit la mise en oeuvre d'une nouvelle stratégie dont les principes fondamentaux prévoient une approche équilibrée, par laquelle la réduction de la demande et celle de l'offre sont conçues comme des éléments indissociable et mutuellement complémentaires. Le présent débat de haut niveau du Conseil économique et social devrait, a espéré M. Giacomelli, confirmer la haute priorité assignée par les Etats au contrôle international des drogues, à la fois au niveau national et dans le cadre des Nations Unies; exprimer un ferme engagement en faveur d'une action multilatérale concertée et déterminer un système de contrôle acceptable par tous les Etats.

Dans son intervention liminaire, le Président de l'Organe international de contrôle des stupéfiants, M. Oskar Shroeder, a rappelé que les conventions internationales de 1961, 1971 et 1988 régissent le régime international de contrôle des stupéfiants. Ces instruments mettent en place les devoirs et les niveaux de contrôle minimaux de la part des gouvernements. Il a fait remarquer que l'efficacité des traités internationaux et du système de contrôle en la

(à suivre - 1b)

- 1b - ECOSOC/288 25 juin 1996

matière demeurent tributaires de trois conditions fondamentales: une adhésion universelle; une mise en oeuvre adéquate aux niveaux national et international; et une réponse dynamique au trafic et à la consommation des stupéfiants. M. Schroeder a évoqué la question cruciale des ressources allouées à l'Organe pour constater le fossé croissant entre les responsabilités accrues de l'Organe et la chute des ressources qui lui sont allouées.

Sont intervenus ensuite, les ministres ou hauts fonctionnaires des pays

suivants : Italie (au nom de l'Union européenne, ainsi que des pays suivants (Chypre, Estonie, Lituanie, Lettonie, Malte, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovénie, Slovaquie, Slovaquie, Hongrie, Norvège et Islande); Costa Rica (au nom du Groupe des 77 et de la Chine); Mexique, Royaume-Uni, Colombie, Argentine, Malaisie, Chili, Allemagne, Roumanie et Suède. Le Directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a également fait une intervention.

Le Vice-Ministre de l'Intérieur de l'Italie, prenant la parole au nom de l'Union européenne et de plusieurs autres pays d'Europe, a déclaré qu'"une action internationale, commune, incisive est nécessaire pour atteindre les objectifs d'une stratégie commune. Des signaux politiques forts sont indispensables, pour exprimer la prise de conscience globale et la mobilisation contre toutes les manifestations du crime organisé". L'Union européenne est fermement convaincue que le pilier d'une stratégie effective de lutte contre les drogues illicites exige simultanément des actions contre la demande, la production, l'offre; ainsi que des mesures de réhabilitation des drogués et un appareil législatif répressif pour répondre au trafic, au blanchiment de l'argent et à la montée des précurseurs chimiques. La distinction traditionnelle entre pays producteurs, pays de transit ou pays consommateurs a perdu de sa pertinence, a affirmé l'Italie. La lutte contre le blanchiment de l'argent fait également partie intégrale des politiques anti-drogues.

Selon l'Italie, seule une adhésion universelle et une application entière des Conventions de Vienne de 1988 et de Strasbourg de 1990 sur le blanchiment de l'argent permettront de créer le cadre régulateur nécessaire. Lors de la récente session de la Commission des stupéfiants, l'Union européenne a appuyé l'adoption d'un projet de résolution incluant des mesures de lutte contre les diverses formes de crime organisé. L'Italie a invité chaque Etat, durant cette session, à annoncer des actions concrètes en vue de mettre en place des politiques contre le blanchiment de l'argent et toute autre forme de crime. De même, la prévention de la dépendance vis-à-vis des drogues exige une série de mesures qui doivent prendre en compte les facteurs socio-économiques liés à la dépendance. A cet égard, l'accord signé à Rome sur "les sports contre le crime" ont mené à d'importantes initiatives, qui verront le jour aux Jeux Olympiques d'Atlanta.

(à suivre - 1c)

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Pour sa part, le ? Représentant permanent du Costa Rica (au nom du Groupe des 77 et de la Chine), a déclaré qu'il est nécessaire que la communauté internationale puisse suivre l'évolution du contrôle du trafic illicite des stupéfiants par le biais d'un système d'informations plus précises et plus fiables sur les dimensions économiques de ce problème en vue d'élaborer des politiques et stratégies de prévention et d'imposition fiscale tant au niveau national qu'au niveau international, et en vue d'une stratégie mondiale plus efficace. Le représentant du Costa Rica a estimé que les cultures de substitution sont essentielles et devraient constituer une partie intégrante de la stratégie internationale de lutte contre le trafic illicite des stupéfiants. Le Costa Rica a demandé que la résolution adoptée par la Commission des stupéfiants soit examinée de façon approfondie, afin de convoquer une session extraordinaire de l'Assemblée générale en vue de proposer une action multilatérale concertée.

En fin de séance, le Président du Conseil a annoncé qu'il inaugurerait à 13 heures, dans la Salle des pas perdus de l'Assemblée générale, une exposition sur le thème "Le sport contre les drogues". Cette exposition est parrainée par le PNUCID et produite par le Département de

l'information.

Le Conseil reprendra son débat de haut niveau, cet après-midi, à partir de 13 heures.

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Coopération internationale contre la production, l'offre, la demande, le trafic et la distribution illicites de stupéfiants et de substances psychotropes

Documentation

Aux fins du débat de haut niveau consacré à la coopération internationale contre la production, l'offre, la demande, le trafic et la distribution illicites de stupéfiants et substances psychotropes, le Conseil économique et social est saisi du rapport de fond du Secrétaire général sur la coopération internationale contre les drogues, de l'Etude sur l'économie mondiale 1996 et, pour information, du rapport d'ensemble annuel du Comité administratif de coordination (CAC) pour 1996.

"Tant que le marché mondial de la demande ne sera pas saturé, le trafic de drogues continuera d'être de plus en plus rentable, en termes absolus comme en termes relatifs", note le Secrétaire général dans son rapport de fond (E/1996/57). Il est difficile d'évaluer sous tous ses aspects l'impact économique du problème des drogues illicites du fait de son caractère clandestin, qui empêche toute analyse et évaluation rigoureuses. La dimension de ce secteur clandestin fausse sérieusement le bon fonctionnement de nombreuses économies. Si la libéralisation des échanges est une bonne chose en soi, l'intensification des échanges transfrontières qui en résulte ouvre malheureusement de nouvelles possibilités de distribution illicite de drogues et risque de diminuer les chances de détecter une proportion accrue de marchandises illicites par rapport à l'augmentation du volume de la production et du trafic, souligne le Secrétaire général.

Le blanchiment de l'argent et l'investissement criminel, conséquences

importantes du problème des drogues illicites ont représenté, selon le Groupe d'action financière du Groupe des sept grands pays industriels, environ 70 %, soit 85 milliards de dollars vers la fin des années 80 - montant supérieur au produit national brut des 3/4 des 207 économies mondiales - sur les quelque 122 milliards de dollars par an qu'ont rapportés les ventes de cocaïne, d'héroïne et de cannabis.

Dans son Rapport d'ensemble annuel pour 1995 (E/1996/18), le Comité administratif de coordination fait le point du travail qu'il a accompli avec ses organes subsidiaires en 1995. Il cherche à cerner les principales questions et les principaux problèmes en matière de coordination qui doivent être examinés à l'échelon intergouvernemental.

Au cours de l'année écoulée, le CAC a fait porter son attention sur les questions liées au redressement économique et au développement de l'Afrique et a décidé de lancer une initiative spéciale des Nations Unies pour l'Afrique à l'échelle du système.

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A sa première session ordinaire de 1995, le CAC a par ailleurs étudié les moyens de renforcer la coordination et l'efficacité des activités des organismes des Nations Unies dans le domaine de la lutte internationale contre l'abus des drogues, sur la base des recommandations de son Comité consultatif pour les questions relatives au programme et aux opérations (CCQPO), en collaboration avec son Sous-Comité du contrôle international des drogues.

Les membres du CAC ont appuyé fermement une action concertée du système des Nations Unies dans le domaine de la lutte contre l'abus des drogues et se sont mis d'accord sur diverses mesures.

Il conviendrait que les organisations concernées se consultent régulièrement aux niveaux mondial, régional et local. Au niveau national, les coordonnateurs résidents devraient être invités à constituer des groupes interinstitutions informels, en particulier dans les pays où le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues est actif, de manière à assurer que les besoins en ce qui concerne la lutte contre l'abus des drogues bénéficient du degré de priorité voulu et qu'on y réponde de manière coordonnée, en particulier au moment de l'établissement des notes de stratégie nationale.

Le Sous-Comité du CAC pour la lutte contre l'abus des drogues devrait faire en sorte que le Plan d'action à l'échelle du système des Nations Unies pour la lutte contre l'abus des drogues soit examiné, renforcé et appliqué, en élaborant des plans d'action sectoriels et/ou sous-sectoriels spécifiques faisant intervenir différentes institutions pour lutter contre l'abus des drogues aux niveaux mondial, régional et sous-régional. Les institutions dont les activités intéressent les questions concernées devraient être amenées à agir de concert dans le cadre de ces plans d'action communs.

Ces plans d'action devraient, en même temps, constituer la base des efforts coordonnés ou conjoints indispensables pour réunir les fonds qu'exigera l'exécution des plans.

Pris dans leur ensemble, ces plans d'action devraient matérialiser une approche véritablement multisectorielle, à l'échelle du système, du problème de l'abus des drogues, comme l'ont demandé les Etats Membres, et devraient permettre au système de jouer son rôle dans l'application du Programme d'action mondial adopté par l'Assemblée générale le 23 février 1990, à sa dixseptième session extraordinaire (résolution S-17/2).

Dans un additif au rapport (E/1996/18/Add.1), le Secrétaire général présente des observations sur le rapport d'ensemble du CAC. Le Secrétaire général souligne que depuis quelques années, l'un de ses grands objectifs est de faire valoir la portée du travail du CAC au niveau des politiques. Le Secrétaire général a l'intention d'élaborer un cadre de politique commune pour orienter l'action d'ensemble du système, et de renforcer, ce faisant, le concours que le Comité apporte aux organes intergouvernementaux centraux dans l'exercice de leurs responsabilités dans l'ensemble du système.

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Tout aussi importante du point de vue des travaux du CAC est la nécessité de continuer de présenter un bilan positif et tangible en matière de coordination des politiques et des programmes et d'élaboration d'initiatives communes dans les grands domaines de compétence interinstitutionnelle. Ainsi les délibérations que le CAC consacre à la lutte contre l'abus de drogues pourraient aussi améliorer considérablement la coordination dans cet important domaine et préparer le terrain pour que le Conseil économique et social puisse l'étudier de manière productive à sa prochaine session de fond.

Déclaration du Président du Conseil économique et social

En ouvrant le débat de haut niveau, le Président du Conseil économique et social, M. JEAN-MARIE KACOU GERVAIS (Côte d'Ivoire), a déclaré que le choix du thème de cette année, répond à un besoin. Car, la menace que les trafiquants font peser sur l'ordre économique mondial est d'une poignante réalité. Nombre d'états en subissent les effets au point de voir leurs équilibres internes et leur cohésion sociale quasiment rompus. La masse des ressources accumulées par les réseaux de trafics illicites est estimée à plusieurs centaines de milliards de dollars par an. Ces fonds constituent autant de capitaux détournés et perdus pour la société puisqu'ils ne s'investissent pas dans des secteurs légaux de l'économie dont ils sapent, cependant, les fondements et compromettent les perspectives, a affirmé M. Kacou. Les effets sociaux de l'abus des drogues nous font apercevoir avec frayeur son étendue. Face à ce danger, il n'est plus possible, ni de se résigner, ni de rester indifférent, ni d'agir de manière fragmentaire, a fait valoir le Président. Car, en dépit du combat mené depuis le début du siècle par la communauté internationale et malgré quelques succès certains, le problème n'a fait que s'accentuer, les deux dernières décennies ayant enregistré une expansion encore plus forte du fléau.

En effet, il n'est pas de secteur socio-économique qui, à des degrés divers, n'en subisse les effets. Qu'il s'agisse de la criminalité qu'il engendre, de la dissolution de la famille qu'il favorise ou des répercutions profondes qu'il a sur l'économie et sur la santé par la pandémie du SIDA dont il est un des vecteurs, ce phénomène ne laisse d'inquiéter. Il mine nos sociétés en mettant en danger l'avenir de tous, a déclaré le Président. De même qu'il est évident que dans la déréglementation de l'économie mondiale actuelle, les réseaux des trafiquants se renforcent; de même des stratégies novatrices doivent être imaginées en coopération avec les institutions financières internationales.

Depuis le début du siècle, a rappelé le Président, la communauté internationale a mis en place un arsenal juridique impressionnant comportant au moins quatorze instruments; au nombre desquels la Convention des

Nations Unies de 1988 contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes. L'Assemblée générale a approuvé la création en 1990,

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du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID). Mais, des fonctions de plus en plus larges découlant de la Convention ont été confiées au PNUCID dont il lui est aujourd'hui difficile de s'acquitter pleinement, faute de ressources adéquates. Aussi, voudrais-je, au cours de nos délibérations, appeler votre attention sur l'importance à accorder à l'analyse de la situation financière du PNUCID et à l'examen des solutions à lui apporter. Pour être concluantes, nos délibérations ne devraient porter que sur les mesures à arrêter afin qu'elles débouchent sur des actions concrètes. Au-delà du renforcement de nos lois nationales anti-drogues et des dispositions répressives à la production, à la consommation et à la vente illicite des stupéfiants, il convient pour chaque pays de s'assurer qu'il est partie prenante à la mobilisation générale en adhérant à la Convention de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.

Au niveau des régions productrices, l'action ne devrait pas se limiter à la répression du production, mais à lui trouver des activités de substitution en lui apportant les appuis nécessaires. Quant aux pays industrialisés, la possibilité d'agir mieux en contrôlant les exportations des intrants chimiques indispensables à la fabrication des substances psychotropes, doit être envisagée. Il en est de même du besoin d'harmoniser les approches ou les concepts de la question si l'on veut agir de concert dans la perspective de l'éradication du trafic illicite. Il y va du succès de l'action de la communauté internationale dans le domaine qui nous intéresse aujourd'hui.

Eu égard à l'Afrique, a noté M. Kacou, la porosité des frontières fait, désormais de ce continent une zone de transit particulièrement recherchée. Sa pauvreté attise la convoitise des grands trafiquants qui, grâce aux immenses ressources dont ils disposent, y établissent des relais. La circulation des stupéfiants s'y développe faut de contrôlés adéquats et de moyens pour mettre en oeuvre une riposte adaptée. Que la consommation des stupéfiants y soit en nette progression ne saurait donc surprendre! L'appui de la communauté internationale pour renforcer le contrôle et éduquer sa jeunesse y est donc plus que nécessaire. Le moment est donc venu de considérer une approche résolument solidaire de la communauté internationale. A cet égard, il serait souhaitable que le segment de haut niveau puisse analyser la proposition consistant à recommander une session spéciale de l'assemblée générale ainsi que la revue du plan à moyen terme pour la période 1998-2001, a proposé M. Kacou. De telles rencontres permettraient de faire le point sur l'ensemble des mesures arrêtées et prouveraient, face au danger, notre volonté de ne céder ni à la résignation, ni au "syndrome de la tragédie.

Déclarations liminaires

M. GIORGIO GIACOMELLI, Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, a jugé que la mondialisation du défi que pose le trafic illicite des stupéfiants et des substances

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psychotropes comporte de nombreux aspects, à savoir géographique, thématique et concerne différentes catégories de personnes. La mondialisation doit être perçue comme un facteur négatif aggravant. Elle donne toutefois l'occasion de réagir à ce phénomène de manière plus concertée. Au cours de la dernière décennie, nous avons appris à mieux comprendre la complexité des problèmes mondiaux de notre temps. Il ne faudrait pas donc se livrer à des réactions et à des analyses simplistes. En premier lieu, la communauté internationale devrait axer ses efforts sur des objectifs à court terme. Mais pour garantir le succès de ces efforts, il faudrait assurer la participation active de tous les éléments de la société civile. Il est important d'évaluer l'étendue, la nature et la gravité du problème et de réfléchir sur des solutions appropriées.

M. Giacomelli a indiqué que tandis que les instruments existants, notamment les conventions sur le contrôle des stupéfiants et le Programme mondial d'action, peuvent être redéfinis et les mécanismes améliorés, leur inadéquation ne doit pas constituer un alibi pour ajourner les décisions et mesures à prendre. Depuis sa création, le PNUCID a conduit la mise en oeuvre d'une nouvelle stratégie dont les principes fondamentaux prévoient une approche équilibrée, par laquelle la réduction de la demande et celle de l'offre sont conçues comme des éléments indissociable et mutuellement complémentaires. Cette stratégie insiste également sur la promotion globale de programmes de contrôle national des drogues qui sont intégrés dans la planification économique et sociale générale de chaque pays. La promotion des efforts de coopération avec les partenaires clés au sein des Nations Unies et extérieurs, notamment le transfert de l'expertise en matière de contrôle des drogues aux Etats, constitue un élément vital de cette stratégie. Malheureusement, en raison de ressources restreintes, cette stratégie n'a été jusqu'ici expérimentale. Contrairement à d'autres secteurs d'activités spécialisés qui incombent à un ministère donné, la cohérence de l'action en matière de contrôle des drogues exige la création, sur le plan national, d'un mécanisme de coordination au plus haut niveau. Sur le plan international, le PNUCID, par le biais du Comité administratif de coordination, a été en mesure de renforcer l'engagement des institutions spécialisées et des programmes et fonds des Nations Unies.

Le présent débat de haut niveau du Conseil économique et social devrait, a espéré M. Giacomelli, confirmer la haute priorité assignée par les Etats au contrôle international des drogues, à la fois au niveau national et dans le cadre des Nations Unies, exprimer un ferme engagement en faveur d'une action multilatérale concertée et déterminer un système de contrôle acceptable par tous les Etats.

M. OSCAR SCHROEDER, Président de l'Organe international de lutte contre les stupéfiants, a rappelé que les conventions internationales de 1961, 1971 et 1988 régissent le régime international de contrôle des stupéfiants.

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Ces instruments mettent en place les devoirs et les niveaux de contrôle de la part des gouvernements. L'efficacité des traités internationaux et du système de contrôle en la matière demeurent tributaires de trois conditions fondamentales: une adhésion universelle, une mise en oeuvre adéquate aux niveaux national et international, et une réponse dynamique au trafic et à la consommation des stupéfiants. M. Schroeder a saisi l'occasion pour appeler tous les Gouvernements qui ne l'ont pas encore fait à ratifier l'une des trois conventions mentionnées. Toutefois, si la ratification revêt certes une importance cruciale, il n'en demeure pas moins que leur mise en oeuvre au sein de la législation nationale est un objectif qui est loin d'être atteint. Conformément à la Convention de

1988, les Etats devraient renforcer leurs systèmes juridiques étant donné que ces instruments internationaux ne font qu'établir des critères minimaux à suivre.

M. Schroeder a en outre évoqué la question cruciale des ressources allouées à l'Organe. En effet, il est paradoxal de constater un fossé croissant entre les responsabilités accrues de l'Organe et la chute des ressources qui lui sont allouées, puisqu'elles dépendent du budget ordinaire des Nations Unies.

Déclarations

M. ANGELO GIORGIANNI, Vice-Ministre de l'Intérieur de l'Italie, prenant la parole au nom de l'Union européenne, ainsi que des pays suivants (Chypre, Estonie, Lituanie, Lettonie, Malte, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovénie, Slovaquie, Slovaquie, Hongrie, Norvège et Islande), a déclaré que la lutte contre les drogues, phénomène mondial qui ne saurait se contenter de réponses sectorielles ou techniques, exige une approche mondiale et politique, en raison non seulement des graves incidences du phénomène sur la sécurité interne, la stabilité et le développement social des sociétés et des Etats, mais également à cause des liens que le monde de la drogue a aujourd'hui établi avec le crime organisé. C'est, en effet, la structure, le fondement même de l'Etat qui est défié avec les actes d'intimidation des organisations transnationales criminelles, et les mesures qu'elles prennent pour protéger leurs bénéfices. L'Union européenne est fermement convaincue que le pilier d'une stratégie effective de lutte contre les drogues illicites exige simultanément des actions contre la demande, la production et l'offre, ainsi que des mesures de réhabilitation des drogués et un appareil législatif répressif pour répondre au trafic, au blanchiment de l'argent et à la montée des précurseurs chimiques.

La distinction traditionnelle entre pays producteurs, pays de transit ou pays consommateurs a perdu de sa pertinence. La lutte contre le trafic de la drogue doit aujourd'hui impliquer tous les pays. Une action internationale, commune, incisive est nécessaire pour atteindre les objectifs d'une stratégie commune. Des signaux politiques forts sont indispensables, pour exprimer la prise de conscience globale et la mobilisation contre toutes les manifestations du crime organisé. La lutte contre le blanchiment de l'argent fait également partie intégrale des politiques anti-drogues.

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Selon M. Giorgianni, seule une adhésion universelle et une application entière des Conventions de Vienne de 1988 et de Strasbourg de 1990 sur le blanchiment de l'argent permettront de créer le cadre régulateur nécessaire. Aujourd'hui, les disparités entre les législations nationales en matière de contrôle des flux de capitaux et d'activités illégales, de secret bancaire par exemple, empêchent tout dépistage et toute répression de graves crimes. Lors de la récente session de la Commission des stupéfiants, l'Union européenne a appuyé l'adoption d'un projet de résolution incluant des mesures de lutte contre les diverses formes de crime organisé. Conformément à la résolution 1994/13 du Conseil économique et social, chaque Etat se doit d'annoncer des actions concrètes en vue de mettre en place des politiques contre le blanchiment de l'argent et toute autre forme de crime. S'agissant du trafic, la lutte contre la corruption est un volet essentiel, car les organisations criminelles tirent avantage des faiblesses politiques et économiques, et créent ainsi des réseaux nouveaux de complicité et de corruption. L'Union européenne estime indispensable d'appuyer tout effort tendant à accroître les diverses formes de coopération internationale, en matière d'enquête, de procès et de procédure juridique. L'Union européenne s'est

mobilisée en faveur de ce but. Elle élabore une convention contre la corruption et se félicite des mesures similaires prises par les organisations internationales, dont l'ONU. L'Union européenne se félicite de l'adoption de la résolution 1995/14 du Conseil économique et social de la résolution de la Commission de la prévention du crime et de la justice pénale sur les actions contre la corruption.

De même, la prévention de la dépendance vis-à-vis des drogues exige une série de mesures qui doivent prendre en compte les facteurs socio-économiques liés à la dépendance. Des modèles de styles de vie différents doivent être recherchés. A cet égard, l'accord signé à Rome par le gouvernement italien, le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID, le Comité international olympique (CIO) et le Comité olympique italien (CONI), sur "les sports contre le crime - sports against crime", ont mené à d'importantes initiatives, qui verront le jour aux Jeux Olympiques d'Atlanta. S'agissant de la réduction de la demande, l'Union attache une importance cruciale à l'action du Centre européen de surveillance des drogues et de la dépendance vis-à-vis des drogues, devenu opérationnel depuis l'année dernière. Le Centre a entamé la phase d'application d'un programme de trois ans, qui met l'accent sur les divers aspects de la compréhension de ce phénomène, à savoir épidémiologie, réduction de la demande et établissement d'une documentation. Les données rassemblées bénéficieront à l'Europe, mais également à la communauté internationale. Les Conseils européens de Cannes et de Madrid ont en outre fixé des directives et adopté les termes de référence d'un Plan d'action de l'Union européenne sur la prévention de la dépendance vis-à-vis des drogues. Ce plan sera financé par plus de 35 millions de dollars, réunis au niveau européen, en sus des ressources nationales. Vu son succès, l'expérience de la "Semaine européenne de prévention contre les drogues" sera répétée.

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Il importe également de développer des cultures de substitution, en élaborant un ensemble de politiques et de mesures qui garantiront la participation des populations directement affectées dans la prise de décisions vitales à leur existence. Six ans après la création du PNUCID et l'adoption du Plan mondial d'action de l'ONU, il est clair qu'il faut redoubler d'efforts au niveau multilatéral. le rôle du PNUCID devrait être renforcé, de même que la collaboration entre le PNUCID et la Division du crime, pour tenir compte de l'élargissement du crime organisé dans le trafic. Les programmes d'assistance technique fournis par le PNUCID doivent être appuyés et encouragés. Le PNUCID, a affirmé M. Giorgianni, a fait un travail excellent dans l'analyse des besoins des pays individuels et des opérations. Pourtant, les tâches assignées au PNUCID contrastent fortement avec les ressources financières dont il dispose. L'Union européenne émet l'espoir que les contributions volontaires au PNUCID augmenteront. Elle souhaite aussi l'élargissement de la base des donateurs. L'Union participera aux discussions sur les voies et moyens de fournir un niveau de ressources plus adéquat.

M. FERNANDO BERROCAL SOTO (Costa Rica), au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a déclaré qu'affronter le problème des drogues signifie qu'il faudrait examiner la question de la production, de l'offre, de la demande, de la distribution, de la consommation et du blanchiment des produits dérivés du trafic illicite des stupéfiants. Le Groupe des 77 et de la Chine appuie fermement les efforts de la communauté internationale. Il est nécessaire que la communauté internationale puisse suivre l'évolution du contrôle du trafic illicite des stupéfiants par le biais d'un système d'informations plus précises et plus fiables sur les dimensions économiques au problème en vue d'élaborer des politiques et stratégies de prévention et d'imposition fiscale tant au niveau national

qu'au niveau international et en vue d'axer les efforts sur l'élaboration d'une stratégie mondiale plus efficace de lutte contre la production, la vente, la demande, le trafic et la distribution illicites des stupéfiants. Le représentant a estimé que les cultures de substitution sont essentielles et devraient constituer une partie intégrante de la stratégie internationale de lutte contre le trafic illicite des stupéfiants. Les plans d'action thématiques mis en place conjointement par un certain nombre d'organisations internationales attaquent de façon directe les différents aspects du trafic illicite des stupéfiants et montrent le potentiel qu'offre la coopération international dans le système des Nations Unies.

Le Groupe des 77 et la Chine souhaitent que la résolution adoptée par la Commission sur les stupéfiants soit examinée de façon approfondie afin de convoquer une session extraordinaire de l'Assemblée générale en vue de proposer une action multilatérale concertée, a indiqué M. Varney.

M. FERNANDO ANTONIO LOZANO GRACIA, Procureur général du Mexique, a estimé que les organisations criminelles sont l'ennemi de tous. Il ne s'agit toutefois plus du même ennemi, puisqu'elles sont devenues plus violentes au cours des dernières années. Le Mexique considère que le trafic de stupéfiants

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est la principale menace à sa sécurité nationale. Pour éradiquer ce cancer, le pays a mis en oeuvre une stratégie intégrale et équilibrée contenue dans le Programme national de contrôle des stupéfiants pour la période 1995-2000. L'Etat se dote de lois modernes susceptibles de lui donner la capacité idoine de lutte contre le crime organisé, le blanchiment de l'argent et le trafic d'armes. Dans ce contexte, le Mexique est convaincu que la coopération internationale demeure un élément fondamental de l'ensemble de la stratégie. La chaîne mondiale de la production-consommation rend donc essentielle cette démarche dans le cadre du respect de la souveraineté, de la dignité et de la juridiction nationale de chaque Etat. C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition du Président Zedillo en vue de la convocation d'une conférence internationale sur les stupéfiants. Le Gouvernement mexicain se sent encouragé par l'appui dont bénéficie cette proposition.

Le Mexique est d'avis que la mise en oeuvre d'un programme d'action intégral et équilibré passe par l'adoption des mesures suivantes: les institutions du système des Nations Unies, notamment le PNUCID et l'Organisation de la santé (OMS) doivent déployer une campagne mondiale de prévention de la consommation des stupéfiants. Ensuite, la communauté internationale doit renouveler son engagement de soutenir les programmes alternatifs de développement qui offrent des options viables aux producteurs primaires des cultures d'où sont extraites les substances illicites. Enfin, les Nations Unies se doivent d'adopter un instrument international unique en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent sale.

M. NIGEL VARNEY, Directeur de la Division chargée de la lutte contre les stupéfiants au Ministère des affaires étrangères du Royaume-Uni, a fait remarquer qu'aucun pays n'est immunisé contre le trafic des stupéfiants. Les distinctions traditionnelles entre les pays producteurs, transitaires et consommateurs n'existent plus. C'est pourquoi, aucun pays ne peut ignorer la nécessité de prendre des mesures. Dans de nombreux pays, notamment au Royaume-Uni, l'utilisation de drogues comme "Ecstasy" et d'autres amphétamines de type synthétique par un grand nombre de jeunes devient très inquiétante. Ce problème ne cesse de prendre de l'ampleur dans les villes et est souvent lié à la violence et à la criminalité.

Pour faire face aux problèmes que posent le trafic illicite des stupéfiants, le Royaume-Uni a, l'année dernière, mis en oeuvre une nouvelle stratégie globale. La stratégie maintient des efforts vigoureux et concertés dans le domaine de l'application de la loi tout en mettant l'accent sur la prévention et le traitement des jeunes. Le Premier Ministre, qui a conduit personnellement cette stratégie a récemment présidé la célébration de son premier anniversaire. Le gouvernement britannique reste fermement opposé à toute légalisation des stupéfiants illicites. Il appuie la pleine application des interdictions prévues dans les conventions internationales.

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Par ailleurs, le Royaume-Uni est fermement convaincu que les instruments existants en matière de contrôle des stupéfiants offrent un cadre approprié pour des mesures et une coopération efficaces. L'action la plus importante, de l'avis de M. Varney, demeure l'adhésion et la pleine mise en oeuvre de ces conventions par les Etats. Ceci nécessite l'adoption de politiques et la promulgation de législations nationales pour limiter la prolifération des stupéfiants. Le Royaume-Uni appuie pleinement le rôle moteur que joue le PNUCID dans la lutte internationale contre les stupéfiants. Outre les efforts du PNUCID, les recommandations du Groupe des 7 en matière d'action chimique et financière dans la lutte contre les stupéfiants se sont avérés très efficaces pour promouvoir la coopération internationale dans ce domaine. Le représentant a émis l'espoir que la proposition d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale, en 1998, donnera un élan supplémentaire à ce processus, au niveau politique.

M. RODRIGUO PARDO GARCIA-PEÑA, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a déclaré qu'au vu de l'ampleur et des résultats des efforts menés par la communauté internationale depuis plus de 50 ans, il faut admettre que, jusqu'à présent, nous avons échoué. A l'aube d'un siècle nouveau nous devons répondre avec sérieux à d'importantes questions: Où avons nous échoué? Quelles politiques ont ainsi permis l'explosion de la dépendance vis-à-vis des drogues? Qu'avons nous manqué de faire? Et pourquoi, est-il besoin de toujours plus de drogues, de drogues plus dangereuses? Peut-être avons nous échoué, parce que nous n'avons pas réussi à bâtir une stratégie véritablement mondiale et transnationale de lutte contre les drogues? Nous avons perdu du temps dans l'espoir que les autres feraient notre devoir.

Une nouvelle approche est nécessaire. Le problème des drogues illicites exige une stratégie devant répondre à au moins trois conditions, a estimé

M. Garcia-Peña. Tout d'abord, une stratégie, et une stratégie mondiale, est la seule réponse transnationale possible face à "l'ennemi transnational". Une stratégie mondiale est aussi la seule solution qui permettra, à long terme, de parvenir au seul objectif acceptable - la réduction substantielle de la consommation, de la production et du trafic des drogues. Deuxièmement, une stratégie mondiale exige une solide volonté politique. Comment, sinon, expliquer qu'au cours de ce siècle, 11 engagements multilatéraux ont été ratifiés pour lutter contre le phénomène des drogues et substances psychotropes? Engagements qui n'ont pas réussi à prévenir le nombre, la puissance et la mobilité des consommateurs, trafiquants, producteurs, transformateurs, ni la croissance spectaculaires des fonds tirés de ce trafic.

Cette alliance mondiale contre les drogues doit faire de la coopération,

son moteur et de la règle de droit, sa pierre angulaire. En outre, une stratégie multilatérale est le meilleur antidote à toute tentation interventionniste qui, loin de prévenir le problème, agit comme catalyseur de l'explosion de la consommation, de la production et du trafic des drogues.

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Troisièmement, toute véritable stratégie multilatérale devra être fondée sur des critères techniques et non politiques. Notre regard doit être tourné vers les générations futures, et non les élections prochaines, a fait valoir M. Garcia-Peña.

Le système de l'ONU, en particulier le PNUCID, porte la responsabilité d'identifier les lacunes du schéma actuel de lutte contre les drogues et de les surmonter. Pour cela, le PNUCID doit avoir la capacité d'appuyer l'action des Etats, afin de corriger l'optique à court terme qui sévit partout. La Colombie a payé un prix excessivement élevé depuis trois décennies: dans les années 70, pour déloger les planteurs de marijuana; dans les années 80, pour détruire le Cartel de Medelli; et dans les années 90, pour démanteler le Cartel de Cali. Malgré tout, les effets des drogues illicites demeurent "le plus grand des démons" de la Colombie. A ses efforts nationaux et aux succès déjà enregistrés, la Colombie entend mener une action sur deux fronts : la coopération internationale et le renforcement de la législation anti-cartels.

Le Gouvernement colombien proposera une série de projets de lois à la prochaine session du Congrès, le 20 juillet, dont l'esprit peut être résumé ainsi - "la guerre par la loi". Ces initiatives viseront à désorganiser et décourager les activités criminelles, à punir le crime organisé et ses bénéfices plus sévèrement, à prévenir les mouvements de fonds et les sources de financement. Une des innovations de ces lois résidera dans l'abolition de la politique qui permettait jusqu'ici aux criminels de se rendre à la justice, en échange de sanctions moins lourdes. La Colombie entend accroître la durée des peines de prison, des amendes qui pourront s'élever jusqu'à 7,5 millions de dollars. En matière de blanchiment de l'argent, la Colombie adoptera des mesures législatives et physiques pour saisir les avoirs utilisés pour le financement des drogues illicites. Dans le cadre de la Convention de Vienne de 1988, la Colombie s'efforcera de priver les criminels de leurs avoirs transnationaux. La consommation de drogues, et de drogues plus dangereuses, s'est accrue de par le monde. Si nous ne confrontons pas ce phénomène avec détermination et courage, tous les autres efforts auront été en vain. Au sein des Amériques, le Sommet de Miami a adopté un engagement commun au niveau de tout l'hémisphère, afin de lutter contre le blanchiment de l'argent. Il reste à rendre cet instrument régional compatible avec la Convention adoptée par le Conseil de l'Europe sur ce problème. En outre, les pays de la région des Andes et l'Union européenne sont conscients de la nécessité de s'attaquer au problème du détournement des précurseurs et substances chimiques.

M. JULIO CESAR ARAOZ, Secrétaire d'Etat chargé du Programme de prévention de la consommation des drogues et de la lutte contre le trafic de stupéfiants de l'Argentine, a rappelé que son pays avait, lors du Sommet des Amériques, préconisé un combat frontal contre le trafic de stupéfiants et les crimes connexes. Dans ce combat, la demande comme l'offre ont une importance égale. En effet, les dix dernières années ont jeté exclusivement le blâme sur les pays producteurs sans pour autant désigner les consommateurs. Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent, les institutions financières

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en Argentine ont l'obligation de rapporter tout mouvement financier de plus de 200 000 dollars par mois ou 500 000 dollars par an. Tout paiement au comptant de plus de 10 000 dollars ne peut se faire sans la vérification préalable de leur origine.

Sous l'égide des Nations Unies, l'Argentine, de concert avec la Bolivie, le Chili et le Pérou, s'attache à la mise en valeur des ressources humaines dans le Cône Sud et ce, dans les domaines de l'éducation, la santé, la sécurité, les douanes et la justice. L'Argentine s'oppose à la légalisation des stupéfiants car elle ne contribuerait qu'à augmenter la consommation sans éliminer les mafias spécialisées dans ce trafic. L'Argentine considère que l'abus des drogues est une menace autant sociale que sécuritaire, en plus d'être un problème de santé. Il ne saurait y avoir de distinction entre drogues douces et dures. Elles sont toutes dures car elles détruisent l'être humain et son tissu social. L'Argentine encourage par conséquent une société libre de drogues et non une société libérée des drogues et non une société permissive et libre d'en user.

M. RAZALI ISMAIL (Malaisie) a fait remarquer que son pays qui n'est pas un pays producteur de drogues, connaît toutefois un problème de la consommation. La Malaisie est également un pays de transit pour le trafic illicite des stupéfiants. Pour face à cette situation, le gouvernement déploie des efforts en étroite coopération de la communauté internationale. Il faut lutter contre la consommation et le trafic illicites des stupéfiants en s'attaquant aussi bien à la demande qu'à la distribution. La carence ou le refus des autorités de prendre des mesures fermes et efficaces en vue de réduire la demande, les rend responsables de l'augmentation du trafic et de la consommation illicites des stupéfiants. Les engagements à long terme sur le plan national sont impératifs pour réduire la demande des stupéfiants. Il faudrait également accorder la priorité sur des programmes de réhabilitation appropriés, notamment pour la réinsertion sociale des toxicomanes. Les programmes de prévention efficaces en faveur des jeunes, en particulier la promotion d'activités saines comme dans les domaines des sports ou de la culture permettent d'atténuer les conséquences de ce fléau. Pour mieux contrôler la distribution des stupéfiants, il faudrait développer une coopération internationale plus étroite pour surveiller et réduire le trafic des stupéfiants. Il est nécessaire d'explorer les moyens visant à améliorer la stratégie contre la production, le trafic et la distribution illicites des stupéfiants. Ces moyens contribueront à mieux déterminer les priorités de la session extraordinaire de l'Assemblée générale qui pourrait avoir lieu en 1998.

Au niveau national, le Gouvernement de la Malaisie s'est engagé à mettre en oeuvre une stratégie à long terme axée sur l'éducation préventive, la sensibilisation du public et une action de la communauté en matière de traitement et de réhabilitation des toxicomanes, le contrôle frontalier des stupéfiants et le renforcement de la coordination à tous les niveaux.

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M. BELISARIO VELASCO, Vice-Ministre de l'Intérieur du Chili, a indiqué que depuis 1992, son pays a adopté une politique de prévention et de lutte contre les drogues, destinée à répondre de manière compréhensive, coordonnée et systématique à tous les aspects de la prévention, de la

lutte contre l'abus des drogues, la production, le trafic, le traitement, la réhabilitation et la réinsertion des toxicomanes. La société chilienne participe entièrement à l'application de ces politiques. C'est un équilibre entre prévention et lutte, avec la participation la plus large de la population, que le Gouvernement a décidé de poursuivre. De même, la politique de prévention et de lutte contre l'abus des drogues a t-elle été intégrée dans les politiques sociales du Gouvernement chilien.

Au niveau international, en août 1990, le Chili a ratifié et promulgué dans sa législation nationale la Convention des Nations Unies de 1988. Pour se conformer aux dispositions de la Convention, plus de 20 accords bilatéraux de coopération ont été signés avec des pays de différentes régions. En janvier 1995, le Gouvernement chilien a promulgué la législation pénale contre toutes les activités criminelles liées aux drogues illicites. En outre, une série de réglementations ont été adoptées, qui permettent et facilitent l'échange d'expériences en matière de coopération judiciaire, autorisent le transfert d'informations confidentielles sur les cas criminels, permettent la levée du secret bancaire et d'autres informations bancaires et financières nécessaires aux enquêtes d'autres pays.

Le Chili pense avoir ainsi choisi la bonne voie, pour relever le défi que posent les drogues illicites et de leurs conséquences, a affirmé M. Velasco. Le pouvoir judiciaire, en conformité avec les règles nationales et internationales, a apporté une contribution importante aux efforts. En matière de crime, la confidentialité d'informations est l'exception. Les peines sont supérieures à au moins 5 ans et sont effectivement appliquées. Après trois ans de travail, le pouvoir législatif a approuvé l'un des instruments législatifs les plus complets de la région, en matière pénale. Cet instrument s'attaque à toutes les formes et à tous les stades d'activités criminelles liées aux drogues illicites. Le Congrès chilien a également établi des commissions permanentes spéciales pour suivre l'évolution de l'aspect pénal. Depuis 1990, le Gouvernement chilien assume une responsabilité plus large et plus coordonnée eu égard à tous les phénomènes associés á la prévention et à la lutte contre le trafic illicite. En vue de décentraliser la politique nationale de lutte contre les drogues, un Fonds national pour la prévention de la consommation des drogues a été créé cette année. Plus de 500 projets ont été soumis à travers le pays, et 113 ont été approuvés pour financement, en 1996. D'ores et déjà, les ressources de ce Fonds ont été accrues de 20%. Le Chili est résolu à resserrer ses liens avec l'ONU, en particulier le PNUCID. Il entend mettre à sa disposition ses ressources techniques et humaines.

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M. HIROSHI NAKAJIMA, Directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), a indiqué que l'une des tâches de l'OMS est d'évaluer les substances psychotropes afin de faire des recommandations aux Nations Unies sur leur contrôle international. Qui plus est, l'OMS appuie les efforts des Etats en vue de réduire les problèmes sociaux nés de l'abus des drogues. Faisant remarquer que les problèmes dus à la consommation de stupéfiants ont pris une envergure mondiale au cours des deux dernières décennies, le Directeur général a insisté sur l'exigence de la coopération internationale eu égard aux multiples enjeux économiques et sociaux. Au niveau national, le secteur de la santé se doit de coopérer avec les autres secteurs concernés, notamment les associations des communautés de base. De la même manière, la coopération doit prévaloir entre les Etats et les organismes inter étatiques et les organisations

non gouvernementales. Il est nécessaire d'accorder une attention au problème de la demande. En réduisant la pression de la demande, on aiderait ainsi les efforts des pays en développement visant à mettre un terme à l'escalade de problèmes liés à la consommation, qui se développent sur leurs propres territoires.

M. WERNER HOYER, Ministre d'Etat et membre du parlement de l'Allemagne, a indiqué que la vielle querelle entre producteurs et consommateurs est devenue obsolète. Tous les pays doivent partager la responsabilité de faire face simultanément à tous les aspects du problèmes des stupéfiants. Les Nations Unies ont répondu au défi de manière globale, différente et cohérente. L'Allemagne n'adhère nullement aux voeux exprimés ici et là sur une certaine libéralisation des stupéfiants. Tous les Etats ont la responsabilité politique de gérer les échecs de la coopération internationale par le dialogue diplomatique et l'offre d'assistance aux pays n'ayant pas manifesté une ardeur dans la lutte contre ce fléau. L'Allemagne se préoccupe par exemple de la baisse des ressources du PNUCID alors même qu'un consensus prévaut sur la qualité de ses services. A l'heure actuelle, le PNUCID est financé par de contributions volontaires d'un nombre réduit de pays. La répression doit se déployer en amont et en aval: en s'attaquant aux précurseurs chimiques afin de couper les cartels de leurs sources de production d'une part et au blanchiment d'argent d'autre part afin de les frapper là ils sont le plus sensibles, à savoir dans leur influence et leurs profits. Pour ce faire, une action solidaire de l'ensemble des Etats est nécessaire.

L'Allemagne estime toutefois que la répression seule ne saurait suffire. Il s'agit de ce fait de s'attaquer aux sources du problèmes, et qui sont surtout de nature sociale. Il est en effet clair que ce sont les conditions de pauvreté qui incitent les paysans d'Asie et d'Amérique latine à cultiver les plantes nécessaires à la production de stupéfiants. Ici, seul le développement peut faire la différence. Du côté de la demande, il s'agit d'adopter une approche de prévention visant surtout les jeunes.

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M. LAZAR COMANESCU, Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la Roumanie, a souligné la nécessité de consolider les efforts actuels et d'utiliser les instruments existants de façon plus efficace pour faire face aux nouvelles dimensions du trafic illicite des stupéfiants. Les décideurs et la communauté internationale doivent être pleinement conscients de l'importance et de l'efficacité de la coopération internationale. Depuis l'ouverture de ses frontières et de la reconnaissance de la liberté de mouvement en 1989, la Roumanie lutte contre le trafic illicite des stupéfiants. La situation s'est détériorée après l'éclatement de la guerre en ex-Yougoslavie. La Roumanie sert de pays de transit pour le ce trafic. En 1993, le gouvernement roumain a mis en place un commando d'élite pour lutter contre le crime organisé. Cette nouvelle structure spécialisée est équipée de moyens réduits pour la neutralisation de réseaux de crime organisé. Ce commando est habilité à prendre des initiatives et à participer à l'assistance internationale en matière de lutte contre le crime organisé. Le port principal de la Mer Noire, Constantza, est souvent emprunté par les trafiquants de stupéfiants en provenance d'Afrique et d'Amérique du Sud.

De l'avis de sa délégation, la création d'un mécanisme de surveillance efficace des substances chimiques utilisées en substitution de drogues exige une coopération plus étroite entre le Etats concernés et les

organisations internationales. Les pays à économie en transition ont besoin d'une assistance spéciale de la part des pays dotés d'une expérience plus riche dans le domaine de lutte contre les stupéfiants, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre d'une nouvelle législation. M. Comanescu a indiqué que les autorités de son pays, chargées de la lutte contre le trafic des stupéfiants, ont reçu l'appui et l'assistance des experts du PNUCID pour mettre à jour la législation et installer un laboratoire moderne d'analyse des drogues. L'Union européenne a, pour sa part, apporté son appui en organisant des cours, séminaires et colloques à l'intention du personnel des institutions nationales concernées. L'Organisation de police criminelle internationale (INTERPOL) a fourni une assistance très fructueuse à la Roumanie, a ajouté M. Comanescu.

Mme MARGOT WALLSTROM, Ministre de la santé et des affaires sociales de la Suède, a souligné la nécessité de mettre l'accent sur chaque maillon de la chaîne qui constitue le problème des stupéfiants pour régler ce problème complexe. Ce n'est que par le biais de la coopération internationale que les Etats peuvent réussir dans la lutte contre le trafic des stupéfiants. Une action multilatérale coordonnée et concertée est vitale. Mme Wallström a fait remarquer qu'il ne faudrait pas oublier que la majorité écrasante des jeunes n'a pas choisi de consommer de la drogue. La Suède a pour objectif de créer une société libérée de drogues. De l'avis du Ministre, les trois conventions et le rôle normatif de la Commission sur les stupéfiants ainsi que le Programme global d'action fournissent une bonne base pour les années à venir. La difficulté réside dans la ratification et la mise en oeuvre de ces instruments. Pour un certain nombre de pays, la coopération technique est nécessaire. Le système multilatéral ne fait trop peu dans ce domaine.

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Pour remporter la lutte contre les stupéfiants, toutes les institutions multilatérales devraient accorder une plus haute priorité au contrôle des stupéfiants. Elles devraient oeuvrer en étroite coopération et de façon coordonnée. Le PNUCID a un rôle très particulier à jouer dans ce domaine. Toutefois, il ne peut agir comme le centre d'excellence souhaité. A certains égards, le PNUCID est devenue une institution que les donateurs utilisent pour leurs programmes bilatéraux. Sa neutralité pourrait être discréditée et des fonds visant à financer des activités générales à long terme ou la formulation de politiques ne seraient plus disponibles. C'est pourquoi, il est impératif que les Etats Membres veillent à verser des ressources suffisantes pour permettre au PNUCID de renforcer son rôle. Le Ministre suédois de la santé a fait observer que 60% des contributions générales versées au PNUCID n'émanent que de trois pays, dont le sien. La raison en est que le PNUCID est mal géré. Aussi, faudrait-il établir un système de financement plus stable.

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