Le Secrétaire général encourage la quête constante d’efficacité et de responsabilité dans le soutien qu’apporte le système des Nations Unies au développement
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du débat de 2025 du Conseil économique et social consacré aux activités opérationnelles de développement, à New York, aujourd’hui:
Je vous remercie de prendre part à cette manifestation de premier plan en cette année importante. L’Organisation des Nations Unies fête cette année ses 80 ans. Mais cet anniversaire est tempéré par une réalité dure et indéniable, qui transparaît à chaque page du rapport que je présente aujourd’hui.
À moins de cinq ans de l’échéance de 2030, nous sommes face à une véritable crise du développement. La réalisation des objectifs de développement durable accuse un retard alarmant. Et certains des gains durement acquis ces dernières années risquent d’être réduits à néant. Face à la pauvreté, à la faim, aux inégalités, à la crise climatique, aux infrastructures en déclin et au manque de ressources dans l’éducation et la protection sociale, les progrès demeurent trop lents.
Il ne faut pas perdre de vue qu’une crise du développement est, avant tout, une crise humaine. La vie et l’avenir de millions de personnes sont en jeu. Cette crise du développement est aussi une crise du financement. Dans tous les secteurs, les ressources se réduisent comme peau de chagrin, et ce depuis un certain temps. Ainsi, comme indiqué dans mon rapport, les contributions financières versées en 2023 au système des Nations Unies pour le développement ont chuté de 9 milliards de dollars US –soit 16%- par rapport à l’année précédente.
On peut imaginer les chiffres de 2024 en tenant compte de ce que nous avons constaté dans les décisions récentes. Notre Organisation est de plus en plus appelée à faire plus avec moins, et cela ne devrait pas changer de sitôt. Cette année, plusieurs bailleurs de fonds mettent un coup de frein sans précédent à leurs engagements en matière d’aide sur le terrain.
Cela étant, le rapport que nous examinons aujourd’hui est également porteur d’un vrai message d’espoir. Cet espoir repose sur plusieurs éléments: sur les progrès que nous avons accomplis ensemble dans la réforme et le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement, le rendant plus efficace et plus économique; sur l’Initiative ONU80, qui, dans le prolongement de ces réformes, induira les changements dont nous avons besoin à travers l’ensemble du système pour une organisation plus efficace, plus cohésive et plus efficiente; sur l’appui résolu que vous continuez de manifester à nos coordonnatrices et coordonnateurs résidents et à nos équipes de pays, et sur votre détermination à travailler à leurs côtés dans un esprit de collaboration; et sur le potentiel qui réside dans le potentiel du Pacte pour l’avenir d’accélérer les progrès vers les Objectifs de développement durable – un Pacte qui a fait l’objet d’un consensus lors du Sommet de l’avenir.
Soyons clairs. Le Pacte a beau avoir été adopté dans un contexte différent, les engagements qui y sont énoncés demeurent plus importants que jamais. Ils exigent notamment de l’audace dans tous les aspects propices au développement durable – y compris le financement du développement, l’allégement de la dette et le renforcement de l’architecture financière internationale.
Nous ne pouvons laisser les difficultés du moment nous faire dévier de ces engagements. Nous continuerons de collaborer étroitement avec tous les États Membres et tous les partenaires pour poursuivre la bonne mise en œuvre de nos priorités, parfaire la transformation de l’Organisation et, dans le cadre de l’Initiative ONU80, encourager des progrès concrets dans l’ensemble du système. Nous veillerons également à exécuter pleinement et de manière optimale tous les mandats prévus dans la résolution 72/279 de l’Assemblée générale, texte majeur qui a ouvert la voie à la réforme du système des Nations Unies pour le développement.
Dans ce contexte, et dans le droit fil du rapport qui est à l’examen aujourd’hui, je voudrais souligner quatre points pour récapituler les progrès que nous accomplissons, les domaines où nous devons redoubler d’efforts et l’aide que les États Membres peuvent apporter en ce sens.
Premièrement, nous devons garder le cap sur les objectifs de développement durable. Cette année est cruciale pour le développement. Pourtant, nous assistons à une crise généralisée des moyens de mise en œuvre, qui touche aussi bien le financement que le commerce, la gouvernance ou la capacité institutionnelle à accélérer les progrès.
Si l’on veut accélérer la cadence, il faut que les États Membres honorent les engagements ambitieux qu’ils ont pris en 2015 en adoptant les ODD et dans le cadre du Pacte pour l’avenir. Cela inclut notamment l’allégement du fardeau de la dette des pays en développement, la mobilisation de sources de financement innovantes et de faire avancer la réforme de l’architecture financière internationale. La quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, qui se tiendra à Séville, constituera un moment clé moment clé dans la conduite des changements nécessaires.
Pour passer à la vitesse supérieure, il faut engager une transformation audacieuse. Nous devons poursuivre la stratégie que nous avons clairement définie en vue de la réalisation de tous les objectifs, notamment dans les domaines des systèmes alimentaires, de l’accès à l’énergie, de la desserte numérique ainsi que du commerce au service de la croissance économique. Le moment est venu de mobiliser une plus grande volonté politique et de renforcer les capacités institutionnelles pour accompagner ces transformations essentielles et insuffler une dynamique de progrès.
Deuxièmement, nous continuerons d’adapter nos opérations aux besoins et aux priorités des pays hôtes. Nous savons que nous sommes sur la bonne voie. L’année dernière, les coordonnatrices et coordonnateurs résidents ont apporté un appui concret dans plus de 160 pays.
Le travail mené dans les entités du système et avec les gouvernements gagne chaque année en intégration et en coordination. 87% des pays hôtes – et 83% des pays donateurs – considèrent que les entités des Nations Unies collaborent plus qu’avant la réforme. Et 98% des pays hôtes estiment que les activités de l’ONU prévues dans nos plans-cadres de coopération concordent bien ou très bien avec les priorités nationales.
Les faits sont là. Le système redynamisé des coordonnatrices et coordonnateurs résidents que nous avons mis en place ensemble est en passe de devenir un outil encore plus efficace au service du développement, tant pour les populations que pour la planète. À cet égard, il réunit les partenaires pour définir l’action à mener et trouver des solutions financières visant à accélérer le développement... Il accompagne les pays dans les domaines du financement, de la collecte de données, de la réglementation, du commerce et de la croissance économique durable... Et il cherche continuellement à faire des économies, à innover, à faire respecter le principe de responsabilité et à encourager les progrès dans tous les aspects de notre action commune.
Nous sommes profondément fiers de ce que nous faisons, et nous continuerons sur notre lancée tout en préservant les acquis. Nous pouvons faire mieux, nous le savons. Et nous le ferons. Malgré l’adhésion que suscite notre action, le rapport fait apparaître un contraste inquiétant entre les priorités fixées dans nos plans-cadres de coopération et les moyens opérationnels et financiers et les outils de gouvernance qui permettent de les concrétiser.
En outre, le cadre de gestion et de responsabilité, établi pour renforcer la responsabilité dans l’action collective des Nations Unies, n’est pas appliqué de manière uniforme dans toutes les entités du système.
Notre bureau chargé des évaluations dans le système pour le développement, récemment établi, rédige actuellement son premier rapport indépendant, qu’il présentera au Conseil économique et social cette année, et poursuivra son action pour favoriser la définition des responsabilités, concourir à l’amélioration des résultats et faire en sorte que la présence et les programmes des Nations Unies soient mieux adaptés aux besoins de chaque pays. Je demande à tous les États Membres d’appuyer ce travail essentiel.
Troisièmement, le financement. Je suis très préoccupé par la situation financière du système. Les contributions aux ressources de base des organismes de développement sont insuffisantes: elles ne représentent plus que 16,5% du financement total, voire 12% pour certaines entités. On est bien loin de l’objectif de 30% que les pays se sont engagés à atteindre dans le cadre du pacte de financement.
En décembre, l’Assemblée générale a accepté la proposition que j’ai faite de prélever sur le budget ordinaire un montant de 53 millions de dollars pour le système des coordonnatrices et coordonnateurs résidents. C’est un coup de pouce indispensable à un moment critique. Pour être tout à fait franc, je dois dire que la proposition était beaucoup plus élevée, mais au moins ce compromis a été trouvé. Mais ce modeste niveau de soutien n’est pas à la hauteur de l’ambition nécessaire. Notre capacité à stimuler le développement et à apporter une aide durable est compromise, or c’est maintenant que les pays ont le plus besoin de nous.
Nous continuerons à collaborer étroitement à vos côtés pour que les déficits de financement se résorbent et pour que la programmation conjointe soit dotée de moyens financiers suffisants et profite aux personnes et aux populations les plus vulnérables. Néanmoins, nous avons plus que jamais besoin de sources de financement souples, durables, prévisibles et novatrices. J’invite instamment les États Membres à mettre en œuvre sans délai le nouveau pacte de financement.
À l’heure où les ressources s’amenuisent, le pacte de financement s’impose comme un dispositif incontournable, notamment par l’importance accordée aux fonds de financement commun, qui permettent d’allouer les ressources plus stratégiquement, en fonction des priorités et des besoins réels sur le terrain.
Enfin quatrièmement, nous continuerons de chercher à optimiser l’utilisation des ressources consacrées au développement. Le rapport démontre que nos réformes portent leurs fruits: nous avons réalisé plus de 592 millions de dollars d’économies en 2024, soit bien plus que notre objectif initial de 310 millions de dollars.
Ces économies ont été rendues possibles grâce aux efforts déployés par chaque entité pour rationaliser les services et les chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’à un recours accru aux services partagés, notamment s’agissant des voyages, des services de conférence et des fonctions administratives, et à d’autres gains d’efficacité importants. Mais nous pouvons et devons en faire plus.
Dès le début de mon mandat, nous avons lancé un programme de réforme ambitieux destiné non seulement à améliorer nos méthodes de travail et nos résultats, mais aussi à explorer toutes les pistes possibles pour réaliser des économies et des gains d’efficacité. L’Initiative ONU80 offre une excellente occasion de poursuivre sur cette lancée.
En dégageant rapidement des moyens de gagner en efficacité et d’améliorer nos méthodes de travail. En consacrant une plus grande partie de nos ressources aux programmes de développement plutôt qu’aux coûts administratifs. En procédant à un examen rigoureux de l’exécution des mandats qui nous sont confiés par les États Membres – et dont le nombre a considérablement augmenté ces dernières années. Et en menant un examen stratégique des changements plus profonds et plus structurels ainsi qu’un réalignement des programmes au sein du système des Nations Unies.
L’Initiative ONU80 n’est pas une réponse aux coupes budgétaires mondiales… Mais une réponse aux besoins mondiaux. Aux besoins des populations du monde entier. À la nécessité de faire en sorte que ces personnes soient soutenues comme il se doit, à travers des programmes adaptés au contexte national.
Et à l’impératif de travailler de façon aussi efficace, rationnelle et utile que possible. Là encore, nous aurons besoin de l’appui de tous les États Membres pour rendre nos activités plus efficientes.
Alors que nous poursuivons ce chemin de réforme et de renouveau, nous devons garder à l’esprit le plus important: celles et ceux qui, dans le monde entier, comptent sur nous.
Le rapport que nous examinons aujourd’hui ne se limite pas aux chiffres. Le rapport concerne les services et l’aide que nous apportons à certaines des personnes et des communautés les plus vulnérables et défavorisées de la planète. Il concerne les contribuables du monde entier, dont le dur labeur finance notre important travail.
Il concerne notre capacité à mieux répondre aux attentes des États Membres et agir conformément aux priorités de chaque pays. Et il concerne notre quête constante d’efficacité, d’efficience et de responsabilité – tout en restant fidèles aux valeurs fondamentales qui nous animent depuis le tout début.
Continuons d’œuvrer dans l’unité et la solidarité pour construire une ONU encore plus forte et encore plus efficace – prête à relever les défis d’aujourd’hui et de demain. Une ONU adaptée à sa mission et prête à agir. Nous comptons sur le plein soutien des États Membres pour continuer à aller de l’avant.