Le Secrétaire général demande des mandats réalistes, des ressources prévisibles et un soutien politique pour permettre aux opérations de paix de répondre aux défis du moment
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors de la réunion ministérielle sur l’avenir du maintien de la paix, à Berlin, aujourd’hui:
Je remercie l’Allemagne de nous avoir réunis en ce moment décisif.
Cette année marque le quatre-vingtième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies.
Notre Organisation est née de la conviction que la paix est possible si nous agissons de concert, comme une seule et même famille humaine.
C’est dans cet esprit qu’interviennent nos opérations de paix.
Elles mènent des activités de diplomatie préventive et de maintien de la paix...
Elles contribuent à la négociation et à la mise en œuvre de cessez-le-feu...
Elles assurent un appui électoral, conduisent des missions d’observation et des opérations de déminage et protègent les civils...
Elles œuvrent, in fine, au maintien de la paix, thème central de la réunion ministérielle d’aujourd’hui.
Les Casques bleus témoignent on ne peut mieux de la capacité de la communauté internationale à s’unir pour aider les pays en proie à un conflit à parvenir à la paix.
Les soldats de la paix viennent des quatre coins du monde.
Mais ils se mobilisent autour d’un engagement commun: celui de promouvoir la paix.
Au moment où je vous parle, les soldats de la paix des Nations Unies travaillent sans relâche pour veiller à ce que les cessez-le-feu soient respectés...
Pour protéger les civils piégés sous le feu des armes...
Pour faire en sorte qu’une aide vitale parvienne à celles et ceux qui en ont besoin...
Et pour jeter les fondements d’un relèvement durable.
Dans les zones de conflit du monde entier, les Casques bleus sauvent des vies.
Ils apportent également la preuve manifeste que l’action multilatérale peut permettre de parvenir à la paix, de la maintenir et de la pérenniser.
C’est ainsi grâce au concours des opérations de maintien de la paix des Nations Unies qu’une paix durable a été établie dans de nombreux pays, notamment au Cambodge, en Côte d’Ivoire, en El Salvador, au Libéria, en Namibie, au Mozambique, en Sierra Leone et au Timor-Leste.
Aujourd’hui, nombre de ces pays fournissent à leur tour des contingents.
Cela étant, nous sommes conscients que la paix a un prix.
Au fil des décennies, 4 400 Casques bleus ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions.
Nous n’oublierons jamais leur dévouement et leur sacrifice.
Je vous invite à observer avec moi une minute de silence en hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont péri au service de la paix.
Nous devons aux soldats de la paix –et aux populations qu’ils protègent– de renforcer les moyens dont ils disposent pour faire advenir la paix.
Et ce, malgré l’ampleur des difficultés à relever.
Il suffit de penser aux conflits complexes et entremêlés, qui, souvent, dépassent les frontières...
À la polarisation et aux divisions qui s’accentuent de par le monde...
À la mésinformation, amplifiée par les médias sociaux, qui peut avoir des conséquences fatales pour les Casques bleus...
Au terrorisme et à la criminalité transnationale, qui trouvent un terreau fertile dans l’instabilité...
À la crise climatique, qui exacerbe les conflits et rend inhabitables des régions toujours plus vastes de la planète...
Toutes les violations continues du droit international et du droit international humanitaire.
Les conflits n’ont jamais été aussi nombreux depuis la création de l’ONU, et un nombre sans précédent de personnes fuient leur pays pour trouver ailleurs refuge et sécurité.
Nous devons prendre conscience du fait que les opérations de maintien de la paix ne sont efficaces que si les mandats qui leur sont confiés le sont également, et qu’elles peuvent se trouver en difficulté lorsque le soutien politique fait défaut et que les résultats et solutions à atteindre ne sont pas clairement définis ou sont difficiles à cerner.
En parallèle, les divergences de vues sont de plus en plus marquées quant aux modalités de fonctionnement des opérations de maintien de la paix, aux circonstances justifiant leur déploiement, à la teneur de leur mandat et à leur durée.
Nous devons également composer avec de très lourdes contraintes financières.
Face à ces épreuves, nous avons pris des mesures adaptées.
Mais nous devons redoubler d’efforts.
Aujourd’hui, je voudrais insister sur trois points en particulier.
Premièrement, aidez-nous à concevoir des opérations de maintien de la paix qui soient parées pour l’avenir.
Le Pacte pour l’avenir préconise d’entreprendre une Revue des Opérations de Paix, y compris le maintien de la paix.
Cette étude portera sur les moyens de rendre les opérations de maintien de la paix plus adaptables, plus souples et plus résilientes –sachant qu’il existe des cas limites où la paix est très fragile ou inexistante.
Il s’agira aussi de porter un regard critique sur les outils dont nous disposons aujourd’hui et de proposer des recommandations concrètes pour les adapter aux réalités de demain.
Cette étude doit nous permettre de faire en sorte que l’ONU soit prête à déployer des opérations de paix adaptées à chaque conflit et se prépare aux épreuves à venir.
Nous pouvons notamment nous inspirer de ce qu’a fait la FINUL, qui a récemment élaboré un plan d’adaptation destiné à maintenir la paix le long de la Ligne bleue et à garantir l’acheminement d’une aide vitale aux civils dans le sud du Liban.
En République centrafricaine, la MINUSCA protège les civils et aide le Gouvernement à étendre son champ d’action au-delà de la capitale, dans des régions où les gens ont désespérément besoin d’aide.
En République démocratique du Congo, malgré les combats qui font rage, le personnel de maintien de la paix des Nations Unies reste sur le terrain pour protéger les populations vulnérables.
Nous cherchons également à faire des économies au moyen de partenariats, que ce soit avec des États Membres, des organisations régionales ou sous-régionales ou des populations locales.
Nous avons en particulier établi un solide partenariat avec l’Union africaine.
La résolution 2719 du Conseil de sécurité a donné une nouvelle dimension à ce partenariat, puisque nous travaillons à la mise en place de missions d’imposition de la paix qui seraient placées sous la responsabilité de l’Union africaine et financées par l’ONU au moyen de contributions statutaires.
Aujourd’hui, la Revue des Opérations de Paix devra être éclairée –et inspirée– par vos points de vue.
Ce sont en effet les États Membres qui rendent possible le maintien de la paix.
Et ils doivent se mobiliser pour que nous puissions le renforcer en prévision de l’avenir.
Deuxièmement, à mesure que nous rendons nos opérations plus modulables, nous devons faire de même avec nos ressources.
Les opérations de paix ne peuvent réussir que si elles sont étayées par un mandat solide et des contributions claires, prévisibles et durables, sur le plan tant financier que logistique.
Mais, actuellement, le financement de toutes nos activités est mis à l’épreuve.
Et le maintien de la paix ne fait pas exception.
Nous devons impérativement être capables d’utiliser les ressources de plus en plus limitées dont nous disposons, et ce, à bon escient.
Cela passe par un assouplissement des règles et des procédures.
Ainsi, il faut revoir notre politique concernant la suppression et la création de postes et travailler avec les pays fournisseurs de contingents pour être à la hauteur de nos engagements.
Il faut travailler avec les États Membres et le Conseil de sécurité pour que tout nouveau mandat se voie attribuer un degré de priorité adéquat et qu’il puisse être mené à bien au moyen des ressources disponibles et une stratégie de sortie claire.
Et il faut tendre à une utilisation optimale des ressources et des moyens dans toutes nos activités, compte tenu de nos problèmes de financement persistants.
Notre Revue des Opérations de Paix sera indissociable de l’Initiative ONU80, l’objectif étant de maximiser les gains d’efficacité dans toute la mesure possible, moyennant l’appui des États Membres à chaque étape.
Nous ne doutons pas que vos gouvernements nous apporteront leur aide et leurs idées pour relever ensemble ce défi.
Troisièmement, nous avons besoin de votre soutien politique –qui passe notamment par les engagements que vous prendrez demain.
Sans solution politique, les opérations de paix sont vouées à l’échec.
Ensemble, nous devons rallier un soutien accru en faveur de solutions politiques pour toutes les missions de maintien de la paix.
Faire avancer ces solutions politiques nécessite d’avoir les moyens nécessaires pour mener à bien nos opérations – notamment un soutien politique unifié de la part des États Membres, un leadership fort, des troupes bien préparées, du matériel et des technologies.
Ces éléments peuvent renforcer nos opérations et améliorer sensiblement la vie des gens.
Cela nécessite aussi un soutien de tous les États membres pour assurer la sécurité des Casques bleus sur le terrain, ainsi que le plein respect des privilèges et immunités pertinents de notre Organisation et de son personnel.
Nous sommes profondément reconnaissants de votre soutien et des contributions concrètes que nombre d’entre vous annonceront demain.
Le budget des opérations de paix des Nations Unies, réparti entre les 193 États Membres, ne représente qu’une infime partie des dépenses militaires mondiales –environ 0,5%.
Ces opérations demeurent donc l’un des moyens les plus efficaces et les plus économiques de consolider la paix et la sécurité internationales.
Toutefois, leur force est tributaire de l’engagement des États Membres à leur égard.
Malheureusement, les opérations de maintien de la paix sont soumises à de sérieux problèmes de liquidités.
Il est absolument essentiel que tous les États membres respectent leurs obligations financières –en payant leurs contributions intégralement et dans les temps.
Malheureusement, les opérations de maintien de la paix sont soumises à un sérieux problème de liquidité. Il est absolument essentiel que tous les États Membres respectent leurs obligations financières en payant les contributions intégralement et dans les temps.
Aujourd’hui plus que jamais, le monde a besoin de l’ONU.
Et l’ONU a besoin que les opérations de maintien de la paix disposent de tous les moyens nécessaires pour faire face aux réalités d’aujourd’hui et relever les défis de demain.
Ensemble, faisons en sorte que les opérations de maintien de la paix de l’ONU répondent aux défis du moment, aux attentes des États Membres, et aux besoins légitimes de nos soldates et soldats de la paix –et des personnes à qui ils viennent en aide.